Certes, il fallut à Lynn tout son calme olympien pour ne surtout pas prendre les paroles de Mikaël au premier degré, mais chose agréable, elle y parvint. Elle alla même jusqu’à ponctuer les paroles de son « collègue » par un sourire charmeur et tout à fait entendu, non sans se dire que cette soirée promettait d’être fortement instructive. « Fort bien ! Alors retrouve-moi à l’Awesome tout à l’heure, histoire d’en prendre plein les mirettes et les aises-gourdes ! » Lynn l’incitait certes à quitter son bureau dont la propreté était loin d’atteindre des sommets, mais ce n’était que partie remise : ils auraient tout le temps du monde pour s’affronter lors d’une nouvelle joute verbale juste avant le concert, pendant ou même après…

Relégué au placard, son tailleur insupportable ! Lynn avait adopté un t-shirt relativement moulant, ainsi qu’une jupe et des bottes. Un parfait ensemble pour aller écouter un groupe de rock français en vogue dans un bar que Lynn ne connaissait que trop bien : elle y venait à chaque fin de mission avec sa meilleure amie, Helen, afin d’y rendre jalouse la plupart des nénettes incapables de se trémousser correctement sur le dancefloor… et elles y parvenaient, les deux bougresses ! Sauf que ce soir, la raison de sa venue était légèrement différente. Déjà, elle y venait en compagnie masculine, ou plutôt se devait de retrouver quelqu’un pour passer une soirée qu’elle imaginait déjà… spéciale. Ce n’était pas tant qu’elle s’attendait à quoi que ce soit, mais plutôt qu’elle comptait bien profiter de cette soirée plus au calme pour se remettre les idées en place : Lynn n’avait eu aucune coupure entre son ancienne mission et celle-ci, aussi ne crachait-elle pas sur un moment où il n’y aurait pas forcément que l’espionne qui s’exprimerait… mais aussi la femme sous le masque. La preuve en fut qu’elle remarqua immédiatement Mikaël au loin, armé de son sempiternel calepin et qui était élégant dans toute cette foule de fans en délire. L’avantage de se faire passer pour un journaliste : avoir l’opportunité de pénétrer à l’intérieur du bar en priorité et même, pourquoi pas, se rincer le gosier après avoir fait une sorte d’état des lieux. « Pile à l’heure, à ce que je vois ! » nota-t-elle aussitôt tandis que sa longue chevelure brune tombait en cascade sur ses épaules. Le changement devait être radical pour le jeune homme : il n’y avait plus l’ombre d’un côté strict pour Lynn, qui avait relégué son chignon ainsi que son tailleur au placard. Et avec plaisir, en prime ! « Exceptionnellement, j’ai décidé d’être là en parfaite spectatrice. Je te laisse donc diriger les opérations à ta guise, si tu m’évites l’embarras et que je ne me retrouve pas confrontée à des videurs peu aimables… deal ? » Oh bien sûr, les videurs, la piquante canadienne en avait maté plus d’un, mais ça son acolyte de la soirée n’était pas censée le savoir. « A ceci près que je m’occupe de nous faire rentrer… je bats mieux des cils que toi, c’est évident ! » Cette fois-ci, Lynn reprenait son petit côté provocateur, sans qu’une once de vulgarité ne vienne assombrir le tableau : elle connaissait tout le monde dans le coin, et ce fut pourquoi ils purent pénétrer à l’intérieur du bar encore en chantier en vue de recevoir le groupe en deux coups de cuillère à pot.

« Pour être tout à fait honnête, je ne me souviens même pas du dernier concert que j’ai fais… enfin couvert. A croire que je suis une journaliste trop sérieuse. » Lynn haussa les épaules, bien évidemment, se moquant d’être considérée comme une sainte nitouche : elle se savait suffisamment folle intérieurement, inutile d’épiloguer là-dessus. A ceci près qu’en plus de sa folie, la demoiselle avait certains réflexes. La preuve, lorsqu’un serveur, embauché juste pour la soirée, vint lui glisser une main contre sa hanche sans y avoir été invité, elle n’hésita pas à la lui prendre et à lui tordre le poignet sans aucune pitié. « Hey, t’es pas au self, couché ! » Le pauvre esquissa un gémissement de douleur, et allait probablement servir accompagné d’une jolie entorse, mais en attendant… elle n’était pas femme à se laisser tripoter tandis qu’elle était « en service », il ne fallait pas pousser mémé dans les orties. « Ne me dis pas que je t’ai choqué ! » plaisanta-t-elle face à Mikaël.

Le tableau avait changé, Mikaël avait observé sa nouvelle boss aux apparences strictes *Ne jamais se fier aux apparences, jamais.* re-devenir une camarade à ses heures perdues. Enfin pas tant que ça, puisque le concert était quand même dans le contexte du travail.
« J'y serais. Et bien habillé en plus. »
Peut-être qu'il n'avait pas eut le temps de préciser que souvent, après deux ou trois petites heures, le journaliste "sérieux" fini par succomber aux plaisirs qu'offrent des soirées dans ce genre. Un petit verre, ou deux, ou plus! De la danse (et après tout, c'est en dansant qu'on se délecte d'un morceau). Et parfois, oui, Mikaël en avait légèrement honte et le relayait au passé mais il était déjà rentré accompagné suite à des soirées de la sorte. Pas question de faire le goujat ce soir, non. Il allait donner une bonne image du travail de journaliste qu'il effectue. De plus, il avait loué le fait qu'il viendrait habillé. Ok non, il n'avait pas sortit le costume, les boutons de manchettes avec THE cravate. Simplement une petite chemise claire, un pantalon assez large prévu pour se dandiner après la partie travail et pour couronner le tout, une veste en cuir noire qui malgré sa coupe ne donnait pas un aspect vieux rockeur. Il aperçut Lynn à quelques mètres et ne pu évidemment s'empêcher d'émettre une pensée positive. *Simple et efficace*. Il se faufila dans la nuée bruyante de fans, prenant crainte de perdre son petit calepin à plusieurs reprises. Mikaël n'eût pas le temps de répondre à la brune pétillante qui avait clairement changé de tableau. C'était... Cette fille du bar, en effet. Décontractée et pimpante, et il fallait admettre que sa présence semblait plus agréable.

« Je tiens à préciser que mon légendaire battement de cils est quelque chose de renommé dans la rédaction. J'en fais tomber plus d'un!.» Il plaça cette petite remarque, "blague" pendant qu'ils entraient. Parfois Mikaël entendait encore son accent suédois, qu'il avait essayé de tuer en vain. Alors il repensait à sa phrase et essayait de retrouver la prononciation parfaite de chacun des mots. Tout en réfléchissant inutilement il suivait inconsciemment Lynn, et ne fût que sortit de sa réflexion quand il aperçut un serveur passant se tordre de douleur. Choqué? Non, seulement un peu plus dérangé dans sa vision qu'il se faisait de cette femme. Elle faisait naître beaucoup de questions en lui, et le fait qu'elle sache se défendre de la sorte était... Une question, un mystère à son sujet de plus.
« Choqué ne serait pas le mot. Juste craintif qu'un jour tu utilises ce genre de technique avec moi, je devrais avoir recours à ma capacité de boxeur. » Il prit un visage sombre et une voix surjouée : « Je préfère ne jamais en arriver là... » Puis changea de visage et s'arma d'un petit sourire et de ses yeux ouverts et brillants. Ils avaient une super place dans la salle, ils ne pouvaient pas louper une miette et avait tout les bienfaits d'un concert à leur disposition : le bar, l'espace pour danser. L'espace se remplissait peu à peu. « Ça devrait commencer dans quelques minutes. En attendant, pour le rapport, je note déjà l'ambiance de la salle. L'atmosphère présente etc, ça reflète la notoriété du groupe. » Il n'allait rien lui apprendre, mais autant montrer qu'il pouvait être quelqu'un de sérieux. Il commença à noter quelques mots sur son carnet puis posa son stylo, tourna la tête vers Lynn, un sourire en coin. « Ok, juste pour me faire plaisir, suis-je crédible ou légèrement dépassé? » Il ricana et interpella un serveur, prenant soin de ne pas faire signe à celui blessé plus tôt. La musique commença, l'ovation de la foule prit part de la pièce et Mikaël, in-dérangeable se commanda un cocktail à base de vodka. Il se tourna une fois de plus vers la femme à ses côtés : « Tu prends quoi?».

« Pourquoi, tu as peur que je te mette la doudoune de ta vie ? » rétorqua Lynn, un brin présomptueuse. Il faut dire que la carrure de Mikaël et la sienne n’étaient pas du tout les mêmes, loin s’en faut. Certes, la piquante brunette était musclée et élancée, mais le journaliste possédait une masse musculaire impressionnante, sûrement due à ses nombreux entraînements de boxe et d’autres sports inconnus de la demoiselle. Le fait est qu’une petite altercation entre eux ne lui aurait pas déplu, juste pour le plaisir de la chose et pour tester les réflexes de son « employé » mais elle avait bien compris qu’il préfèrerait probablement se couper le bras plutôt que de porter la main sur une femme. Il était de la race des gentlemen, pourtant en voie de disparition de nos jours, et Lynn respectait cela bien plus qu’il n’était possible de le dire. Elle n’était pas habituée à la chose, mais ça, c’était une autre histoire. « Tout dépend ce que tu entends par crédible, à vrai dire… entends-tu par là le fait de noter scrupuleusement tout ce que tes yeux sont capables de capter, ou bien ton look par rapport à l’ambiance rock ? J’ai du mal à t’imaginer en train de te trémousser, ceci dit ! » L’impétueuse brunette se permit d’éclater de rire avant de commander un Mojito bien serré histoire de commencer la soirée comme il fallait. A ceci près qu’elle n’était certainement pas de la trempe de Mikaël : elle n’allait pas rester bien sagement postée à ses côtés, à noter tout et n’importe quoi histoire de faire un rapport aussi fidèle que possible… non, Lynn était décidément une femme d’action ayant besoin de vivre les choses. « Tu notes, moi je teste ! » Un léger clin d’œil plus tard, elle s’éloignait déjà jusqu’à la fausse, prête à sauter dedans comme si sa vie entière en dépendait. Et le fait est que, pendant une bonne vingtaine de minutes, elle avait délaissé celui qui devait être son partenaire pour se retrouver comme une seconde énergie au beau milieu de la foule… jusqu’à être portée par celle-ci comme si elle était la star venue jouer pour le public.

Vingt minutes plus tard, légèrement en sueur mais un sourire immense plaqué sur ses lèvres maquillées, elle se pointa à nouveau devant Mikaël, prête à faire un rapport sûrement plus passionné que jamais. La preuve… sa langue se délia aussitôt : « Groupe novateur, si je puis me permettre. Le son n’est pas seulement fait pour danser, il incite aux danses les plus sensuelles tout en mélangeant notes rock et plus délicates. A croire qu’ils cherchent à atteindre surtout les cœurs féminins de la salle, dont les cris perceraient les tympans les plus robustes ! » Jolies métaphores que celle-ci, surtout de la part de quelqu’un n’ayant jamais été journaliste dans sa vie. Elle ne lui avouerait jamais avoir passé une excellente soirée, et pourtant, c’était bien le cas. Sa première vraie soirée avec un membre de la gent masculine, sans arrière pensée, et surtout… dans le cadre d’une vraie mission ! « Alors, dis-moi : qu’est-ce que le professionnel du bloc note a bien pu noter de ces vingt minutes de pur bonheur ? » Qu’il lui donne envie de rêver, une fois n’est pas coutume. Mais avant même qu’il ne puisse s’exprimer, Lynn eut l’idée saugrenue de regarder dans les alentours, histoire de se délecter de l’environnement qu’elle n’avait guère regardé en arrivant… et en tant qu’habituée, elle connaissait bien trop les videurs pour savoir que ceux-ci, postés à toutes les entrées, ne bossaient pas à l’Awesome. « Suis-moi en faisant mine de me faire du gringue, surtout » murmura-t-elle habilement à l’oreille de Mikaël, non sans s’emparer de sa main félinement. Le sourire qu’elle avait n’était plus le même : il semblait vouloir le dévorer vivant, mais n’était en aucun cas sincère ou véritable. Il y avait urgence, et le journaliste n’étant pas un homme de terrain, elle ne devait prendre aucun risque.

Bientôt, elle ouvrit à la volée la porte des toilettes avant de la refermer en faisant mine d’avoir beaucoup de choses passionnantes à y faire… mais en vérité, elle voulait simplement « questionner » Mikaël afin de s’assurer de quelques petites choses vitales. « Quelqu’un t’a abordé ce soir ? » demanda-t-elle d’un ton glacial tandis qu’elle vérifiait que personne n’était présent dans les cabines. « Réponds ! Quelqu’un t’a abordé, collé, que sais-je ? » Son temps de réaction était trop long : elle lui ôta donc sa veste de costume sans aucune douceur, mais en ayant l’air d’avoir terriblement l’habitude de la chose ! Sauf qu’en fouillant ladite veste pour s’assurer qu’aucun micro n’y avait été glissé, elle finit par s’adresser à lui en suédois, dans un accent légèrement écorché bien que maîtrisé : « C’est absolument vital que tu me répondes tout de suite et maintenant. »

En entendant la porte des toilettes s’ouvrir à la volée, Lynn avait eu le réflexe d’agripper simplement l’arme qu’elle cachait habilement, sans pour autant la sortir à la vue de son « collègue » résolument stressé par cette situation inhabituelle. Les deux mastoques les avaient évidemment suivis, et c’était une chance que la piquante brunette parle de nombreuses langues, suédois compris : elle put comprendre sans l’ombre d’un problème ce que lui disait Mikaël, bien qu’il l’eut sortie de là par la porte arrière avant même qu’elle n’ait eu à foncer dans le tas en bon agent du gouvernement qu’elle était. Sans surprise, il l’amena dans un endroit discret et tamisé par les fumigènes, et ce bien qu’elle soit parfaitement consciente du fait qu’ils ne seraient pas saufs pour longtemps s’ils restaient à l’Awesome. Mikaël avait beau posséder une carrure impressionnante, il n’était pas un agent terrain et encore moins entraîné à supporter les pires situations. C’était à Lynn de trouver une solution et non à lui… « Respire, tu veux ? Inspire, et expire doucement… l’avantage, c’est que tu parles suédois et moi aussi, c’est mieux pour la discrétion. Mais je ne te cache pas que l’on ne peut pas rester ici, c’est trop risqué. » L’art et la manière d’éluder les questions avec un brio indéniable. Mais c’était la meilleure façon pour réfléchir à une issue de secours envisageable. Elle ne lui en voulait pas pour ses propos, bien au contraire, et imaginait la somme de stress inhabituel qu’il devait ressentir à cet instant précis. Elle ne serait jamais en mesure de se mettre à sa place, mais qu’il le croit ou pas, elle essayait de toutes ses forces. « Tu ne vas lâcher ma main sous aucun prétexte, vu ? Accepte juste une petite fois qu’une femme vienne à ton secours, tu nous rendras un fier service… »

Lynn avait effectivement agrippé sa main comme si sa vie en dépendait avant de se fondre dans la fosse en délire. A plusieurs reprises, elle manqua de perdre trace de Mikaël, mais c’était une chance considérable d’avoir affaire à quelqu’un possédant une poigne impressionnante. Par on ne sait quel miracle cependant, elle parvint à les faire sortir tous deux, en contournant autant que possible les videurs n’en n’étant pas vraiment, afin de mieux sortir à l’air frais. Curieusement, Lynn n’avait cure d’être bras nus face à la fraîcheur de la nuit, c’était même le cadet de ses soucis… pas alors que l’un des mastoques les avaient remarqués et les coursaient. « Par là ! » ordonna-t-elle avant de forcer la serrure d’une voiture en deux coups de cuillère à pot grâce à un dispositif en sa possession. Autant dire qu’elle eut tôt fait de démarrer lorsque les balles se mirent à pleuvoir sur la voiture et eurent brisé le pare-brise arrière. L’une d’entre elle avait ripé sur le bras droit de Lynn, créant une blessure totalement superficielle, dont elle ne sentait même pas la douleur à cause de l’adrénaline… mais au moins, maintenant qu’ils étaient en voiture, ils risquaient un peu moins de se faire descendre… à condition qu’elle ne se stoppe pas. « Rien de cassé ? Je suis vraiment désolée, cela ne devait pas du tout se passer comme ça et loin de moi l’idée de te mêler à tout ça en premier lieu. J’étais même ravie d’assister à ce concert, c’est dire ! Mais pour répondre à ta question précédente, ces boxers de catégorie six comme tu les appelles sont des membres de la mafia. Inutile de te faire un dessin sur leurs talents naturels… je pense que tu les as vus à l’œuvre comme moi ! Je vais tâcher de nous mettre à l’abri. » En deux mots, il ne risquait rien avec elle. Lynn avait l’habitude et était parfaitement à même de le protéger en cas de nouveau pépin, même si elle priait pour qu’il n’y en ait pas d’autre.

Ce stress ambulant dévorait Mikaël. Le petit concert s'était transformé en un scénario de film que le blond aurait normalement aimé écrire. Non, cette fois ci il vivait l'histoire. Ce genre de cas qui n'arrivent que imaginairement? Not this time, boy. Respirer? Compris. Parler suédois? Faisable aussi. Il fallait sortir l'homme, le véritable en lui. Celui qui va au club de boxe plusieurs par semaine et qui a pour rituel de mettre ses camarades aux tapis. Mais être confronté à des armes? C'était un tout autre cas de figure. Il ne pouvait s'empêche de scruter autour de lui, les silhouettes imposantes des deux gros morceaux de viandes en costume étaient encrées dans ses pensées. Il était en position pour décoller et prendre ses jambes à son cou dès qu'il le faudrait. Les derniers propos de Lynn confirmait sa pensée, il ne comptait pas se la jouer chef de troupe ce soir. Comme elle le demandait, il allait juste tenir sa main gentiment, tel un enfant suivant sa mère dans la foule.
Pas une fois il ne perdit le contact de la fine mais ferme main féminine. Un soupçon de regret retentissait en lui alors qu'il entendait les quelques notes annonçant un morceau qu'il appréciait tout particulièrement. Non, il n'y a plus le temps pour danser. Alors qu'ils s'engouffraient dehors, Mikaël s’aperçut qu'il avait oublié sa veste dans les toilettes. En une fraction de seconde il se rappela qu'il avait laissé son porte-feuille, ses papiers et son portable dedans. *Merde, le carnet aussi*. En quelques mouvements Lynn s'appropria une voiture, et tout en courant pour y rentrer, Mikaël jetait des regards furtifs derrière lui pour constater que les colosses étaient à leur trousse. Les bruits de balles sifflaient dans l'air, il en sentit même une passer au dessus de sa tête : quel sentiment atroce. Le bras de Lynn était blessé aussi, mais impassible mais démarra la voiture en trombe défilant dans les rues chargées et lumineuses de New York.

« Non rien de cassé. Mis à part que je vais me mettre à avoir de sérieux troubles psychologiques. Comptant tous les métiers que tu as dû exercé il y a sûrement psychologue, non? »
Il n'avait pas parler méchamment. Peut-être qu'il y a avait un soupçon de rancune, mais ce n'était rien de très important, mis à part un état de choc.
« Nous mettre à l'abri, où? Il doit y en avoir à chaque coin de rue des mecs comme ça. J'ai oublié toutes mes affaires là-bas, ma veste était à leurs pieds, à leur portée!» Il regardait la route devant lui alors que la voiture défilait à toute allure. Sa veste se tourna vers la conductrice : « Je veux juste en sortir en un morceau sans avoir eu à exhiber mes tatouages. » Il faisait la allusion à son torse et ses épaules couvertes de tatouages aux différents sens. Il avait de l'entrainement dans le combat, encore une fois, mais absolument aucune notion de la défense face à des armes à feux. Alors que ses nerfs commençaient enfin à se décontracter, il se retourna et sentit son pouls accéléré. « Ces bâtards sont juste derrière! » En effet, une voiture noire défilait juste dans leur dos, prête à les doubler quand l'occasion se présenterait. Mikaël interrogeait la jeune femme à ses côtés de ses yeux équarquillés, son instinct lui disait d'agir et la première chose qu'il pu faire était... d'allumer une cigarette. Bon début, au moins il les avait garder précieusement dans la poche de son pantalon.

« Allez, on a plus trop le choix, je suis sûr que tu as une arme quelque part, donne la moi qu'on en finisse.»
Il était totalement prit au jeu, de la colère jusqu'au bout des doigts sans savoir si il était de taille à mesurer la gravité de la situation.

« Toi avec une arme dans les mains avec ton taux de stress ? Jamais de la vie ! » Lynn n’était pas partisane de la prise de risques inconsidérés, et à ses yeux, mettre une arme entre les mains de Mikaël ne pouvait qu’être une erreur monumentale. Il suait le stress à des kilomètres, même si ce n’était pas aussi lisible sur son visage qu’on aurait pu le croire, et la brunette avait bien l’intention de les tirer de là par ses propres moyens : après tout, elle était tout de même responsable. Elle prit donc son arme en main, certes, mais fit pivoter d’abord le véhicule histoire de se trouver sur la file suivante : ils se firent klaxonner violemment par les autres conducteurs, furieux, mais aucun accident n’était à noter et il ne fallait pas oublier que Lynn avait déjà un certain nombre de poursuites comme celles-ci à son actif. Ce fut pourquoi il ne fut presque pas étonnant de la voir descendre sa vitre pour tirer sur le véhicule « ennemi », non pas en vue de blesser qui que ce soit mais plutôt pour rendre deux de leurs pneus HS. Jolie stratégie, qui ne risquait pas de les aider à rattraper les deux jeunes gens en fuite ! Aussitôt, Lynn remonta à nouveau sa vitre et rangea automatiquement son arme, peu coutumière du fait d’user d’un flingue devant un civil n’ayant aucun entraînement en la matière. Bien qu’elle ait eu énormément d’informations sur Mikaël entre les mains, elle n’avait pas souvenir d’avoir lu quelque part son talent en matière de tir… « Je crois que tu conviendras comme moi que cette méthode était plus efficace ! » balança-t-elle, non sans se permettre de sourire légèrement histoire de dédramatiser la situation. Il ne fallait pas s’en étonner : au bout de dix longues années de service au sein de la CIA, Lynn était devenu un véritable robot, capable de maîtriser ses sentiments à la baguette et de ne jamais laisser ressortir la vraie personne qu’elle savait pourtant encore être, en de très rares occasions.

« Il nous faut laisser cette voiture. On risque d’être trop facilement repérée avec… je vais m’arrêter et on va descendre. » Aussitôt dit, aussitôt fait : à ceci près que la piquante brunette ne s’était souvenu qu’à ce moment précis d’avoir gardé soigneusement la veste de costume de Mikaël… un léger rire peupla donc l’atmosphère sonore alors qu’ils s’engouffraient dans un coin particulièrement désert de Central Park, avant qu’elle ne se décide à la lui tendre. « Navrée. J’avais complètement zappé que dans la précipitation j’avais gardé ta précieuse veste… » Après la lui avoir rendue, elle s’occupa de sortir un paquet de mouchoir histoire de nettoyer le peu de sang s’écoulant de sa plaie ridicule : inutile de choper une infection alors qu’il s’agissait d’une blessure absolument dérisoire. « On va rester quelques minutes ici, le temps de reprendre un peu du poil de la bête, puis je t’emmène dans une planque sécurisée. Et pour te répondre… non pas vraiment, je ne suis pas psy pour trois sous et n’aie jamais eu affaire à ce genre de métier dans ma carrière… mouvementée dirais-je. Mais tu peux hurler si tu veux, logiquement je devrai survivre au traumatisme. » Cette façon légère de prendre les choses était typique chez Lynn… mais il était évident que Mikaël n’aurait sûrement pas la même façon d’appréhender la situation, même s’il était en sécurité avec elle et avait retrouvé son précieux calepin.

Savoir que la voiture ennemie était hors service était déjà une source de soulagement considérable. Sans compter le fait que Lynn avait garder sa veste depuis le début. L'adrénaline descendait peu à peu, Mikaël reprenait ses esprits. Heureusement qu'il n'avait pas empoigné d'arme à feux, heureusement qu'il n'avait pas jouer la partie comme un pseudo "héros". Ses yeux n'avaient pas lâchés la jeune cascadeuse, sa façon de réagir et de s'adapter à la situation l'avait bouleversé. En deux temps trois mouvements elle avait neutralisé le "vaisseau" ennemi et les avait éloignés d'une certaine menace.
« La prochaine fois, essaye de t'en souvenir plus tôt. » Il avait attrapé sa veste de façon assez brusque. Non il ne lui en voulait pas, il n'avait pas à agir comme ça. C'était une réaction totalement immature, prenant compte de la situation. Surtout qu'une certaine compassion le prenait quand il voyait la jeune femme essuyer le sang de son bras. Il n'était pas blessé, pas une égratignure, rien! Merci Lynn, pour ce coup là.
« Pour le traumatisme je pense que ça ira finalement. Mais tu vas me devoir quelques centaines de concert pour rattraper celui-là.»
C'est vrai maintenant, il fallait remettre en question beaucoup de chose, comme le fait qu'elle était sa nouvelle boss à la rédaction, et que cela était sûrement une factice de plus pour elle. Même si il avait sentit quelque chose de louche depuis le début au sujet de la femme, il n'avait jamais entreprit une analyse importante de tout ce qu'il avait pu savoir sur elle. Il fallait faire avec ce qu'elle avait donné, et la pauvre devait gérer la destruction de sa couverture.
Finalement ils devaient quand même passer plusieurs minutes dans les bois. L'atmosphère était si différente, il faisait sombre, le silence avait gagné l'entourage des deux jeunes gens. Mikaël s'allumait une énième cigarette et savourait chaque bouffée. Il aurait vraiment aimé avoir un autre verre en main et pouvoir sentir l'alcool lui brûler la gorge.
« Tu t'appelles vraiment Lynn? »
C'était la première question vraisemblable qui tomba au creux de sa bouche. Il y en avait une multitude d'autres mais il considérait celle-ci comme l'introduction d'un long commentaire. Sa sérénité revenue était seulement secouée de temps à autre par les buissons qui s'agitaient. *Le vent Mika', ce n'est que le vent, un phénomène cent pour cent naturel, abruti.* Ce qui se suivait d'une fouille de ses poches pour s'assurer que son bloc note était parfaitement intacte. A priori tout était redevenu normal. A priori ils n'avaient rien et pourraient dormir en sûreté cette nuit.
« Pas mal la couverture "journaliste", tu jouais assez bien ton rôle. C'était crédible. » Il ne savait pas vraiment comment briser le silence et avancer dans sa conversation avec la jeune brune. « J'aimerais même te demander le nombre de chose que tu sais sur moi. Genre, mes faiblesses, mon talon d'Achille. Tu as un dossier portant mon nom juste à côté de ton lit que tu étudies tous les soirs avant de te coucher? » Bien qu'il pu prendre son ton sarcastique il était surtout détendu. Ces paroles reflétaient le retour à la normale de son comportement.

Face au geste brusque de Mikaël, Lynn écarquilla les yeux, surprise. Ce n’était qu’une veste, contenant certes son précieux calepin, mais l’important était qu’il ait pu le récupérer, n’est-ce pas ? « Mais je t’en prie, c’est toujours avec plaisir » rétorqua-t-elle, non sans une pointe de cynisme. C’était mérité : rien n’expliquait la réaction du suédois, pas même la situation. Après tout, la brunette venait ni plus ni moins de lui sauver la vie. Elle aurait tout aussi bien pu le laisser se démerder face aux deux colosses, qui n’auraient évidemment fait qu’une bouchée de sa personne. Mais tandis qu’elle l’observait reprendre ses nerfs petit à petit, Lynn esquissa un léger sourire face à la question qu’il posa par la suite, et ce avant de se lancer dans un petit laïus au sujet de son métier dont il n’avait pourtant pas encore prononcé le nom. Peut-être craignait-il le mot plus encore que le métier en lui-même, incitant la demoiselle à cacher tout ce qui pouvait la caractériser, jusqu’à son prénom véritable. Autant dire que le silence dans lequel elle se berça était légitime : à ses yeux, il n’était rien de plus qu’un inconnu croisé au cours d’une mission, et dont elle aurait très bien pu faire la connaissance approfondie en d’autres circonstances. Jamais elle n’aurait eu tout un dossier portant son nom, effectivement, et probablement aurait-elle eu davantage de mal à le connaître à proprement parlé, mais cela ne faisait guère de différence à ses yeux : il était un homme parmi tant d’autres, et ne possédait pas réellement de particularité qui lui donnait envie de prendre des risques là, tout de suite, en lui révélant une partie de sa propre personnalité… « C’est mon métier d’être crédible » reprit-elle de manière impassible, alors qu’elle avait croisé ses bras contre sa poitrine. Lynn ne frissonnait pas, ne semblait rien craindre et surtout pas l’interrogatoire de quelqu’un qui ne lui apprendrait probablement rien sur lui. Probablement… car le risque zéro n’existe pas. « Si dossier portant ton nom il y avait, dossier il n’y a plus et tu n’en sauras jamais rien à moins que je consente effectivement à te donner des détails à ce sujet… si j’avais des informations à ton sujet, je doute que tu serais fan de ce que je pourrais bien avoir à dire. Sincèrement, je pense qu’il vaut mieux clore ce chapitre. Je dis ça pour toi. Moi, je peux encaisser ce genre de chose. Toi, je n’en suis pas aussi certaine. »

Lynn n’était pas cruelle ou désireuse d’être insupportable alors qu’elle était ni plus ni moins en train de lui fournir l’opportunité de souffler avant qu’ils ne doivent reprendre la route. Mikaël était formé pour être journaliste, et non pas pour supporter un stress à très hautes doses, des situations impossibles, ou même à parler de très nombreuses langues… il n’y avait aucune espèce de point commun entre le métier de la brunette et le sien, c’était une certitude. Pourtant, contre toute attente, la demoiselle finit par se rapprocher légèrement, sans le quitter du regard, ne s’arrêtant qu’à quelques centimètres de lui. Aucun sourire n’était plus présent sur son visage, et seul son regard laissait apparaître une très légère curiosité… « Une question demeure néanmoins : pourquoi avoir quitté la Suède ? » Elle s’était posé la même question en parcourant son dossier en long, en large et en travers. Mais elle eut la présence d’esprit de ne surtout pas évoquer les données sur la femme qu’il aimait et tout ce qui s’y rapprochait. A la place, elle finit par lui tendre la main, aussi brusquement qu’il s’était emparé de sa propre veste, avant d’énoncer d’un air malicieux : « Lyanna. » Cela signifiait qu’elle se présentait réellement à lui, mais également qu’il n’aurait sûrement pas d’autre donnée la concernant…

Il y a avait un sentiment complexe qui était naissant au fond de Mikaël. Il l'avouait : le mystère, ce n'était pas vraiment sa tasse de thé. Bien qu'il ait dévoré des centaines de romans policiers et dénoué des intrigues en tout genre, être face à une personne cachant aussi bien son jeu était désagréable. Du fait qu'elle n'allait pas se dévoiler à lui, oui, il se le savait et le comprenait. Mais surtout parce qu'il avait cet impression d'inutilité. C'est vrai qu'un homme, de son instinct, a besoin d'être d'une utilité, même infime. Ce n'était pas le cas, et il était mal à l'aise. De plus, cette femme devant connaissait sûrement une grande partie de son passé, ou des détails le caractérisant. Qu'est ce qu'il savait sur elle? A priori : rien. L'atmosphère après avoir variée de la lumière tamisée à la nuit noire, était baignée dans la tension de Mikaël. Il n'avait pas aimé la réponse de la jeune femme à sa question ironique, elle venait de le rabaisser. D'un coup de pioche dans la terre, ça heurte l’orgueil monsieur le journaliste. Il avait les nerfs tendus, les sourcils froncés, et la jeune femme s'avança vers lui de façon spontanée.
Pourquoi avoir quitté la Suède? Comme si elle s'attendait à une réponse franche. Il avait une petite épine qui piquait son égo, il n'était pas prêt de calmer la douleur et de jouer carte amicale. C'était même étonnant que ça le touche autant, vraiment, il n'aimait pas qu'on lui réponde "non". Depuis qu'il était gamin ça avait toujours été de la sorte. Aussi l'énergique poignée de main que la jeune femme en face de lui offrait faisait guise de désinfectant. Laisse la plaie se refermer Mikaël, ce n'est pas le moment. Il attrapa sa main aussi brusquement que tout ses gestes effectués auparavant et la secoua de haut en bas pendant une petite seconde.
« Mikaël. » Répondit -il, avec un léger sourire. Il n'avait pas manqué de prononcer son nom avec son accent suédois grossièrement prononcé. Voilà qui était fait, des présentations reparties à zéro, bien que "Lyanna" ne semblait pas être prête à prendre le géant blond comme son confident et lui compter sa vie palpitante. « C'est très appréciable de faire connaissance dans ces circonstances, mais je pense qu'il serait peut-être temps qu'on se tire d'ici.» Il avait abandonné le vocabulaire soutenu avec la jeune femme, ce n'était absolument pas nécessaire. Mikaël était du genre à jurer à chaque phrase, il était grognon et vulgaire : that's it. Sans attendre une réponse de la part de sa camarade, il pénétra dans une petite nuée de végétaux en soufflant allègrement sa fumée dessus.
« Quoi que tu fasses, où que tu sois, il y a toujours quelque chose de meilleur qui t'attend autre part.» Il avait lancé ça sans même se retourner pour regarder Lynn. En fait, il avait un peu réfléchis pendant plusieurs secondes à la réplique qu'il pouvait apporter à leur complexe conversation.
« On s'ennuit vite dans la vie, c'est triste.»Et il le pensait. Le jeune homme avait tendance à se languir très vite de toutes les situations. C'était un des critères de son départ en Amérique, et c'était aussi quelque chose qui formait son caractère. Depuis petit, il n'avait cessé de changer ses fréquentations puisqu'il finissait toujours par exploité tous ce qu'il y avait à exploiter chez quelqu'un. Son rythme de vie ne le lâchait pas, et il se disait qu'il finirait bien par trouver l'endroit et la personne parfaite pour ne plus s'ennuyer jusqu'à la fin de ses jours.

Pour l’instant, Lynn n’avait rien répondu à la réplique complexe de Mikaël… elle aussi cherchait une bonne façon de poursuivre leur conversation n’ayant strictement rien d’anodin. Cela dit, elle avait peur de comprendre : s’ennuyait-il donc tant en Suède qu’il avait plié bagages sans se retourner ? A vrai dire, la brunette faisait cela à longueur de temps, mais ce n’était pas une raison pour prendre exemple sur elle… surtout qu’elle se considérait comme un bien piètre exemple. Elle n’osait rien répondre car pour l’heure, elle l’emmenait dans cette fameuse planque évoquée un peu plus tôt, à savoir son appartement à elle. Celui-ci se trouvait non loin de ce coin sombre où ils avaient créché pendant quelques minutes, à reprendre leurs souffles et pourtant à perdre leurs esprits. Mikaël n’avait pas encore conscience de l’honneur qui lui était fait : personne n’avait jamais mis les pieds dans ledit appartement. Lynn le protégeait à l’aide de nombreux artifices, en bonne petite hackeuse qu’elle se trouvait être, et le gardien en lui-même était un employé de la CIA. L’immeuble tout entier était en surveillance constante, mais il gardait un charme que nul autre n’avait dans le tout New York. Et pourtant, l’appartement qui se découvrit après ouverture de la porte blindée était simple, presque dénudé de toute décoration. La demoiselle se refusait à y mettre quoi que ce soit de personnel, hormis quelques photographies d’elle, de son père, et d’un jeune homme en particulier à qui, malheureusement, le suédois ressemblait un peu. Lynn n’avait fait aucun commentaire là-dessus, et s’efforcerait de n’en faire aucun, mais dès lors que la porte se referma sur eux et qu’elle se considéra comme « en sécurité », elle n’hésita pas à soupirer bruyamment face à la réaction qui chauffait malheureusement depuis de nombreuses minutes. « Alors quoi, tu t’es barré de Suède parce que tu t’emmerdais comme un rat mort ? Marrant, mais j’ai du mal à l’avaler, celle-là. Tu es du genre à te moquer complètement de ton prochain dès lors que tu possèdes ton petit confort, c’est ça ? » Lynn n’était pas énervée, elle ne serait pas les poings et pourtant, elle conservait une certaine distance de « sécurité ». Cette situation avait un effet étrange sur elle. A l’heure actuelle, l’espionne était incapable de décrire exactement ce qui se passait, mais ses nerfs étaient nettement moins sous son précieux contrôle que d’habitude, à son plus grand regret.

« Personnellement, je ne m’ennuie pas et il n’y a strictement rien qui m’attend nulle part hormis la connerie de quelques uns, qu’il faut que je m’efforce de contrôler. Ton petit adage te convient certainement, mais il est inutile pour moi. » Lynn haussa les épaules avec nonchalance : il ne fallait pas appliquer à la jeune femme ce qui pouvait s’appliquer à tous les autres. Hélas, elle ne faisait plus exactement partie de la population normale… un jour, elle était quelqu’un, le lendemain, elle devenait une toute autre personne, car tel était son contrat. « Arrête de tirer une tronche de trois pieds de long, tu es en vie et c’est le principal. Tu ne vas pas me dire que le fait d’avoir été sauvé par une nénette te dérange ? Auquel cas toutes mes excuses, la prochaine fois, je te laisserais te démerder, juré. Cela dit… je crois que dès le départ je n’ai pas compris un traître mot de ce qu’il pouvait bien y avoir sur ton dossier. Tu n’as aucun risque à prendre, tu peux être avec qui tu veux, où tu veux, avoir la vie que tu veux. Mais tu as décidé de prendre le large… je ne sais pas si c’est extrêmement courageux ou incroyablement stupide. » A moins qu’il n’ait pas aimé cette femme… possibilité tout à fait logique somme toute.

Entrer dans l'appartement de cette mystérieuse femme était quelque chose de palpitant. Il avait scruté tout ce qu'il avait pu apercevoir quand ils avaient pénétrés l'immeuble blindé. C'était un autre mode de vie, qui n'était pas mieux ou moins bien, simplement différent. Alors que la brune n'avait pas répondu, Mikaël ne s'en n'était même pas soucié, il était trop occupé à chercher du regard n'importe quelle chose intéressante dans cet appartement. Quelques photos, le strict minimum. Il ne prêta même pas attention à la figure sur une ou deux photos qui lui ressemblait étrangement, il s'en rendit compte un peu plus tard.
Il y avait juste de quoi vivre, avec un niveau de confort nécessaire. C'était une bonne vision des choses, ceci dit.
« Pourquoi tu prends la vision négatives des choses? Je vois ça comme une recherche perpétuelle d'évolution. C'est en faisant ça qu'on se forge le caractère. J'en suis convaincu.» Il était assez sérieux, bien que sa voix semble perdu dans l'air de la pièce. Sa curiosité était toute éveillée et toute frétillante.
« J'ai fait une seule remarque sur le fait d'avoir été sauvé par une femme? Je t'en suis reconnaissant, voilà! Mais n'empêche qu'il y a avait un super bon mojito qui m'attendait là-bas, avant que les deux gros steaks viennent essayer de te coller une balle dans le cerveau. » Peut-être que l'homme n'usait pas souvent d'un tact phénoménale, mais il aimait bien construire ses phrases à sa façon.
« Et tu viens de résumer mon ancienne vie : rien. Je ne parle pas de la personne qui partageait mes nuits ça sera inutile, c'est seulement l'unique chose que j'ai du abandonné en partant, et finalement... » Il ne termina pas sa phrase, pas la peine d'étaler sa vie et ses déceptions face à cette... inconnue. Erika avait rompu avec lui, pour un autre homme. Tout compte fait, c'est la seule conclusion qu'il tirait du "grand amour", à vingt-huit ans, c'était triste. Il voulu changer de sujet, pour ne pas laisser le silence briser une fois de plus l'air ambiant. « Je peux fumer? Quelque part? N'importe où en fait. Et si tu avais quelque chose, n'importe quel sorte d'alcool pour me désaltérer je t'assure que tu aurais mon respect le plus total.» Totalement détendu il accompagna même son dernier propos d'un clin d'oeil : elle avait déjà tout son respect, c'était évident. Puis, oubliant la frontière qui restait entre lui et Lynn, Mikaël se hâta de poser la question qui lui chatouillait la langue :« C'est quel genre de connaissance, le gars sur tes photos? »

« Qui te dit que c’est à mon cerveau que l’on voulait coller une balle ? » Finalement, Lynn tempéra son petit accès de colère face à la réplique de Mikaël : elle n’oubliait pas que les éléments du dossier pouvaient très bien être incomplets et qu’elle n’avait eu sous les yeux que les détails susceptibles d’être utiles. La vie amoureuse du jeune homme n’était en aucun cas une partie pertinente, bien au contraire. Pourtant, dotée d’une soudaine curiosité ne lui ressemblant pas le moins du monde, elle l’avait clairement attaqué et lui, bon prince, lui avait répliqué avec une prestance qu’elle aurait presque pu applaudir. Finalement, plutôt que de renchérir, elle éclata d’un rire cristallin parfaitement sincère. Il ne manquait pas de réparti, et à ses yeux, c’était une grande qualité. Peut-être n’avait-il rien en Suède, mais il n’était pas encore croulant et pouvait donc espérer que la chose ne s’arrange. « Et aujourd’hui aux États-Unis, ton rien s’est-il transformé en quelque chose ? » Histoire d’en parler. Le problème de Lynn, c’est que la plus importante partie de sa vie était scellée par le secret défense. Impossible pour elle d’en parler, pas même à quelqu’un venant de manquer de perdre la vie au cours d’une mission. Alors elle détournait habilement l’attention vers autrui pour ne surtout pas subir les projecteurs placés sur sa petite personne. « Tu peux fumer à ta guise. Quant à un remontant… j’ai un excellent scotch dix-huit ans d’âge, du gin, du rhum, de la vodka, et du bourbon. Tu as l’embarras du choix et le choix de l’embarras, comme dit l’autre. Mais pour ma part, un double scotch est de circonstance. » Diantre, Mikaël venait en plus de poser LA question qu’elle redoutait toujours, celle à cause de laquelle elle ne faisait justement jamais venir personne entre ces murs isolés et froids…

Lynn eut le réflexe de se servir d’abord son scotch avant même que d’envisager de répondre à la question de celui qu’elle pourrait très bien considérer comme un inconnu… même si elle connaissait sa vie. Très étrangement, bien qu’elle ait l’impression qu’un poignard se soit infiltré sournoisement dans son cœur, elle n’éprouvait plus cette peur panique d’en parler. Elle n’était plus la demoiselle de dix-sept ans fragile et sensible… Lynn avait beaucoup évolué, sûrement à cause du fait qu’elle s’était enrôlé dans la CIA. Il n’était donc plus question pour elle de pleurer dans les chaumières, même si ce jeune homme gardait une importance capitale dans sa mémoire. « Il s’appelait James. C’était mon grand amour à moi. Tu vois, il n’est pas parti avec quelqu’un d’autre, il s’est pris une balle dans la tête, sous mes yeux. Il était fils de mafieux et avait choisi de m’épouser en renonçant ainsi à sa « place » de parrain. Son père ne l’a pas supporté et l’a descendu. Quand tu sais ça, tu comprends pourquoi je ne m’attache à personne, pourquoi les gens sont insignifiants à mes yeux et pourquoi j’ai le réflexe de me tenir très, très éloignée d’eux. C’est plus pratique de passer pour une insupportable bitch plutôt que d’être appréciée. » Disons que ça l’aidait à mieux dormir la nuit et à éviter, comme maintenant, de s’enfiler un double scotch cul sec. « Bah, c’est loin tout ça. Au fait, tu peux te servir à ta guise, considère ça comme un libre service, je pense que tu en as plus besoin que moi ! »

Il n'attendit pas longtemps avant d'allumer sa cigarette dès que Lynn lui en autorisa la consommation. C'était vraiment une merdes ces choses là, on sait que c'est mal et pourtant, quelle addiction. Si il devait mourir d'un cancer à cause de ça, il s'en voudrait honnêtement. Qui plus est, d'ici là il aurait sûrement des enfants, et le jour où ça arriverait, il souhaiterait les quitter dans des conditions honorables. Cette parenthèse visionnaire avait eu le temps de se faire pendant qu'il aspirait en savourant la première bouffée de sa désirée cigarette.
« Aujourd'hui, je viens de me faire poursuivre par deux mafieux, secouru par une fille mystérieuse rencontré dans un bar il y a quelques mois. Honnêtement, je n’appellerais pas ça "rien"!» C'était vrai, il ne s'ennuyait pas, du moins pas encore. Même la petite routine de ses journées semblait agréable. Se lever, effectuer exactement le même rituel matinal avant de se rendre au travail. Oui, tout ce passait bien. Mais peut-être que bientôt ses pulsions de changement le prendrait à nouveau vers d'autres horizons. Au fond, son départ de Suède était une sorte d'erreur, il avait laissé le seul amour de sa vie. Non, l'amour on s'en fout. C'était superficiel, définitivement. Aujourd'hui il vivait heureux, pas besoin d'une femme dans son lit pour ça.
« Je crois que je vais commencer au scotch, comme toi. » Il s'avança vers le meuble où la jeune femme rangeait tout son alcool et fit comme chez lui, gardant sa cigarette dans la bouche il vidait allègrement l'alcool dans un joli verre conventionnel. Il avait une certaine satisfaction grandissante lorsque Lynn répondit à sa question concernant l'homme affiché sur ses photos. Voilà, elle commençait enfin à enlever cette foutue barrière, ce manteau de fer qu'elle gardait sur elle chaque seconde. Il suivit son dernier commentaire et après avoir utilisé son incroyable gosier pour descendre un verre en une gorgée, il entreprit de le remplir une nouvelle fois.
« Je ne te serais pas d'une grande aide pour commenter ce que tu as vécu. C'est déplorable, et je réponds ça tout simplement parce que l'éthique et la politesse me demandent de le faire. » Il avala une gorgée de plus. « Je pense surtout que être une "bitch" peut s'avérer épuisant au bout d'un moment. C'est tellement bon de pouvoir être la personne que l'on est. Sans avoir constamment la peur d'être déçu par les personnes qui nous entourent. » Mikaël se foutait bien de décevoir les gens. Mis à part son chef, il ne devait rien à personne. Il était comme il était et ses fréquentations, amis l'avaient accepté comme ça. On peut s'adapter à la société mais on ne peut pas changer qui l'on est, point.
« Si ça peut te faire sourire, il avait l'air charmant. Et je ne dis pas ça parce qu'il me ressemble légèrement. » Bien que le tact légendaire du suédois n'était toujours pas remonté à la surface, il avait surtout essayé détendre l'atmosphère après ses quelques confessions.
« Tu sais, le fait est qu'elle ma quittée. Oui je l'ai abandonnée, oui je n'ai pas tout donné pour entretenir cette relation. Mais elle a quand même réussie à me jeter pour le premier venu, par solitude, par vengeance. Que dire face à ça? Oui, les personnes déçoivent, je le conçois, mais aujourd'hui même je ne vois que cette futilité et me dit que ça ne vaut même pas le coup. » Sans vraiment penser à ce qu'il faisait tout en discutant, il se servait un troisième verre. « Et putain, c'est vrai qu'il est délicieux ce scotch. » Il s'empressa de remplir le verre de Lynn qui était vide à son tour sans trop savoir à quoi mènerait cette soirée qui semblait interminable.

« Tu ne croyais quand même pas que je buvais de la merde ?! » Lynn avait maladivement besoin de dédramatiser pour ne pas reprendre cette petite sentimentalité lui allant décidément très mal. Après tout, leurs deux histoires n’avaient strictement rien en commun, si ce n’est qu’ils connaissaient la solitude au final. Mikaël n’avait pas vu l’amour de sa vie se faire descendre, celle-ci s’était fait la malle avec le premier venu… moche, même la brunette l’admettait. Elle esquissa pour cela un minuscule soupir, à peine audible, signifiant ni plus ni moins qu’elle comprenait son éventuelle colère envers cette femme, même s’il avait l’air d’y avoir été très attaché. Elle n’était pas conciliante parce qu’il ressemblait à James, non… juste parce que l’envie lui passait comme ça, sans raison apparente. Il ne fallait pas s’attendre à autre chose de toute manière, puisqu’elle n’était plus vraiment en mesure de ressentir autre chose que cela à l’heure actuelle. La compassion, la gentillesse, la tendresse… c’était une partie de sa vie et de son tempérament qui était morte en même temps que l’amour de sa vie, il s’agissait d’une certitude certaine. « Tu veux que je te dise ? Si elle s’est barrée, c’est elle la perdante après tout. C’est un peu con ce que je suis en train de dire, mais après tout, si elle ne veut pas de toi, alors elle n’en vaut pas la peine. Personnellement, si j’étais toi, je ne courrais surtout pas après quelqu’un qui m’a clairement fait comprendre qu’il n’en n’avait rien à foutre. Peut-être que je serais tentée de torturer l’amant à la con qu’elle s’est tapé, aussi… mais ce sont mes méthodes un peu draconiennes, j’imagine. » Et pour la peine, elle resservit volontiers un verre à Mikaël, pas déprimée pour trois sous. Après tout, sa propre histoire s’était soldée alors qu’elle était âgée de dix-sept ans… d’une certaine façon, il y avait prescription et il était temps de passer à autre chose. De vivre, tout simplement. Sans doute fut-ce pour cela qu’elle s’empara sournoisement de la cigarette du journaliste histoire d’en déguster deux trois bouffées, juste avant de la lui rendre l’air de rien. Imprévisible, voilà le mot la caractérisant si bien.

« Ne soit pas poli ni correct, je n’ai pas dit ça pour attirer ta pitié et encore moins pour qu’on pleure dans les chaumières… mais uniquement parce que cette confidence en particulier ne me mets pas en danger. Je ne serais plus jamais cette nénette romantique que j’étais à dix-sept ans, on m’a très bien formée à ne rien ressentir. Sans quoi, tout à l’heure, j’aurais sûrement paniqué et tu te serais démerdé tout seul ! Ma vie n’est jamais la même d’un jour à l’autre. Je ne connais plus la routine, et, accessoirement, la chaleur humaine, je ne sais même plus quel goût ça a. Mais c’était mon choix et je l’assume. » Mikaël ne devait pas s’attendre à apprendre énormément de choses sur son compte, pas sans être ensuite poursuivi par des merdes plus grosses que lui. D’autant qu’il était un mec, depuis quand il avait de la curiosité pour la gente féminine ? A la place de leur petite conversation « personnelle », Lynn avait un bien meilleur argument : une chaîne hi-fi dernier cri avec des enceintes à faire pâlir les plus grands zicos de la planète. « Puisqu’il paraît que je te dois un concert, autant s’en mettre plein les aises-gourdes d’avance. Donne un groupe et je te trouve ça. » En somme, elle n’avait pas envie qu’il continue à poser des questions… même s’il pouvait très bien le faire tout de même par pur esprit de contradiction !

« Si on s'était côtoyer plus tôt, je t'aurais sûrement demander de le torturer de la façon la plus atroce qu'il soit. »
Il rigolait, c'est vrai qu'à cette époque, fraîchement célibataire et surtout dix pieds sous terre, il aurait été capable de commettre un meurtre. Mais avec le temps, l'expérience qui se gagnait toujours, il apprit que la vengeance n'était que le reflet de la faiblesse de l'être humain, et que la haine était beaucoup plus belle quand elle était de l'amour. Il trouvait ça triste que la jeune femme ait fait le choix d'abandonner cette partie de la vie, c'était fade. Bien qu'il fallait apparemment avoir un courage considérable pour le faire. Même Mikaël, qui vivait seul, ne cachait pas son habitude de rentrer de rares fois en charmante compagnie, et de s'abandonner aux plaisirs de la chair. Pourtant il n'était en aucun cas prêt à prendre un quelconque engagement vis-à-vis d'une femme. Définitivement pas. Il s'en voulait de pas pouvoir trouver les mots convenables, de ne pas sortir de ces simples règles de conventions qu'on lui avait si bien enseignées. C'était impossible pour lui de revenir sur les propos qu'elle tenait. A quoi bon? Les choix de vie sont les bons si la vie que l'on mène est heureuse. Il ne fût même pas étonner quand elle attrapa sa cigarette pour en voler furtivement une bouffée.
« Branche mon portable dessus, j'ai une superbe playlist juste pour ça.» Il lui tendit son superbe Iphone dernier cri, dont il avait assez honte finalement puisque les gens qui l'observaient se s'empêchait pas de faire des remarques bien connues sur la facilité à consommer de Mike. La première chanson de la liste était un morceau électrique des Bloody Beetroots, un groupe italien que le jeune homme n'avait pas arrêter d'aller voir en concert dès que l'occasion se présentait. Ce n'était pas certes une musique d'ambiance, ni de décontraction. En fait, le seul mouvement qui pouvait accompagner le rythme des basses était un grave hochement de tête répété. « Je sais que ce n'est pas le genre de musique qu'on a vraiment envie d'écouter après une soirée comme ça, mais en fait, moi, je le désire vraiment. Donc au pire si ça ne te plait pas c'est la même chose.» Bien sûr il souriait en prononçant ses mots. Plus la peine de la jouer distant ou trop sarcastique, c'était le moment de lâcher son corps, son esprit et de le laisser filer avec la mélodie entraînante.

« Envie de danser? » Il s'était levé du canapé et avait siroté les dernières gouttes de son énième verre. Il le posait sur la commode avant de tendre la main vers la brune toujours assise. Ce n'était pas vraiment une tentative de rapprochement physique, c'était plutôt pour lui offrir un contact humain. Il aurait même qualifié ça d'objectif, pas de quoi s’émoustiller! C'était même loufoque de danser de façon aussi calme suivant un rythme saccadé et déstructuré. Mikaël aimait le loufoque.

« Autoritaire en plus de ça ! » Lynn n’avait rien dit. Elle aimait tous les types de musique, se délectait de très nombreux concerts lors de ses rares moments de calme et n’avait pas honte de dire qu’elle savait danser sur tout et n’importe quoi. La peur du ridicule, décidément, elle ne semblait pas connaître… mais c’était la contrepartie évidente à son manque d’attachement ou de chaleur humaine. Parfois, cependant, lorsque sa solitude était bien trop insupportable, il lui arrivait de passer la nuit en galante compagnie, ce n’était pas rare du tout. Mais elle évitait que cela ne se reproduise avec la même personne : le simple fait qu’une routine lui soit imposée était exclue, elle se le refusait. Personne ne pourrait être en sécurité en sa compagnie, et Lynn ne serait jamais capable de supporter la perte d’un être cher à nouveau. Elle n’avait aucune envie de le faire comprendre à Mikaël, de toute façon, il n’avait pas voix au chapitre : il n’avait aucun jugement à accorder à sa manière de vivre, et comme il venait de le dire si agréable, si cela ne lui plaisait pas, c’était pareil. « Il faudra m’expliquer pourquoi cette soirée t’inspire un son aussi… spécial, mais soit. » Lynn s’était relevée souplement, attrapant d’un même temps la main du jeune homme sans le faire attendre jusqu’à la trinité. Ce fut à ce moment précis qu’il dû comprendre qu’un challenge comme celui-ci, c’était de la gnognotte pour elle. La preuve, elle parvenait tout de même à se « trémousser » au rythme des basses, dans des mouvements saccadés certes, mais tout à fait appropriés. Ce qui était légèrement plus surprenant, c’était son regard. Chargé de beaucoup de choses indescriptibles, mais qui se refusait manifestement à respirer l’impassibilité, malgré la musique ne poussant guère à l’émotion ou même à l’épanchement de quelque sentiment que ce soit. Aussi, quand la chanson prit fin, Lynn se permit de mettre la playlist en pause juste pour le plaisir de la chose… « Trouve-moi une chanson plus dure sur laquelle danser, franchement, c’est trop facile ! Pour un peu, je te trouverais presque prévisible. »

Peut-être avait-elle juste envie qu’il se lâche, lui aussi. Que ce ne soit pas toujours les mêmes à être capables de se déhancher sensuellement sur une musique quelconque, qu’elle soit rock, électro, pop ou que sais-je encore. « Tu es musclé et à mon avis si tu m’étais une droite à quelqu’un sa tête ferait trois-cent soixante degrés… mais sais-tu danser avec souplesse ? » Elle se mit en quête d’une musique plus propice à une petite dance et, sans forcément trouver quelque chose de costaud, elle finit par tomber sur l’une des chansons du groupe qu’ils étaient initialement venus écouter ce soir. Un grand sourire éclaira soudainement ses traits et, avec un enthousiasme légèrement surprenant, elle reprit : « Signe du destin ? Bref, j’ai déjà dansé dessus tout à l’heure tandis que toi tu sirotais ton mojito, on va échanger les rôles ! » A ceci près qu’elle n’allait pas le laisser tout seul dans cette galère : elle lui tendit tout de même la main, fairplay. Le pire, c’est qu’elle ne se rendait même pas compte qu’à aucun moment elle n’avait cessé de s’exprimer en suédois. Étrange réflexe !

C'est vrai que Mikaël n'était pas le dieu de la danse, sa masse importante lui donnait l'impression d'avoir quelques fois... Un balais dans le cul. Sa tête, en tout cas son esprit était doté de la capacité contraire. Depuis très jeune il avait eût l'habitude de se casser la tête à l'électro, aux basses et aux rythmes rapides. Les personnes communes étaient souvent vite agacée de ce genre de musique, lui jamais. Parfois même encore aujourd'hui, il se surprenait à s'endormir au son d'un bon Daft Punk. Ça c'était sûr, il détestait le silence. Dormir sans aucun bruit était souvent impossible pour le grand garçon. Il préférait quand ses rêves étaient remplient des morceaux diffusés en réalité. Les deux mondes se mélangeait et le garçon ne pouvait même distinguer lequel était factice, lequel était vraisemblable.
La jeune femme avait retrouvée son attitude de fêtarde excitée. Maintenant, il fallait remplir ses exigences et lui trouver un challenge un peu plus pimentée. Elle prit tout de même une valeur sûre en laissant le groupe M83 s'approprier les enceintes.
« En parlant de mojito, j'espère que tu possèdes dans la liste de tes nombreux talents celui de faire de bons cocktails, sans quoi je serais obliger de quitter les lieux sur le champ!» Il ne se rendait même pas compte de l'incohérence de ses paroles, puisqu'ils étaient évidemment venus se protéger en s'enfermant dans le cocon rassurant de Lynn. Et puis, c'est vrai qu'il n'avait même pas entreprit de quitter les lieux depuis qu'ils étaient arrivés. La nuit était assez entamée mais la fin semblait encore loin, c'est pourquoi sans se soucier de son apparence ou de son taux de ridicule et s'empressa de rejoindre Lynn sur l'officieuse piste de danse. Le degrés d'alcool dans son sang n'était pas nul, et c'était d'autant mieux qu'il se laisserait totalement aller.
« En fait tu danses super mal! Tu loues tes talents mais c'est de la publicité mensongère. Tu étais bien satisfaite que je ne vienne pas voir ça pendant le concert, je serais tout de suite partit sinon et tu n'aurais pas pu m'emmener chez toi après que ces acteurs que tu as payé soient venu nous tiré dessus avec leur pistolet à eau.» Il n'avait pas arrêté de sourire, et la proximité de la jeune femme lui avait même fait peur de lui cracher son haleine alcoolisé au visage. Malgré tout il passait quand même un superbe moment, ça faisait longtemps d'ailleurs qu'il ne s'était pas autorisé un tel relâchement.
Le morceau qui terminait fût suivit du célèbre Another one bites the dust, quoi de mieux que Queen pour faire valoir son déhanché? Il attrapa les mains de Lynn et montra la seule danse qu'il magnait à la perfection : le rock. Il l’entraînait dans tous les sens, la faisait tourner légèrement et essayait de rester quelqu'un de délicat. Bien que la température de l'appartement soit tempérée, l'alcool et ses mouvements répétés lui donnait chaud, il se sentait vite humide mais n'y prêtait pas attention. L'instant présent était profitable.
« Alors madame, un peu de respect pour son salarié maintenant? » Il profita du moment de pause pour allumer une cigarette et chanter en playblack sur la sublime voix de Freddy. Mikaël rapprocha la jeune femme par la hanche pour reprendre le mouvement et lui donna sa cigarette quelques secondes.

« La bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe ! » Après tout, s’il voulait partir et risquer une balle dans la tête, ce n’était pas Lynn qui allait l’en empêcher. Cependant, elle n’était pas stupide au point de l’y pousser en le provoquant ouvertement : elle savait que la fierté masculine avait un pouvoir extraordinaire sur le comportement des gens et n’était pas prête à parier des dollars contre des biscuits sur la réaction de Mikaël à ce moment là. Au lieu de ça, elle se laissa complètement aller, oubliant les barrières habituelles ainsi que son inhibition pour profiter d’un moment qu’elle n’aurait jamais cru possible entre eux… c’est vrai, ils ne s’étaient vus que deux fois et on ne pouvait pas dire qu’ils aient donné dans la normalité à chaque round. Aussi fut-elle particulièrement surprise de le voir si bien danser le rock, détail n’étant évidemment pas apposé sur son dossier et qui lui arracha un sourire sincère : vrai qu’il bougeait bien quand il voulait. Mais il avait eut tort de lui donner sa cigarette le temps de sa petite démonstration, car Lynn la conserva un long, long moment. D’ordinaire, elle ne fumait jamais : cela ne pouvait qu’atteindre ses capacités physiques et la ralentir alors qu’une parfaite hygiène de vie était vitale dans son métier. Elle ne comprenait même pas la raison d’un tel relâchement si ce n’est le taux d’alcoolémie dont elle était la victime, et qui ne risquait pas de s’amoindrir si elle se mettait à faire des mojitos… « Pas mal ! Mais pour gagner le respect d’une femme, il faut être sensuel, et là excuse-moi, mais c’est zéro pointé ! » Cela dit, bien loin d’elle l’envie de lui faire une démonstration de tango histoire de prouver son point de vue… à la place, elle se mit à chercher une nouvelle chanson à la hauteur de ce qu’elle avait envie de danser, non sans lui avoir préalablement rendu sa cigarette largement entamée. Lorsqu’elle mit la main sur la chanson « Thriller » de Mickael Jackson, autant dire qu’elle fut en mesure de prouver que si le rock n’était pas nécessairement son terrain d’excellence, le Moonwalk, en revanche, n’avait aucun secret pour elle.

« Il faut que je me rince le gosier, m’est avis ! » balança-t-elle pile à la fin de cette chanson, qu’elle connaissait par cœur et qui avait longtemps figuré sur sa playlist favorite. Elle se plaça derrière le bar du salon, seul détail qui donnait un peu de chaleur humaine à cette pièce si dénudée. Et le fait est qu’elle leur fit deux mojitos d’anthologie, nettement meilleurs que celui qu’elle avait pu goûter au bar et qui, heureusement, continuait de rendre cette soirée agréable. « Alors, Mik la menace ? Conquis ou tu ne rends pas encore les armes ? En tout cas, je te déconseille d’aller te les cailler dehors, la nuit est frisquette et puis un bon lit bien chaud, c’est quand même vachement mieux. » Elle avait aussi abandonné tout discours soutenu, ainsi que son langage maîtrisé habituel… le seul souci, c’est qu’elle ne se rendait pas compte qu’elle venait d’employer le même surnom que l’ex de Mikaël : « Mik ».

« J'ai eu peur de jouer la carte de la sensualité, tu aurais pu me mettre à terre si j'avais osé t'effleurer.» Ne jamais, non jamais ne quitter la carte humoristique. L'ambiance de la soirée était donnée. Aussi la démonstration de moonwalk de Lynn laissa Mikaël le sourire en coin et la tête approbatrice.
« Effectivement, tu as peut-être un air de ressemblance avec le fameux Michael Jackson! » Il aurait même pu donner une petite tape amicale à la femme pour accompagner cette blague. Il n'osa même pas regarder l'heure, l'idée qu'il faille se lever pour travailler le lendemain matin ne le toucha même pas. C'était comme être momentanément dans une autre dimension. Il allumait des cigarettes à volonté, comme il le faisait à chaque fois que l'alcool coulait à flot. Il posa son regard plusieurs secondes le temps que Lynn confectionne les mojito, il crachait sa fumée sur elle sans même sans apercevoir et ses pensées divaguaient dans tous les sens. Un petit détail seulement l'arracha à son imagination *Mik?* Non, ce n'était pas si important que ça. Pendant deux secondes il eût à se concentrer grossièrement pour pouvoir remettre la situation dans son contexte. C'était un surnom parmi tant d'autres, bien que les gens l'appellent habituellement Mike ou Mika. Il avait même sûrement refusé l'appellation "Mik" à de nombreuses personnes. Quelle importance?

« Je n'avais franchement pas l'intention de me faufiler dans la nuit noire et glaciale. » Il enfila le mojito dans son gosier trop rapidement, bien qu'il dû admettre que c'était effectivement un cocktail délicieux. Et c'était bien son alcoolémie qui le poussait à demander ce qu'il demandait. « Tu ne m'as même pas fait visiter les lieux? » Il jeta un regard grave à la jeune femme. « J'aimerais voir mon "bon lit bien chaud"! » Sans même attendre la réponse de la brune il se jeta dans un couloir de l'appartement. Ouvrit la première porte à gauche, alluma la lumière et satisfait de voir un grand lit qui semblait, effectivement bien chaud, se laissa tomber dedans. Sa tête tournait un peu, et ses yeux vacillaient mais il ne se serait pas laisser dormir pour autant. Après quelques observations il affirma la chose : c'était la chambre de Lynn, et la voila qui venait déjà. Sans lui laisser une minute de réflexion il se redressa seulement pour l'attraper par la main et la tirer vers le lit. Pervers? Pas le moins du monde. Il garda une position frontale, allongé sur le dos et laissa la femme s'étaler de la même façon à ses côtés. « Je ne trouve plus de remarque amusante, c'est grave docteur? »

L’esprit d’ordinaire si clair de la brunette commençait sérieusement à divaguer, l’alcool aidant. Peut-être avait-elle juste besoin de se laisser aller à ce genre d’excès, justement. Après avoir servi son pays et été blessée à de très nombreuses reprises se faisant, Lynn estimait qu’il était logique pour elle de laisser flotter les rubans, bien qu’elle soit techniquement encore en mission et que sous quelques heures, elle devrait reprendre son rôle de rédactrice en chef afin de mener à bien le reste de la mission lui incombant. Pour l’instant, elle demeurait interdite face à l’enthousiasme évident de Mikaël lorsqu’il s’agissait de découvrir son appartement : il avait manifestement l’intention de dormir dans SON lit, en profitant ainsi d’une chaleur qu’il n’était probablement pu habitué à ressentir. Au départ, l’ardente brunette plaqua ses mains contre ses hanches, désapprobatrice, mais à la limite de l’hilarité. Il n’existait plus une once de sérieux liée à sa conscience et s’il avait fallut qu’elle tienne une arme en main, jamais elle n’aurait été en mesure de faire un carton comme elle savait si bien le fait d’ordinaire. Pas étonnant qu’elle se laisse attirer vers ce lit moelleux et diablement confortable, lui faisant presque oublier toutes les douleurs physiques ou morales qu’elle avait le malheur de ressentir à longueur de temps. Ce lit, c’était bien simple, elle le qualifiait d’œuvre d’art… aussi le partager, c’était comme un sacrifice pour elle ! « Tu m’étonnes que tu ne veuilles pas t’infliger le fait de te cailler les miches… mon lit, c’est une tuerie ! » Lynn n’hésita pas à éclater dans un rire parfaitement communicatif face à l’ultime réplique de Mikaël : effectivement, dans son cas, c’était gravissime. « Ouais, t’es foutu boy » lâcha-t-elle d’un ton soudainement sérieux, comme s’il s’agissait d’une sentence irrévocable. Mais bientôt, un sourire marqua à nouveau ses traits, alors qu’ils se trouvaient tous deux sur le dos, d’un côté et de l’autre du lit. Leurs visages étaient à même hauteur, et leur observation de ce plafond d’un blanc immaculé semblait tout à fait passionnante.

« Ce qui est plus grave, c’est que je n’ai jamais dit que tu allais dormir ici ! C’est MON lit, capisce ? » Le partager allait demander négociation. A ceci près qu’une Lynn alcoolisée comme elle l’était n’avait pas besoin d’un long discours bourré de mots compliqués. La Lynn alcoolisée jusqu’aux ongles se trouvait également très, très tactile, chose qu’elle ne se serait jamais plu à être dans d’autres circonstances. Ce fut sans doute pourquoi elle se mit à le regarder, à la limite de l’hilarité une fois encore, et finissant par se pencher histoire de s’emparer de ses lèvres. Un baiser n’ayant rien de romantique, certes, mais laissant plutôt échapper une passion dévorante dont elle était en revanche tout à fait capable. Lynn s’éloigna aussitôt avant d’éclater de rire : décidément, le défier était bien trop facile. « Franchement, je ne vois pas ce que les nénettes te trouve… t’es même pas sexy ! » Ils étaient partis pour devenir deux grands gamins en plus de tout ce qu’ils avaient été jusqu’à lors…

C'était vrai, le lit de son amie était qualifiable de "tuerie", dur de même penser à le quitter. La tête de Mikaël tanguait toujours, il réfléchissait même malgré lui au fait que son mojito l'appelait depuis le salon. Bien que la vue du plafond soit en effet très intéressante, il ne s'empêcha pas de tourner le regard vers Lynn et de l'accompagner dans son brusque baiser. Après tout, il n'y avait en effet rien de très romantique à la situation. Encore une fois, deux adultes alcoolisés à souhait, dans le même lit. Que dire de plus? Cette femme restait toujours une énigme aux yeux du grand suédois. Aussitôt elle pouffait de rire et il ne pu s'empêcher de l'accompagner en rigolant pleinement. Il se redressa et prit une mine outrée :
« Hého madame "jesaismagnerlesarmes", je te ferais dire que j'ai été roi de beauté de ma promo à 18 piges. D'accord? » Il avait bien insisté sur le "d'accord" et gardait un regard insistant sur la brune, le visage ne laissait transparaître aucun signe de rigolade. « Tu es impartiale! Ok, c'est Dag qui a eu la première place. C'est aussi Dag qui a eu une tombe en bois de chêne » Il laissa ses traits se détendre brusquement. Décidément, en forme le Mikaël. Il se redressa carrément pour s'asseoir sur le lit, et contempla une fois de plus la pièce. « Franchement, les négociations ne seront même pas possibles. C'est ça ou je t'attache à la porte pour toute la nuit. A ta place je ne réfléchirais pas trop, dormir avec moi je t'assure que ça vaut le coup. Plus que d'être coincée une nuit entière! »

Il se leva rapidement pour aller empoigner son mojito et revint aussi vite qu'il était partit. Il ne quitta pas du regard Lynn toujours installée sur le lit massif et sirota le reste de son cocktail. Le mythe disant que les grands buveurs venaient du nord n'était pas totalement faux, il en était la preuve. Il posa soigneusement son verre sur la table de chevet et enleva innocemment son T-shirt. C'était un geste très révélateur, puisque son torse nu laissait entrevoir ses nombreux tatouages qu'il arborait fièrement sur son torse et ses bras. Tatouages tous très significatifs, représentant une partie de sa vie.
« Maintenant regarde moi dans les yeux et affirme moi que je ne suis pas sexy? » Mikaël n'avait pas quitter son air grave, et il la fixait de plus belle. Bien que le garçon soit franchement égocentrique il aimait en rire souvent. Son ton percé d'une pointe d'ironie il cherchait à jouer le temps tant bien que mal. Maintenant il fallait surtout attendre une quelconque réponse avant de voir si il succomberait à ses pulsions née de l'alcool.

« C’est ça ! Il n’est pas né celui qui va m’attacher à cette porte, tiens ! » C’était sa fierté et Lynn était prête à s’y accrocher comme à une bouée de sauvetage. Mais il faut dire ce qui est, même si leurs masses musculaires respectives n’avaient strictement rien en commun et qu’ils étaient tous deux du sexe opposé à l’autre, Lynn avait une connaissance en combat que Mikaël n’aurait probablement jamais, même si elle avait un taux d’alcoolémie crevant le plafond. D’autant qu’en moins de temps qu’il n’en fallut pour le dire, le jeune homme avait quitté la chambre et était revenu, un verre de mojito en main, arrachant à nouveau un rire à sa nouvelle acolyte. Décidément, tout ce qu’il allait faire risquait de la faire marrer… une chance qu’ils n’aient l’alcool triste ou violent ni l’un ni l’autre. « Je savais que tu ne résisterais pas à mon mojito ! » plaisanta-t-elle avant d’écarquiller les yeux en le voyant ôter son t-shirt. Celle-là, elle ne s’y était clairement pas attendue. Mais plutôt que d’être choquée, elle prit un air somme toute sérieux, comme si elle s’apprêtait à donner une note en adéquation avec ce qu’elle avait sous les yeux. Il fallait dire ce qui est, Mikaël avait beaucoup de charme. Non seulement il se trouvait être musclé, mais ses tatouages ajoutaient un semblant de côté bad boy n’étant aucunement désagréable. Il n’était pas seulement beau à regarder, il avait une plastique idéale. Mais avant qu’elle ne se lance dans ce genre de confidence, les poules porteraient des Addidas. D’autant qu’elle n’avait pas dit son dernier mot, et que le fait d’avoir le point final était comme une seconde nature chez elle. Dans un premier temps, cependant, elle osa s’emparer du verre qu’il avait laissé à sa portée afin de se délecter d’une bonne gorgée. Elle le reposa à son tour sur la table de nuit, le regard soudainement teinté d’une sorte de provocation et de défi, avant qu’un sourire amusé ne se dessine sur ses traits de poupée de porcelaine. Lynn était femme à jouer… Mikaël ne le savait pas, voilà tout.

« Pas mal, pas mal, il faut dire ce qui est. Mais ne crois pas que tu fais quand même envie en ôtant simplement ton t-shirt ! Le coup des tatouages, ça ne prend pas ! » Jamais Lynn ne se serait lancée dans pareil jeu si elle n’en tenait pas VRAIMENT une couche. Mais c’était bien ça le plus drôle… elle était à l’opposé de son comportement habituel. Ce fut sans doute pourquoi, après s’être redressée et placé à genoux contre son lit moelleux de compétition, elle commença à ôter soigneusement chaque bouton de son propre t-shirt. La sensualité dont elle faisait preuve était indéniable, sans compter qu’elle se déhanchait très légèrement. Et non, elle n’avait pas non plus eu de mission dans un club de strip-tease… disons simplement qu’elle avait un brin d’imagination, même pompette. Aussi, lorsqu’elle fut à bout de chacun des boutons de son vêtement, elle le fit lentement glisser contre ses épaules, laissant apparaître un tatouage sur le haut de son bras constituant une magnifique hirondelle en couleur et continuant jusque dans son dos. Ce n’est qu’après son petit jeu tout à fait sensuel qu’elle laissa tomber nonchalamment son t-shirt à même le sol, en ramenant très délicatement son bras vers le reste de son corps. Son sourire, quant à lui, était devenu diablement malicieux. « Regarde-moi dans les yeux et ose affirmer que ça, ce n’est pas sexy ! »

Bien sûr le suédois ne s'était pas attendu à une réponse affirmant ses propos, il savait bien que Lynn ne marquerait pas contre son camp. Il eu alors un autre léger sourire, il appréciait décidément la compagnie de cette femme. Avoir risqué de mourir quelques heures plus tôt était fairplay, puisqu'il passait un moment délicieux. C'est vrai que dans son tableau de chasse Mikaël avait aligné quelques belles perles, des femmes d'une beauté extravagante, des femmes talentueuses dont plus d'un aurait voulu la chair. Mais jamais il n'avait eu à faire à l'allégorie même de la malice. Il y avait un jeu beaucoup plus amusant qu'avec toutes les autres, une envie de gagner le match qui dépassait sa fierté et son ego. Aussi, quand la jeune femme ôta de la façon la plus sexy qu'une femme sait le faire, il ne pu retenir un léger soupirement. Mikaël l'avait toujours trouvé horriblement attirante, mais comme toujours il fallait faire preuve de retenue dans le contexte sociétal. Ce qui était le plus craquant était sans doute son regard pétillant et malin qui venait provoquer le grand homme de part en part.
« Je ne dirais pas le contraire, mais maintenant tu dois avouer que tu es une strip-teateuse de l'awesome qui m'a kidnappée dans le but de me sortir une note assez salée et de me ruiner. » Un grand sourire se dessina sur ses lèvres et il se leva soudainement pour attraper la jeune femme en un mouvement de bras. C'était un jeu d'enfant de la soulever, aussi la contraction de ses muscles devenait perceptible. Il l'a colla contre son torse chaud et s'empressa de la plaquer sur le mur du salon. Ses mains tenaient de la façon la plus délicate possible ses hanches d'une douceur agréable et il posa sensuellement ses lèvres pulpeuses contre les siennes. Lynn n'était pas la seule personne à devenir extrêmement tactile sous les effets de l'alcool, et Mikaël aurait eu du mal à lutter contre son envie plus longtemps. Pourtant, il continuerait son match jusqu'au bout : « 1-0 » exprima le jeune homme fièrement.

Sans grande surprise, Mikaël opta pour la carte de la strip-teaseuse, et Lynn ne pouvait pas l’en blâmer : le fait est qu’elle savait s’y prendre. A croire qu’elle avait été formée pour cela, et ce bien qu’en temps normal, ce ne soit guère son terrain d’excellence. Mais pour une fois, il n’y avait pas de plan d’action, pas de préparation, Lynn se laissait aller, l’alcool aidant, à écouter les sensations ne cessant de naître en elle. Il s’agissait de la soirée la plus agréable qu’elle ait vécu depuis très longtemps… bien qu’elle n’irait sûrement pas jusqu’à l’avouer au jeune homme : il ne faut pas pousser mémé dans les orties ! « Avoue que tu aimerais bien ! » balança-t-elle sans même le contredire sur le fait qu’elle n’était pas strip-teaseuse. Cela n’avait aucune espèce d’importance, puisqu’ils ne se défiaient plus seulement à coups de grandes phrases très bien trouvées et que Mikaël n’était plus le seul à exceller dans un art bien précis. Là, tout de suite, le langage du corps était bien plus expressif que n’importe quelle autre langue, et ce bien qu’ils se soient exprimés tous deux en suédois tout au long de la soirée sans l’ombre d’une faute ou d’une hésitation. Sauf que là, Lynn ne risquait pas d’avoir envie de réviser son vocabulaire, pas alors qu’il venait de la soulever comme une plume et la plaquait désormais entre son torse et le mur à portée. Cette sensation était nouvelle pour elle, grisante certes, mais nouvelle. Comme toujours, la demoiselle était du genre à vouloir mener la danse, mais elle devait se rendre à l’évidence : ce n’était pas n’importe qui la tenant fermement et dont les mains brûlaient littéralement la peau de ses hanches. Plus les secondes filaient, et plus son envie amorçait un tournant vertigineux… « Ah oui, c’est comme ça… ! » Il venait d’oublier un détail très important : le jour où elle déclarerait forfait n’était pas venu et ne viendrait probablement jamais.

Certes, sa posture était délicate et sa marge de manœuvre réduite : mais rien ne sembla empêcher Lynn de balader ses doigts expérimentés contre le torse frissonnant et musclé du jeune homme : ceux-ci étaient actuellement utilisés pour provoquer ouvertement son adversaire, et ce fut pourquoi elle se mit à jouer furtivement avec l’élastique du caleçon qu’elle finit par sentir du bout de ses doigts. Cela ne l’empêchait pas de s’emparer furieusement de ses lèvres, à l’aide de toute la fougue dont elle était capable et que nul ne connaissait pourtant chez elle. C’était bien connu : Lynn choisissait ses amants avec bien trop de minutie. Résultat, la plupart du temps, elle devait déjà repartir en mission qu’elle n’avait pas eu la possibilité de profiter d’un peu de chaleur humaine… il était temps de remédier à cela, et ce fut pourquoi elle n’hésita pas à faire tanguer légèrement son buste pour éviter d’être prisonnière plus longtemps : de cette manière, elle eut toute l’opportunité pour les attirer tous deux contre le matelas à nouveau, Mikaël sur le dos, et Lynn au dessus de lui, sa longue chevelure en bataille tombant en cascade contre ses épaules dénudées. Comme si ce n’était pas suffisant et qu’elle voulait faire perdurer son supplice, elle n’hésita pas à dévorer son torse de baiser avant de ne reporter son attention sur ses lèvres, véritable fruit défendu lui étant pourtant offert. Mais tout ça, c’était avant de lui ôter aussi furtivement que sournoisement son pantalon… « Ce petit monsieur était de trop » lui murmura-t-elle non sans laisser échapper un léger rire. « 1-1 suis-je tentée de dire. Je vaux même presque deux points pour ce round, d’ailleurs… »