Le vol avait été plus rapide que escompté, un atterrissage en douceur (ou presque) qui avait réveillé le jeune homme en sursaut. Déjà?! Il avait eu l'impression de laisser Lynn dans une certaine solitude alors qu'il profitait allègrement de son sommeil. Et contre toute chose, il avait eu envie d'être en forme une fois arrivé dans la capitale suédoise, ce qui aurait été un must pour rencontrer ses parents après 3 ans de distance. Mais il ne fallait pas les prévenir tout de suite, et d'abord Mikaël savourerait une petite journée dans la ville, au bras de sa future fiancée. C'était bien l'occasion de prôner sa fierté, et de se pavaner à moitié, il en jouerait, il savait qu'elle n'aimait pas. Néanmoins ses yeux noisettes posés sur lui, alors qu'il s'étirait. « Mmmmmmh, välkommen! » Un sourire se dessina enfin sur son visage, alors qu'ils étaient déjà descendu de l'avion. Ensuite il fallait prendre un train, l'Arlanda express, qui les emmènerait des pistes d’atterrissages jusqu'au coeur de la froide ville. Parce qu'il fallait l'avouer, pas question de cocotiers et palmiers in Stockholm, ils allaient plutôt aller chercher quelques dizaines de doudounes pour éviter de se plaindre toutes les deux secondes. Ensuite il fallait prendre le métro, et se délecter de la propreté des locaux, qui n'avaient rien à voir avec ceux de New York! Pas de rat, pas de saleté, pas de mauvaises odeurs ambiante, c'était incompréhensible. Le redevenu gamin s'amusait de son rôle de guide, et pour la première fois il sentait qu'il ouvrait la marche, et que ce n'était pas lui derrière la moto, tiens! Et sans un mot il dirigea Lynn vers l'hôtel prenant du centre ville. C'était un large immeuble, qui surplombait une zone commerciale agréable. Un suédois habitant dans la capitale depuis sa naissance se devait de savoir que cet établissement était un des plus réputés de la ville. Prendre les clés à la réception, et éblouir la belle brune avec une chambre moderne et épurée, qui laissait une baie vitrée surplomber le grand lac gelé.
« Här, njuta av din hotellrummet » (Voilà, profite de ta chambre d'hôtel)
«Men klä på och skynda, jag ska visa dig där jag växte upp!» (Mais habille toi et dépêche toi, je vais pouvoir te montrer où j'ai grandi!)
L'excitation se lisait sur son visage comme un livre ouvert, à croire qu'il aurait presque pu lécher la vitre. Il invita Lynn à le rejoindre en bas de l'immeuble alors qu'il apprécierait sa première cigarette de la journée. Dans un souffle ses yeux se posaient un peu partout, laissant la fumée prendre part de l'air ambiant. Il reconnaissait le genre de personne, les coffeeshop et les restaurants... Aucune ressemblance avec NYC, mais tout aussi beau.
Quand la jeune femme fut aussi prêt de lui, il l'entraîna rapidement au bord du port, l'eau était glacée comme à cette période là. Mais la vue était magnifique, et les bateaux naviguaient devant eux. Dans un mouvement de bras il l'attrapa dans ses bras, le plus fort possible. Laissant son petit ventre s'appuyer contre le sien, et ses larges épaules la réchauffait. Un énorme baiser sur ses lèvres froides, ses grandes mains sur ses joues et ne jamais oublier ce moment qui symbolisait parfaitement leur amour naissant et perdurant.
« Je suis le plus heureux des hommes de ce monde, et si c'est déjà la centième fois que je le dis, tu pourrais croire que c'est vrai. Que tu sois ici est ma plus grande satisfaction. »

Bien que Mikaël ne l’ait pressée qu’à demi-mot, Lynn fut en mesure de mettre un pied en dehors de l’hôtel en deux temps trois mouvements, s’imprégnant de cette froideur lui rappelant tant de souvenirs. Il ne fallait pas croire, mais elle connaissait plutôt bien la Suède. Sans dire que Stockholm n’avait aucun secret pour elle, puisque le jeune homme aurait toujours plus de connaissances en la matière qu’elle n’en n’aurait jamais, Lynn avait vécu quelques-uns de ces moments les plus intenses dans ce pays. Elle avait d’ailleurs hâte que Mikaël ne lui suggère un bar en particulier pour lui faire entendre qu’il y avait un ancien agent qui vivait ici, qu’elle n’avait plus vu depuis un lustre et qui, justement, tenait un bar. Si cela se trouvait, il le connaissait même… ce bon vieux Jimmy était un véritable coffre fort en matière de secrets, mais il était tout bonnement génial. Pour l’instant cependant, la brunette se refusa à diriger quelque opération que ce soit : le suédois menait la danse, et la béatitude qu’il en tirait en était diablement évidente pour mieux que l’on se penche sur l’expression complexe s’échappant actuellement de son visage. Le sourire de Lynn n’avait pas quitté ses lèvres, bien qu’il soit extrêmement grisant pour elle de ne pas être celle menant les opérations… sa ville, ses règles comme dit l’autre. « C’est au moins la cent et unième… mais tu peux continuer à le répéter c’est divin. » Lynn avait l’impression qu’il y avait un lustre qu’on ne lui avait plus fait comprendre qu’elle était effectivement importante pour quelqu’un. Aussi, ce port, la vue magnifique qu’il offrait, l’étreinte si chaleureuse que lui offrait Mikaël… elle frôlait la perfection, pour ne pas dire qu’elle était déjà carrément en plein dedans.

« Ah, si tu savais à quel point tu comptes, Mikaël Strömblad… tu m’emmènerais dans un bidonville que je serais quand même prête à sautiller de joie comme la gamine que je ne suis plus ! Mais ici, c’est juste… plein de souvenirs fabuleux qui me reviennent, et l’opportunité d’avoir un guide rien que pour moi pour une fois. Alors dis-moi : qu’est-ce que tu veux faire là, tout de suite ? Tu conduis, je suis. » Lynn s’était tournée vers lui afin d’enlacer son cou de ses bras, un sourire éclatant placé sur son beau visage pourtant piqueté par le froid. Elle se risqua à déposer un baiser aussi fragile qu’une brise, avant de lui murmurer à l’oreille ce qu’elle n’avait jamais dit à personne, pas même à James : « Tu sautes, je saute. Garde-ça en tête. » Métaphoriquement ou pas, d’ailleurs.

Que sa joie soit partagée était le plus beau des cadeaux. Une femme amoureuse au point d'être aussi enthousiaste que lui? Que demander de mieux pour le jeune homme? Ce ne pouvait être que la magie des débuts d'une relation, c'était forcément plus que ça. Leur amour ne serait pas éphémère, ce ne serait pas qu'une simple partie de jambe en l'air et de promesse dans le vent. Et il s'assurerait que ce ne soit pas le cas. Qu'elle soit là, déjà, contre lui, au milieu de cette magnifique ville était la plus grande des satisfactions, et puisqu'il radotait il n'aurait pas de problème à le répéter encore une fois. La suite des évènements devait être aussi parfaite que leur arrivée, pas la place pour la glande, pas la place pour le repos. Il allait profiter de cette escapade pour se revigorer, avant de regagner NYC et ses inconvénients. Avant de regagner NYC et son travail, surtout. Parce que si sa charmante patronne avait eu la gentillesse de lui accorder quelques jours de répit, elle ne serait sûrement pas aussi chaleureuse à son retour. Et ce serait l'homme du couple si il ne bossait pas pour offrir à sa douce femme et sa progéniture un toit, de la nourriture et un niveau de vie aisé? (bien qu'il n'y ait aucun soucis à se faire, de ce côté-là).
« Tu ne ferais pas la mine boudeuse parce que pour une fois je suis ton chef? C'est bon d'inverser les rôles dans un couple, et tu verras qu'en tant que meneur de troupe, je peux être plutôt bon! » Avec un petit clin d'oeil il avait tout dit, non pas sans laisser son esprit tendancieux prendre un pie dans la danse. Aussi, autour d'eux, plusieurs petits couples s'amusaient de la vue et prenaient quelques photos. Une idée? Pourquoi pas? « Vu que je vais devoir reporter le tablier en rentrant à la maison, je prendrais le temps de faire comme toute les bonnes petites femmes dans un couple : je vais nous faire un album photo! Me dis pas que tu trouves l'idée désuette, je ne t'écouterais même pas! » En imitant l'homme vexé il entraîna Lynn plus loin dans une grande rue. De nombreux restaurants et magasins bordaient les trottoirs, et l'ambiance toujours agréable qu'ils pro fusaient donnait envie à Mikaël de s'arrêter partout où il le pouvait. Néanmoins pas question de perdre du temps, il avait un but précis en tête, et un endroit spécial à montrer à sa compagne.

Dans une petite rue parallèle, non pas moins lumineuse que les autres, éclairée par ce ciel gris mais aveuglant, il y trouva ses principaux souvenirs. Sans la brune à son bras il aurait sûrement été hanté par des pensées assez sombres. Cependant ce n'était pas le cas, il avait le sourire collé aux lèvres et ce serait difficile de bien vouloir lui enlever. Comment vouloir voir un jeune homme si heureux se pavaner sans avoir l'envie de ressentir la même joie que lui? « Eeeeeeeeet, voilà l'enseigne du repère où j'ai passé mes principales nuits lorsque j'étais encore ici! » Le suédois avait eu la chance de grandir en plein centre-ville, ses parents n'avaient jamais eu de quelconques problèmes financiers et avaient appréciés de laisser leur fils s'épanouir dans un monde facile. Ses nuits et nombreuses soirées s'étaient donc principalement déroulée dans ce petit établissement, non pas mal aménagé. D'ailleurs l'ambiance était tout aussi chaleureuse et avant de rentrer, il entreprit de murmurer quelques mots doux à sa dulcinée : « Tu n'auras jamais à sauter, car si tu le dois un jour, je le ferais à ta place. » Il déposa un bisou dans ses cheveux et entra dans un gros bruit dans le bar : «Så mina vänner! Var är ölen?» (Alors mes amis, où est la bière?!)

A sa plus grande surprise, après une visite en express de la ville ou tout du moins de ses recoins les plus connus et la prise de quelques photos tout à fait mémorables, Mikaël la conduisit dans son « repère », qui n’était autre que le bar justement tenu par Jimmy, ancien agent de la CIA avec qui elle avait vécu les missions les plus trapues mais aussi les plus dangereuses de toute sa carrière. De son côté, le beau suédois demandait où était la bière, recevant un accueil digne d’un roi tandis qu’elle restait en retrait, complètement hilare, à attendre que le big boss ne la remarque et ne s’exclame, en hurlant à moitié dans un suédois tranchant : « Bordel de putain de merde !! Mes yeux ne me trompent pas, Lynn Ellie Maryweather est bien dans mon auguste bicoque !! » L’ex-agent sauta au dessus du bar pour la gratifier d’une étreinte tout à fait enchantée, que Lynn ne manqua pas de lui rendre. « T’es vieux et moche, tu le sais ça ? » « Toi aussi tu m’as manqué, vieille branche croulante ! » Si elle avait cru le revoir dès son arrivée, pour sûr, elle l’aurait appelé avant pour éviter de lui flanquer la presque crise cardiaque de sa vie. Cinq ans que les deux compères terribles ne s’étaient plus vus ! Et déjà, Jimmy offrait à Lynn l’un de leurs fameux concours de boisson, auxquels elle gagnait toujours par le passé, avant qu’elle ne décline l’offre de la main. « Désolée… petit bout en route ! » Difficile d’arracher une expression surprise à cette espèce de montagne de muscles qui devait pour sûr s’entretenir chaque jour, et il la félicita en beuglant quelque chose d’incompréhensible dans plusieurs langues différentes, toujours aussi persuadé qu’il était que la piquante Lynn ne se caserait jamais ô grand jamais. Et à partir de là, Jimmy salua Mikaël en grandes pompes à son tour, offrant une tournée générale pour celui qui avait réussi à mettre le grappin sur cette véritable citadelle imprenable. Pendant qu’ils se présentaient, Lynn fit de même dans un suédois impeccable auprès des potes de Mikaël, faisant manifestement l’unanimité au passage. Il faut dire que la brunette n’était pas seulement jolie, elle savait parfaitement se fondre dans la masse et capter aussitôt le discours pouvant passionner les gens. Hélas pour elle, ces formidables rencontres allaient devoir être mises de côté pendant quelques minutes. L’expression de son visage s’était décomposée en l’espace de quelques secondes, et sans attendre, elle s’excusa auprès de l’assemblée pour une soi-disant envie pressante. Mais il n’en n’était rien, malheureusement, aussi aurait-elle préféré que cette ridicule excuse soit véritable. Seul Jimmy avait aussitôt compris que quelque chose clochait, et la suivait du regard le plus discrètement du monde, n’hésitant pas à tendre l’oreille au cas où il faille intervenir…

Lynn s’était absentée vingt minutes au total. Mais vers la fin de cette absence, on peut entendre des bruits sourds et violents provenir non pas des toilettes mais plutôt de l’arrière cuisine du bar. Il n’y avait pas âme qui vive à l’intérieur de celle-ci, heureusement, et désormais, il n’y avait plus que Mikaël et sa bande de potes dans le bar. Une chance ! Car une espèce de dandy ressortit de la fameuse arrière cuisine, le visage blessé, le costume à moitié en charpie et pourtant un sourire insupportable aux lèvres. Lynn ne l’avait pas suivi, pas encore… elle était encore choquée, droite comme un i, à accuser le coup. Le dandy, qui n’était autre que le même James dont Mikaël avait vu une photographie dans l’ancien appartement de la jolie brunette, se pointa devant le suédois en le toisant de sa taille avoisinant les deux mètres. Son sourire ne l’avait pas quitté… « Pour être sport, je me préfère à vous en cette soirée. Je ne sais pas lequel de vous est le futur mari de Miss Maryweather, mais qui que ce soit, sachez que je ne lâche pas l’affaire. Seul un idiot peut ne pas savoir à quel point cette femme est de valeur. Appelez-moi James. » L’amour de jeunesse de Lynn n’était pas mort, il s’agissait d’une gigantesque mascarade. L’apprendre avait mis Lynn dans un état de nerfs sans précédent, mais cela ne sembla pas l’empêcher de balancer une lame tranchante dans sa cuisse afin qu’il ne s’éloigne du groupe. Hors de question de risquer la vie de Mikaël et de ses amis… « N’aie crainte, je pense avoir loupé la fémorale. Considère cela comme un avertissement : la prochaine fois, c’est dans la tête que tu te le prendras. Et crois-moi, j’aurais beaucoup de mal à te louper. » Lynn s’était exprimée en anglais certes, mais elle avait sûrement été comprise de tout le monde. James éclata de rire comme si rien n’avait d’importance, ôtant la fameuse lame de sa jambe avant de se diriger vers la sortie comme elle le lui avait demandé. « Tu sais que je t’aime, Lynn. Je n’ai jamais cessé de t’aimer. Si je t’ai mentit sur ma prétendue mort, c’était pour te protéger. Tu étais trop fragile… mais aujourd’hui je peux revenir vers toi. Je sais à quel point tu es une femme forte. Je ne lâche pas l’affaire. »

Cela se voyait de loin que la brunette venait de pleurer. Mais aucune autre larme ne s’échappait de ses yeux rouges. On ne pouvait que constater sa main gauche en sang, elle entourant actuellement d’un bandage de fortune, sans trembler ni mettre la moindre émotion précise sur son visage. Tout ce dont elle avait l’impression, c’était d’avoir été trompée toute sa vie durant… voilà qui ne forçait pas nécessairement la confiance. Mais cela ne l’avait pas empêchée de présenter Mikaël comme son fiancé, sans même s’en rendre compte, comme s’il s’agissait d’un réflexe. « Jimmy, finalement, je tuerais pour quelque chose de fort. » Les choses ne risquaient pas de s’arranger : pas alors que la délicieuse Erika avait elle aussi fait son apparition pendant l’absence de Lynn, et s’était installée à la table du petit groupe sans demander l’avis de personne… alors effectivement, elle avait bien besoin de quelque chose de fort !

Qui aurait pensé que cette petite intermède sympathique pouvait être à ce point dérangée et chamboulée par des évènements douteux. Il avait adoré recevoir un tel accueil, et voir Lynn se fondre dans la masse comme si elle avait toujours connu les connaissances de Mikaël avait été un plaisir. Pas besoin de toujours la border, elle savait tout aussi bien se débrouiller toute seule. C'était aussi ça qui était plaisant chez la jeune femme, on dit que les hommes ont besoin de se sentir utiles, et que les femmes débrouillardes ne sont pas intéressantes. C'était le contraire pour le bonhomme, qui adorait ne pas avoir à s'assurer que sa compagne aille bien toutes les deux minutes. Ne pas à avoir à toujours regarder dans la même direction et rester auprès d'elle sans ne jamais la quitter une seule seconde. C'était pour ça qu'il ne leva pas les yeux plus de deux secondes lorsqu'elle prit la route pour les toilettes, se laissant guider par ses fusantes discussions amicales. Néanmoins il ne fut pas des moins interloqué lorsque cet homme, non pas d'une allure désagréable, mais plutôt le contraire finalement, fit son apparition. Mikaël eu un sentiment gênant, quelque chose qui prenait place à l'intérieur de lui et qui serrait ses organes. Cette sensation était atroce, il ne supportait pas l'idée de voir quelque chose venir briser sa petite idylle; pourtant, c'était le cas. James?! Son souffle fut coupé, il n'avait pas eu à réfléchir, le nom avait fait ricochet rapidement dans sa caboche. Comment oublier que Lynn, elle, la seule, l'unique, avait eu avant lui un amour incontournable, un amour qui aurait pu se révéler être indestructible? Il n'avait même jamais prit le temps de savoir si les sentiments que la jeune femme avait à l'égard de cet homme présumé mort étaient bel et bien éteints.
Pas étonnant que le dandy le cherchait, mais il n'eu pas le temps de se dévoiler avant que le couteau traverse la salle à une vitesse fulgurante. La scène était de contenance, les amis du suédois n'avaient pas bougés bien que leur seule envie soit de prendre la porte, ou de sauter en masse sur le mec qui se pavanait comme un habitué dans le bar. Non, le temps était à l'immobilité, laissant un conflit d'intérêt mener la danse entre les figures principales. Le problème n'était pas moindre, et il sembla être aussi gros que l'univers quand une tête blonde prit part à la partie, en poussant la porte à son tour. Comment penser qu'elle serait encore habituée de cet endroit? Comment imaginer qu'elle serait encore en ville, et surtout, encore à côtoyer les mêmes personnes? James, Erika... Ça faisait beaucoup trop pour lui, surtout lorsqu'elle souleva son petit menton pour l’apercevoir au bout de la salle, prêt de ce mec à la cuisse saignante.
« Oh... Mon... Dieu... » Dans un souffle de la plus grande haine, le suédois entreprit de quitter le bar. Trop était trop, et des doutes s'emplissait dans son coeur. Comment gérer une telle situation? Comment gérer le fait que le seul amour de Lynn soit encore en vie, et qu'en plus il éprouve encore des sentiments pour elle? Il ne pouvait rien y faire, il n'était pas de taille. Et dans sa démarche extérieure, Erika ne trouva pas mieux que de le suivre avec un certain entrain. A tel point que les amis toujours présents au bar n'eurent pas de doute à s’esclaffer sur la chose.

« Tu sais que je n'ai rien à te dire.» Il alluma une cigarette, le froid s'empara de lui. « Tu sais que je n'ai même pas envie de croiser ton visage, et t'adresser la parole est déjà un supplice. Je n'ai pas envie de te voir, tu ne fais pas partie de ma vie, Erika. » La jeune femme ne trouva pas de réponse, et s'approcha plutôt du grand colosse, admirant son visage qui avait légèrement changé depuis ces quelques années. La barbe sûrement, cette petite barbe qui avait durcit les traits de l'homme. « Mik', je ne pourrais jamais justifier ce que j'ai fait, mais tu ne crois pas que c'est dommage d'en avoir fini comme ça? J'aimerais pouvoir te prendre dans mes bras et te dire à quel point mes sentiments n'ont pas changés. » Bilan des courses? Deux ex amours qui re-faisaient surface sans ne rien demander personne. Bilan des courses numéro deux? Ces deux ex-amours avaient tout les deux des sentiments pour le couple fiancés, qui étaient simplement venu se la couler douce dans le pays.
« Je ne savais pas que tu avais refait ta vie, c'est compréhensible, mais tu es revenu... Et, et c'est la seule chose qui importe, hein? Ne pars plus jamais... » Elle ne comprenait pas, non ça elle ne comprenait pas ce que c'était. Et bien que croiser le visage de la blonde soit presque douloureux pour lui, il n'en oubliait pas une seule seconde la présence de Lynn dans l'établissement, et n'avait aucune solution face aux questions que ces retrouvailles posaient. « Tu n'as rien pigé, donc je vais tâcher de m'exprimer dans le suédois le plus clair possible. Je suis fiancé, et même plus, j'ai un enfant en route. Un petit fils qui aura le droit d'avoir à ses côtés le père le plus dévoué du monde. Cet enfant, c'est avec la magnifique jeune femme à l'intérieur du bar que je l'aurais. Cet enfant, il aurait pu être le notre, mais il ne le sera pas parce que le destin ne nous voulait pas ensemble. A croire qu'il avait raison. » Bizarrement il n'avait pas digéré le fait qu'elle puisse l'abandonner pour le premier venu, non il ne l'avait toujours pas comprit, ni cautionné ni accepté. Cependant, rien n'empêchait le fait qu'il soit dingue de cette brune américaine, et qu'un ex-amour ne changerait rien à la donne, qu'elle soit still in love ou non. « Je te prie de m'excuser, et je te prie d'avoir un minimum d'amabilité et de quitter les lieux le temps de mon séjour à Stockholm. Je t'ai connu comme quelqu'un de raisonné et censé. Prouve moi que tu n'es pas devenue ce que tu prétends être.»

Sa réflexion brève l'avait poussé dans un élan qu'il ne pourrait même pas décrire. Ce n'était pas de la haine, ni de la rancune, pas de l'énervement. Il n'y avait aucune manière de décrire ce sentiment incompréhensible. Alors il se contenta de le satisfaire en entrant dans le bar avec une prestance certaine et les bras tendus comme des piquets. James n'avait pas bougé, un peu plus et il aurait fait une bouchée de la jolie Lynn. Jamais. Un poing brisa l'air, et s'éclata en plein dans le ventre de ce "dandy". Il ne s'attaquait sûrement pas à une proie facile, mais peu importe. Aussi l'homme provoqué prit le temps de réagir directement, rendant un coup des plus douloureux dans la belle gueule de Mikaël. L'adrénaline coupait tout sentiment de faiblesse, et les bras s'agitèrent comme sur un sac de boxe pour finir dans les arrières cuisines, toujours propulsés par leurs coups de plus en plus forts. Pas question de perdre ce match là, non. Pas le match qui disputait la personne la plus importante aux yeux des deux hommes : Lynn. Et Erika pouvait bien mourir de froid dehors, seule, il n'en avait que faire à cette seconde. Rythmés par ses mains arrondies, il laissa les mots lui écorcher la bouche comme des couteaux :
« Je vais te crever fils de pute, je vais te crever pour que tu meurs réellement et ne reviennes plus jamais! »

Le simple fait de savoir que Mikaël était en train de discuter avec Erika donnait la nausée à Lynn. Elle refusait de regarder dehors et n’avait d’yeux que pour le verre de scotch présent devant elle, verre auquel elle n’avait même pas touché. Sa gorge était tellement serrée qu’elle n’aurait rien pu avaler, c’était l’évidence même. Jimmy la regardait du coin de l’œil, se risquait à quelques paroles de temps à autre, notamment pour savoir si sa main gauche n’était pas trop amochée… mais il ne s’imposait pas à elle, pas comme le regard de James qui n’avait de cesse de la dévisager de bas en haut comme un trophée magnifique qu’il rêvait de serrer entre ses mains de mafieux. La brunette aurait volontiers quitté l’établissement pour aller se terrer dans le premier coin boisé à proximité de la ville, mais elle était bien incapable de faire un seul pas en avant. A vrai dire, elle était complètement bloquée, rien ne semblait la toucher et son ouïe était comme close. Sa conscience revint à son état brut lorsque Mikaël fit une nouvelle entrée fracassante, s’attaquant à James qui n’eut aucun mal à répliquer, hélas. Lynn, horrifiée, assista à la scène non sans les suivre jusqu’à l’arrière cuisine, ordonnant à Jimmy de rester en place à moins que cela ne dégénère réellement. Pour l’instant, elle pouvait gérer, du moins le pensait-elle… pour un peu, elle aurait presque mis de côté le fait qu’elle n’était plus toute seule dans l’équation et que leur fils risquait gros également : il fallait qu’elle s’interpose, ce qu’elle finit par faire dès qu’elle vit une percée entre les deux colosses impossibles à raisonner et encore moins à contrôler. « STOP !! » s’écria-t-elle avant de saisir violemment James de toutes ses forces pour mieux le balancer contre le mur d’en face, d’une prise des plus efficaces et qui n’aurait souffert aucune rétorque. Bien évidemment, le dandy finit par se relever, et, tandis qu’il voyait avec horreur que Lynn s’était placé devant Mikaël, non plus seulement pour le protéger mais également pour stopper là ce combat ridicule, il éclata d’un rire rauque en disant long quant à sa façon de pensée. « Aaaah c’est donc ce bourrin qui a jeté son dévolu sur toi ? Mais ma belle, il ne saura jamais t’apprécier à ta juste valeur, parce qu’il ne te connaît pas. Tu oublies bien vite tout ce que nous avons vécu ensemble, et à quel point nous étions inséparables. Tu oublies également que nous avons vécu notre première fois alors que tu n’avais que treize ans !! Comment peut-il rivaliser avec ça, hum ? Vu que tu n’as pas d’alliance, j’en déduis qu’il ne t’a pas encore demandé ta main, ce qui me laisse toutes possibilités de pouvoir te récupérer. » « A ton tour, tu oublies une bonne chose : TU as tout foutu en l’air. TU m’as brisée en mille morceaux, morceaux que j’ai eus énormément de mal à recoller ensemble. Je t’ai cru mort pendant onze ans. Onze ans bordel !! J’étais un fantôme à ta disparition. Un fantôme qui marchait, se nourrissait et se baignait dans les flots mais je n’étais plus qu’une ombre… tu m’as pris absolument tout ce qui faisait ce que j’étais, cette personne fragile peut-être, mais bourrée de qualités et de bonne volonté. Tu m’as pris le meilleur de moi-même, et ces années, tu me les as volées espèce d’enfoiré !! Quand je pense que je me suis blâmée si longtemps en ayant l’impression que je t’avais laissé mourir… ça me rend DINGUE ! Mais c’est fini. Ce lien toxique qui me liait à toi je m’en débarrasse ENFIN ! »

Certes, James voulu tenter de l’approcher après s’être relevé non sans mal avec sa jambe blessé, mais Lynn fut la plus rapide en braquant l’arme qu’elle portait sur lui. Son regard laissait échapper une telle haine qu’il valait mieux éviter de respirer, sans quoi elle aurait pu tirer dans le tas pour le plaisir de relâcher ses nerfs tendus comme une corde d’arc. Le dandy leva les mains, soudainement sérieux, et, tandis que l’on pouvait lire un léger sentiment de peur dans le regard de James, Lynn ne semblait jamais avoir été si sérieuse qu’en cet instant. « Ne me teste pas, car je t’en aurais foutu une entre les deux yeux avant que tu aies pu lever le petit doigt espèce d’enfoiré ! Et pour ta gouverne : je ne reviendrai jamais avec toi. Jamais. Tu appartiens à un passé que je veux oublier. Et puisque tu es manifestement aveugle, en plus d’être un abruti de première, laisse-moi en prime t’apprendre quelque chose : je suis enceinte. Celui dont tu t’es moqué n’est pas seulement mon fiancé, c’est l’homme de ma vie et le père de mon fils. Tu ne lui arriveras jamais à la cheville, car il est celui que j’ai toujours cherché. Dégage ou je te jure que je te dégomme avec un plaisir indescriptible ! » Et malsain, il va sans dire. James bafouilla quelques paroles incompréhensibles, et même si Lynn savait qu’il finirait par réapparaître, il venait de quitter le bar… c’était le principal pour l’instant. Elle abaissa donc son arme, qu’elle laissa choir au sol pour mieux se rendre vers Mikaël et l’inciter à s’asseoir doucement dans la pièce désormais déserte. « Tu es tellement stupide, tellement stupide ! » Les yeux de Lynn étaient rouges comme ils ne l’avaient jamais été, à l’image de toutes ces larmes qu’elle refusait de laisser couler. Au lieu de cela, elle observait les multiples blessures, légères certes mais tout de même, présentes sur le visage et de le corps du suédois alors que l’inquiétude marquait son visage. L’insulter n’était pas la meilleure façon de réagir, mais le corps entier de la brunette tremblait face à cette situation impossible dans laquelle ils s’étaient mutuellement trouvés. Elle en oublierait presque sa main blessée, d’ailleurs, et qui saignait pourtant toujours. L’adrénaline avait remplacé la douleur. « T’as pas intérêt à partir, sinon je t’assure que je te tue… ! Je t’en prie, ne pars pas loin de moi… c’est… tu te rends compte qu’il aurait pu te tuer !! Merde Mikaël, j’aurais fais quoi moi sans toi ? Pourquoi ne peux-tu pas comprendre que sans toi, je ne suis plus rien ?! » Lynn baissa la tête pour tâcher de contenir sa respiration et de se calmer, serrant ses propres mains en n’ayant cure de la douleur. C’était plus de stress et de panique qu’elle ne pouvait en supporter. « Je ne veux pas te voir partir avec elle. Je t’en prie, ne me laisse pas… » Même dans un moment pareil, elle n’oubliait pas qu’Erika avait fait son apparition, hélas…

Non il ne partirait pas. Non il ne partirait jamais, il n'y avait même pas penser, pas une seule fois cette idée lui avait effleuré l'esprit et elle ne ferait jamais. L'adrénaline avait laissée place à la peur pendant quelques minutes, lorsque Lynn braquait ce revolver sur la tête du dandy, qui avait mieux fait de prendre ses clics et ses clacs et de déguerpir. Une fois assis, tout seul, avec elle, dans la cuisine totalement dérangée, il reprit conscience. Et c'est en touchant doucement le bout de la lèvre qu'il sentit la douleur, et vu le sang sur sa main. Ce gars là n'était pas né de la dernière pluie, et ses forces étaient à reconsidérer. Heureusement pour lui il n'avait pas eu à combattre plus longtemps. Bien que cette bataille ai été une des plus fulgurantes qu'il ai connu. La présence de ses amis dans la pièce d'a côté n'était pas un soucis, celle d'Erika non plus. A vrai dire il l'avait même oubliée et c'était la belle brune qui trouvait le moyen de replacer son nom. Comment pouvait-elle imaginer une seule seconde qu'il puisse partir loin d'elle? Comment ne pouvait-elle pas comprendre qu'elle était devenue l'existence même du jeune homme? En un mouvement il se leva et alluma le robinet afin de passer de l'eau sur son visage meurtrie. « Rentrons à l'hôtel, maintenant. » Sa légère froideur n'était pas du au comportement de Lynn, il était seulement du aux évènements. Et s'il sortit sans même adresser un regard à ses compagnons et la blonde dans le coin du bar, il ne manqua pas de marcher du pas le plus rapide. La jeune femme avait raison de sortir de ses gonds, sa réaction était justifiée, tout autant que celle du suédois. Sa colère n'avait pas été contrôlée, ses émotions l'avait surpassé et il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas "over-reacted" à ce point là.

C'était une fois dans la chambre que la pression retomba à zéro. Point mort, le temps de reprendre conscience des évènements. James... Il aurait préféré le tuer, qu'il n'ai plus jamais à revenir. Il aurait préféré le voir mourir dans son sang, que de devoir le voir. Il aurait préféré continuer à regarder cette photo, qui était accrochée aux murs de l'ancien appartement de Lynn... Avant.
Comment ne pas attacher d'importance au fait que cet homme était toujours amoureux de sa femme? C'était un danger à voir et il ne fallait pas l'ignorer. Mais l'heure n'était plus à la guerre, il était à la douche et au repos. Mikaël avait laissé Lynn dans la chambre, alors qu'il s'apprêtait à profiter de l'eau chaude à volonté. Mais avant, il entreprit de retourner dans la pièce principale. Sans un mot il prit la main de la douce et l'entraîna dans la salle de bain. Ses mains glissaient autour de son corps, et puisqu'il était déjà nu devant elle, il fit tomber les bouts de tissus la recouvrant encore. C'était préférable pour pouvoir s'emparer d'elle comme il le fit, la poussant dans la douche et laissant l'eau chaude couler sur leurs corps refroidis. La peau de la brune frémissait au contact du mur carrelé, et la bouche blessée du suédois ne cessa pas de l'embrasser. Un peu dans le cou, puis sur la bouche. Ne jamais quitter ses lèvres, ses douces et chaudes lèvres. Des promesses avaient déjà étés faites, mais il était temps de les renouveler. Il était temps de prouver que les péripéties ne changeaient rien à son amour pour elle, qui était plus fort que tout. Alors, laissant sa bouche quitter douloureusement celle de sa compagne, il murmura la tête enfouie dans son délicat cou mouillé.
« Comment peux-tu encore douter de moi? De mon dévouement? Tu sais que je serais là jusqu'à la fin, tu sais que je partirais pour personne. Mon amour pour toi n'a pas de limite. Mais ne me fais plus peur comme ça, je t'en conjure, pas avec ce gars-là ni avec personne d'autre. On ne prendra plus de risque, hein? On construit seulement ce qui se révélera être toute notre vie. Pas question de détruire ses édifices maintenant. Il y a encore beaucoup de travail, cependant je sais qu'on pourra faire ça. On ira loin, tout les deux, et peu importe ce qui se passe autour de nous. On est au dessus, et prêt à tout. »
Il avait eu l'impression d'être un président, sauf que cette promesse n'était pas un mensonge. Elle était bien plus que ça, elle était une description d'un avenir qu'ils feraient ensembles. Du repos, tout ce qu'il fallait à présent était un peu de repos.

La froideur évidente de Mikaël avait le don de faire trembloter Lynn, mais elle ne dégoisa pas un mot pour autant. Silencieusement, elle attendait que l’orage ne passe et que le beau suédois ne soit enfin en mesure de dégoiser ne serait-ce qu’un son. Pour une fois, elle fut celle qui le suivit sans même broncher, s’asseyant sans vraiment y penser contre le matelas moelleux du lit tout en fixant le mur en face d’elle avec un air absent. Elle s’attendait à ce qu’il ne lui adresse pas la parole, au final… il n’avait strictement rien dit pour apaiser sa panique, sûrement bien trop oppressé par sa propre haine ainsi que sa propre panique… Lynn aurait voulu être transparente afin de ne faire aucun bruit, et de pouvoir simplement rester à veiller sur lui jusqu’à ce que les battements de son corps ne s’apaisent. Mais finalement, elle le vit débarquer au bout de quelques minutes, complètement nu, et sans sourire, elle se releva du lit. La brunette n’eut pas le temps d’émettre le plus petit son que déjà, il lui avait pris la main et l’avait débarrassée de ses vêtements pour mieux qu’elle ne l’accompagne sous la douche. La chaleur qu’ils partageaient tous deux, de même que les baisers qu’il lui offrait, étaient tout bonnement divins. Lynn avait besoin de cela pour que son corps entier ne cesse de frissonner de manière désagréable… enfin elle s’apaisait, petit à petit, tentant de chasser la multitude de souvenirs et d’émotions abominables de son esprit. Finalement, le discours de Mikaël la scia en deux, la poussant à entrouvrir la bouche pour rétorquer quelque chose, avant de se raviser pour le laisser finir. « Ce n’est pas de toi que je doute, je n’ai jamais douté de toi… c’est de tout le reste que j’ai peur. Je pensais même que tu m'en voulais ! Je n’ai pas envie de te mêler à ce genre d’intrigues à la con, j’essaye de t’épargner tout ça, mais… je n’aurais pas pu imaginer une seconde qu’une telle chose soit possible. C’est comme tout mon passé n’était qu’une gigantesque mascarade, et que je me retrouvais semblable à un pantin. J’ai envie d’exploser tellement ça me révolte et que j’ai la haine !! » Lynn se racla légèrement la gorge en se rendant compte qu’elle parlait d’elle, de son ressenti, alors qu’il n’avait aucune espèce d’importance pour l’instant. La seule chose qui importait véritablement, c’est qu’ils étaient encore ensemble, envers et contre tout. Ils semblaient pourtant avoir affronté une véritable tornade, et se trouvaient affaiblis, mais enlacés et en vie.

Avant même de continuer sur sa lancée en vue de le rassurer, Lynn fut la première à reprendre possession de ses lèvres, comme s’il s’agissait de la meilleure promesse qu’elle soit en mesure de lui faire. Elle le lui avait justement dit tout à l’heure, il était tout pour elle, le point central de sa nouvelle existence. Ce n’était pas pour rien qu’elle avait abandonné le terrain, son ancien boulot et tout ce qui s’y rattachait… c’était justement par amour pour lui. « Je n’ai pas l’intention de partir. Jamais. Je préfèrerais me taillader les veines, crois-moi ! Mais à ton tour, ne me fais plus jamais une peur pareille… que ce soit avec cette putain de nénette ou quelqu’un d’autre, je m’en fous. Tu n’as pas conscience du fait que j’ai maladivement besoin de toi… et que tu m’as aussi flanqué la trousse de ma vie. Mais je vais prendre soin de toi. » Quitte à ce qu’ils ne s’accrochent mutuellement l’un à l’autre comme s’ils étaient leurs bouées de sauvetage respective, Lynn le serra contre lui comme si sa vie entière en dépendait, lui donnant toute sa chaleur retrouvée et partageant à présent les battements de cœur à l’unisson de son palpitant. « Te rencontrer est la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. » Certes, Lynn se crispait de temps à autre face à une douleur abdominale tout à fait logique après un tel excès de stress, mais il n’y avait pas de raison de s’inquiéter. Ils allaient être chacun le médecin de l’autre…

L'eau chaude coulait toujours, et la jeune femme remplissait la condition en rendant cette promesse. C'était fait, comme un renouvellement des voeux qu'ils avaient déjà fait quelques mois plus tôt. C'était vrai que tout était allé très vite, mais il n'y avait pas de soucis par rapport à ça. C'était bien parce que leur amour grandissait de jour en jour qu'il était de plus en plus vif. Aussi chaud que la braise, aussi chaud que l'eau qui leur coulait dessus à la seconde même. Dans ce moment rassurant, Mikaël se laissa tomber sur le sol carrelé, invitant Lynn à faire de même. Ainsi, appuyé contre le mur, il prenait la jeune femme s'allonger sur lui en écartant légèrement les chambres. Ses gros bras l'entourait alors que l'eau ne s'était pas arrêté. L'ambiance n'acceptait plus la place de tout les précédents problèmes. Ce n'était pas le temps de penser à ça, pas encore. Sa tête était posée sur les fines épaules de la brune :
« Tu sais que c'est tout aussi réciproque. Tu es même la plus belle chose qui soit arrivée dans ma vie, et tu sais quoi? Tu n'en partiras jamais, et c'est encore plus merveilleux.» Ses bras se resserrèrent pour ramener le corps encore plus proche du sien. Ce contact était précieux, tout aussi précieux que leur couple. Ils avaient beau s'aimer comme des fous, il ne fallait pas ignorer le fait qu'au fond ils étaient assez faibles. Surtout vulnérables. Un rien pouvait leur arriver sans même qu'ils aient pu prendre leurs précautions. James en était la preuve, et les anciennes occupations de la brune, bien qu'elle ai donnée son véto, représentaient un risque aussi. Mikaël en était conscient et il ne laissera rien venir briser leur idylle. « On doit faire attention. Tu es fragile, et tu le seras encore pendant plusieurs mois. Je ne dois pas te quitter d'un oeil, et même si tu es la femme la plus débrouillarde que je connais une fois que ton ventre sera plus gros qu'une pastèque tu ne pourras plus te défendre comme tu le fais maintenant.» Un petit soupir se fit entendre, mais il ne lâchait pas son étreinte pour autant.
« On doit rester sur nos gardes, du moins pour l'instant, tu n'as pas encore disparue du radar de certain, et les conséquences de ton ancien travail restent encore, comme un étau autour de nous. On ne peut le bier et l'ignorer. Mais tu fais ce que tu peux, et tu nous sauves, tu te sauves déjà de bien des malheurs en rendant ton tablier. Je ne te remercierais jamais assez pour ça. Je ne m'imagine pas rentrer à la maison sans toi, parce que tu auras perdu la vie sur le terrain. Jamais ça.»

Si cette longue douche aurait le bienfait de les nettoyer intégralement, une bonne nuit de sommeil n'était pas à proscrire. Demain matin serait le jour d'une rencontre qui laisserait le chemin fleurie. Lynn et ses parents allaient enfin se voir, et à cette idée, Mikaël trépignait déjà.

Lynn accompagna Mikaël volontiers dans sa chute, se blottissant contre lui comme elle ne l’avait jamais fait avec quelqu’un d’autre. Autrefois, elle n’avait confiance en personne à l’exception de son père. Et encore, il ne la voyait jamais pleurer, montrer ses faiblesses de quelque manière que ce soit. Lynn voulait qu’il ait toujours conscience de son côté débrouillarde, afin qu’il n’ait pas à s’en faire pour elle. Ce n’était pas toujours d’une efficacité à couper le souffle, mais la brunette faisait tout ce qu’elle pouvait pour le protéger. Aujourd’hui, c’était Mikaël et leur fils qu’elle voulait protéger. La jeune femme aurait d’ailleurs mille fois préféré qu’il n’ait jamais à souffrir un pareil traumatisme… entre la relation qu’il entretenait autrefois avec Erika et celle qu’elle avait vécu avec James, présumé mort jusqu’à ce soir, il n’y avait pas photo. Ce n’était point une comparaison que de dire cela, mais le lien qui les unissaient n’avait strictement rien à voir… d’un côté, un couple tout à fait normal, et de l’autre, l’union d’une jeune femme imprévisible et d’un fils de mafieux ; leur quotidien n’aurait jamais pu atteindre une quelconque normalité. Dans le fond, sans doute était-ce bien mieux ainsi… surtout que les sentiments qui l’unissaient aujourd’hui à Mikaël étaient d’une force n’ayant jamais été atteinte avec qui que ce soit d’autre. Elle l’aimait à en rompre les battements de son cœur, à s’en oublier complètement au passage, quitte à devoir foncer dans un train déjà en marche pour lui venir en aide. Qu’importe… cela vaudrait toujours le coup. « Tu veux dire quand je serais comparable à une baleine échouée ? J’ai bien compris la comparaison ! » Lynn laissa échapper un petit rire afin de déteindre une atmosphère dont la tension palpable s’amoindrissait de seconde en seconde. Il n’y avait pas de mal à donner un petit coup de pouce pour mieux faire encore. « Tu sais, il n’y a rien que je ne sois pas prête à faire pour toi. Ou pour notre fils. Vous êtes ma famille maintenant… celle que je choisis, et cela ne me demande aucun sacrifice que d’abandonner le terrain. J’étais une tête brûlée avant, je faisais n’importe juste parce que c’était fun… peut-être qu’il est temps que je me mette du plomb dans la cervelle. Je ne dis pas que ça ne me manquera jamais… mais je me connais, je vais connaître une bonne dose d’adrénaline à mon nouveau poste, sans tout le danger qui va avec, et puis je peux toujours me maintenir en forme, aller au stand de tir si j’ai le doigt de la gâchette qui me démange ; ce n’est pas un sacrifice. C’est normal à mes yeux. » Lynn incita le beau suédois à se relever en même temps qu’elle, et, après avoir fermé les deux robinets, les entoura tous deux d’une immense serviette afin de les sécher l’un comme l’autre sans qu’ils n’aient à s’éloigner. Elle lui balança un peignoir en soie blanche, en enfila un, et parti l’attendre sur le lit en l’accueillant bras ouverts.

Lynn trouva un plaisir divin à s’allonger à côté de Mikaël, sans cesser de le regarder ou de caresser sa joue tandis qu’ils n’étaient qu’à quelques millimètres l’un de l’autre. « Je connais mes limites, je les ais très bien senties aujourd’hui. Alors puisque tu as une masse musculaire dix fois supérieures à la mienne… protège-moi. Protège-nous. Bientôt, je ne serais plus capable de le faire, c’est vrai, et je vais me reposer uniquement sur toi. Mais j’ai confiance en toi comme je n’ai jamais eu confiance en personne… je sais que tu y parviendras sans peine. » Ce n’est qu’après ces paroles que Lynn s’approcha à nouveau pour qu’il ne se cale contre sa poitrine, pour mieux être bercé par les battements de son cœur, nettement plus réguliers. Elle était aux portes du sommeil, mais elle murmura tout de même dans un souffle : « Et si on l’appelait Tom le petit bout ? »
Elle n’eut pas le temps d’entendre sa réponse que déjà, elle plongeait dans un sommeil plus que profond. Il aurait pu y avoir une alerte à la bombe que Lynn n’aurait pas pu être réveillée… ce qui ne l’empêcha pas d’ouvrir un œil glauque vers onze heures du matin : elle se redressa plutôt brusquement, frappée d’un mal de crâne plutôt colossal, étrange alors qu’elle n’avait pas bu une goutte d’alcool, mais on ne peut plus logique lorsque l’on connaissait l’épreuve qu’elle avait vécue la veille. Mikaël dormait encore comme un bébé, aussi embrassa-t-elle son front avant de se glisser hors du lit et de tâcher de trouver LA robe la rendant étourdissante, bien que celle-ci soit près du corps et démontre très largement ses nouvelles rondeurs. Ce n’est qu’après qu’elle se mit à batailler avec la trousse de secours qu’elle emportait toujours dans ses valises… le but ? Soigner sa main blessée et faire un vrai pansement, alors qu’elle n’avait pas pu le faire la veille. Cela ne l’empêchait pas de jeter très régulièrement des œillades au beau suédois, afin qu’il ne croit pas qu’elle se soit fait la malle en pleine nuit !

Il la suivait sur le lit, et se laissait être caressé et bichonné. On aurait pu le traiter de chat et ça n'avait pas d'importance. La dernière proposition de Lynn le laissa dans les méandres d'une réflexion intensive. "Tom"... Il avait toujours apprécié ce nom et imagé le mot avec une personne forte d'esprit, et même physiquement. C'était aussi ainsi qu'il imaginait son fils. Un petit murmure... « Thomas, ce serait encore mieux... » Sa respiration était fine et douce, et en avançant légèrement la tête il vu la belle brune endormie, les évènements avaient étés lourds et fatigants.

Ses yeux s'ouvraient alors que les rayons du soleil perçaient durement la chambre d'hôtel. Un peu de bruit venait depuis la salle de bain et il en déduit que la jeune femme prenait le temps de se faire une beauté. Il s'asseyait péniblement sur le bord de lit et se frottait le visage. Rituel matinal pour ressasser les éventuels rêves de la nuit, et ceux là n'étaient pas joyeux, non. Mikaël avait du mal à digérer les évènements, il avait du mal à réaliser que James, ce gars là, était encore en vie. Certes les promesses du couple étaient vraies, et pas question de briser ne serait-ce que l'unes d'entre elles. L'amour était déjà la plus forte de toutes les promesses, non? Pourtant il y avait quelque chose de sombre dans sa tête, quelque chose qui donnait des petits coups de couteaux, vicieusement, dans la caboche du colosse. Les derniers propos de la veille n'avaient pas reçu de réponse, alors il allait devoir les protéger? Était-il à la hauteur? Le jeune homme avait souvent répété qu'il serait le meilleur père, et si il échouait misérablement?
« Prête pour le grand jour, hmm? » Ses bras s'emparaient de la jeune femme, sa voix enrouée matinale se perdait dans des pensées brumeuses.
« Programme : cette fois-ci on va vraiment faire du shopping, pas d'arrêt dans un bar quelconque, on mange, on fait un musée, ou pas, comme ça on le réserve pour les 6 ans de Thomas. » Wouaw, il venait de se projeter comme s'il avait sauté dans un vide, dans le néant. Six ans? La perspective de devoir attendre six années était délicieuse. Enfin, devoir attendre six années aux côtés de la même femme. Six ans aux côtés de son seul et unique amour.
« Et nous sommes attendu à la maison des Strömblad pour vingt heures du soir. Ça te va, madame directrice des opérations? »

Lynn n’avait pas entendu la réponse de Mikaël au sujet du prénom de leur fils, et autant dire qu’elle sursauta légèrement en l’entendant prononcer le nom de « Thomas ». C’était une mélodie si délicieuse à ses oreilles qu’elle en frissonna d’une manière on ne peut plus agréable. Elle avait toujours adoré le prénom Tom, mais rien n’empêchait à ce que ce surnom ne se fasse une place dans leurs mœurs. « Six ans ? » Lynn se releva et sourit malicieusement, non sans déposer un baiser léger comme une brise printanière sur les lèvres de son cher et tendre. Non vraiment, la soirée de la veille lui semblait bien lointaine pour l’instant. D’autant qu’elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer avec un amusement non dissimulé le conseiller en matière de mode de grossesse que pourrait faire Mikaël… cette séance de shopping n’allait pas manquer d’intérêt, c’était une certitude. « Ah non, non ! Je ne suis plus directrice des opérations, remember ? C’est toi le suédois de la situation ! Tu connais sûrement bien mieux que moi les boutiques branchées de Stockholm, ainsi que les restaurants qui valent la peine… tu as oublié ce que j’ai dis hier ? Tu conduis, je suis. » Il avait intérêt à en profiter, car une fois de retour à New York, pas sûr qu’elle soit aussi docile, même lorsqu’elle aurait un ventre énorme et qu’elle ne pourrait se déplacer qu’en marche de canard. Lynn était plus docile ici car il s’agissait de la terre natale de Mikaël… et qu’elle respectait la chose plus que n’importe qui d’autre. « Garde l’idée du musée pour les six ans de Thomas, alors, mon ange. » D’un musée ou d’autre chose, suivant les goûts du petit gars qui serait bientôt entre leurs bras protecteurs. A cette simple pensée, une peur panique s’emparait cruellement des entrailles de la jolie brune… elle n’avait pas fini de se faire du mouron.

« Viens par là, il n’est pas question que tu te présentes devant tes parents avec des plaies partout ! Assis ! » Lynn appuya sans violence contre les épaules de Mikaël, s’arma d’une compresse imbibée d’alcool et commença à désinfecter les quelques petites plaies qu’il portait au visage, laissant celles aux bras et aux mains pour la suite. « J’ai bien peur qu’à part avec des bisous magiques, je ne puisse rien faire pour ta plaie à la lèvre… mais pour éviter d’affoler ta mère, je dirai que je t’ai cogné en ouvrant trop violemment une porte. Tu es un homme battu, c’est bien connu. » Lynn tentait de dédramatiser la situation dans la mesure du possible, créant une proximité parfaitement voulue entre eux, afin qu’il ne se débarrasse de ses éventuelles pensées moroses pour ne se concentrer que sur l’essentiel : un moment privilégié entre eux, et la rencontre prochaine de Lynn et de ses parents.

Oui c'était un moment privilégié, et oui Mikaël en profitait de la meilleur façon. Malgré le fait que le désinfectant s'amuse à le piquer malicieusement. Au moins il aurait quelques souvenirs sur la peau de cette balade dans la capitale suédoise. Il se sentait en sécurité dans ces bras féminins, le colosse ce n'était pas vraiment lui en fait. « Bon, on devrait avancer un peu. Tu es superbe, tu n'avais même pas besoin de sortir le grand jeu juste pour aller faire du shopping.» Sur ses mots il enfila le premier T-shirt et pantalon pour y aller le plus vite possible. Une idée derrière la tête? « Parce que je ne t'ai pas tout dit! » En effet, il n'avait pas cité tout les projets sur la liste. Et c'est en sortant et en la dirigeant par le métro dans des coins de la ville qu'elle n'avait sûrement pas vu, qu'il donna des réponses aux questions. IL entra dans une petite enseigne, qui n'était autre que celle de son tatoueur préféré. Mikaël était un habitué, et il ne fallait pas oublier que l'encre était déjà parsemé partout sur sa dure peau. Si les blessures de la veille devaient rester sous forme de cicatrice, alors autant les repousser par un dessin qu'il trouvait inévitable de faire. Toutes les épreuves et passages importants de sa vie étaient gravés, Lynn devait en faire partie. « J'y ai réfléchis depuis quelques temps, et c'est ici que je voulais le faire. A la maison. » Le tatoueur, un vieil ami, ne l'avait pas oublié, et aussi il l'emmena tout de suite dans l'arrière boutique pour commencer son oeuvre. La belle brune, pendant ce temps, pouvait aller s'occuper de trouver son bonheur en matière de fringue. Il fallait néanmoins plusieurs heures à l'artiste pour lui triturer la peau, et le résultat fut donné en fin de journée.

« Tu ne peux pas me dire que tu n'aimes pas, j'en suis dingue, et c'est pour toi.»Son épaule gauche était recouverte de la vierge marie, signifiant pour lui une toute nouvelle naissance, naissance qui se faisait aux côtés de la belle brune. Bientôt il pourrait aussi s'encrer pour Thomas, et il pensait déjà à une idée de dessin spécial. « Tu es prête pour le grand saut? C'est maintenant! » L'appartement de ses parents était situé dans le centre riche de la capitale. En quelques dizaines de minutes ils y étaient déjà, prêt à sonner à l'interphone. Il déposa un doux baiser sur ses cheveux, puis sur ses lèvres et entreprit de monter. C'était sa mère, qui ouvrit la porte avec insistance avant de toucher presque tremblante les joues de son fils, puis son torse, puis elle l'entoura de ses bras en hurlant presque. « Mikaël, oh mon dieu Mikaël, tu as grandis, tu es beau! » Le jeune homme souriait, dé consterné : « Maman, maman arrête. Ça fait trois ans, je n'ai pas changé. A moins qu'on puisse prendre 7cm à 28 ans.» Enthousiaste elle ne prit même pas en compte la remarque ironique de sa progéniture et tout en l'attrapant par les épaules, elle embrassa amicalement Lynn. « Tu ne m'avais pas dit que tu étais avec un mannequin! » Un petit sourire à la belle brune, qu'elle contrastait les cheveux grisant et blonds de la mère. « Allez, entrez! Ton père rentre bientôt du travail, une réunion qui finissait tard je crois. Mais il m'a dit qu'il avait une surprise et que tu adorerais. » Il n'avait aucune idée de ce que ça pouvait être, mis à part peut-être des nouveaux gants de boxe. « Alors, alors, alors! On a beaucoup de choses à se dire je crois. Commençons par... Lynn! Ça obligera mon petit Mike' à se décentrer de sa personne pour une fois. Dis moi ce que je devrais savoir pour te combler en tant que belle maman! » Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas été belle-maman... Et bien longtemps qu'elle avait souhaité reprendre ce rôle.

« Tu veux dire que tu me considères comme une sainte ? La comparaison est audacieuse ! » Sans offrir un compliment parfaitement clair à Mikaël, rien ne semblait empêcher Lynn d’observer ce nouveau tatouage comme s’il s’agissait d’une œuvre d’art… ce qu’il était, du reste. La brunette avait toujours considéré le tatouage comme un art à part entière. En l’occurrence, elle ne pouvait s’empêcher de remarquer la finesse de chaque traits, de tous les ombrages, et le réalisme à couper le souffle qu’il venait de s’offrir en faisant appel à un tatoueur rudement doué. Lynn était tatouée elle-même, et bien qu’elle soit nettement plus friande de pièces en couleurs, elle n’était pas du genre à cracher dans la soupe et appréciait chaque tatouage de Mikaël à sa juste valeur. De son côté, elle n’était pas restée inactive et avait trouvé son bonheur parmi les vêtements de femme enceinte qui, elle en était sûre, allait la rendre plus épanouie et resplendissante à chaque nouveau jour. Même sans les conseils avisés de son cher et tendre, elle n’avait pas manqué de prouver à quel point son goût était divin. Elle se promit cependant de ne lui faire un petit défilé qu’une fois de retour à l’hôtel, car pour l’heure, elle était davantage concentrée sur la future rencontre avec les parents du beau suédois… rencontre qui l’angoissait, d’ailleurs. Jamais ô grand jamais Lynn n’avait été confrontée à pareille épreuve, car il en s’agissait bien d’une. Il fallait dire que sa propre famille ne respirait pas la normalité, et bien qu’elle soit guidée par les multiples conseils dictés en français par son géniteur juste avant qu’il ne les quitte au restaurant panoramique de New York, Lynn avait du mal à calmer les battements irréguliers de son palpitant souffreteux. Il faut dire que l’entrée en matière fut particulière, et semblable à une tornade : Strömblad mère était exactement comme elle l’avait imaginée… une vraie matriarche dingue de son fils ! Au départ, elle se fit toute petite, jusqu’à ce qu’elle ne manque de s’étrangler avec sa salive : « Mannequin ? Non pas du tout, mais le compliment me touche » répondit-elle dans un suédois parfait et sans accent canadien qui tienne. Lynn avait bien appris ses leçons en la matière…

La piquante brunette n’hésita pas à rendre l’étreinte de la mère de Mikaël sans hésitation aucune, bien qu’elle ne soit pas forcément habituée aux grandes embrassades ni d’un naturel particulièrement câlin. Lynn restait une dure à cuire, après tout… elle s’assit dans le salon après y avoir été invitée également, cachant son trouble avec un brio digne d’une grande actrice, gratifiant même l’assemblée d’un sourire franc et sincère lorsqu’elle demanda comment elle pourrait la combler. Quelle question ! « Ne vous donnez pas tant de mal, voyons… je suis déjà comblée, de toute manière. Votre fils est formidable, et bientôt j’aurais un deuxième homme dont je devrais m’occuper, alors je crois que j’ai tout ce dont je peux rêver. Mais c’est un plaisir faire votre connaissance, vraiment. » Et elle avait tout autant hâte de faire la connaissance de Strömblad père, tandis qu’elle se demandait à qui Mikaël ressemblait le plus… et qu’elle prenait bien le soin de ne surtout pas dire un mot sur son métier, pas tant qu’elle n’y serait pas contrainte. A la place, elle se permit de se lever pour aller jeter un œil sur les différentes photographies présentes sur un grand meuble, et qui étaient pour la plupart du beau suédois. « Peut-être avez-vous des questions à me poser, plutôt ? Vous pouvez en poser aussi à votre fils, histoire que je sache ce qu’il pense de moi, ça ne manquera pas d’intérêt. » Pour l’instant, Lynn était bien incapable d’utiliser le tutoiement semble-t-il… cela viendrait.

Mikaël rigolait presque la situation, trouvant ça marrant et intriguant de voir sa belle brune devenir une femme polie et rangée dans sa cave. Son extravagance était au placard, pourtant, elle n'avait pas à se recroqueviller de la sorte, Agneta Strömblad n'était pas née de la dernière pluie, et les extraverties étaient sa matière de vie puisqu'elle en était elle-même une. Le suédois gardait un oeil sur Lynn, qui feuilletait des yeux les nombreux souvenirs d'existence étalés sur les meubles. Des voyages, des extraits, des petits bouts de vie. « Le problème avec un fils comme ça, c'est que je sais tout ce qu'il pense avant même d'ouvrir la bouche. Pas la peine de lui demander, je connais déjà la réponse.» Il n'en revenait pas, elle se faisait complètement mousser, mais le sourire ne le quittait pas et il rigolait. « Tu es incroyable. Et tu nous fais quoi de spécial à manger sinon?» Ah non, le gros gourmand ne perdait pas le nord, il savait pourquoi il était venu ici : se remplir le gosier de la meilleur nourriture du monde : celle de sa mère. « C'est toi qui est pas croyable, trois ans et tu viens à la maison pour manger! Je souhaite à Lynn du courage, quand votre fils aura le même que toi tiens. » Sur ses mots elle s'en alla sournoisement de la pièce, ce qui laissa tout le plaisir au jeune homme d'aller embrasser sa douce dans une tranquillité particulière. Mais aussitôt partie, aussitôt revenue, Agneta était de retour dans le salon avec des larges albums dans les mains. « Je vais faire plaisir à Lynn en lui montrant à quoi tu ressemblais quand tu étais encore quelqu'un d'agréable et adorable.» La mère poule tendit les albums à la canadienne, qui par ailleurs s'exprimait dans le suédois le plus parfait, pour qu'elle les feuillette avec plaisir. A la carte? Bébé cul nu sur la plage, bébé qui mange, bébé sur le pot, enfin bref, toutes les poses les plus ridicules que quelqu'un puisse montrer. Tout de quoi ravir le colosse. Heureusement pour lui que la sonnette s'actionna, laissant Agneta enthousiaste. « Et voilà William! Quelque soit la surprise, surtout, n'oublie pas de faire comme si tu aimais! »

Ah pour sûr il aurait pu aimer si son vieux père n'était pas entré avec aux bras la personne la moins attendue à un tel moment : Erika. Comment une telle situation pouvait être possible? Ses mains se raidirent et ses traits s'étaient assombris. William regardait autour de lui et croisa le regard paniqué de sa propre femme, comme si il venait de condamner la terre entière. « Awkward. Hm, eh bien.» L'homme regarda Erika, désolé et crédule. « Mais ce n'est rien Will ne t'en fait pas, tu ne pouvais pas savoir! » En une seule phrase la blonde venait en plus de mettre Lynn sur un fil en tutoyant une personne qu'elle n'était pas prête de tutoyer, et de passer pour la personne la plus détestable de cette planète. « Non mais par contre il y en a une qui savait très bien le but de ma visite dans le pays, et c'était toi. Tu es vraiment pathétique, c'est désespérant. Il n'y a pas à être dérangé de cette situation, Erika va simplement partir et nous laisser atteindre le but premier de ce rendez-vous : présenter ma fiancée.» Le problème c'est que William avait toujours aimé cette ancienne copine, à croire qu'il aurait même pu être en couple avec. Et que s'il l'avait invité ici c'était pour les rabibocher, chose tout bonnement impossible.

Lynn commençait tout juste à mettre en place une sorte de complicité entre Agneta et elle, par le biais des albums photos qu’elle avait sous le nez. Pour sûr, Mikaël n’aurait jamais droit à un tel privilège avec le père de la belle ! Lynn aurait tôt fait de tuer son géniteur sur place s’il osait ne serait-ce que présenter un seul cliché de l’enfance de sa fille… même si elle était tout bonnement adorable déjà étant enfant. Cela dit, rien ne l’empêcha pas sortir une photographie qu’elle avait toujours dans son portefeuille, de ses parents, lors de leur mariage. Elle n’eut cependant pas le temps de la tendre à Agneta ou Mikaël qu’elle manqua de s’étrangler avec sa salive : ce qui aurait dû être une rencontre parfaite et un moment délicieux venait tout juste de se transformer en cauchemar. Ce n’était pas tant qu’Erika soit présente en ces lieux qui mette Lynn terriblement mal à l’aise, mais plutôt le fait qu’elle soit en mesure de tutoyer William, le père de Mikaël, avec une facilité que la brunette n’était pas prête d’avoir. Et bien qu’elle en ait très envie, la jolie canadienne s’interdit de serrer les poings et fut fidèle à toute l’éducation inculquée par son père en saluant Erika d’une poignée de main. « Lynn Maryweather. » Elle n’alla pas jusqu’à dire qu’elle était enchantée, il ne fallait pas pousser mémé dans de la lave en fusion non plus, mais il s’agissait là d’un effort surhumain qu’elle était prête à faire pour l’amour du beau suédois. Elle ne s’occupa de saluer le père de celui-ci qu’ensuite, d’une bise cette fois, avant de s’apercevoir que son corps entier était sujet à de légers tremblements. Lynn ne savait toujours pas qu’en soi sa grossesse était risquée, vu que Mikaël n’avait pas soufflé un mot à ce sujet, même lors de son séjour à l’hôpital. « Je vais vous demander juste une petite seconde, je reviens tout de suite » s’exclama-t-elle d’un ton enchanté, ponctué d’un sourire éclatant. La brunette était décidément une très bonne actrice, bien qu’intérieurement, elle soit littéralement en train de hurler.

Pendant de longues minutes elle s’enferma dans les toilettes, fidèle à sa fierté : inutile de dire qu’elle ne se serait pas mise à chialer en pleine assistance, elle se serait retenue jusqu’à ce qu’elle soit en mesure de pouvoir le faire en solo, dans le coin le plus isolé possible. Lynn pleurait silencieusement, recroquevillée avec ses genoux contre elle, l’une de ses mains caressant longuement son ventre s’arrondissant de jour en jour. Et elle répétait, comme une ritournelle insupportable : « Tu peux le faire, oui tu peux le faire… tu as déjà fait pire ! Tu vas lever ton cul de ce carrelage et retourner auprès de tes hôtes… » Mais il lui fallait encore quelques minutes. Juste quelques minutes pour se remettre et calmer ses hormones au bord de la folie.

Mikaël n'avait que faire de la présence de cette blonde, mais il n'était pas indifférent face à ce complexe non pas dilemme, mais problème. Pourtant la solution paraissait toute simple : cette femme devait partir, et personne n'en doutait. Peut-être mis-à-part William, qui tout bedonnant restait interloqué comme s'il ne comprenait toujours pas. « Bon, si personne ne veut rien faire je vais faire bouger toute la petite assemblée. Je vais chercher Lynn, et quand je reviens on dira tous au revoir à madame Erika qui pourra retourner chez elle. » Il avait été clair, son ton ne fusait pas mais il était froid et autoritaire. Pas question de respirer le même air que son ex, pas seulement parce que c'était quelque chose d'atroce pour Lynn, mais aussi parce qu'il ne la supportait pas. Il voyait en elle un passé révolu, qui ne lui manquait pas. Alors en marchant d'un pas décidé il toqua à la porte des toilettes, doucement, entendant quelques bribes de pleurs revenir à ses oreilles meurtries. Comment pouvait-il être un compagnon aussi détestable et mettre sa femme enceinte dans des situations aussi stressantes? « Lynn, tu peux m'ouvrir s'il te plait? »Par chance la pièce était assez grande pour contenir deux personnes, pratique pour des toilettes. Le suédois prit place aux côtés de la jeune femme, et essuya ses joues humides de son pouce : « Tu sais quand je t'ai dit que j'allais veiller sur toi? Que grâce à moi tu ne serais jamais confrontée à une situation stressante? Eh bien, je ne te laisserais pas penser que j'ai échoué cette mission. Viens avec moi, on fait déguerpir l'hôte indésirable et on passe une bonne soirée. Ça te va? » Mikaël lui avait parlé doucement, sûrement, dans un ton des plus réconfortant. La voir dans cet état était susceptible de lui briser le coeur. C'était bien trop dur d'observer son amour être dans un état pitoyable par sa faute. Il lui tendit la main avec un petit sourire pour qu'elle se relève. Son magnifique ventre arrondissait sa robe, il adorait cette forme, il adorait le corps de Lynn et n'était pas prêt de changer d'avis.
C'est en revenant dans le salon qu'il bredouilla en voyant que l'intrus était toujours là.

« Eh bien voilà, on peut tous dire au revoir à Erika maintenant! » De la manière la plus ironique il secoua la main, en guise d'adieu et invita les autres personnes présentes à en faire de même. Le but? Etre aussi détestable que cette femme pouvait l'être. Il ne la connaissait plus, et à vrai dire, il n'avait même pas envie de la connaître. « J'en reviens pas que tu ai pu changé comme ça Mikaël, tu sais que ce n'est pas toi, tu te souviens de tout ce qui s'est passé ici et tu sais très bien que c'était ça ta vie. Reviens.» Sur ses mots elle prit ses talons à aiguille et tapa le sol en sortant de l'appartement, ce qui laissa l'assemblée dans un silence mortuaire. « Quelle abrutie. J'avais vraiment espéré que cette rencontre se soit déroulée dans des meilleurs conditions. Papa, tu peux maintenant présenter des excuses je crois, et je te présente Lynn, au fait. Elle est enceinte, nous allons avoir un fils. » Et c'est ainsi qu'il mit les points sur les i de la façon la plus simple possible. Ce qui laissa William, toujours des plus désolé alors qu'il s'adressait à la belle brune : « Oh j'ai vraiment cru bien faire. Je n'en savais rien, je... Agneta ne m'a rien dit sur ta venue accompagnée, bref... J'en suis désolé Lynn, j'espère qu'on aura l'occasion de ne pas s'arrêter à cette première impression. Ceci dit, Mikaël, ta réaction avec Erika n'était pas justifiée, c'est une femme adorable. » Comment pouvait-il dire ça, qu'en savait-il? « Tu ne sais pas tout papa, tu ne sais vraiment pas grand chose. Bon, on tente un retour à zéro? »

Lynn eut à peine le temps d’essuyer ses larmes pour éviter de laisser penser qu’elle avait pu en verser que déjà, Mikaël l’attirait vers le salon après avoir aidée à se relever. Elle aurait presque aimé quelques minutes de plus histoire d’encaisser le coup et de pouvoir mieux revenir en force, mais il allait lui falloir faire avec. Ce fut sans doute la raison pour laquelle elle demeura en retrait, exprès, comme s’il ne fallait surtout pas qu’elle s’impose. Sans oublier que les dernières paroles d’Erika eurent l’effet d’une véritable bombe sur son cœur déjà malmené, tant et si bien qu’elle était à deux doigts de hurler quelque chose qui ne pourrait pas être sympathique tant sa colère montait en elle. Son père ne fit qu’enfoncer le clou, car au milieu de ses excuses il trouva tout de même le moyen d’encenser la magnifique blonde, qui par chance avait enfin quitté l’appartement. Lynn espérait que ce soit pour de bon, et ce bien qu’elle se doive de dire qu’elle avait laissé un véritable champ de bataille derrière elle. Un peu comme si elle représentait une véritable épée de Damoclès sans arrêt au dessus de la tête de la brunette… « Il n’y a rien à pardonner, si ce n’est le fait que je sois presque désolée de ne pas être cette belle blonde aux jambes trop longues. Je l’avoue, je n’ai strictement rien en commun avec elle, peut-être ne suis-je même pas aussi adorable qu’elle mais je ne peux pas changer ce que je suis, j’en suis doublement désolée. Cela ne m’empêche pas d’être ici aujourd’hui pour me présenter et rencontrer les deux parents de cet homme formidable. Je sais que le jeu en vaut la chandelle et pour cela, je suis prête à faire tous les efforts du monde, croyez-moi. Mais je ne suis pas elle. Je ne le suis pas aujourd’hui et je ne le serai pas plus demain… » Curieuse façon de dire que Lynn était mal à l’aise et qu’elle aimerait beaucoup que l’on change de sujet, mais par chance, Agneta comprit tout de suite le message et poussa son mari vers la cuisine, comme si elle allait lui passer le savon du siècle afin qu’il arrête de gaffer à l’avenir. La donne poussa Lynn à lâcher un rire qui évacua toute la pression qu’elle avait ressentit jusqu’ici… et cela lui faisait un bien fou, il fallait dire ce qui est. Mais bien vite, le salon, peuplé uniquement des deux jeunes gens, fut plongé dans un silence presque mortuaire.

« Ne va pas croire que je vais remettre en cause tout ce que l’on s’est dit, ou promis… mais je ne suis pas certaine que cette femme soit du genre à abandonner la lutte si facilement. Pas avec ce qu’elle a dit en partant. Je me fais peut-être des idées, mais après tout… c’est bon boulot d’analyser les gens. » Il ne fallait pas croire, Lynn avait très bien cerné Erika. C’était la raison pour laquelle une peur ne faisait que se profiler dans ses entrailles. « Je ne suis pas non plus en train de me comparer à elle, je suis la personne que je suis et rien n’y changera rien ; cela dit… je ne peux pas non plus complètement oublier ce que vous avez partagé. Ni même le fait qu’elle porte toujours la bague que tu lui as offert. Foutu dossier… je crois que j’ai juste besoin d’encaisser le choc. » Lynn savait qu’il l’avait demandée en mariage, qu’ils vivaient ensemble avant que la blonde ne foute tout en l’air… bref, elle savait beaucoup de choses. Lynn aurait rêvé pouvoir tout effacer de sa mémoire, mais pour l’instant elle n’y parvenait pas ; alors, en désespoir de cause, elle tâchait de se concentrer sur le fusil accroché au mur, un sourire malicieux sur les lèvres, non pas parce qu’elle aurait pu fracasser le crâne de sa rivale avec heureusement. « C’est drôle, mon père a exactement le même… »

L'épreuve de ce voyage était de taille : il fallait faire un deuil. Et si Mikaël n'avait plus un seul sentiment pour la blonde qui était partie, il craignait par contre que Lynn pense le contraire. Dans le pire des cas la belle brune pourrait même avoir encore un peu d'amour pour James. Si il essayait de paraître des plus calme possible pour éviter tout stress à dulcinée, si il était droit et sérieux ce n'était que pour cacher une sorte de panique encrée aussi en lui aussi profondément que l'étaient ses tatouages. Mais pas question de flancher, pas avec sa femme enceinte derrière lui : « Tu n'as pas besoin de faire de longues tirades pour dire ce que tu ressens, ils le savent, et si mon père est un peu long à la détente, Agneta t'adore déjà, et pour être honnête, elle n'avait jamais vraiment apprécié Erika. Non vraiment, ce que mes parents penseront de toi m'importe peu sur le fond, je veux simplement pouvoir t'emmener partout avec moi pour ne jamais te quitter. Et si un jour on doit partir avec eux, je veux juste que vos relations soient ok.» Au fond, quelque soit leur avis sur Lynn, le suédois s'en contre-fichait. Leurs opinions ne changeraient rien aux sentiments du jeune homme, et qui plus est, sa mère était déjà prête à se donner à la jeune femme. Sa relation avec son fils était unique, plus que fusionnelle, leurs rares disputes étaient basées sur des conflits futiles. Pour ce qui était de la bague par contre, il maudissait son ancien travail de lui avoir donné de tels renseignements : « Ah cette bague... Je la trouve très moche, en fait. Et puis, ce n'est pas moi qui lui demande de la porter à son doigt, tu le sais bien. J'aimerais qu'elle la jette ou qu'elle s'étouffe avec. » C'était assez marrant de voir à quel point il était capable de dénigrer une personne, et un rire tout aussi nerveux que celui de Lynn se fit entendre. La pression redescendait, et le rendez-vous qui aurait du être parfait avait un goût cauchemardesque.

On pouvait entendre des voix s'élevées un peu plus loin dans la cuisine: Agneta qui remontait les bretelles de son mari. « On a pas à remettre en question nos promesses. Tu sais que je suis dévoué, et tu sais que je ne serais jamais comme mon père. Enfin, je pense que tu sais aussi pour ces histoires, vu que tu as lu un dossier plein complet sur ma vie. » Il soupira, c'était une longue histoire et en parler il ne l'avait jamais fait. Surtout pas avec Erika, qui avait été de loin ou de près impliquée. Le regard incrédule de Lynn lui fit comprendre que peut être elle ne savait pas tout sur le cas William Strömblad. Alors il lui prit la main et l'installa sur un fauteuil planté à côté de la fenêtre principale. « La vie de couple de mes parents n'a pas été toujours toute rose. Et je l'ai compris très jeune quand j'ai chopé mon père avec une jeunette dans la cage d’ascenseur. Agneta était en voyage pour le travail, et à ce moment là il en avait profité pour ramener une de ses putes à la maison. Evidemment, une fois n'était pas coutume il a remit ça. Bref, j 'ai grandit ayant conscience de ses infidélités mais je n'ai pas osé le dire. Enfin, je l'ai dit à ma mère, à 15 ans. Le problème était qu'elle l'avait su, que ça avait commencé déjà lorsqu'on habitait dans un autre coin de la ville et qu'ils avaient déménagés dans le but de cesser. Mais il avait recommencé, et ça elle ne l'avait pas su. Forcément ça a jeté un froid, mais ils n'ont pas voulu se séparer, pour moi. Je ne peux pas décrire la nature de leur relation mais on ne pouvait pas décrire ça comme normal. Le truc en plus c'est que avant de partir, j'ai surpris mon père qui faisait du zèle à Erika, un peu trop proche à mon goût. C'est ensuite qu'elle m'a avouée qu'il l'avait draguée etc. Donc bon, tu comprendras ma réaction et celle de ma mère quand il s'est ramené avec elle comme s'il emmenait une pute de plus à la maison. » C'était presque comme si il avait du parlé tel un enfant, ressortant toutes ses images qu'il avait enregistrées au plus profond de sa caboche. Alors que les deux parents revenaient de leur bataille verbale, les yeux de Mikaël se posèrent à leur tour sur l'arme accrochée au dessus de leur tête. « C'est drôle, en effet...» Une idée était entrain de naître, une idée sombre.

Lynn observa Mikaël sans vraiment avoir d’expression particulière, ni même de surprise. Oh bien sûr, elle n’avait jamais eu vent de l’affaire concernant son père, et quand bien même, elle n’en n’aurait jamais parlé. Cela ne la regardait pas. Avoir été agent à la CIA ne lui donnait pas nécessairement le droit de s’insinuer dans un conflit familial qui semblait ne pas dater d’hier. Lynn se contenta donc d’écouter, se surprenant à prendre sa main comme s’il s’agissait d’un pur réflexe, afin qu’il ne se sente pas seul dans cette galère. A vrai dire, elle était en train de s’apercevoir que leurs vies familiales respectives n’avaient guère été faciles, ni l’une ni l’autre. Pour un peu, cela la rassurerait presque. Mais ce qui la rassurait nettement moins, c’était l’air qu’il arborait en posant à son tour ses yeux sur le fusil. Lynn sut à ce moment là qu’il lui fallait agir. « On va repartir sur de bonnes bases vous et moi, vous voulez bien ? » Lynn s’était relevée et arborait un sourire éclatant. Alors même que les deux parents de Mikaël revenaient tout juste de leur joute verbale en pleine cuisine, la brunette faisait appel à son flair, et à son extraordinaire capacité l’ayant extirpée des situations les plus dangereuses par le passé. Une qualité qu’elle tenait de son père… « Pour que vous me connaissiez mieux, que pourrais-je dire ? Je suis née au Canada, pays que j’adore, où je retourne très régulièrement. Je ne m’entends pas du tout avec ma mère, qui a toujours été froide avec moi. Mes parents se sont mariés alors qu’ils étaient très jeunes, et même si ma mère a toujours prétendu qu’elle n’avait jamais aimé mon père, je sais qu’elle garde sa robe de mariée dans ses placards et qu’elle porte son alliance autour d’une chaîne, qu’elle ne quitte jamais. J’ai une petite sœur, Loula, de six ans. Mon père voulait un garçon à la base, donc je ne sais pas coudre, je suis piètre dès qu’il s’agit d’être féminine dans un moment précis, en revanche je sais bricoler et cuisiner de façon tout à fait correcte. Je déteste les conventions… d’habitude, je jure comme un charretier, je n’ai pas non plus de vocabulaire fleuri, et j’avoue que je ressemble beaucoup à mon paternel, au point de savoir que ce soir, il va suivre mes conseils avisés pour son premier rendez-vous galant depuis un siècle. Oh, je dessine quand je suis stressée. J’ai des blocs et des blocs de croquis… et quand j’étais plus petite, je faisais du patinage. Mis à part tous ces détails, je suis vraiment profondément enchantée de faire vos deux connaissances. Mon vrai prénom n’est pas Lynn mais Lyanna, comme ma grand-mère. Et je suis sûre que je vais trouver en vous une seconde famille… pourquoi ne pas dire qu’une prochaine fois, vous viendrez chez nous, afin de rencontrer mon père ? » Et pour marquer ce qu’elle venait de dire, Lynn n’hésita pas à serrer les deux parents de Mikaël dans ses bras, sans doute en réponse à l’émotion évidente qu’elle lisait dans le regard d’Agneta. Comme quoi, la piquante brune savait être un cœur sensible de son côté. « N’ayez crainte, on ne va s’absenter longtemps, mais je voudrais vous faire une surprise. »

Sans lui demander son avis, Lynn prit la main de Mikaël afin de l’attirer ailleurs. Ils n’allaient pas se rendre à des kilomètres, juste dans la rue, car elle avait vu une pâtisserie pas loin et cela allait lui permettre de l’aider à se changer les idées. Quelque part, il lui avait ouvert les yeux : lui aussi avait besoin d’être soutenu. Une fois dans la rue, elle s’empara furieusement de ses lèvres comme s’il s’agissait d’une bouée de sauvetage à laquelle il pouvait s’accrocher s’il le souhaitait. « Petite précision tout de même, Monsieur Strömblad : tu devrais savoir qu’il n’est pas si aisé de me faire du gringue et qu’il vaut mieux avoir les nerfs bien accrochés pour cela. Je voudrais que tu vides ton esprit de tout ce qui est négatif, de tout ce qui te fout en rogne, te fais peur, de tout. Garde juste une toute petite chose à l’esprit : je suis là, avec toi, je ne vais pas partir ni ne serait-ce que m’éloigner. On est sur le même radeau toi et moi, on rame ensemble, et on profite de chaque moment ensemble. Tu sais pourquoi ? Parce que je t’aime. Toi et personne d'autre. Rien d’autre ne compte. » Lynn s’éloigna à ses mots, consciente qu’elle en deviendrait presque fleur bleue… c’était effrayant ! « J’ai une de ces envies de cupcakes, c’est à peine croyable ! » Changer soigneusement de sujet : leçon numéro un.

La perspective d'un dîner de présentations familiales avait été mise à la poubelle aussi vite que Lynn lui avait prit la main pour l'emmener dans un coffeshop des plus proches. Il avait été étonné par le discours de la belle brune, ne sachant même pas comment il aurait du réagir face à ça. Et si Agneta avait pour sûr apprécié sa tirade, William n'en était peut-être pas moins en reste. Le père aimait les figurines féminines assez culottés, et Mikaël pourrait même craindre de le voir une fois de plus s'attaquer à sa propre compagne. Finalement il pensa que de refaire une rencontre mais avec sa mère seulement serait quelque chose de tranquille. Il les voyait bien dans un café, à trois, parler de tout et de rien. Il voyait bien la douce Agneta prendre les mains de Lynn pour la rassurer sur un sujet ou un autre. Mais ce voyage était aux promesses. Elles étaient dans chaque propos des deux jeunes gens, et la jeune femme continuait sa tirade sans qu'il ai pu en placer une. « Lyanna Maryweather, ta technique pour changer de sujet est aussi subtile que mon esprit déplacé! » Il se contenta de la rattraper afin de la prendre dans ses bras devant la porte d'entrée de l'établissement. Rien à faire des clients postés sur leur siège, pouvant les admirer s'embrasser langoureusement derrière la vitre. Ce baiser était une fois de plus un échange physique, certes, mais surtout psychique. Sa voix était douce, et fendait l'air comme une mélodie : « Rien. Rien d'autre ne compte, c'est exactement ça. On peut refaire ce monde, à nous deux et à nous deux seul. » Il l'accompagna en rentrant dans le coffe shop, commandant directement un bon mocha caramel et deux cupcakes qui était rangé derrière des cloches de verre. « Tu vas nourrir ce bébé avec des sucreries? Il va être beau tiens! » Le suédois avait retrouvé son sourire taquin, et n'hésita pas à prendre un peu de sucre posé sur le gâteau et en étaler sur la joue de la jeune femme, tel un gamin.

La fin de leur soirée allait être dans ce lieu. Du moins, il n'avait pas envie de se rendre dans un bar, et il n'avait non plus envie de voir Lynn craquer et prendre un petit verre alcoolisé. Pas question! Super-Mike-Protecteur était au rendez-vous, et il ne lâcherait pas. « Je suis bien triste qu'il n'y ai pas de baignoire à l'hôtel, j'aurais bien prit un petit bain avec toi. » Prendre le métro était un supplice à cette l'heure là, il n'en avait même l'envie. Mais finalement ils arrivèrent à l'hôtel intacte, fatigués et complètement amoureux. Dur de lâcher les lèvres de la belle brune devant des passants. « Une envie particulière madame? »

« C’est ça que tu penses de ma taille pourtant gracile ? Charmant !! » protesta Lynn tout en le poussant très légèrement après la remarque de Mikaël sur les sucreries. Force est de constater qu’elle avait réussi son coup à la perfection : en deux coups de cuillère à pot, il avait retrouvé le sourire ET son habituel air taquin des grands jours. Mais une fois qu’ils furent de retour devant l’hôtel et qu’il lui demanda ce qu’elle voulait, Lynn fit mine de réfléchir avant de siffler un taxi à la méthode New Yorkaise, à l’aide de deux doigts seulement. Elle n’avait pas envie de s’enfermer tout en sachant que leur morosité pouvait très bien pointer à nouveau le bout de son nez en deux temps trois mouvements. Elle voulut alors lui prouver qu’elle pouvait elle aussi lui montrer un coin qu’il ne connaissait pas, en retrait, aussi silencieux et paisible qu’un cimetière, le côté morbide en moins. Par chance, ils furent aux extrémités de la ville en peu de temps, et Lynn le conduisit tout en plaquant ses mains contre les yeux afin qu’il ne soit que plus ébloui par le spectacle. Le soleil se couchait tout juste sur une petite étendue d’eau, gelée à cette époque de l’année, et la vue était imprenable. « Admire plutôt… » Lynn ôta donc ses doigts fins afin qu’il puisse admirer sans barrière et commence à comprendre qu’ils n’étaient pas obligés de considérer cette soirée comme un fiasco total. Ils pouvaient tout aussi bien retourner voir la mère de Mikaël le lendemain, et lui proposer d’aller flâner en ville… « Entre deux missions en Suède, je venais toujours ici. Je m’asseyais, ou je faisais le zouave sur la glace, bref, je me ressourçais. Je n’ai jamais trouvé pareille paix ailleurs, du moins avant de te rencontrer. » Et pour lui prouver qu’elle n’avait rien perdu de son côté tête brûlée, Lynn posa un pied sur l’étendue gelée afin d’en tester la dureté, avant de n’en poser un deuxième et de commencer à marcher réellement sur la glace en voyant que celle-ci ne se craquelait même pas.

« Demain, on peut emmener Agneta dans un magasin de layettes ! Qu’en penses-tu ? Ce n’est certainement pas à ma mère que je vais demander, et même si je sais par avance que mon père a déjà dévalisé des magasins et foutu tous ses achats dans mon appart’, j’ai envie que l’on se revoie dans un environnement plus propice au partage. Qu’en penses-tu ? » Lynn ouvrit les bras, afin de l’inciter à venir avec elle, lui assurant que la glace tiendrait en tournoyant gracieusement sur celle-ci sans aucun mal. Un peu de paix entre eux ne leur ferait aucun mal, bien qu’elle soit actuellement en train de cacher la déception étant la sienne : si elle était capable d’ouvrir son cœur à Mikaël, la chose ne semblait pas encore possible dans l’autre sens. « Et je dois quand même préciser que je suis très subtile dans mon genre ! La preuve, j’ai réussi à te rendre le sourire, je considère ça comme une belle victoire, Mikaël Arthur Strömblad ! »

Ce n'était pas que le jeune homme n'avait pas tout à fait son enthousiasme habituel, mais il sentait un soupçon de fatigue s'emparer de lui. Le froid le rendait vulnérable et il se maudissait d'avoir quitté le climat doux et sulfureux de NYC pendant une seconde. Mais rien ne changerait chez Lynn, même avec un bout de vie dans le ventre aller marcher sur la glace n'était pas un problème. Toujours dans la recherche d'aller plus loin sans ne jamais regarder en bas. Il aimait le fait qu'elle avenante, il adorait ça. C'était une mission impossible de s'ennuyer avec Lyanna Maryweather. Alors il la suivit simplement, sur la glace, comme deux abrutis regardés par des passants complètement sidérés. A croire qu'ils auraient pu finir comme les exilés du dernier Batman de Nolan. Si la glace n'était pas assez épaisse ils tomberaient et finiraient noyés en deux minutes. « Tu sais nager? Parce que si la glace cède je n'irais pas te rechercher! » le suédois rigola et attrapa sa compagne brusquement, la portant telle une princesse il la vit tournoyer rapidement puis s'arrêta. La pauvre enfant avait le tournis et il en rigolait. « Tu devrais voir ta tête! » Il l'embrassa. « Je vais appeler ma mère en rentrant, et on se prévoit ça. Je suis même sûr qu'elle aura quelques idées sur ce que l'on pourrait faire, elle sera ravie. Et tu sais, avec un peu de temps, ça se passera bien avec mon père aussi. » Il l'invita ensuite à prendre sa main et à repartir vers l'hôtel. Il en profiterait même pour allumer une cigarette et s'armer de quelques paquets dans un tabac sur le point de fermer. Mais la fatigue n'y faisait rien, si la jeune femme voulait tenir debout toute la nuit, lui ne pouvait pas. C'est pourquoi il ouvrit la marche afin de se rendre dans leur chambre.

« Ne fais pas la tronche, je suis pas toujours aussi excitant que j'en ai l'air. » Mikaël tira la langue, comme un abruti et s'enferma presque dans la salle de bain pour en ressortir en caleçon. Il s'amusait à contracter ses biceps et à faire ressortir les veines de ses muscles. « En fait, oublie ce que je viens de dire, je suis carrément excitant, mais genre tout le temps!» Il embrassa son bras tatoué comme si il venait d'en tombé amoureux et s'écarta de Lynn avec un air hautain. Il fallait être bien accroché pour suivre l'humour du jeune homme. C'est en se retourna brusquement qu'il se jeta sur le lit où la jeune femme était confortablement installée, il l'enferma dans ses bras et l'étouffait presque en s'allongeant dessus. « Tu ferais l'oreiller le plus confortable du monde, tu sais ça? » Tout en rigolant Mike se redressa comme si il entreprenait de faire des pompes, et embrassa sa douce allongée sur le dos. Un coup de fil à sa mère et il se coucherait déjà.

« Écrase pas Tommy sinon j’te casse la tête. » Lynn laissa tout le loisir au beau suédois de téléphoner à sa mère, tandis qu’elle acceptait docilement de s’allonger sur le lit, bien que la fatigue ne soit absolument pas présente. Peut-être que Mikaël avait besoin qu’elle ne l’apaise afin de passer une meilleure nuit… ce fut sans doute pourquoi elle l’incita à caler sa tête contre son ventre largement arrondi, alors qu’elle caressait doucement son visage et ses cheveux. Comme on le lui avait souvent dit, Lynn était capable d’apaiser n’importe qui à l’aide ses mains, un peu comme si celles-ci laissaient échapper un rien de magie. Lynn demeura dans cette position plusieurs heures d’à filée, sans parvenir pour autant à fermer les yeux. Ce n’était pas de l’inquiétude que l’on pouvait lire sur son visage mais plutôt de la rêverie. Un délicat sourire s’était emparé de ses lèvres, sans vouloir les lâcher. Sans doute allait-elle se payer une nouvelle nuit d’insomnie, comme à chaque fois qu’elle ne dormait pas dans son lit… c’était régulier, elle en avait l’habitude, et ne manquerait pas de se rattraper une fois rentrée à New York. Finalement, c’était vers les coups de quatre heures du matin que, n’y tenant plus, elle allongea sans bruit Mikaël sur le côté, le bordant comme un bébé à l’aide d’une couette particulièrement moelleuse avant de s’extirper du lit. Elle ferma la porte sans bruit de l’espace chambre, s’emparant de son sac en bandoulière d’où elle sortit un paquet de cigarettes. Et dire qu’officiellement, elle avait arrêté… à époque bizarre, vieilles habitudes qui ont la vie dure. Néanmoins, elle sortit son calepin afin de se mettre à retoucher un dessin qu’elle crayonnait depuis quelques temps déjà, et qu’elle cachait à la vue de tous, y compris de celle de son père ou de Mikaël. Tandis qu’un nuage de fumée s’échappait autour d’elle, semblant l’entourer et la protéger des ténèbres de la nuit, elle ne manqua pas de décrocher face à l’appel de LA personne qui n’allait pas manquer de lui remonter le moral… « Alors, tu paniques ou bien ? »

Lynn tâchait d’être discrète, surtout qu’elle ne voulait surtout pas réveiller Mikaël et risquer ses foudres potentielles. Mais d’un autre côté, ce moment dont elle profitait l’apaisait enfin après tant d’inquiétudes et de colère… « Moi ? Mes anciens travers sont revenus au galop. Faudra que je te parle d’un truc, tu ne vas tout bonnement pas en revenir ! Mais bref… clope à la main, fusain dans une autre, je retouche cette saloperie de robe de mariée. C’est romantique à vomir, tu ne trouves pas ? J’ai l’impression d’être revenue quinze en arrière ! Mais assez parlé de moi, allez parle, j’veux tout savoir ! » Adam était toujours au restaurant avec sa charmante compagne, et demandait à nouveau des conseils à sa fille, toujours au top lorsqu’il s’agissait de se sortir des situations les plus complexes. « Tu as mis ton costume Savile Row et embarqué le bouquet de roses blanches comme je te l’avais conseillé ? Alors tu as fais la moitié du boulot. Tu lui as montré que chez les Maryweather, il y a un charme à couper le souffle. Maintenant, tu la laisses parler. Tu ne t’imposes pas. Et lorsqu’elle s’intéressera à ce que tu auras à lui dire, tu ouvres ton petit palpitant et tu dis ce qui te passe par la tête. Je vais t’apprendre une bonne chose : les femmes adorent les mots. Dis-lui que tu la trouves magnifique. Redis-le lui… apprends à le dire autrement. Apprends à le chanter même ! Ne cesse jamais de le dire, comme si tu pouvais mourir en le disant. » Adam était presque ému de voir sa fille lui donner de tels conseils, et la fin de la conversation se déroula dans une émotion indescriptible. « Quand tu veux Papa. Toi aussi tu me manques. » Lynn ne tarda pas à raccrocher et à se griller une nouvelle cigarette, non sans pousser un profond soupir. Et ce n’est qu’en entendant du bruit qu’elle referma violemment son calepin : hors de question de dévoiler cette détestable partie de sa petite personne.

C'était presque comme si il avait feint, feint d'avoir été gagné par un sommeil profond alors qu'il ne l'était pas. Ses yeux étaient restés ouverts, depuis qu'il s'était allongé. Les caresses et cajole de sa douce n'avait eu faire de sa réflexion intensive et de cette idée qui avait prit place à l'intérieur de lui depuis la veille. Il n'avait bronché quand la brune s'était emparée de ses affaires et était sortie. A quoi bon? Il savait très bien qu'elle avait tout autant besoin que lui d'un peu de calme, et d'un moment pour elle. C'était un point à ne pas négliger dans un couple, un peu de solitude pour deux âmes qui restaient liées... Finalement il ne pouvait plus se retenir, il restait sur le dos, regardant le plafond immaculé de blanc. Lynn ne rentrait pas, un coup d'oeil pour voir qu'elle s'était endormie. Dans un élan amoureux il la porta jusqu'au lit, la laissant prendre place au milieu des nombreux draps et coussin. Il regarda simplement de loin les esquisses sur son carnet de croquis mais n'y toucha pas, et honnêtement il ne comprit même pas le but du croquis, il faisait trop sombre. Alors le jeune homme enfila sa veste de cuir noire, prit un paquet de cigarette déjà sortit, les clés de la chambre puis fila à travers la nuit. Mikaël marchait d'un pas énergique, déterminé comme il ne l'avait jamais été. Pourtant il n'aurait jamais eu de pareille idée auparavant, c'était quelque chose d'imaginable pour un Strömblad. A croire qu'il avait subit l'influence de sa douce depuis qu'elle était avec lui, à croire qu'il avait développé un esprit aussi noir que l'était le ciel à ce moment. Il était facile de se rendre chez ses parents depuis l'hôtel, et si ce vieux coupe aigri dormait déjà il n'avait jamais jeté le double des clés qui avait toujours été plus ou moins sur lui. C'est ainsi qu'il pénétra dans l'entre où il avait demeuré quelques heures plus tôt, découvrant un verre cassé sur le sol et des bribes d'une violente dispute qui avait du se faire après leur départ. Finalement son père n'était sûrement pas présent, étant donné que le porte manteau était vide. Mais peu importe, le but de sa venue n'était sûrement pas de discuter avec l'un ou l'autre, non, c'était bien plus. Ses yeux se portèrent sur le gros fusil prôné au centre de la pièce... Non, trop gros, trop bruyant, trop de trace... Il fallait quelque chose de bien plus discret, de bien plus fin et vicieux. Sans réfléchir il se dirigea là où il savait pouvoir trouver un tel objet. Cette petite boîte était encore là... Une boîte qui aurait pu contenir n'importe quoi, mais William avait décidé d'y ranger son plus précieux couteau. Un couteau à la lame des plus tranchante et au manche en ivoire. C'était un objet que les hommes de la famille se passaient de génération en génération, Mikaël n'y manquerait pas. Mais avant de l'avoir à son nom, il lui demandait un service, un seul, cette nuit là. Le jeune homme le fourra dans sa poche et parti aussi vite qu'il fut venu quand il sentit un peu de mouvement dans la chambre à coucher. Ce qu'il allait faire cette nuit allait être son plus gros secret, ça allait être la consécration. Et bien qu'il sache que ce serait la chose la plus ridicule, la plus atroce, la plus... (il n'y a pas de mot pour ça) il ne pouvait arrêter cette envie aussi forte qu'une pulsion, mais presque immortelle. Tant qu'il n'aurait pas mit fin à cette demande, il ne pourrait plus trouver la tranquillité. Ça allait tout changer il devait en avoir conscience. Les conséquences n'étaient pas des moindres. Néanmoins il savait aussi qu'il avait la plus grande des forces à ses côtés : l'amour, Lynn. Et quoi qu'il arrive, elle devait rester pour lui, elle devait continuer de l'aimer. Quoi qu'il arrive elle ne pouvait qu'accepter les actes de Mikaël, même si ceux là étaient des plus dangereux. Il le pensait, il le voulait plus que tout. L'idée qu'elle puisse l'abandonner suite à cette nuit serait la pire des choses, et ses yeux piquèrent rien qu'en y pensant. Ses yeux piquèrent en voyant l'enseigne du bar où ils avaient étés la veille, ce bar... Où les deux adultes avaient du affronter leur passé, non sans séquelles. Le suédois savait qu'il y trouverait ce qu'il cherchait, c'était une évidence. Et bien qu'il rentre accompagné d'une certaine ovation, celle de ses vieux amis, le sourire aux lèvres de le revoir une seconde fois, pas question de s'arrêter en si bon chemin. Il se contenta de lever la main en signe de bonjour collectif, et sentit son coeur briser sa poitrine en un battement : il était là. Comme si il avait été tout aussi habitué que le suédois à venir dans cet endroit. Mikaël ne pouvait pas décrire ce qu'il ressentait face à cet homme, face à ce dandy, mais ce n'était rien de bon. Et que sa nature soit des plus douces et dociles habituellement, face à un tel rival il ne pouvait nier sa haine. Pourtant les deux s'étaient compris, et en un hochement de tête, James se leva pour sortir de l'établissement, suivit de près par le colosse.
« Tu es venu me dire que tu l'abandonnes? Sage décision! »
Il ne répondit pas, et laissa leur pas les amener dans une ruelle interdite, un endroit désert propice à un règlement de compte quelconque. Quelle cible de taille, un mafieux, qui devait sûrement avoir une arme bien cachée quelque part sur lui. Il pourrait dégainer un canon à tout moment et appuyer sur la gâchette pour venir coller une balle en plein dans sa caboche. Mais il n'en avait que faire.
« J'ai pensé qu'on pourrait finir ce qu'on avait commencé dans le bar, hier.» Difficile de nier que cet homme avait une certaine classe, qu'il portait sur lui comme un pantalon. Le jeune homme le jalousait encore plus, il ne pouvait y avoir qu'un seul homme dans la vie de Lynn, et ce serait lui. Pas ce gars-là, qui s'était fait passé pour mort comme par lâcheté quoi qu'il en re-dise. « Je ne peux pas te voir dans mon entourage, tu comprends? Je ne peux pas te laisser gâcher la plus belle chose que je n'ai jamais construite.» Bien que James le gratifie d'un rire moqueur, il ne se laissa pas déstabiliser et fit le premier pas. Un premier coup de poing, les mains serrées, les dents prête à mordre sa propre langue jusqu'au sang. La douleur d'un autre coup reçu, le dos qui se cognait durement contre le mur d'un immeuble bordant la petite ruelle. Le sang. C'était le moment, il le savait, et sa peur n'était pas moindre. Bien que ses yeux soient aussi sombre que le ciel, que ses pensées soit baignés dans un jus ténébreux, il sentait une certaine faiblesse.
« Pardonne-moi...» Mikaël n'était pas vraiment de taille face à cet homme, mais il sortit son principal atout, et dans ces deux mots dédié à son seul amour, il dégaina son couteau avant de l'enfoncer comme si sa vie en dépendait dans le ventre du dandy. Un cri. Encore plus de sang alors qu'il continua d'enlever l'arme et de la planter à nouveau, s'acharnant avec la haine la plus vicieuse. Il ne se rendait même pas compte que du sang giclait sur son visage auparavant innocent. Cependant James, touché à la mort n'en avait pas moins de ressources, et avant de subir le coup fatal il avait lui aussi prit ses précautions en poignardant Mikaël à la hanche. A croire que c'était ça la véritable adrénaline, celle qui faisait qu'on ne sentait même pas les blessures profondes. Le corps du mafieux était au sol, transpercé de part en part. Le suédois se redressa, regarda ses mains protégées par des gants, regarda le corps, regarda le sang par terre, tout ce sang... Puis il pleura, presque en hurlant de toutes ses forces, comme si il sentait sa personne être brisée en mille morceaux. Qu'avait-il fait? Pourquoi? Comment la haine pouvait-elle être aussi néfaste? Les personnes présentes dans le bar pourraient sans aucun doute relier ce meurtre à son nom. Il finirait dans une cage en métal, pour le restant de ses jours, il finirait par abandonner Lynn et Thomas, qui n'était même pas né alors qu'il leur avait promis d'être là pour toujours. Quel gâchis, et cette peur ambulante était atroce. Une seule personne pouvait l'aider maintenant, une seule personne pouvait le prendre dans ses bras et lui dire que la terre tournait encore.

Mikaël était rentré dans la chambre d'hôtel les yeux écarquillés, les yeux brillants et la joue rouge de sang et de larme. Honteux pour lui de savoir que Lynn pourrait le voir dans un tel état, sa virilité n'était plus crédible, mais il s'en contrefoutait. Il tomba presque dans la douche allumée, laissant l'eau venir s'emparer de son corps totalement habillé. Impossible de détourner le regard de ses mains, ses mains qui étaient désormais meurtries. Elles étaient les mains d'un meurtrier, de quelqu'un qui méritait tout autant la mort que la personne qu'il venait de tuer. Pourquoi, bien qu'il ai accompli sa mission, pourquoi les larmes ne pouvaient-elles pas simplement arrêter de couler? Evidemment la jeune femme était réveillée, évidemment elle était venue dans la salle de bain, découvrant cette scène avec horreur, découvrant le sang mélangé à l'eau. Découvrant le suédois pleurant, une blessure à la hanche qui n'arrêtait pas de saigner. Sa voix tremblait, ses mots étaient parfois incompréhensible alors qu'il parlait en sanglotant, il était pitoyable à voir : « Pitié, dis moi que la vie continue, dis moi que ça va aller, dis moi que tu restes, dis moi que tu es là, et que tu ne partiras pas. » C'était maintenant ou jamais qu'il en savait le plus besoin, personne ne pourrait lui apporter ce qu'elle lui apportait déjà. Personne n'était à la hauteur de ce qu'elle lui donnait chaque jour en l'aimant tout simplement. Il n'y avait pas de mot pour décrire ce qu'il ressentait pour cette femme, et si elle venait à juste titre l'abandonner après ce qu'il avait fait, il pourrait mettre fin à ses jours. Aucune issues possibles pour lui. Dans un dernier élan qu'il trouvait, il se releva péniblement, meurtri par cette blessure douloureuse, et bien que son corps, ses habits soient entièrement trempés, il se dirigea vers la brune. Mikaël l'attrapa et l'entoura de ses gros bras, une larme coulant encore sur sa joue. C'était le moment de faire toutes les plus belles promesses du monde, c'était le moment de dégainer autre chose que l'arme la plus meurtrière. « J'ai besoin de toi, j'ai besoin de toi plus que tout dans ce monde. Tu es ce qui s'apparente à mon existence même, je ne sais pas pourquoi j'ai fait quelque chose comme ça. Je ne sais pas pourquoi Lynn, je t'assure, mais je m'en veux. J'ai tout gâché, oh putain, je suis le plus con des cons, mais il le fallait. Personne ne nous menace, personne.» Drogué à l'adrénaline il était la victime de ses propres actes. Pourtant, dans un ultime élan de lucidité il laissa tomber sa tête sur l'épaule de la belle brune, oubliant sa blessure : « Lynn... Je t'aime... »