Les hormones la rendait encore plus surprenante que d'habitude. Ses réactions s'enchaînaient sans une cohérence spéciale, tout était presque abstrait. Mikaël regardait le spectacle un oeil amusé, qui le fut moins lorsqu'elle joua avec SES hormones masculins, aussi réactifs que la progestérone!
« Tu ne peux pas me faire ça! » Il avait parlé comme un petit garçon à qui on avait volé quelque chose. Non vraiment, elle n'avait pas le droit de s'amuser à le faire languir de cette manière. Après tout, les jeunes couples étaient si frivoles. C'était visible chez eux, leur culte du sexe était voyant à 10 000 km à la ronde, qu'est ce qu'il en serait dans dix ans?
« Je crois que je vais prendre ton idée du jet, en plus de ça une fois à Stockholm pas question de parler de sexualité avec mes parents. Ah oui, parce qu'ils sont ouverts à la-dessus mais si tu pars sur le sujet ils vont te travestir aux soirées échangistes suédois, dont ils sont totalement dingues.» Le jeune homme ne croisa pas le regard de Lynn, et lui laissait la liberté d'interpréter sa phrase comme bon lui semblait. Mais il ajouta : « Mmh, des soirées échangistes, ça te parle, non? » Il lui caressa le dos jusqu'au fesse un sourire coquin à la bouche. Sacré Mikaël. « Ça va je rigole, tu m'as frustré, il faut t'en prendre à toi-même !» Le pauvre garçon partit se servir une bière. Il n'y avait pas d'heure pour ça. Et inconsciemment il s'alluma une cigarette, comme si il n'avait pas fumer depuis des lustres.
Les gros yeux répétés de Lynn ne le fit pas comprendre tout de suite, prit jetant un coup d'oeil à la clope qu'il passait dans sa bouche il s'exclama : « Merde, j'avais zappé ça aussi. » Il écrasa la nauséabonde chose et la jeta par dessus son balcon. « Tu m'enlèves le sexe, la cigarette, je vais me priver d'alcool aussi? » Les origines nordiques sont formelles, les grands colosses savent profiter des plaisirs de la vie aussi bien qu'Adam au jardin d'Eden. Aussi il appuya sa blague en l'embrassant, lui refilant au passage le goût des quelques bouffées de tabac qu'il avait prise. Difficile d'être parfait finalement. « Qu'est ce que je ne ferais pas pour toi? »

Lynn avait fait les gros yeux sans vraiment s’en rendre compte, plus par réflexe qu’autre chose. Il faut dire que la demoiselle n’avait pas énormément de vices au compteur… bien qu’elle sache résister à l’alcool à l’extrême et n’ait pas manqué de partenaires lors de ces dernières années, elle savait toujours se mesurer et ce qui n’était plus accessible n’était pas forcément à pleurer. Même pour cela, son entraînement de la CIA était excellent. Sauf qu’en face de Mikaël, difficile de feindre comme si elle ne le désirait pas. Il serait même cruel de le lui faire croire alors que ce n’était aucunement le cas, pas une seconde. « Ce sera plutôt à toi de me donner tes disponibilités… à la condition expresse et formelle que l’on ait vu mon père avant. Je voudrais qu’il soit au courant rapidement, et… je ne veux pas lui dire au téléphone. » Ils avaient été séparés pendant trop longtemps pour utiliser la technologie afin de se parler. Adam comme Lynn étaient adeptes de grands déjeuners où ils refaisaient le monde, dès lors que leurs emplois du temps respectifs le leur permettaient. « On pourrait lui rendre une petite visite, quand tu seras prêt ? » A être manger cru sans sauce, il va sans dire. Adam n’allait pas forcément être la bienveillance et l’accueil chaleureux incarné, à vrai dire. D’abord, il lui faudrait son gendre, puisqu’il lui faudrait le considérer comme tel. Et à ce jeu là, même Lynn ne savait guère de quoi son père était capable… mais quelque chose lui disait qu’il était tout à fait en mesure de se faire embaucher au journal exprès pour le surveiller sur son lieu de travail. Dans la famille Maryweather, on ne lésine pas sur les moyens pour obtenir la chose convoitée !

Ceci étant, alors qu’ils n’étaient pas loin de la cuisine, Lynn dû surprendre Mikaël en s’armant d’un couteau de cuisine qui semblait être très bien aiguisé avant de le pointer vers lui, tout en restant à bonne distance afin d’éviter tout dommage collatéral… « Que les choses soient claires, Mikaël Arthur Strömblad : si tu oses aller dans un club échangiste, je te coupe tes précieux bijoux et te les fais bouffer au petit déjeuner !! » Il valait mieux la prendre au sérieux, surtout qu’elle venait de l’appeler par ses différents prénoms ainsi que son nom… cela prouvait au suédois qu’elle avait très bonne mémoire et n’avait pas oublié un détail de ce qui avait constitué son dossier. « Il faudrait que tu m’expliques où tu as vu jouer que l’on allait s’abstenir pendant six mois ! Sérieusement, tu penses que je suis fragile au point de ne plus pouvoir te faire grimper des monts que tu n’as pas encore explorés ? Mik, je ne suis pas en sucre ! J’ai vu pire, crois-moi, alors sors-toi cette idée de la tête ou je te prouve dans les cinq secondes que tu ne devrais pas me défier comme ça. » Délicieuse menace…

Les propositions de Lynn n'avaient rien à voir mais était, toutes les deux aussi alléchantes les unes que les autres. Du moins, surtout la deuxième plus que la première. Rencontrer son père? Il lui avait dit que ce n'était pas un problème, et ça ne l'était toujours pas. Il comprenait aussi qu'elle souhaite aller à sa rencontre pour lui annoncer la nouvelle. C'était sûrement une décision plus réfléchie, que d'appeler sa mère au bout de quelques mois et de lui vomir les changements comme si de rien n'était.
« Je te propose qu'on aille d'abord faire une entrevue avec ton cher père, histoire que je fasse sa connaissance et qu'il me fasse un interrogatoire digne d'un entretien d'embauche. Ensuite, on pourrait tranquillement prendre ton jet, passer le septième ciel et profiter de la chaleur ambiante de Stockholm. » Petite touche d'ironie au passage, la température de la Suède n'atteignait pas des montagnes. C'était même... Le froid, juste le froid. Certainement avait il déjà oublié l'atmosphère de cette ville, n'y étant pas allé depuis qu'il avait rompu avec Erika.
« Et je propose aussi que tu me fasses jouir des qualités dont tu ventes le plus vite possible. Si on ne doit pas attendre six mois, pourquoi attendre une journée? » La ferveur de la jeunesse qui s'éprenait du suédois. Il se rappelait de leur retrouvailles dans ce restaurant, il y avait quelques mois. Dans ce restaurant où ils avaient certainement confectionnés le petit bout qui grandissait paisiblement dans le ventre de la belle brune. « En plus dans quelques mois que tu auras le ventre aussi gros que ta poitrine, je ne pense pas qu'il sera possible de trouver un chemin pour parvenir au jardin enchanté.» La pauvre femme, elle allait devoir être aussi accrochée que son bébé pour suivre le colosse. Du moins non, pas comme son bébé puisqu'il y aurait des risques qu'elle lâche rapidement. Leur couple était électrique, les parents des deux adultes allaient assister à un spectacle des plus divertissants. Dur de s'ennuyer avec ces deux là, dur de s'ennuyer quand Lynn Maryweather est la femme que l'on aime.
« D'ailleurs, je suis content que tu te souhaites de mon nom complet, puisque c'est celui que tu porteras un jour. Non, je ne suis pas avenant, pas le moins du monde.»

« Que penses-tu de ce soir ? » Lynn n’était pas sans connaître l’emploi du temps de son père sur le bout des doigts, et pour cause, il était son nouveau patron direct. Elle savait aussi qu’il aurait très bientôt besoin de ses services et qu’il lui faudrait réapprendre à se couper soigneusement en deux pour effectuer son travail d’un côté, et être aussi présente que possible pour Mikaël. Hélas, ils ne pouvaient pas profiter de vacances durant toute une vie… bien que l’envie soit diablement intéressante. « Je veux dire, pour passer voir mon père. Je sais qu’il n’est pas en mission actuellement, il sera donc plus attentif face à ce que j’ai à lui dire, tu ne penses pas ? » Surtout de meilleure humeur. Adam Maryweather avait ses moments, comme tout le monde. Il ne valait mieux pas espérer lui parler s’il bricolait sa Harley, par exemple. Mais Lynn allait se débrouiller pour qu’ils y soient avant que l’idée ne puisse lui traverser l’esprit. Mais pour l’instant, la jeune femme mit soigneusement le dossier concernant son géniteur de côté pour mieux s’emparer des deux pans de la chemise de Mikaël afin de l’inciter à la suivre jusqu’à la chambre. Elle le poussa sans douceur contre le matelas, fidèle à ce tempérament toujours aussi imprévisible et presque sournois dont elle savait si bien faire preuve. Sauf qu’au lieu de se perdre en longs discours, elle se contenta de commencer à déboutonner très lentement chacun des boutons de la chemise du jeune homme, cherchant à créer un nouveau sentiment de frustration qui n’allait faire que croître au fil des minutes, elle en était certaine. « Et si je m’éloigne à nouveau, tu feras quoi ? » se permit-elle de demander, sans pour autant lui laisser le temps de répondre, car déjà, elle avait plaqué ses lèvres contre les siennes afin de les dévorer en un baiser des plus passionnés.

Mais la fin du discours du beau suédois la stoppa en cours de route, et elle s’écarta pour le regarder, à la fois interloquée et surprise. Ils n’avaient jamais parlé sérieusement de l’avenir, ni même n’en n’avaient déjà parlé, puisque Lynn était souvent absente et que leurs retrouvailles étaient toujours peuplées par l’instant présent uniquement. Venait-elle de rêver ou émettait-il la possibilité qu’il puisse un jour l’épouser ? « J’ai bien entendu ? » Difficile de savoir si elle le prenait bien ou mal. A vrai dire, Lynn elle-même ne savait pas comment le prendre : après tout, elle était la seule des deux à avoir dit je t’aime à l’autre ! Pour quelqu’un d’handicapé du sentiment d’ordinaire, c’était tout de même quelque chose… « Tu veux m’épouser un jour ? »

Il s'était déjà prit au jeu de la jeune femme lorsqu'elle jubilait de sa soumission masculine. Mais fut vite coupé par les yeux ronds de la jeune femme et sa réaction de fille surprise. Il avait su qu'il déclencherait une telle réaction de sa part quand il avait prononcé ses mots. Il ne l'avait pas fait sans tourner sept fois sa langue dans la bouche. Néanmoins il fallait avouer l'idée lui avait traverser l'esprit dès qu'il avait réalisé qu'il deviendrait bientôt père. Après-tout, l'enfant est déjà la plus belle manière de sceller une relation. Mais pourquoi laisser de côté le mariage? Il officialisait les choses d'un point de vue social, au niveau du pays, de l'état. Mais aussi au niveau des parents de la jeune femme, par exemple. Il pourrait sans aucune honte regarder sa figurine paternelle dans les yeux, sachant qu'il possédait sa fille de la manière la plus sage possible. Mikaël aimait plaire à ses beaux-parents, et il n'y avait pas manqué avec ceux de son premier amour. Il était la politesse incarnée mais aussi tout ce que pouvait apprécier un père dans la deuxième moitié de sa vie.

« Epargne-moi ces yeux de merlans frit. Tu sais très bien que j'ai un livre de réplique à l'eau de rose dans la poche intérieur de ma veste que je n'hésite pas à me servir des meilleures citations pour t'en mettre plein les yeux!» Il montrait sa poche avec un grand sourire, montrant par la même occasion qu'il rigolait. Et que derrière ce prétexte périmé il avait été sérieux. Comment ne pas l'être lorsque l'on touchait à ce sujet? Il s'agissait d'un engagement beaucoup plus fort que tous les autres. Et bien que le divorce existe et soit répandu chez tout les couples, il ne prenait pas ce genre de décision à la légère.
« Je pense seulement que le mariage serait à envisager, ni plus ni moins. Avec le petit bout que nous aurions dans les bras on atteindrait la consécration. » Mikaël déposa un rapide baiser sur les lèvres de son amante. « Puis, c'est ce que font les personnes normales quand elles s'aiment, non? » Peut-être avait il touché un point sensible chez elle, peut-être avait il fini par lui faire peur en débitant une telle possibilité. Il avait tendance à oublier que leur relation avait commencée très vite, sans se poser sur des bases véritablement définies. Mais il n'en avait eu que faire, l'amour explique tout dans ces moments. Le rationnel n'importe que peu. « Notre fils pourrait grandir avec des parents mariés, je trouve que d'un point de vu social et légal il est plus agréable pour lui de se poser la question.» Déjà maintenant le suédois considérait que cette troisième personne était à leur côté.

« Non ne joue pas avec ça : c’est pas drôle ! » Il s’agissait bien du seul sujet au monde avec lequel Lynn Maryweather ne pourrait jamais plaisanter. A sa décharge, elle avait de nombreuses circonstances atténuantes et autres souvenirs traumatisants à ce sujet. Ceux-ci n’avaient rien à voir avec le fait que le mariage de ses parents ait été un échec cuisant, du reste, mais plutôt tout à voir avec sa traumatisante histoire d’amour. Tomber amoureuse d’un fils de mafieux avait été la plus merveilleuse expérience qu’elle ait pu vivre, mais également la plus douloureuse. Comment diable oublier que James avait été tué le jour même où il comptait lui demander sa main ? Pas étonnant que la charmante espionne panique littéralement… bien que cette fois, on doive reconnaître qu’elle avait tenu ses nerfs à la presque perfection. « Tu oublies que je ne suis pas exactement ce que l’on peut appeler une personne normale ? » Non elle n’essayait pas de se défiler. Simplement de lui faire comprendre que si elle serait la première à sauter de joie à la simple idée de devenir sa femme, ses anciens démons n’auraient de cesse de la poursuivre jusqu’à ce que le fameux « oui » soit prononcé. On ne change pas une personnalité d’un claquement de doigt, surtout pas un tempérament tel que celui de Lynn… « Mon ange tu es tellement romantique. C’est une qualité en perdition chez un homme, tu sais ? » Mais il n’empêche qu’elle se laissa basculer sur le côté histoire de s’allonger sur le dos, tandis qu’elle caressait délicatement son ventre déjà arrondi.

« Ce n’est pas le mariage en lui-même qui m’effraie. Mais plutôt le fait que si ça se trouve, je ne serais pas toujours capable de te protéger, de VOUS protéger, et ça, ça me rend malade d’avance. La dernière fois que l’on a voulu demander ma main, je me suis renfermée sur moi-même pendant des années… jusqu’à te rencontrer. Je refusais toute histoire avant. Je me débrouillais même pour tout gâcher avant même que l’on m’apprécie. Je n’ai juste pas envie que tu te prennes une balle avant d’avoir pu me poser la question, vois-tu ! » Ses yeux étaient légèrement humides, mais c’était encore supportable. Lynn essayait de se maîtriser, tant bien que mal, se maudissant de gâcher une discussion aussi importante avec des peurs datant de Mathusalem. « J’ai bien peur d’être une femme compliquée… Tu avais voulu l’épouser ton ex ? » Aaaah question fatidique cachée : l’épousait-il à cause du bébé ou pas ?

Mikaël resta attentif à la jeune femme, à tel point qu'il la suivit lorsqu’elle s'allongea. Il souleva sa tête et la posa sur ses genoux alors qu'il prenait une infime place sur le canapé. Elle posait des véritables questions, traumatisée par des faits du passé. Il entendait, il comprenait et ne pouvait pas les contredire, mais après tout : « Je ne sais pas si je peux t'appeler 'normale', c'est vrai, mais est-ce que ça peut empêcher que je t'appelle 'ma femme'? Je veux dire, je sais bien que tu as un passé lourd qui te suit. Je sais bien que tu n'as pas eu des années toutes roses avant de me connaître. Néanmoins, tout ça c'était avant! On peut avancer ensemble? On n'est pas obligé de retracer une histoire déjà passée, on peut tout simplement faire la nôtre. » Il était bien dur de gommer des souvenirs, puisqu'ils ne pouvaient pas disparaître. Mais Mikaël pouvait en créer de nouveaux. En créer des nouveaux magnifiques, qui empêcheront la jeune femme d'être éprise de nostalgie. Elle avais su guérir les maux et les cicatrices du jeune suédois, il lui en devait une bonne. « Je ne sais pas pourquoi tu viens mettre mon ex là-dedans mais si ça t'intéresse on l'avait déjà mentionné. Sûrement j'ai du y coupé court quand je suis partit pour l'Amérique. chose que je ne regretterais plus jamais depuis que tu es là.» Mikaël souriait, pas comme si il venait de dire les bons mots pour la satisfaire, mais simplement parce qu'une fois de plus il venait d'être sincère quant au sujet de ses sentiments. Rien t'était trop beau pour lui, et bien sûr Lynn est arrivée pour lui prouver le contraire.

« Enfin bref, on aura l'occasion d'en reparler tu ne crois pas? Je ne suis pas pressé, pas le moins du monde. Par contre, il y a quelque chose que l'on peut faire maintenant. Tu vas prendre ton magnifique portable que le copain le plus parfait du monde t'a offert, et appeler ton père pour poser un rendez-vous ce soir.» Si la brune n'était pas entreprenante à l'idée d'un mariage, il comprenait. Néanmoins il ne fallait pas attendre pour rencontrer sa figurine paternel, et de qu'elle en avait dit Mikaël avait une drôle d'envie de le rencontrer. Lui prouver une fois de plus qu'il serait le compagnon idéal, et que même avec son caractère aussi merdique que le sien, il pouvait en valoir la chandelle.

Lynn ne savait pas exactement pourquoi elle avait demandé un tel détail sur son ex. C’était complètement stupide et ne pourrait que faire s’enflammer sa jalousie, elle le savait. Cela dit, elle devrait reconnaître cela à Mikaël, lorsqu’il ne se lançait pas dans une hilarité lui étant propre, il était parfaitement en mesure d’apaiser ses craintes et de lui faire comprendre qu’ils avaient le temps. Rien ne pouvait avoir plus d’importance que cette simple idée dans l’esprit de la brunette. « Copain ? Non, tu es plus que cela. Si tu te souviens de ce que je t’ai dis avant de partir, le terme plus exact est : compagnon. » C’est ainsi qu’elle allait le présenter à son père, d’ailleurs. Et en parlant de son père, elle n’attrapa pas son téléphone portable tout neuf en vue de l’appeler, fidèle aux habitudes de sa propre famille, et incita le beau suédois à se relever en lui prenant délicatement les mains dans les siennes. « A défaut d’avoir un prénom pour le petit bout… on sait déjà quel sera son nom de famille. » Une façon à la fois implicite et délicate de lui dire qu’elle n’était pas effrayée à l’idée de l’épouser, et que rien ne pourrait la combler davantage. Il lui offrait tout ce qu’elle n’avait jamais osé désirer depuis ses dix-sept ans, il était donc logique qu’elle le lui fasse savoir ! Aussi déposa-t-elle un premier baiser, timide, comme s’ils réapprenaient à s’apprivoiser, avant d’en oser un deuxième, plus sauvage et passionné, finissant finalement par entourer le cou du jeune homme de ses bras pour ne surtout pas mettre un terme prématuré à cette étreinte dont elle avait grand besoin après une vague d’émotions si imposante. « Je ne vais pas l’appeler. On va directement aller le voir… »

En moins de temps qu’il n’en fallut pour le dire, Lynn et Mikaël étaient à nouveau devant le 4x4 Chevrolet, et aussitôt, une drôle de sensation s’empara d’elle : ce n’était pas tant qu’elle n’ait pas envie de conduire, surtout qu’elle adorait ça, mais aussi vrai qu’elle préférait toujours se donner les sensations les plus fortes à bord de sa moto préférée, la presque fausse couche de la veille l’avait pour ainsi dire… vaccinée. « Ça te dérangerait beaucoup de conduire ? » lui demanda-t-elle, presque gênée d’être reléguée au rang de faible femme alors qu’elle n’en n’avait ni l’allure ni l’habitude. Et d’ailleurs, elle ne laissa guère le temps à Mikaël d’en placer une à ce sujet car elle pénétra du côté passager, le plus docilement du monde, prête à lui donner l’adresse de l’immense baraque de son père en dehors de New York… il n’avait jamais supporté la ville sur la durée. « Sois toi-même avec mon père, surtout. Oh, il s’appelle Adam, mais laisse-le te proposer de l’appeler par son prénom en premier. Il est fan de tatouages, de moto et de boxe… donc je pense que vous aurez beaucoup de choses à vous dire. Et surtout… laisse-moi amener le sujet du bébé, sinon il risque d’avoir envie de t’étriper avant d’avoir pu t’apprécier à ta juste valeur. Pas nerveux hein ? » Lynn n’était pas stressée le moins du monde : plutôt diablement enthousiaste.

Mikaël n'avait pas le temps de donner son avis sur les évènements qu'elle l’emmenait déjà vers la voiture. Comme quoi, même enceinte c'était toujours elle qui portait la culotte! Il ne trouva rien à redire avant d'être installé dans la voiture une fois de plus à la place du conducteur. Espérant qu'il n'y aurait pas de mauvaises surprises comme il y en avait eu il y a deux jours. « Vous êtes plutôt rapide chez les Maryweather! Il ne risque pas de faire une syncope en te voyant débarquer avec ton 'compagnon' comme si de rien n'était? C'est plutôt spontané!» Le suédois n'était pas particulièrement quelqu'un de lent, mais il se trouvait presque brusqué par la suite des évènements. Etait-il à ce point nerveux? Pour lui un peu de préparation aurait été nécessaire. « Tu me met devant les faits accomplis, enfin presque, et s'il ne m'appréciait pas le moins du monde? On serait un peu mal barré, non? » Il y avait une part de crainte en lui, il ne pouvait pas décevoir Lynn, et encore moins son père. L'homme ne pouvait pas plaire à tout le monde, c'était inévitable. Concernant ses parents il savait bien qu'ils appréciaient la jeune brune, c'était totalement le genre de personne qui était bienvenue dans la famille. Quant était-il pour lui? Il ne savait pas grand chose de cette figure paternelle au fond, il envisageait déjà le mariage et le bébé était en route, mais il n'avait même pas vu ses parents. Et la rencontre avec sa mère ne serait sûrement pas envisageable.

« Je crois que j'aurais du mal à l'appeler par son prénom dès la première entrevue de toute façon. On ne dirait pas comme ça mais tu sais que je peux être très timide? D'ailleurs, en parlant de tout à l'heure à l'appartement. Je rêve où tu as presque donné une réponse positive quant au sujet du mariage? » La route n'était pas très longue, et il avait déjà enregistré l'adresse que Lynn lui avait communiquée dans le GPS. Il appréciait déjà le fait que son père se soit éloigné de la grande ville, ça lui donnait une sorte de distance par rapport à la vision du monde. Mais il le voyait plutôt comme un mathématicien qu'un littéraire, et se demandait si leurs différences sociales n'empêcheraient pas l'entente.

Lynn n’avait pas lâché Mikaël des yeux depuis de longues minutes, alors qu’il conduisait pour l’une des premières fois depuis qu’ils s’étaient rencontrés. Difficile de mettre un mot précis quant au regard qu’elle lui lançait, puisqu’il s’agissait d’un mélange de tendresse, d’amusement, et, évidemment, de profonde affection. Elle savait déjà que son père allait l’adorer, c’était impossible autrement. « Timide ? Serais-tu nerveux dois-je comprendre ? On peut reporter, tu sais, ce n’est pas du tout un problème. Au pire, je peux lui annoncer la nouvelle au boulot demain matin. » Il ne fallait pas oublier qu’à partir de maintenant, Lynn allait faire équipe avec son père, et quelle équipe ! Ils étaient toujours sur la même longueur d’onde, aussi fou l’un que l’autre, capables du meilleur comme du pire. Certes, Adam Maryweather était légèrement plus imprévisible que sa fille, mais elle était de loin la meilleure chose qu’il n’ait jamais faite et rien que pour cela, il mettrait en avant son bonheur à elle. L’avis qu’il aurait ne devait pas compter tant que cela dans la balance. « Tu veux que je t’apprenne une bonne chose ? Mon père est l’exact opposé de ma mère. Alors c’est vrai, au départ, il va essayer de déstabiliser pour s’assurer que tu as les épaules solides et que tu ne vas pas te barrer à la première occasion… mais il sait aussi que je suis capable de me défendre. Il se fit à mon jugement les trois quart du temps et aussi vrai que j’ai été en mesure de le sauver en Birmanie sans même craindre la colère titanesque de ma patronne de mère, il fera passer mon bonheur et mon avis avant le sien. Si j’ai confiance en toi, il aura confiance en toi. Il sait très bien que ma vie personnelle n’a été qu’un chaos ambulant depuis mes dix-sept ans, alors me voir enfin avec un peu de stabilité va lui faire plaisir, tu peux me croire. » Il est vrai qu’Adam avait botté l’arrière train de bon nombre de couillon ayant voulu harceler Lynn. Autrefois, la demoiselle ne faisait pas dans le sentiment… mais quand son père verrait la métamorphose, il y avait fort à parier pour qu’il ne soit pas réticent longtemps. « Surtout que même s’il ne le dirait jamais clairement, mon père espère que je lui fasse un petit fils depuis un lustre et demi. Il voulait un fiston à la base, pour lui apprendre la boxe et lui présenter les bons tatoueurs. Bon, le second point risque de me faire devenir chèvre puisque mon fils n’aura pas autorisation de se tatouer avant sa majorité, mais il n’empêche. Tu vas le voir, le grand chef de commando en mode gaga ! Je le vois d’ici ! »

Lynn se cala plus confortablement sur son siège, toujours une main sur son petit ventre, comme si elle avait besoin de se rendre compte que ce n’était pas un rêve. Mais rien ne l’empêcha de se saisir de la main de Mikaël, à un feu rouge, en posant la sienne contre le levier de vitesse avant de lui sourire de manière encourageante. « Mon père, c’est moi en mec et en plus âgé. Si je t’adore, il t’adorera. Mais tu n’as qu’un mot à dire si tu veux que l’on reporte. » Elle n’était pas du genre à lui faire une scène pour si peu, surtout s’il voulait préparer la chose bien confortablement avant de se lancer dans la fosse aux lions. « Et à ton avis pour le mariage, hum ? Que te dis ton instinct ? »

Lynn avait aussi les mots pour apaiser le colosse au grand coeur. Il avait roulé tranquillement, laissant une grande confiance en lui grandir, pourquoi s’inquiéter? Selon sa dulcinée il n'y avait pas de doute qu'ils s'entendraient à merveille, et le jeune homme n'en demandait pas plus. Il s'imaginait même déjà à un match de baseball, avec Maryweather père, une casquette de l'équipe soutenue sur la tête. Plus tard ils feraient même des sorties à trois, entres hommes. Pendant que Lynn serait en mission, ou à n'importe quel autre endroit. Rien que l'idée était alléchante!
« Si tu le dis, tu sais que je te fais confiance. On va tout de suite pouvoir voir tout ça. » Il gara la voiture dans une rue voisine, laissant un temps de pause sans ouvrir sa portière. « Pour ce qui est des tatouages on en reparlera. J'ai fait mon premier à 15 ans, le tribal sur mon bras droit. Je pense que si il tro-» Il coupa court à sa réplique voyant bien les gros yeux de la brune se poser sur lui, après tout il n'était même pas né, ils auraient bien le temps de discuter de ça à l'avenir. Mais dur de penser à son fils sans l'imaginer avec des aussi gros bras que les siens, et tatoués de ses expériences de la vie. Mikaël voyait l'encre dans la peau comme une consécration des évènements, et n'était absolument pas contre. Tant que la personne venait se faire tatouée ne prenne pas le risque de regretter le dessin, et qu'il y voit une signification immortelle.

Le suédois attrapa la main de Lynn, s'arrêtant devant le portail d'un domaine qui pouvait sembler tout aussi grand que la maison de sa mère. Cette famille avait le sens du luxe, et de l'immensité, et ça ne le dérangeait pas. « Tu sais que mes parents habitent dans un appartement? A Stockholm c'est bien dur de posséder une maison, alors j'espère que je n'engagerais pas ton pronostic vital en te faisant vivre dans plusieurs mètres carrés pendant quelques jours.» Il n'avait pas non plus à se méprendre sur les attentes de sa compagne, il savait bien qu'elle se contre fichait de l'endroit où elle séjournait. A quelques limites de confort près. Et il avait plutôt prononcé ces quelques stupides mots pour qu'elle l'embrasse en le rassurant. « Souhaite moi bonne chance bébé, je te laisse appuyer sur l'interphone. Ça attise la malchance quand l'homme le fait! »

Lynn ne savait pas si elle était à la limite de l’hilarité ou si elle partageait l’inquiétude de Mikaël pour le rendre plus fort face à la petite épreuve qui l’attendait. Mais quoi qu’il en soit, la brunette se contenta d’appuyer sur l’interphone, sans un mot, attendant que son père ne vienne ouvrir. L’espace de quelques secondes, père et fille se regardèrent en chien de faïence, une impassibilité parfaite dans le regard, comme s’ils s’adonnaient à un véritable combat visuel. « Tu as grossi » nota-t-il non sans savoir la raison de cette soudaine prise de poids. Adam avait toujours cette façon d’accueillir la chair de sa chair dans son « humble » maison. « Toi, tu as fais du bodybuilding à n’en pas douter ! » Ils auraient pu continuer encore longtemps leur petite joute verbale sans qu’aucun sourire ne vienne faire une percée dans leurs armures respectives, mais finalement, ce fut Adam qui brisa en premier leur petit rituel d’un sourire amusé éclairant largement son visage… sous cet angle, la ressemblance avec Lynn était frappante. « Il est pour quand ce petit fils ? Et n’ose pas me dire que c’est une nénette, sinon je me démerde pour que ma Harley me roule dessus. » « C’est un garçon, grand malin ! » Et à partir de là, le tableau changea radicalement. L’homme, dont les tatouages sur les bras et au torse étaient largement visibles puisqu’il était torse nu, souleva aussitôt sa fille pour la faire tourner comme lorsqu’elle n’était encore qu’une enfant et qu’il venait de rentrer de mission. En sa présence, Lynn avait un sourire tout à fait différent : un sourire apaisé, franc, même rassuré. Il faut dire qu’elle avait si souvent manqué de le perdre qu’elle profitait de chaque seconde donnée en sa présence. « Ça c’est ma fille !! » s’exclama-t-il avant de la reposer délicatement au sol et d’embrasser son front. « N’épuise pas mon petit fils et va t’asseoir, tu veux. Pas d’effort pour toi. » Lynn leva les yeux au ciel, sachant pertinemment que pendant toute sa grossesse il n’allait avoir de cesse de la couver comme si elle avait encore cinq ans, ou qu’elle n’était rien d’autre qu’une petite chose fragile sans aucune défense. « Sois gentil avec lui » lui murmura-t-elle avant de partir s’asseoir sagement dans l’immense salon, se délectant du meilleur pote de son père : Loki, le husky. Ce chien était une pure merveille. Mais en vérité, elle laissait également tout le loisir à son père de découvrir son compagnon…

Poliment, Adam lui tendit la main, sans forcément y mettre énormément de chaleur de prime abord : il l’analysait comme tout bon agent du gouvernement se respectant… après tout, il s’agissait de sa fille ! « Adam Maryweather. Vous êtes ? » Lynn n’avait pas fait les présentations exprès. Elle était sûre que son père s’y donnerait à cœur joie. « Vous prendrez bien une bière, hum ? Puisque vous avez réussi à mettre le grappin sur Lynny ET que vous allez me donner un petit fils, je pense que ça ne me demandera pas trop d’efforts. » Il ne fallait pas se fier à cet air bourru et presque désagréable. Adam avait toujours été fou de sa fille, mais s’était souvent inquiété pour elle. Hors de la question de la laisser entre les mains du premier venu… mais Lynn ne fut pas fâcher de les voir se diriger dans la cuisine, et n’hésita pas à lever les deux pouces pour encourager Mikaël avant de lui envoyer un bisou de la main. Il fallait l’encourager, après tout ! « Alors dites-moi, vous faites quoi dans la vie, monsieur le génie ? J’ose espérer que vous n’êtes pas sans emploi ! Suédois non ? Vous pouvez vous asseoir, mon bar ne mord pas et vous ne payerez pas plus cher. » Adam lui offrit une bière pression des plus fraîches, sans qu’aucun sourire ne se permette la moindre percée. Il était toujours dans la phase d’observation. « Vous l’aimez ? » Autant s’y mettre de suite, olé !

Mikaël suivait son beau-papa poliment, restant perplexe quant à la froideur qui émanait de lui pour l'instant. Il regarda Lynn, les yeux perturbés avant de s'engouffrer dans la cuisine et d'accepter avec entrain de prendre une bonne bière. Sa brune n'avait pas mentit en leur ventant des points communs, c'était déjà ça. « Mikaël, Mikaël Strömblad. Enchanté monsieur. » Mais il ne jouait pas dans la même froideur qu'Adam, et le gratifia de son charmant sourire, faisant attention à ne pas passer pour le premier minet venu. Il trempa ses lèvres dans le verre, comme si il s'apprêtait à goûter le breuvage le plus précieux de cette planète, puis il en prit plusieurs gorgées pour s’empeigner de la saveur. « Hm, cette bière est délicieuse, blonde, un peu de noix, originaire d'Hollande, non? » Il ne jouait pas au garçon qui connaissait tout sur tout, et son oeil complice montrait seulement qu'il était chaleureux, et amateur de bonne bière qui plus est. Ses origines nordiques sûrement. « Je suis effectivement suédois, journaliste, au magazine du New Yorker. Lynn y a travaillée d'ailleurs, enfin, travailler. » I ne savait pas s'il venait de faire une gaffe ou non, ne sachant pas s'il était censé être au courant de la profession de sa dulcinée, mais il considéra que cet homme n'avait rien à voir avec sa mère, et qu'il pouvait se dire au courant. Néanmoins la question de l'homme le laissa perplexe, tant qu'il redescendit son verre sur la table. Directement? Comme ça? D'entrée de jeu? Pourquoi pas. Autant mettre les points sur i dès le premier entretien. « Plus que tout, monsieur.»
Il n'y avait pas de sentiments théâtral dans sa voix, on pouvait simplement sentir la sincérité. A quoi bon jouer le gendre idéal dès le début? La franchise était maître du jeu, et il ne se laisserait pas ternir par des questions aussi directes.
« A vrai dire, aussi stupide que ça puisse paraître, je n'ai jamais aimé quelqu'un comme j'aime votre fille. Et je suis certain que vous comprenez ce que je vois quand je la regarde. »

Il ne fallait pas croire que le père de Lynn soit quelqu’un de froid de nature, car ce n’était pas le cas le moins du monde. Il avait simplement besoin d’être absolument certain que sa fille était entre de bonnes mains, surtout dans un moment pareil. Il connaissait la demoiselle mieux que personne, et connaissait également ses peurs paniques dès que ses hormones avaient la mauvaise idée de se mêler à l’équation. Il lui fallait quelqu’un de solide sur lequel elle pourrait s’appuyer, quelqu’un envers qui elle pourrait avoir une confiance totale. Du peu qu’il avait pu voir du suédois, il semblait évident que Lynn ait fait un choix avisé… comme toujours. « Ah ! Mon ex-femme enragerait et vous écorcherait vif si elle vous entendait dire ça. » Adam le gratifia à son tour d’un sourire amusé avant de finir de boire sa bière pratiquement cul sec : comme toujours dès qu’une émotion trop importante s’emparait de son être, il la calmait avec un alcool plus ou moins puissant. Rien de tel qu’une petite anesthésie avant de se laisser aller à davantage d’humanité. Surtout que Mikaël venait de lui servir LE discours qu’il avait besoin d’entendre de sa bouche : jamais il n’aurait laissé Lynn se planter lamentablement s’il n’avait pas été sûr et certain que cet homme lui convenait. « Lynn est quelqu’un d’unique, et heureusement, elle ne tient pas trop de sa mère. Mais derrière sa carapace d’assurance et de dure à cuire, elle cache une belle fragilité. Je pense que vous l’avez déjà constatée, du moins je le suppose. Mais vous devez aussi savoir que ma fille est la chose la plus chère à mes yeux. Si vous lui faites du mal… je saurais me souvenir de votre trombine et personne ne donnera cher de votre vie. » Il ne s’agissait pas d’une menace mais d’une promesse, et son discours ne pouvait pas être pris autrement. Adam était un homme prudent, mais qui savait analyser les gens vite et bien… il en avait fait un métier, après tout. « Priez pour ne jamais croiser la route de Marjorie. Mon ex-femme est une putain de furie ! » Mais cela ne l’empêcha pas de lui donner une tape amicale dans le dos, non sans lui serrer à nouveau la main pour mieux les resservir joyeusement : après tout, un petit fils, ça se fête ! « Je n’oublie pas que vous me donnez ENFIN un petit fils. Je commençais à désespérer. Félicitations pour avoir réussi là où tous les autres ont échoué. Hum… vous êtes boxeur, j’me trompe ? »

Des éclats de rire s’élevaient dans la cuisine au moment où Lynn y pénétra, téléphone fixe en main. Elle n’eut pas besoin de dire à quel point elle était ravie de voir comme Mikaël s’était fondu dans le décor avec un brio le caractérisant si bien. « Papa… ma chère mère au téléphone pour toi. » « Bordel, cette mégère ne me foutra jamais la paix ! Si seulement elle pouvait s’étouffer avec ses bigoudis !! » Adam leva les yeux au ciel, embrassa sa fille sur le front et empoigna fortement le téléphone sans l’ombre d’une délicatesse. Les éclats de voix résonnaient dans toute la maison, mais Lynn était bien trop occupée à offrir un baiser des plus sulfureux au beau suédois pour le féliciter de son exploit auprès de son père. « Félicitations, champion… ça me fait penser à une chose, d’ailleurs : on pourrait vivre sur un tas de paille que je serais quand même ravie. » Lynn avait davantage l’habitude de dormir par terre que dans des hôtels cinq étoiles, ne l’oublions pas. Il suffisait simplement qu’il soit avec elle, voilà tout. « Alors, alors !! Donne-moi ton verdict !! Qu’est-ce qu’il t’a dit ?! »

Mikaël ne pu s'empêcher de rire lorsqu'Adam empoigna le téléphone en faisant des remarques. Il était quelqu'un de drôle, et le suédois s'était toujours vu finir comme ça. De préférence non divorcé, mais avec de la bonne bière dans un placard même en temps de tempête, avec des enfants géniaux qui lui ramèneraient leur conquêtes. Cette perspective l'enchantait, et revoir sa dulcinée revenant pour l'embrasser n'était pas désagréable non plus. « Ton père est vraiment quelqu'un de super, tellement qu'il va me laisser finir la bouteille tout seul.» Bien que la bière soit bonne, elle était surtout très forte, et les deux hommes adeptes du cul sec ne s'en privant pas, laissant l'alcool monter au cerveau assez rapidement. Quoi de mieux pour faire connaissance que des personnes sous alcool, laissant leur premières pensées s'exprimer sans retenue? « Et son rapport avec ta mère me fait rire, même si il ne devrait pas. Promet moi qu'on ne finira jamais, ou que si ça arrive on continuerait de se faire des parties de jambe en l'air passionnée par la haine! » Même cette perspective n'était pas dérangeante. En fait, rien ne l'était tant qu'il imaginait son futur dans les bras de cette brune. C'était elle, et personne d'autre. Et difficile de croire que tout ça s'était fait en quelques mois seulement. Pourtant il était certain que ce n'était pas seulement la magie des premiers mois, ou chacun se découvre avec un amour passionnel, il savait que c'était plus que ça. Pas question de remettre en doute ses sentiments, il n'y avait pas lieu de le faire. C'était en regardant le ventre de Lynn, un peu plus rond qu'auparavant, que ses yeux brillaient. Comment n'avait-il jamais pu imaginé avoir d'enfants? Au fond il avait seulement fallu trouver la bonne personne avant de découvrir son désir secret.

« Je vois de qui tu tiens, et je m'imagine déjà te laisser passer des soirées sur le canapé toute seule pendant que j'irais avoir du bon temps avec ton daddy, et peut-être ce que tu as en ce moment dans le ventre. Tout cela m'enchante, c'est dire! Tu devras même lui proposer d'aller au restaurant avec nous ce soir, j'invite. » Mais finalement il n'attendit pas qu'Adam soit déjà revenu et confortablement installé qu'il lui proposa lui-même, c'était son idée après tout.

« Si tu m’abandonnes à mon triste sort, même sort pour tes parties que si tu t’envoies en l’air avec des mannequins ! Ou alors je pourrais te forcer à l’abstinence, je ne sais pas, à voir. » Lynn était la pro de la menace et s’il la menait sur ce terrain là, il n’allait pas être déçu du voyage. Cela dit, il n’y avait pas l’ombre d’un sérieux dans le regard de la jolie demoiselle : au contraire, elle était plus que ravie que son père approuve à sa façon sa relation avec Mikaël ! Surtout qu’elle était certaine qu’il ne serait pas le dernier à proposer de garder un œil sur le suédois et leur fils en cas d’absence de la brunette. Sous ses airs bourrus, Adam était un patriarche aimant particulièrement son rôle. Il pouvait couver n’importe qui pire qu’une poule pondeuse. « Cela dit… je suis sûre que vous allez vous faire de grands trips entre hommes. Et ça, ça me fait méga plaisir. Tant que vous ne me rendez pas mon fils dans un sale état, je pense que je devrais pouvoir m’abstenir de vous casser la tête. » Lynn n’hésita pas à monter sur le bar afin de pouvoir serrer Mikaël plus fortement, avant de placer avec délicatesse ses mains sur son ventre arrondi. Parfois, il lui arrivait de se remémorer avec erreur l’annonce de cette grossesse, avant de se féliciter d’avoir tenu bon et de ne pas avoir abandonné le bébé à cause de leur titanesque dispute. Sans quoi les regrets n’auraient eu de cesse de la poursuivre des lustres durant… « On ne sera jamais comme mes parents. Tu sais pourquoi ? Parce que ma mère a la sentimentalité d’une huître atteinte de strabisme. Elle n’a jamais aimé mon père, je pense. Lui était fou amoureux, mais elle, il n’y avait que sa carrière. Je l’ai subit toute mon enfance. Et là, les cris que tu entends, c’est mon père se gargarisant de pouvoir bosser avec moi. Il peut garder un œil sur ma personne… et il va être chiant pendant les six mois à venir, j’en suis certaine ! Alors que ma mère m’aurait poussé à avorter, en cherchant à me persuader que j’étais en train de gâcher ma vie. Le seul compliment qu’elle m’ait fait dans mon existence toute entière, c’est quand j’ai réussi à tuer dix hommes lors d’une mission en solo. Ma première, mission test. Elle m’a dit que je n’étais bonne que pour ça… et longtemps, j’ai pensé qu’elle avait raison. Si j’ai démissionné, c’est aussi parce que contre toute attente, tu as réussi à me rendre mon humanité. Humanité que je pensais avoir perdu il y a très, très longtemps. »

Lynn en mode sentimentale, cela valait son pesant de cacahuètes en plomb. Elle n’avait jamais été aussi expansive qu’avec Mikaël, et quelque chose lui disait qu’il s’en rendait bien compte. Après tout, il ressemblait plutôt à son père, et c’est bien ce qui avait dû lui plaire en le rencontrant. « Suis happy que ça t’enchantes, mon ange. Tu veux nous emmener où, dis moi ? Que je lui dise de mettre un costar ou juste un marcel si tu veux nous emmener manger dans un truc sans prétention. N’aie crainte : mon père a horreur de ce qui est trop conventionnel, alors lâche le suédois qui est en toi ! »

Chaque phrase de Lynn était une atteinte au rire de Mikaël. Sa façon se d'exprimer, son vocabulaire jusqu'à sa voix était quelque chose d'agréable. Il ne s'empêchait pas de rire aux comparaisons qu'elle faisait de sa mère, et était attendrie par les sous-entendus qu'elle tenait. Il n'avait jamais pensé pouvoir atteindre quelqu'un comme il l'avait fait avec elle. En la rencontrant il avait même cru qu'elle serait inchangeable, dictée par son éducation et les responsabilités cruelles de son travail. Il avait encore cru pouvoir la changée, et être comme qui dirait "l'élu" de sa vie, puisqu'elle avait relégué, son premier amour, au premier plan. Auparavant il n'aurait jamais pu oublié qui avait été Erika dans sa vie, et ce qu'elle avait apportée. Chose faite avec la présence de cette brune dans sa vie. Le nom de l'ancienne suédoise ne lui effleurait plus l'esprit, et ses seuls désirs étaient d'emmener beau-papa et belle-brune au restaurant histoire de passer un bon moment. La vie avait décidément des hauts et des bas, mais finalement ça valait vraiment le coup de connaître les bas pour en délecter les hauts. « Je pense qu'on pourrait aller au restaurant où tu m'avais emmenée lors de nos retrouvailles. Tu te souviens? Sauf si tu serais gênée d'aller aux toilettes après ce qu'il s'est passé dedans. » Et elle osait encore parler d'abstinence? Cette notion n'avait pas à être prononcée dans leur couple, c'était à proscrire. « Par contre madame sera obligée de se servir de la banquette arrière pour y poser ses fesses, histoire de j'emmène beau-papa à l'avant de notre superbe véhicule. Ne le jalouse pas, veux tu? » C'était comme si Mikaël ajoutait la notion "nous" à toutes ses phrases. Il ne pouvait plus parler sans prononcer le nom de Lynn, et trouvait cette perspective en chantante. Même au bureau il était difficile de ne pas voir l'amour briller dans les yeux du suédois, si il avait pu placer le nom de sa dulcinée dans les réunions il l'aurait fait. Tellement qu'il attisait les remarques ironiques de ses collègues, n'étant pas forcément dans le même cas qu'il l'était. Une personne non-amoureuse pouvait durement se mettre à la place d'une autre totalement hypnotisée par les forces du coeur.

« Je crois que les bières m'ont déjà rendue à mes origines nordiques. Je ne peux rien y faire, elles me suivent partout. D'ailleurs, en parlant de nord, je me dis encore plus que j'aimerais que tu rencontres mes vieux. Ils sont pas vraiment dans le même genre que les tiens et se sont aimés toute leur vie, depuis leur rencontre. Parfois ils sont même un peu lourd avec leur vie à l'eau de rose, et tu verras de qui je tiens. Les chiens ne font pas des chats! » Ainsi après avoir parlé de mariage et de rencontres ils arriveraient à relier les deux bouts en quelques mois, se présentant chacun à leur famille respectives. Quiconque trouverait que leur relation avançait du feu de dieu, mais les deux adultes semblaient trouver ça normal. On pouvait difficilement leur reprocher. Finalement Maryweather père gratifia les tourtereaux de sa présence, ce qui ne laissa pas le choix à Mikaël de les embarquer directement dans le superbe 4x4.

« Lynny, tu es sûre que tu ne veux pas monter à l’avant ? » « Non, vraiment, je n’en ferai rien ! » Lynn était à moitié morte de rire, bien qu’elle sache aisément cacher son jeu. Cela dit, son hilarité avait pour limite la soudaine crispation de son père, qu’elle aurait pu sentir à des mètres, et ce bien qu’il se soit lancée dans un long laïus à propos de sa Harley, que son tatoueur lui avait vendu des années auparavant et qu’il avait très bien entretenue depuis. Lynn observait les deux hommes de sa vie à l’avant d’un œil amusé, malicieux même, se plaisant à les imaginer dans quelques années, complètement gaga face au petit bout qui n’avait pourtant même pas encore de prénom bien à lui. Cela ne faisait rien, ça viendrait… il avait un futur nom de famille de prévu, n’était-ce pas l’essentiel ? Et en tout cas, la jolie brune pouvait se féliciter d’avoir toujours un flair infaillible : elle était certaine que son père adorerait Mikaël, et il lui parlait déjà comme s’ils se connaissaient depuis des années, comme s’il avait non pas son gendre en face de lui mais bien quelqu’un qu’il pouvait considérer comme son fils. En somme, le grand Adam Maryweather était en train de réaliser son rêve : avoir enfin une figure masculine, une vraie, avec qui parler de tous les sujets possibles et imaginables le passionnant. Bien que Lynn se soit largement bien battue lors de ces dernières années. « Lynn, tu rêves ? » Il l’avait sortie de sa rêverie comme s’il venait de lui mettre un coup de pied au derrière, mais la brunette esquissa un petit rire tandis qu’ils arrivaient effectivement au restaurant panoramique qu’elle avait fait découvrir au beau suédois. Cela ne lui ressemblait pas de rêver autant… d’ordinaire, son sentimentaliste était loin d’être son fort. « Faut dire qu’il est difficile d’en placer une avec vous ! » se défendit-elle alors qu’ils pénétraient tous trois dans l’ascenseur en vue de monter au restaurant.

« Ta mère a eut vent de ta grossesse, chérie. » En revanche, cette nouvelle, elle n’y était guère préparée. Lynn lança aussitôt un regard horrifié à son père, prenant désormais conscience de la raison des éclats de voix durant l’appel téléphonique qu’il avait dû supporter. « M’est avis qu’elle va t’emmerder, alors je te conseille d’éviter de la côtoyer, même si elle vient forcer ta porte. C’est qu’elle est bien renseignée, la bougresse. » « Bordel de nom de dieu, mais comment elle a pu savoir ?! Je ne suis rentrée qu’hier ! Et je me suis démerdée pour lui remettre ma démission avant de partir ! Rhaaa ça me tue, elle est vraiment chiante comme la pluie ! » On avait l’impression qu’il n’y avait qu’une personne qui parlait, et qu’Adam comme Lynn étaient parfaitement syncro dès qu’il s’agissait de critiquer Marjorie. Hélas, on pouvait lire une sorte d’inquiétude sur le visage de la jolie brune. Elle n’aimait pas ça du tout… connaissant l’aversion de sa mère pour les enfants, il y avait fort à parier qu’elle soit suffisamment tordue pour la harceler. « Elle ne va pas me lâcher, pas vrai ? » Adam soupira, lançant un regard plus qu’entendu à Mikaël : il avait intérêt à assurer et à ne pas la lâcher d’une semelle dès lors qu’elle mettrait un pied hors du bâtiment où elle bosserait avec son père. Si Adam pouvait veiller sur sa fille pendant ce temps, il trouvait logique que le suédois prenne la relève après. « Prenez une table, je vous rejoins. » Lynn s’éloigna pour se dégourdir les jambes dans une sorte de salon intermédiaire, tout aussi vitré que la salle principale, mais complètement déserte heureusement. Elle faisait les cent pas… « Je vais réserver une table. Je compte sur toi pour calmer ses nerfs avant qu’elle ne nous fasse un malaise : sa mère a toujours eu le chic pour lui gâcher l’existence ! » Nouveauté de marque : Adam venait de tutoyer Mikaël ! Et dire que le médecin avait dit pas de contrariétés...

Mikaël était comme flatté d'avoir reçu une marque de familiarité par Adam : le tutoiement. Malheureusement pour lui tout n'était pas aussi rose qu'il aurait pu le désirer, et cet incident concernant Marjorie le rendait perturbé. Il ne la connaissait pas des moindres, et de ce qu'il avait entendu il n'avait même pas envie de la connaître. Protéger Lynn contre sa mère? C'était bien la dernière chose à laquelle il s'attendait. Certes, il savait y faire en matière de coup de poing et de mise au tapis, mais user de la voix contre une femme n'avait jamais été son fort. Aussi, voir la brune dans un état aussi déplorable, à marcher seule comme la brise dans une salle déserte l'alerta. Il hocha la tête en guise de réponse au sympathique père et se dirigea vers la jeune femme.
Je sens que l'on va affronter une nouvelle épreuve. Une nouvelle épreuve dont il ne savait encore rien, et ne pouvait même en coller les mots sur le papier. Tout ce que j'entends de ton père et de toi-même m'inquiète. Je ne sais pas vraiment comment réagir face à tout ça. Elle ne me connait pas, ce qui est encore plus malencontreux je pense, pour être honnête, je n'ai aucune idée de comment je vais pouvoir gérer cette situation. Il savait bien qu'il devait être prêt à la rassurer quoi qu'il arrive, mais dans ce cas là, n'étant pas concerné à la base, il ne savait pas bien comment y arriver. Quoi qu'il arrive le jeune homme resterait présent, et n'abandonnerait pas son amoureuse à la moindre difficulté, il l'avait déjà assuré.
Sache que je ne te lâcherais jamais à ce sujet, ok? Je ne sais pas à quoi m'attendre, mais je suis certain de rester à tes côtés coute que coute, comme ton père l'a mentionné. On va pas laisser une mégère nous pourrir la vie, hein? Pas alors que leur petite idylle venait à peine de commencer.

Adam fit signe au deux amoureux de le rejoindre, ayant sûrement trouver une table convenable. Mikaël serra la brune dans ses bras et lui déposa un tendre baiser sur les lèvres. Je suis avec toi là dessus, à cent pour cent. Et tout en lui prenant la main il l'a guida vers la salle principale; se frottant les mains à l'idée de remplir son gosier.

Lynn n’avait rien répondu, mais elle n’était guère à l’aise avec le fait que sa mère soit au courant de sa grossesse. Il y avait fort à parier pour qu’elle n’éprouve un plaisir malsain à la harceler, et à s’en prendre à Mikaël… à ceci près que si elle savait envoyer sa propre mère sur les roses et gérer le chaos qu’elle savait si bien mettre dans sa vie, le journaliste était loin d’être habitué à la chose, pour le plus grand désarroi de la brunette. D’ailleurs, son père fut le premier à remarquer son air absent. Lynn n’avait pas la pêche qu’elle possédait d’ordinaire, et semblait regarder la carte du menu sans forcément la voir. Il ne fallait pas sortir de Saint Cyr pour savoir qu’elle était contrariée, et que son cerveau de demoiselle surdouée était à la limite de la surchauffe tandis qu’elle cherchait une solution. « Tu ne devrais pas te mettre la rate au court bouillon, chérie. » « Je regrette mais tu connais Maman, je ne vais pas avoir la paix une seconde et j’essaye de me concentrer pour ne pas sauter dans l’ascenseur, prendre le premier taxi et aller saccager son appartement à coup de lance-flamme tu vois ! » Les hormones de la jeune femme exagéraient de beaucoup les réactions déjà dures qu’elle pouvait avoir en temps normal… mais plutôt que d’en être choqué, Adam se permit de laisser un léger rire trancher l’atmosphère qui se voulait tendue du côté de Lynn. Après tout, il connaissait sa fille sur le bout des doigts, il savait qu’elle ne serait pas choquée une seconde à l’idée de le voir essayer de dédramatiser la situation. Surtout qu’elle était censée rester au calme, le plus éloigné possible des contrariétés ! « Ta mère est une emmerdeuse, c’est une affaire entendue. Mais tu n’as qu’à lui faire passer un message. Après tout, tu as les doigts de fée qui font que je t’ai engagée, non ? » Adam lança un regard entendu à son gendre, l’air de dire qu’il risquait d’en baver pendant les prochaines semaines, mais qu’il n’allait pas pour autant lâcher le petit couple dans la nature. En bon patriarche qu’il était, il allait veiller au grain avec un infini plaisir… et s’il pouvait emmerder son ex-femme, ce serait alors de l’or en barre !

« Mikaël, tu n’as qu’à opter pour un petit voyage improvisé à tes parents en Suède. Départ pendant la nuit, histoire que ta mère ne puisse pas venir t’emmerder. Je régale pour le prochain vol à bord du jet que l’on utilise d’habitude pour des voyages… autres. Ça permettra à miss hormones en folie de se détendre et d’éviter de surmener mon petit fils. Et pendant ce temps, je vais lui trouver un ensemble de futur joueur de base-ball taille nourrisson. » Le militaire donna un petit coup de coude à Lynn pour qu’elle retrouve le sourire, chose à laquelle il parvint relativement aisément. Du moins jusqu’à ce qu’il pose LA question fatidique, et ce devant le serveur : « Alors, c’est pour quand le mariage ? » « Papa tu le fais exprès ! » Yeux exorbités, sourcils froncés et désapprobateurs, Lynn était certaine qu’il ne finirait par ne pas pouvoir s’en empêcher.

Il y avait une atmosphère apaisant avec la présence d'Adam. Si Mikaël ne connaissait pas la mère de Lynn, il pouvait au moins faire confiance à son père pour calmer le lait sur le feu. Une présence paternelle avait toujours le don de le calmer, comme s'il se référait à son propre daddy. De plus le fait que le militaire mette le sujet d'un voyage en Suède sur la table le rapprochait de lui encore plus. C'était décidé : le jeune homme le voyait comme l'ange gardien de son couple avec la belle brune. Et si Marjorie ne serait jamais capable d'accepter ni de cautionner ça, il savait qu'une présence masculine lui soutenait le dos en cas d'une éventuelle chute. Il avait même l'impression de se trouver dans le dernier opus de James Bond, au moment où ils se barricadent dans la maison d'enfance du héros. Il attendrait, paré à la guerre, que l'horrible mégère que le père et la fille décrivaient. « Je crois qu'on va vite régler cette histoire de voyage. D'ailleurs j'ai bien du mal à attendre, on vient à peine de poser l'idée de le faire, mais le plus vite possible serait le mieux. » Le garçon avait posé sa main sur la cuisse de Lynn, le petit signe affectif inévitable. Le choix de sa future commande était déjà faite, et l'enthousiasme d'Adam le faisait sourire jusqu'aux oreilles. A croire que c'était la testostérone qui donnait l'envie du mariage ! Il jeta un coup d'oeil amusé à sa compagne, prêt à déjà trinquer aux fiançailles avec son beau-père. « J'ai déjà du mal à lui faire passer l'idée de porter mon nom! Ne remuez pas le couteau dans la plaie. » Il rigola. « C'est presque dur à dire pour mes attributs masculins mais je suis assez soumis à elle. C'est la femme qui porte la culotte, et c'est la femme qui décidera concrètement de ce qu'elle veut. On pourrait même aller jusqu'à inverser les codes et me laisser faire passer la bague aux doigts! » Finissant à peine sa réponse il se réduisit au silence en attendant de choisir le vin blanc qui accompagnerait leur repas, et espéra en passant commande qu'il serait également au goût de son nouvel ami.

Le repas bâtait même son plein, mais le téléphone de Mikaël vibra soudainement dans sa poche, laissant un bruit sourd casser l'ambiance détendue. Ignorant, il continua de décortiquer son assiette et s'excusant du regard envers ses compagnons. Rien n'aurait été compliqué si le portable n'avait pas continué de sonner plusieurs fois, à telle point qu'il se leva pour y répondre dans un coin isolé.
« Allo? Qui-est ce? » Le numéro était masqué, sinon il n'aurait pas hésité à le bloquer ou à y décrocher plus rapidement. « Mikaël Arthur Strömblad, je vous conseille bien d'enlever vos sales pattes de suédois dégueulasse de ma fille tout de suite. Vous ne valez rien, et vous ne la méritez pas. Un enfant c'est de trop, maintenant résonnez vous un peu mon pauvre garçon, et déguerpissez de sa vie! » La peau du colosse avait frissonné en même temps qu'il jetait un regard inquiété à Lynn, restée à table. Marjorie? Vraiment?

Lynn lança un regard faussement contrarié à Mikaël, comme si elle l’accusait de jouer au plus malin alors qu’elle n’avait pas l’impression de porter la culotte dans le couple. D’accord, elle était d’une incroyable mauvaise foi, mais ça, c’était une autre paire de manche. « On peut dire que vous vous êtes bien trouvés tous les deux ! On va couper la poire en deux : j’accepterai lorsque j’aurais une demande en mariage qui ressemble vraiment à une demande en mariage, na ! » Lynn fit mine de bouder, laissant le beau suédois s’éclipser quelques secondes pour répondre à un coup de fil tandis qu’elle plaisantait et riait même aux éclats en présence de son père. Envolée, sa petite crise de panique ! Mais pas pour longtemps, hélas. Lorsqu’elle croisa le regard de Mikaël et qu’elle y lut un sentiment d’inquiétude qu’elle n’avait pu y voir qu’une seule fois : lorsqu’elle avait manqué la fausse couche et qu’il avait dû la conduire de toute urgence à l’hôpital le plus proche. « Papa, je reviens tout de suite, commande pour nous trois si tu veux bien. » En l’espace de deux secondes, Lynn avait déjà rejoins Mikaël et l’avait même embarqué dans la même salle déserte où elle avait calmé ses nerfs il n’y avait pas vingt minutes. Elle prit le téléphone en main, raccrochant immédiatement afin de ne surtout pas sortir des horreurs dont le suédois pourrait être horrifié, gardant son téléphone portable en main. Puisque sa mère voulait jouer à ce petit jeu, alors elles allaient jouer. « Je vais le programmer pour qu’elle ne puisse pas te pister et encore moins t’appeler, quelque soit le dispositif autorisé. Ça ne prendra que deux petites minutes. » L’impassibilité dont elle faisait preuve était tout à fait digne de l’ancien agent terrain qu’elle était. Lynn laissait ses doigts de fée parcourir le clavier tactile du téléphone de son compagnon, non sans soupirer à plusieurs reprises. Sans même le regarder, elle enchaîna, tel un robot : « Qu’est-ce qu’elle t’a dit ? » Il n’avait même pas eu besoin de lui dire qu’il s’agissait de sa mère : Lynn l’avait déjà compris.

Finalement, elle mena sa manipulation à bien tout en lui tendant à nouveau l’appareil, l’air légèrement plus doux, bien qu’elle soit actuellement aussi tendue que la corde d’un arc. Sauf qu’une fois qu’il eut effectivement reprit son téléphone en main, elle se mit à le serrer fortement contre elle, afin de prendre son inquiétude pour la faire sienne, et ainsi l’en libérer. Quelle poisse, comme si elle ne pouvait pas leur laisser deux minutes de paix ! « Je ne la laisserais pas t’approcher, tu m’entends ? Et elle ne fera pas de mal au bébé non plus. » Bientôt, elle prit son visage entre ses mains, puis, après avoir déposé un baiser aussi frêle qu’une brise contre ses lèvres, elle lui murmura : « Tu n’as qu’un mot à dire et je m’excuse auprès de mon père pour que l’on file en Suède. Tu sais, il sera du genre à m’accompagner aux échographies et à me pousser vers les magasins de layettes… on ne va pas s’en débarrasser, crois-moi ! Mais c’est parfait. J’aime l’idée d’être entourée des trois hommes de ma vie. Mais là, tout de suite, maintenant, tu n’as qu’un mot à dire et l’on décolle. Un seul mot. »

Mikaël était inquiet, pas au même niveau qu'il l'avait été la fois où il avait du emmené Lynn d'urgence à l'hôpital, des mafieux aux culs. Il ne pensait pas que cette mère puisse être capable de toutes les pires horreurs du monde. Et il n'était pas non plus capable d'imaginer qu'elle puisse vraiment représenter un risque dans leur couple. Un coup de doigt sur son téléphone et la vieille aigrie était déjà loin! Pourquoi être plus préoccupé que ça? Pourtant les yeux de la brune ne mentaient pas, ainsi que les propos d'Adam qui confirmaient les doutes du suédois. Néanmoins, le départ projeté en Suède n'était pas obligatoire. Ses parents avaient besoin d'être prévenus, d'être ménager, l'imprévu n'était pas vraiment de leur vocabulaire.
« Non, non chérie. On va rester ici, au moins le temps de ce repas. Laisse moi passer un coup de fil à ma mère, je vais prévoir ça le plus vite possible. Mais en attendant on va profiter du moment qu'on passe tout les trois. » Il cajola sa douce en l'étreignant et lui caressant amoureuse le bras. Comme pour la rassurer, puisqu'après tout il en valait de sa responsabilité. Mikaël ne se laissera pas avoir par Marjorie, et ne l'écouterait sûrement pas. Somme toute, il ne savait même pas ce qu'elle pourrait faire contre lui. Il n'y avait rien, et si elle cherchait à le tuer, ce dont il doutait vraiment, le jeune homme avait de forts piliers derrière lui.
« Je m'occupe de l'appel, va te rasseoir. » Il y avait un sourire sincère sur son visage, alors qu'il composait le numéro de sa mère.

« Voilà qui est fait. Notre petite escapade européenne pourra se dérouler plus tôt que prévu. D'ailleurs c'est quand tu veux à partir de demain. Ma mère a été un peu chamboulée, et tu verras qu'elle va tout mettre en oeuvre pour te faire plaisir et que tu te sentes à l'aise. A un tel point que tu finiras par en être gênée, et je m'en excuse d'avance. » Le suédois lança un regard amical dans la direction d'Adam, le saluant de son verre de vin blanc, trinquant aux nouvelles connaisses, mais aussi et surtout à une nouvelle vie. Un nouvel amour, une nouvelle naissance pour bientôt.
« Ah et, ce voyage permettra surtout de parler des sujets importants avec mes parents. Qui seront tout les deux, et je l'assure, sains d'esprits, qui n'auront pas ton numéro à moins que tu leur donnes, et ne te menaceront pas. » Mikaël n'avait pas été méchant, il avait seulement déballé les faits comme ils s'était déroulés, et avait permit à Lynn de savoir globalement ce à quoi le précédent coup de fil avait servit.
« On devrait pas se laisser toucher par de simples menaces venant d'elle, si? » A vrai dire il ne connaissait pas du tout Marjorie et ce dont elle était capable. Et si il pouvait paraître crédule et inconscient, alors c'était à Lynn et Adam d'éclairer sa lanterne.

Lynn et Adam échangèrent un regard tout à fait entendu face à la question finale de Mikaël. Hélas, Marjorie Maryweather était considérée pour être particulièrement inhumaine quand elle s’y mettait, aussi n’était-ce pas étonnant qu’une telle femme soit à un poste aussi haut placé. Aucun sentiment, aucun état d’âme, rien ne la touchait. Son ex-mari se plut à soupirer doucement tout en levant les yeux au ciel, navré que le suédois soit confronté à cette folle. Il ne restait plus qu’à espérer que ses menaces ne dépasseraient pas le stade des mots, chose encore possible. Mais rien ne semblait capable d’empêcher Adam de s’inquiéter non pas uniquement pour le couple… mais surtout pour Lynn. « J’ai bien conscience que je ne connais pas un quart de ce que ta mère t’a fait, et je sais aussi que même si je te le demandais, tu ne me répondrais pas… trop conscience que tu es que je foutrais le feu à l’espèce de hangar où elle bosse. Mais tu vas me promettre une chose Lynn : tu ne la laisses pas t’approcher, t’atteindre et encore moins péter une durite. Je pense Mikaël qu’il est plus sage que vous ne preniez l’avion ce soir. » Adam leur expliqua qu’il existait de nombreux hôtels tout à fait charmants vers Stockholm, et que par chance, Lynn en connaissait un très grand nombre d’entre eux. Il ne fallait pas lui demander où elle avait appris à parler aussi bien suédois, après tout… mais plutôt combien de missions elle avait exécuté dans ce beau pays si froid. Il leur indiqua donc que le jet se tiendrait prêt à les accueillir, non sans faire état de la paire de patins à glace toujours présente dans la maison d’Adam, dans la chambre qu’occupait Lynn autrefois, si jamais il lui prenait l’envie d’en refaire une fois là bas… « Papa tu exagères, t’était vraiment pas obligé de mentionner ça ! Pour te répondre mon ange ma mère n’a surtout pas intérêt à faire quoi que ce soit contre nous ou je risque de m’occuper personnellement de son cas. » Paroles à prendre on ne peut plus au sérieux de la part d’une espionne aussi rodée que la demoiselle…

Mais hélas, ce charmant dîner n’était pas fait pour durer puisque le téléphone d’Adam se mit à sonner au bout de quelques minutes de discussion nettement plus calme et dépourvue du sujet « Marjorie ». Cette fois-ci, il ne pouvait pas se permettre de l’éviter : quand le boulot appelle, il faut se tenir près dans ce genre de métiers. « Le devoir m’appelle jeunes gens… mais ce n’est que partie remise. Mikaël, comptez sur moi pour vous emmener voir le match de boxe de votre vie en loge VIP dès votre retour, à la condition expresse et formelle que vous preniez bien soin de Lynn… et de mon petit-fils évidemment ! C’est une tête de mule impossible à contrôler, mais vous vous apercevrez vite qu’elle a un cœur gros comme ça. » Il serra la main du jeune homme avec entrain, embrassa sa fille en lui murmurant quelques paroles en français avant de s’éloigner, non sans leur faire à nouveau signe une fois dans l’ascenseur. Lynn était déçue, bien sûr, mais elle connaissait les aléas du métier sur le bout des doigts… « Avant que tu ne me dises exactement ce que tu penses de mon père, qui t’a adoré sans aucune surprise, de quels sujets sérieux faut-il que l’on discute avec tes parents ?! » Lynn le gratifia d’un regard malicieux, presque enfantin, bien trop contente de laisser enfin de côté le sujet concernant sa mère… « Mon père ne t'a pas trop effrayé j'espère ? »

Il était difficile de ne pas apprécie Adam Maryweather, bien qu'il ne pouvait pas comprendre comment il était arrivé à marier une femme comme Marjorie, du point de vue duquel il l'a décrivait sans cesse. Apparemment Lynn était née suivant les gènes de son père du côté sentimental, et ce n'était pas plus mal, puisque qu'il ne serait sûrement pas à ses côtés si le cas était contraire. « Tu es obligée d'avoir remarqué que je l'ai adoré aussi! Une part de toi en parfaite représentation masculine. Je suis déçu qu'il ait du partir si tôt, mais bon, imaginer le fait que je puisse emmener notre fils avec sa famille découvrir les plaisirs de la vie... Ça, ça me rend tout émoustillé! J'aurais du être mère, en fait. » Dur de croire que cet homme avait été réticent à l'idée d'avoir des enfants, dur de croire qu'il avait faillit mettre fin à cette relation pour cette raison. A cet instant précis il était l'homme le plus satisfait du monde, et ne trouvait pas un seul point qui puisse noircir ses journées. A exception près de Marjorie Maryweather, qui était une menace assez importante pour qu'il faille décoller vers Stockholm la journée même.
« J'aurais bien le temps de te faire un résumé de mes parents une fois dans l'avion, et je n'ai jamais pris un jet privé, donc considère que c'est une première fois. » Il déposa sa carte bancaire afin que le serveur note l'addition le plus vite possible. « Bilan : on paye, on file à l'appart', on lance la moitié de nos affaires respectives dans des valises, et on file ensuite à l'aéroport. Enfin, faut-il aller à l'aéroport?» Le petit garçon allait découvrir les bienfaits d'une vie riche! Et si il était prêt à profiter de ses petits bonus, il savait aussi que Lynn était plus que capable à rouler sur la paille dans une caravane miteuse avec une guitare à la main.
En deux secondes ils étaient dans l’ascenseur, et en trois secondes de plus qui lui fallait, Mikaël s'amusa à plaquer brusquement mais sans violence la jeune femme contre la paroi de la cage. Le suédois s'adonna à l'embrasser langoureusement jusqu'à ce que le périple se termine. Ils étaient restés assis pendant plusieurs heures, et ces sages habitudes ne les gagneraient pas, pas encore tout du moins.

« Tu sais quoi? J'espère que tu n'as pas du gène Marjorie Maryweather dans ton sang en ce qui concerne tes sentiments. Je risque de finir littéralement écrasé, genre, je pourrais même t'appeler ma mante-religieuse. C'est plutôt mignon comme surnom, non? Ma mante-reliiiigiiieuse. »