Quinze. Cela faisait quinze jours que je n'avais pas revu Suil'. J'avais repris le boulot, et j'étais assez surchargée pour rattraper tout le retard. C'était mon excuse principale. Mais il y avait autre chose, autre chose qui était nettement plus fourbe, plus difficile à cacher. Et ça en devenait même impossible. J'étais amoureuse de Suil, c'était indéniablement vrai. Et même si, avant, j'arrivais plus ou moins à le supporter et à le cacher. Maintenant ça devenait bien trop évident pour qu'il ne se doute pas de quelque chose. Alors, j'ai arrêté de le voir, net. J'avais besoin de prendre mes distances, de m'éloigner de lui. Je ne lui avais donné aucune autre explication que le boulot, sinon je ne m'en sortirais jamais. Mais voilà, je n'avais même pas répondu à ses SMS incessants, ses appels, ou même quand il avait frappé à la porte, que j'avais inhabituellement fermée à clé. Mais, c'était devenu trop dur de le voir, trop dur à chaque fois de vouloir l'embrasser, et tout lui avouer, en sachant que ce serait une cause perdue.
C'est assez troublant comme ça toutes les nuits. Parce que oui, j'y pense même la nuit. Il fallait que je me chasse toutes ces idées de ma tête. Alors je me mis à courir de plus en plus, le matin. Et je rentrais assez vite, bien avant qu'il ne parte, pour ne pas avoir à le croiser. Bien sûr que je souffrais de la situation, Gof me suppliait même d'aller tout avouer à Suile, mais je ne pouvais pas, je ne pouvais pas gâcher notre amitié,  notre lien. Même si j'étais consciente qu'au moment où l'on se reverrait, je n'aurais peut-être plus le choix. Mais il fallait que je garde ce secret à tout prix.
Ce matin, comme tous les matins, je venais de faire mon jogging, je remonta, après une petite séance d'étirements, les marches menant à mon appartement. J'entendais bien quelqu'un descendre. Mais je ne m'en inquiéta pas, je devais me trouver un programme pour aujourd'hui. Je ne travaillais pas, normalement j'aurais passé la journée avec Gof et Suil, mais là, je n'avais pas le coeur d'affronter les jumeaux, même pas Gof'. Alors, j'allais certainement sortir. J'avais tout le reste de la matinée pour trouver quelque chose à faire, mais surtout ne pas rester dans l'appartement.

Je m'acharnais dans le travail, programmant plus de shoots possible. Allant présenter mes books un peu partout, et à côté, faisant plus d'heure au bar. J'avais besoin de ne pas penser. Car, inlassablement mes pensées dérivées sur Suile. Je faisais déjà de nombreuses insomnies à cause de cela, sortant souvent faire un tour au milieu de la nuit pour m'épuiser. Et souvent je remarquais qu'il en était de même chez les jumeaux, et je doutais que ce soit Orf... Lui allait bien, d'après ce qu'il me disait du moins. La nuit précédente n'avait pas fait exception. Elle était même pire que tout. Je n'avais du dormir que trois petites heures. Autant dire rien. Je devais avoir une tête de déterrée, mais je m'en occuperais après le jogging. Au moins le maquillage masquerait tout cela.J'enfile un survêtement horrible, et un débardeur avant de courir pendant plus d'une heure, de toute façon il fallait que j'arrive à m'épuiser, je ne pourrais pas continuer comme ça bien longtemps. Même si la solution que Gof me préconisait m'effrayait au plus haut point, elle commença à faire son chemin.  Mais je n'étais pas encore prête à affronter Suile. Ouais, même si ma vie dépendait grandement de lui, je ne pouvais pas être bien sans lui, il n'y à qu'à voir mon état. J'avais bien compris que ce que je croyais être un béguin passager, était en fait tout autre. Ce n'était pas qu'une attirance physique. C'était un tout, je ne pouvais pas vraiment l'expliquer, je ne trouvais même pas les mots. Mais toujours est-il que j'étais vraiment amoureuse de mon meilleur ami, celui avec qui j'avais partagé 20 ans de ma vie. Et que, si je ne me suis jamais engagée avec un mec, ou même si je n'en ai eu aucune envie, c'est qu'inconsciemment je savais déjà que ce serait Suile que je désirerais aimer plus que tout. Malheureusement je crains fort que la réciproque n'existe pas. Pourtant Gof me disait que j'avais mes chances, mais je n'arrivais pas à le croire. J'étais heureuse que Gof soit là, il était au courant de toute l'histoire et m'avait promis de ne pas en toucher un mot à Suile, ce qui n'était pas simple à ce qu'il me racontait.
Les écouteurs sur les oreilles, en train d'éteindre mon MP3, je me retrouva face à un torse et une voix que je ne connaissais que trop bien. Je déglutis difficilement, avant de relever mes yeux. La vue qui se présentait à moi, m'horrifia. Il avait une tête de déterré, au moins autant horrible que la mienne. Et je pris enfin conscience que je n'étais pas la seule à souffrir de la situation actuelle. Situation que je lui avais tout simplement imposée. Honteuse, je baissa la tête tout en me mordillant la lèvre inférieure. "Euh.. Salut ?" Je me balançais sur mes pieds, loin d'être à l'aise. Je ne savais pas quoi lui dire, il semblait pressé, ce qui, au fond, m'arrangeait, je n'aurais pas à l'affronter trop longtemps.... Je me décale, pour lui laisser le passage et monter jusqu'à mon appartement. Je ne pouvais pas rester plus longtemps, j'avais le coeur qui battait la chamade, et des papillons qui se battaient dans mon ventre.

C'était un véritable enfer que de ne pas avoir de nouvelles de lui, mais je me le devais. Je ne pouvais plus vivre avec cette envie folle qui s'immisçait partout dans mon corps quand je le voyais. Ca devenait difficile de se contrôler de ne pas lui sauter dessus. Et je ne voulais pas prendre le risque de déraper. Ce serait faire une erreur monumentale dans notre amitié. Je sais très bien qu'il se demandait le pourquoi de mon silence soudain. Je sais même qu'il croyait que c'était de sa faute. Et ça me déchirait les tripes de savoir cela. Mais je ne pouvais pas, non c'était au-dessus de mes forces. Il n'existait pas de solution idéale, mais la pire, i y a quinze jours, étaient de lui révéler mes sentiments. Aujourd'hui je n'en étais plus aussi certaine. Mais le mal était fait, je ne pouvais plus changer les choses. À plusieurs reprises j'avais pris mon portable dans l'intention de lui envoyer un SMS pour lui dire que tout vient de moi, que rien n'est de sa faute. Mais, franchement, je ne savais pas quoi lui dire, pour ne pas qu'il m'en veuille, ni même qu'il se doute de quelque chose.
Tous nos petits moments qu'on avait tous les deux me manquait, même si je me confiais beaucoup à Gof sur ce que je ressentais envers Suile, rien n'était pareil, il me manquait ses petits gestes ou mots que pouvait faire Suile, et qui était unique. Et son rire me manquait.
Je rangeais mon MP3 dans ma poche, tout en le regardant, l'observant. Et tout me revenait à la tronche. Non, effectivement j'avais fait une belle erreur. Moi qui pensait que j'arriverais à brider mes sentiments en m'éloignant simplement de lui, je m'étais mis le doigt dans l'oeil, et bien profondément. C'était même pire, j'avais envie de l'embrasser, de fondre dans ses bras. L'attraction était limite insupportable, en tout cas bien pire que celle que j'avais avant. Et je me sentais encore plus coupable, parce que si moi j'avais les traits tirés et les yeux rouges, je ne pouvais pas dire qu'il était mieux, il était même pire que moi physiquement parlant, il ne devait pas dormir beaucoup, et certainement à cause de l'angoisse que je lui ai créé. J'en étais tellement honteuse que je n'arrivais même pas à le regarder droit dans les yeux. Alors je fis, ce que je fais si bien depuis quinze jours : je fuis. J'étais pratiquement en haut des marches lorsqu'il éclate, me faisant sursauté avant que je me fige, la main qui se resserre sur la rambarde. Ne pas pleurer, surtout ne pas pleurer. Mince, pas si facile à faire. Je m'affaissa, laissant couler les larmes sur mes joues. Je ne me retourne, je ne veux pas qu'il voit mes larmes qui coulent le long de mon visage. Je souffle, espérant qu'il me laisse tranquille. " Laisse-moi Suileabhan. S'il-te-plaît, pas maintenant." J'essayais de contrôler du mieux que je peux les trémolos de ma voix dû à mes larmes. Je monte les dernières marches qui me séparait de mon appartement, je saisis mes clés afin d'ouvrir la porte.

Je vis son regard se briser. C'était pire que mon agression. Pire parce que je me faisait mal toute seule, et je lui faisais encore plus mal. Mais je n'avais pas le choix. J'avais été beaucoup trop loin, et maintenant il fallait que j'en assume les conséquences. Et là, j'étais au pied du mur. Parce qu'il ne me lâcherait pas avant de savoir, et je n'arrivais jamais à lui mentir effrontément. Alors la seule solution était la fuite. Je m'étais excusé maintes et maintes fois à Gof de lui faire subir cela. Mais il me souriait toujours, réellement inquiet pour moi. Je ne pouvais pas lui dire il ne comprendrait pas.
Je sursauta et poussa un cri quand il me bouscula pour bloquer l'accès à mon appartement. Je me recula, mettant de la distance physique entre nous. Je secoue vigoureusement la tête de gauche à droite. "Non.... Non pas ici... Pas maintenant Suileabhan" Je l'appelais rarement par son prénom dans son entièreté. Et je fuyais tout autant son regard, honteuse. Mais quand il s'accusa d'avoir gâché notre amitié, je releva prestement mes yeux et secoua avec autant de vigueur " Non.. non n'importe quoi.. .Ce...C'est pas toi... C'est moi.. Mais je n'ai pas envie d'en parler !" Je soupire, vraiment mal à l'aise, et pourtant je ne le suis jamais en sa présence. "Tu peux me laisser entrer... S'il-te-plaît ? Je.. Je veux bien qu'on en parle, je crois que je n'ai pas le choix de toute façon... Mais tu avais l'air de partir, je ne veux pas t'empêcher d'aller à ton rendez-vous." Maintenant restait à savoir comment et qu'est-ce que je pourrais dire. J'allais devoir lui avouer le secret qui allait tout bouleversé entre nous, encore plus que la situation actuelle...

Je soupire doucement, je sais qu'à mon avis si quelque chose ne s'est pas cassé, ça aura changé beaucoup de choses. Je souffla, indécise quand à la conduite à tenir. Et je ne voulais pas l'accabler, parce qu'il n'en avais pas besoin, et qu'il ne le méritait pas. Je baisse la tête derechef, comprenant que mes mots avait du le blesser fortement. "Désolée... Ce c'est pas ce que je voulais dire, enfin si je sais pourquoi mais, je ne voulais pas te blesser davantage." Je soupire, m'en voulant sincèrement de toute cette situation où je suis pleinement coupable. Non, je ne voulais pas qu'il rentre, pas tout de suite, j'ai besoin d'avoir du temps seule, pour réfléchir. Alors quand il imposa sa présence j'explosa. "Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans le fait que je veux être seule ? Et que j'en ai besoin?!! " Lui criais-je, les larmes redoublant. À peine j'avais criais que je regrettais déjà. Je passa ma main dans les cheveux. Tout ceci ne me ressemblait pas. Maintenant je veux bien croire que l'amour pouvait faire n'importe quoi, j'en étais l'exemple vivant. Il se dégagea, je déverrouilla la porte, avant de m'appuyer dessus. Je lui souffla "Désolée..". Je n'arriverais jamais à le regarder en face, je pris une profonde inspiration "Je.. J'ai besoin de réfléchir .. On se voit ce soir, laisse-moi un peu de temps." J'ouvre la porte, prête à pénétrer dans mon antre.

Mais bon dieu qu'est-ce qui me prenait à vouloir tout gâcher entre nous, et à m'obstiner à être têtue de cette sorte. Et je commençais à être en colère, en colère contre moi-même. Et à voir son visage j'avais franchi la ligne limite. je passe ma main sur mon visage, m'insultant de tous les noms possibles. J'aurais aimé faire un geste vers lui. Mais j'étais comme tétanisée. Tout ça commençait à me dépasser, je ne contrôlais plus rien. Je m'en voulais de voir tout autant de douleur sur son visage. Son regard me fit frissonner de peur. "Suil'... Tu viens ce soir ? Je..Je veux juste réfléchir à comment... T'expliquer..." Ma phrase se perdit, il ne m'avait pas écouté, et était déjà perdu. J'étais dévastée de l'ampleur des dégats. Je rentrais dans mon appartement, claquant la porte et me laissant glisser contre le mur.

Cela faisait peut-être une heure ou deux que j'étais restée ainsi, et je ne savais plus quoi faire. Je pris mon téléphone et envoya un SMS destiné à gof.. 'J'ai tout foutu en l'air, jamais plus il ne voudra me parler, tu avais raison j'aurais dû tout lui dire... Mais.. C'est tellement dur, et tellement pire qu'avant. Je... sui sure que c'est lui. Sinon mon coeur ne serait pas réduit en miette... Je.. Je suis perdue Gof'.. J'ai tellement peur de le perdre...'. Le message partit bien à Gof', mais, par une inattention, je l'envoya également à Suile, sans même m'en rendre compte... C'est un Gof en colère qui m'appela et me remonta les bretelles. Il me poussa à me bouger les fesses et à aller réparer les pots cassés.

Je sécha mes larmes, et la seule chose qui me restait à faire, c'est d'aller à l'université où il bossait. Selon Gof je devrais arriver juste avant sa sortie. Dès que je suis arrivée, je me posta sur le mur en face de la sortie, ignorant la bourde que je venais de faire.

Et voilà, je venais certainement de perdre celui qui était le plus important dans ma vie. Même Gof n'était pas aussi important que lui. Je sais combien il déteste ce genre de chose, c'est pour cela que je ne me fais guère d'illusion quand à la perspective qu'il me pardonne facilement. Mais, la dernière chose que je voulais c'était de le perdre, même si, là je donnais l'impression du contraire. J'étais en colère contre moi-même, ce qui était tout à fait normal après tout. J'avais accusé le coup pendant de longues heures et avait ensuite discuté longuement avec Gof, qui m'avait encouragé à bien insister auprès de Suile, comme si je ne savais pas qu'il était aussi têtu que moi.

Me voilà donc devant la fac. Je l'attendais, même si je sais qu'il n'aura certainement pas envie de me parler. Mais, prise d'une détermination nouvelle, j'étais bien décidée à lui parler, coûte que coûte. Je le vis sortir, bon dieu qu'il était beau, je me mordis la lèvre, il avait beau être en colère, il était magnifique. Juste au moment où je m'avança vers lui, il me jeta un regard si froid que j'en frissonna. Mais pas le temps de l'arrêter qu'il continue sa marche. "Hey... Euh..." Je me mords la lèvre, je ne savais pas par où commencer, mais une chose est sûre, si je ne voulais pas le perdre définitivement fallait que je me bouge les fesses. "Je crois qu'on a vraiment besoin de mettre les choses à plats ... Tous les deux... Et particulièrement moi..." J'attrape son bras, vigoureusement, m'accrochant à lui... "S'il-te-plaît... Je..Je sais que ce que j'ai fais dernièrement n'était pas mémorable, tu as tous les droits de me détester je le conçois... Mais je ne veux pas te perdre et je n'ai jamais voulu te faire autant de mal...." Je baissais la tête, réellement honteuse, mes larmes ayant refais surface, même si j'aurais aimé les retenir.

Têtu comme il était, je savais que j'allais me bagarrer pendant de longues minutes pour qu'il daigne m'écouter. Mais j'étais tout aussi têtue que lui. On le savait tous les deux. Et dans mon désir de le protéger, j'avais fais tout le contraire. La route allait être longue pour le pardon, mais je voudrais simplement pouvoir espérer. Ou plus du tout. Le poids était devenue trop lourd. Alors, je m'étais bien rendu compte, que quitte à le perdre, autant qu'il sache que je l'aime. Je me sentirais mieux, selon Gof'. Mais me voilà, devant la fac, on dirait une adolescente qui vient de se disputer avec son petit-ami. Ce qui n'était pas très loin d'être vrai. Alors quand il me fuyait, je le rattrapais et saisit son bras, qu'il retira aussi rapidement. " On fait tous des erreurs, je ne suis pas parfaite, et je suis loin de l'être. Je... C'était.. Je pensais que ne plus te voir était la meilleure chose à faire... Mais.. Mais je me suis trompée, c'est encore pire. " . J'essuie avec mes larmes. Je me fige quand il parle de SMS. "Quel SM... Oh mon dieu...". Et lui, qui m'avais confié sa sensation d'être mis à l'écart quand Gof et moi discutions, voilà que je venais de rajouter cela. " Ce.. C'était le seul avec qui je pouvais en parler.... Puisque c'est à propos de toi...". Je soupire, trouvant bien plus intéressant le bout de mes pieds que mon interlocuteur. "Je.. J'ai pas envie de rester ici pour t'en parler, on peut aller au parc à côté ? Après tu seras libre de me rayer de ta vie quand tu le sauras...". Rien qu'en imaginant cela j'avais eu un haut le coeur. "Je sais que tu ne veux pas me parler, mais moi je te dois des explications, et je suis aussi têtu que toi, voire plus...". J'émis un petit rire, c'est vrai qu'on faisait un beau duo de ce côté-là.

Et voilà, je ne le sentais pas soulagé, d'ailleurs comment pouvait-il l'être après toutes les horreurs que je lui ai fait enduré et dires ? Je crois que j'aurais battu les records de la connerie en un minimum de temps. Je pouvais être fière de moi pour ça. À croire que j'étais douée pour blesser ceux que j'aime après tout. Les jumeaux avaient été les seuls à pouvoir combler cette sensation de vide qui m'envahissait en étant plus jeunes, et voilà comment je les remerciais. Pitoyable. Après tout, je l'avais bien mérité son ignorance. Malgré que c'était la chose que je détestais le plus, je préférais quand il tempêtait contre moi, signe qu'il ressentait malgré tout quelque chose pour moi. "Non pas de toi... de moi.. Enfin.. Putin c'est compliqué...!" Je gémis à la fin de la phrase, j'étais dans un sacré pétrin, toujours est-il que j'étais tenaillé par cette douleur atroce qui envahissait ma poitrine et enserrait mon coeur chaque secondes passant. J'avais le piètre sentiment que tout cela allait aggraver les choses plutôt que les adoucir. Et que, ce que je craignais se réaliserais bien plus rapidement que je ne le pensais. Même si on s'était toujours promis d'être là quoiqu'il arrive. Ouais, bah le destin fait parfois mal les choses. Alors perdu pour perdu, autant se lancer. Il partit sans m'attendre, je marcha un peu en arrière, triturant mes doigts, signe d'une tension extrême, histoire de réfléchir. Mon esprit était brouillé, rien ne ressortait des réflexions quand on arriva dans le parc. J'avisa un banc sur lequel je m'assieds, repliant mes jambes pour que mes pieds reposent sur le bord du banc, entourant mes jambes de mes bras. J'avais sorti auparavant, la gourmette qui m'accompagnait toujours, celle qui suile m'avait offert pour mes dix ans. C'était mon porte-bonheur, mon attache constante à lui. Mais elle était toujours dans mes doigts dans les grandes périodes de stress. Je n'ouvris pas la bouche pendant un long moment, même si je sentais bien que Suile s'impatientait à côté. Je pris une profonde inspiration, avant de parler. "Je.. Je ne sais même pas par où commencer.. Juste.. Ecoutes-moi jusque la fin... C'est ma seule faveur de ce moment, ce..c'est déjà assez difficile d'en parler...". Je posa ma tête sur les genoux, évitant soigneusement de le regarder. "Je.. Ca a commencé, il y a bien un an et demi... Même si certaines me disent que c'est depuis bien plus longtemps que ça.... Mais pour moi, le déclic s'est fait quand vous êtes parti ici. C'était tellement dur de devoir endurer la distance, de ne pas se voir aussi souvent qu'on le voulais sauf par le biais de Skype.. Mais ça ne me suffisait pas. Vous me manquiez tous les deux.. Mais, toi, toi tu me manquais encore plus. J'y comprenais rien, je n'avais jamais eu de préférences. Jamais, alors pourquoi tu me manquais plus que Gof me manquait ? J'avoue que je n'y ai jamais cherché la réponse. Et puis.. Quand je suis arrivée ici, la vie a repris son cours, ses habitudes. Mais, je me surprenais à vouloir passer plus de temps avec toi, seul. Pas que je renie Gof ou autre, je l'appréciais toujours autant, mais j'espérais passer du temps avec toi seul. Je me suis dis que c'était peut-être parce, qu'avec les années passant, on était les plus calme du trio, que l'on se comportait à peu près pareil. Et je ne me suis plus jamais posé de question... Jusqu'à il y a un ou deux mois avant l'agression, j'étais devenue franchement plus tactile vers toi, plus proche encore de toi, comme si je ne pouvais pas m'en empêcher. Et ça me troublait, vachement même. C'est à ce moment que j'ai commencé à parler avec gof, qui lui avait déjà remarqué les changements. C'est comme ça que je compris ce qui m'arrivait. " Je m'arrêta deux secondes pour reprendre mon souffle, mes yeux fixant obstinément le sol. "Mais j'avais décidais de l'ignorer, que c'était ce qu'il y a de mieux à faire. Et que ça allait se passer... Mais il y a eu l'agression... Et tu as été là, plus présent que jamais, plus toi que jamais. Et, je me suis pris comme une baffe dans le visage, jamais ça ne passerait. Jamais le fait que je t'aime passera, Suile." La bombe était lâchée, maintenant, advienne que pourra. "Et j'ai eu peur, peur de te perdre à cause de mes sentiments, peur que tu me rejettes. Même si au fond de moi, je sais que tu ne l'aurais jamais fais, mais cette peur-là elle était viscérale, fourbe, violente. Alors, c'est moi qui a décidé de tout stoppé, de ne plus te voir, parce que je ne pouvais pas assumer le fait que tu me laisses.Je me disais qu'en prenant de la distance tout ce qui se passait en moi allait disparaître, même si Gof me suppliais de te parler, que jamais cela ne s'en irait... J'avais tort, car..Quand je t'ai vu tout à l'heure dans l'escalier, tu sais ce que je me suis dit ? Et bien, normalement, j'aurais du craindre la dispute, mais non, c'était que tu étais vachement sexy, et que j'avais envie de t'embrasser à te faire tomber par terre. Ouais, voilà. Alors oui, j'ai paniqué, j'ai déconné et tout ça n'excuse en rien tout le mal que je t'ai fait. Mais, je ne pouvais plus le cacher, je ne pouvais pas te laisser dans l'ignorance plus longtemps. Mais oui, je t'aime Suile. Ca a été ma plus belle erreur de toute ma vie de ne pas te l'avouer dès l'instant où j'ai compris, et bon dieu comme ça fait mal.." Je mis ma tête entre mes bras poussant un gémissement plaintif, il n'y avait plus qu'à attendre sa réaction, qui ne saurait tarder...

Plus j’étais angoissée, et plus je parlais, c’était certainement un moyen d’évacuer l’angoisse. Et c’est exactement ce qui était en train de se passer. Je m’en voulais parce qu’il était déjà en colère contre moi, mais en plus il allait comprendre que.. Que j’allais tout gâcher, et que tout était bel et bien de ma faute. Alors pour reculer le moment, je me mettais à parler, littéralement, dans tous les sens. Mais je n’avais pas bougé, même si les trémolos dans ma voix démontrait ma profonde angoisse. Mes mains tremblaient. Tout mon corps tremblait même. J’étais au bord de la crise d’angoisse. Mais le problème c’est que le seul capable de me calmer, se trouvait justement à mes côtés mais en colère. J’essayais de prendre de profondes inspirations. « Parce que tu crois que j’y ai cru au début ? » Je frissonne, son ton me fit froid dans le dos. J’allongea mes jambes, m’étendant de tout mon long et regardant le ciel. « Parce que tu crois que j’ai choisi ? Que j’ai voulu ça ? Non ça m’est tombé sur la figure ! Je .. Je ne l’ai pas voulu car cela signait les problèmes, et.. Notre perte définitive. Et maintenant plus rien ne sera pareil... » Je me lève, commençant à faire les cent pas, stressée, tendue. J’étais rarement dans un tel état de stress. Pour ainsi dire jamais. Je n’osais même plus regarder Suile. Mes mains passent dans mes cheveux. Je sais que maintenant il ne me regarderait plus jamais comme avant.. J’émis un rire, un rire froid... « J’ai tout gâché hein ? » Je me retourne vers lui, je me forçais à essayer, en vain, de rester calme. « Je..Tu n’y es pour rien.. Tu n’as rien fait de mal, ou quelque chose de trop... Je ne comprends même pas moi-même comment je suis tombée amoureuse, mais toujours est-il que c’est comme ça... »

J’étais tellement paniquée. D’ailleurs qui ne le serait pas en apprenant qu’on est amoureux de son ou de sa meilleur ami. Voilà pourquoi je n’avais pas voulu y croire les premiers temps. J’avais bien compris tout ce que cela impliquait. Et notamment le fait que notre amitié allait certainement être atteinte définitivement. Adieu les moments tendres comme on a pu en partager auparavant, il ne fallait pas se leurrer, Suile ne me laisserait certainement plus m’approcher de lui avant un bon moment. Et même si il y consent, je ne suis même pas certaine que la complicité qu’on avait jusque là existe encore. J’avais brisé une amitié âgée de 20 ans, pour des sentiments qui seraient certainement à sens unique. Tout se bousculait dans ma tête. Les dernière semaines, horrible, que ce soit pour lui ou pour moi. Le choc de ma propre révélation. Qui n’avait pas été simple, je m’étais confondue en paroles plus ou moins claires. Mais j’étais comme ça, je parlais souvent pour ne rien dire quand j’étais très stressée, et là, je lui avais balancé tout à la figure, en un bloc. De quoi être effrayant, je le conçois parfaitement. Mais ça avait eu le mérite d’être libérateur. J’avais l’impression qu’un camion était passé sur moi, j’étais épuisée par tout cela, mais étonnamment légère. Tout compte fait, je n’aurais jamais pu totalement lui cacher, c’est ce que je me dit. Même si maintenant j’allais devoir en payer les conséquences, j’étais prête à tout pour le garder à mes côtés, même si jamais mes sentiments n’auront de réponses. Je secoue la tête, je m’étais, une nouvelle fois, mal exprimée. « Non... Je ne comprends pas pourquoi j’ai pu développer des sentiments amoureux pour toi dans le sens que l’on est comme une famille, tu es comme mon grand frère... ». Je soupire, je ne savais pas comment lui dire ce que je ressentais, pourtant auparavant j’y arrivais assez bien. Mais peut-être que ça me touchait trop profondément. « Enfin, ce que je veux dire.. C’est que normalement on ne peut pas être amoureux de son frère ... ? » Je repris mes allers et retours, incapable de tenir en place sous le stress. Je m’arrête juste deux secondes quand il reprend la parole. Je baisse la tête, j’avais fais certainement une erreur qui allait certainement peser lourd dans sa réflexion, mais j’avais fais ce que je pensais être bien, il ne fallait pas que je regrette, même si c’était une erreur, on dit toujours qu’on se nourrit de ses erreurs. « Bien sûr... Je... Je suis sincèrement désolée Suil’. Je sais que ça fait beaucoup. Je.. Je n’avais pas le droit de t’imposer cela... » J’évitais son regard par tout les moyens, j’étais bien incapable de l’affronter. J’avais l’impression qu’un immense brouillard s’était immiscé dans mon esprit pour un long moment. Celui qui me laissait même pas capable de réfléchir. J’enfouis mes mains dans les poches, commençant à frissonner, le temps se refroidissait, et je n’avais qu’une simple veste en cuir. J’avais tellement été pressé de rejoindre Suile, que j’en avait oublié qu’on était en plein hiver. Mais, en vérité, je m’en foutais complètement d’être malade. Je commençais à songer à rentrer. Mais, la nuit commençait à tomber et je n’étais pas totalement rassurée de rentrer seule la nuit. Depuis mon agression en fait. Je le regarde deux secondes, avant de baisser mon visage en direction de mes mains. « Euh.. Je...Je pense rentrer... » Je soupire, je n’étais pas très fière de lui demander, et je n’étais pas sûre qu’il accepte. « Mais.. euh... Tu pourrais me raccompagner ...? Non pas que je ne sois pas assez grandes... Mais, depuis mon agression... J’ai un peu.. Peur... » Je serrais mes mains entre elles, priant silencieusement pour que la réponse soit positive, sinon j’allais devoir trouver un autre moyen pour réussir à rentrer sans faire une crise d’angoisse, déjà que je l’avais échappée belle il y a moins de dix minutes, ce n’était pas pour en faire une ensuite.

Je me sentais soulagée d’un poids, ce secret était lourd à porter. Mais, d’un autre côté, je n’étais même pas prête à envisager tout les changements qui allait se faire dans les prochains jours. Je ne suis pas bête, je vois bien que ça le perturbe, et il y a franchement de quoi. Mais il ne me disait rien, je ne savais pas ce qu’il pense, ce qui lui fait peur... Et je ne cherchais pas à savoir, parce que je n’en avais pas la force, et je ne voulais pas le forcer, ça nous ferais plus de mal que de bien en ce moment. Et je sais que cela ne restera pas sans explications. Il lui faudra du temps, et j’étais prête à lui en donner, autant de temps qu’il voulait. Je lui étais déjà reconnaissante de ne pas être partie en courant après l’annonce, même si ce n’est pas dans son genre de le faire, l’énormité de la situation amène parfois à faire des choses complètement incompréhensible, comme disparaître pendant deux semaines. Quand j’ai commencé à avoir des pensées... Etranges ? Déplacées ? Je n’arrive même pas à bien qualifier mes propres pensées tellement c’en était perturbant, surtout que ça pouvait survenir à n’importe quel moment. Mais, j’arrivais encore à chasser ses pensées et à profiter de l’instant. C’était encore un minimum contrôlable, contrairement aux dernières fois, où j’y pensais même quand je n’étais pas en présence de Suile. Et plus je mettais de la distance, plus j’avais l’impression que c’était de la torture, vu la douleur que j’avais et que je m’infligeais. « Je suis totalement perdue.... » Mon ton était plutôt las, désespérée... J’ai l’impression que mon cerveau est en plein surmenage, qu’il n’arrive pas à réfléchir. Mais c’est quand même troublant tout cela, de quoi faire chauffer mon pauvre cerveau. Je continuais de faire des allers et retours, mon stress ne descendant pas. Je risquais vraiment la crise d’angoisse. Je frottais mes bras histoire d’essayer de me réchauffer. Il fallait que je rentre, il commence sérieusement à faire froid, et je crois que pour le moment on s’est tout dit. Que dire de plus ? Je m’étais excusé, mais je sais qu’il n’est pas encore prêt, cela se voit dans son regard. Alors je préférais attendre, seule chez moi, qui refasse le premier pas, plutôt que je me ridiculise davantage face à lui.
Je lui demande donc de me raccompagner, ne pensant même pas qu’il allait vraiment accepté, mais bon qui ne tente rien n’a rien. Je fis un faible sourire hochant la tête. « Merci... ». Je ne pensais pas qu’il le ferais vu le déroulement de la journée. Je me raidis subitement, pendant quelques secondes, alors qu’il m’enlace, je ne m’y attendais vraiment pas, surtout après tout ce que je lui ai dis. Mais je fini par répondre à son étreinte rapidement, avant de me reculer. Je veux déjà éclaircir les choses. « Oui... Mais avec tout ce qui s’est passé dernièrement... Je te suis» Je coupe ma phrase, sachant pertinemment qu’il risque de me rabrouer encore.... Je lui offre un petit sourire avant de marcher, à ses côtés. Il m’étonne encore quand il enroule un bras autour de moi. Ce geste, pourtant si insignifiant me rassure. Et dieu sait que j’ai besoin d’être rassuré. « Tu.. Euh.. tu sais... Tout ces moments-là... » Parlant clairement des moments où on était proche physiquement .. « Même si parfois j’avais des pensées... Bizarres.. Je.. Je n’ai jamais tenté quoique ce soit, et je ne tenterais jamais rien. .. Je veux juste que tu le saches. » Je mordillais ma lèvre inférieure, je ne tenterais jamais rien sans que j’ai son consentement... « L’amitié avant l’amour... tu te souviens ? » Oh, à de nombreuses reprises, ils se le rappelaient, tous les trois. Et oui, l’amitié de Suile était importante, jamais elle ne prendrais le risque de perdre cette amitié, qui signifierais la perte de Suile lui-même.

Généralement quand j’étais dans un état de stress et d’angoisse, c’était vers Suile que je me tournais. Mais là, c’était différent puisque mon angoisse et mon stress, il ne pouvait pas forcément y faire quelque chose. Parce qu’il était tout bonnement dans le même état que moi. Je mordille ma lèvre inférieure, m’arrêtant pendant deux secondes de piétiner le sol. Je ne réponds pas à ce qu’il me dis, parce que je ne savais pas quoi répondre tout simplement. Je finis par me rasseoir, je devais lui faire tourner la tête à force. Je soupire, repensant à tous ces derniers mois. À tout ce qui faisait que c’était nous. Tous les moments de complicité, d’échanges. Et dieu seul sait qu’il y en a eu des milliers. Mais toujours est-il que, malgré ma révélation, j’aimerais préserver mon amitié avec lui. J’espère qu’il le sait.
Voulant être transparente avec lui, ne plus lui cacher des choses, je lui avoue donc que, oui, parfois j’ai eu des pensées qui peuvent paraître déplacées, ce n’était pas de gaieté de coeur que je faisais cela, je n’aimais pas le faire souffrir ou même juste qu’il puisse se sentir trahi, c’était un sentiment qui me broyait le coeur. « Je sais bien, mais.. Mais je préfère être honnête avec toi... » Je donnais vraiment parfois le bâton pour me faire battre... Mais j’allais tout assumer, pour lui, pour nous. Je ne voulais plus lui mentir, c’était bien trop douloureux. Au moins, maintenant j’en tirais les conséquences de mes actes. Je sentis un froid lorsqu’il s’éloigna de moi, je baissa juste la tête, continuant à marcher jusqu’à sa voiture. Je lui rappela juste ce que l’on se disait, pourquoi ? Certainement un besoin de me rassurer, de savoir que l’on va réussir à surmonter cela, même si cela semblait vraiment, mal très mal parti. Arrivée à la voiture, je fus à moitié étonnée qu’il ne m’ouvre pas la porte. Après tout j’en arrivais même à comprendre le pourquoi. Une fois sur le chemin du retour, le silence était vraiment pesant, aucun de nous ne prenait la parole. Je ne savais plus quoi dire, de peur de faire une gaffe ou de le blesser encore plus que je ne l’avais fais aujourd’hui. Je n’osais même pas poser mes yeux sur lui. Alors je regarder à travers le carreau le paysage défilé. Nous étions dans une impasse, où l’on allait certainement devoir faire un choix, mais personnellement aucun des deux choix qui m’apparaissaient comme évide me convenait, parce que tout changerais totalement, et aucun de nous deux n’en sortirais indemne. Remarquant qu’on arrive vers l’appart’, je le laisse se garer, avant de me détacher et de regarder mes mains, liées sur mes genoux. « Je.. Tu sais où me trouver... » Je soupire, je voulais lui laisser du temps, tout le temps qu’il a besoin, et donc je ne ferais pas le premier pas, même si actuellement j’avais vraiment envie de le serrer dans mes bras, de lui dire que l’on va s’en sortir. Que ‘on va surmonter tout ça.