Mikaël ne pouvait ressentir que de la satisfaction pure lorsque Lynn rentrait à vrai dire dans son jeu. Cette relation de bataille était drôlement intéressant et sentir les doigts délicats de la jeune femme pianoter sur son torse n'était qu'une source de jeu en plus. Aussi, la provocation s'accentuant de plus en plus, le grand homme frissonna lorsqu'elle passa furtivement ses doigts sur l'élastique du caleçon. C'était affaibli qu'il répondit à son léger débattement et la laissa s'enfuir pour mieux l'emmener dans la chambre. Leur jeu était aussi excitant que gamin, mais peu importait. C'était bien une des choses des plus dures que de devoir renoncer à ses pulsions, de les réprimer et Mikaël n'était définitivement pas d'avis à le faire : il allait littéralement s'éprendre de la jeune femme.
La position de soumission que Lynn lui attribua n'était pas déplaisante, malheureusement elle lui donnait un léger désavantage dans leur petite partie. Laisser partir son pantalon n'était pas non plus un problème, à condition que la madame daigne enlever sa futile jupe. Il ne prit pas deux secondes pour s’exécuter et jeter la jupe le plus loin possible bien que l'utilité était nulle : il faudrait ensuite se lever de façon gênante pour aller la récupérer, bien sûr le moment n'était pas à ce genre de réflexion. « Je te laisserais un petit point de plus si tu te dépêche d'enlever ce qu'il reste sur ton corps. » Il passa ses imposantes mains sur son ventre frissonnant, ses bras était droit levés et suivait sensuellement les courbes du corps féminin jusqu'à dégrafer son soutien-gorge. Il la laissait retirer les bretelles restantes et n'attendit pas pour effleurer sa poitrine. Ses doigts défilaient langoureusement et l'homme ne s'empêchait pas de laisser ses pouces s'attarder plus longuement sur les tétons pointés de la belle brune. Son excitation était telle qui se redressa et enroula sa proie de ses bras, laissant ses jambes passer dans son dos. Tel une andromaque il faufila sa tête dans ses seins et respira son odeur avant de l'embrasser sur toutes les parcelles de peau à sa portée. Elle serait sa victime, ce n'était pas possible autrement. Puis aussi brusquement qu'il l'avait attrapée, il l'allongea pour mieux retirer le dernier morceau de tissu qu'elle portait. Sa tête s'enfila sournoisement entre ses cuisses et il se risqua à embrasser le bas de son ventre avant de la faire succomber.

Tandis que les secondes filaient sur l’horloge, la chaleur présente dans la chambre triplait, quadruplait d’intensité. Lynn se surprit à laisser échapper quelques petits soupirs significatifs, se moquant bien d’être bruyante ou même dérangeante : être expressive faisait partie de ses petits plaisirs, et ce n’était pas Mikaël qui allait lui ôter ceux-ci. De toute évidence, il était bien trop occupé à faire sien le corps de la jeune femme, s’emparant de chaque parcelle de sa peau avec une pointe d’arrogance qu’elle ne pouvait que lui féliciter. Elle se retrouvait telle une œuvre entre ses mains d’artiste, incapable de bouger hormis pour laisser son corps entier tanguer sous l’effet de l’excitation. Sa respiration s’était faite plus haletante, ses mains agrippaient désormais la couverture présente sur le dessus du lit et l’espionne sut à ce moment précis qu’il n’était plus question de lui laisser avoir le dernier mot… maintenant qu’elle se trouvait en tenue d’Eve, il était plus que temps de lui rendre la pareille. Ce fut une torture de chaque instant que de se refuser à quelques délicieuses secondes supplémentaires du traitement qu’il lui infligeait, mais Lynn se redressa bientôt, s’asseyant pratiquement sur le lit tandis qu’elle incitait facilement Mikaël à faire de même. Le regard qu’elle osa lui lancer était si ardent qu’il aurait été impossible d’y résister… mais avant même qu’il n’ait pu prononcer un mot, elle se permit de clore ses lèvres d’une danse furieuse sur les siennes. Ce n’est que plusieurs minutes après qu’elle commença à renverser la tendance : qui a dit qu’il fallait forcément allier plaisir et précipitation ? Le faire languir ne pouvait que lui donner une sensation double de satisfaction ! « Je suis sûre que tu m’accorderas encore un point supplémentaire avec ce que je compte te faire subir… » Il n’y avait pas réellement de douceur chez cette jeune femme… elle était féroce, sauvage, imprévisible. Mais d’un autre côté, ce piment n’avait pas l’air de cesser d’attiser cette proie qu’elle tenait justement entre ses cuisses.

Sans même reprendre une position dominante, Lynn glissa ses lèvres sur le torse offert de Mikaël tandis que ses mains reprenaient leur position baladeuse. A l’aide de son buste, elle faisait d’ors et déjà subir de petits soubresauts à sa proie, non sans s’approcher de ses cuisses avec une lenteur presque provocatrice. Sauf qu’elle n’ôta pas son caleçon avec la même vivacité utilisée pour s’emparer de son pantalon : elle osa le faire languir, languir et languir encore tandis qu’elle avait saisit très délicatement le vêtement du bout des doigts et le faisait glisser, sans geste brusque, contre ses cuisses aussi tendues qu’une corde d’arc. Pendant de longues minutes, Lynn osa s’attarder sans l’ombre d’un remord, le défiant littéralement de tenir la distance alors qu’elle lui offrait une torture des plus délicieuses. Elle eut d’ailleurs l’impression de ne l’entendre reprendre son souffle qu’à partir du moment où elle était remontée, s’emparant soudainement de ses lèvres avec une violence calculée comme s’il s’agissait d’un clou de spectacle. Mais elle jouait avec ses nerfs, sournoisement et avec un brio indéniable. Probablement cherchait-elle à ce qu’il ne se souvienne de ce moment inattendu et ardent. « Tu vas abandonner la lutte et me laisser le point final ? Non… tu ne vas pas te la jouer petits bras, la réponse est évidente… » La voix suave de Lynn ne faisait qu’ajouter de la crédibilité à ses gestes. Le fait est qu’elle ne lui avait pas laissé une seule seconde de répit.

C'était un jeu à tendance perverse auquel l'homme prenait place. Sa compagne ne manquait pas de s'amuser de lui, il était un petit jouet devenu d'une faiblesse sexuellement honteuse. Les mouvements sournois de la jeune femme était un supplice, il se languissait, se contractait lorsqu'elle effleurait par malheur son sexe et était d'une impatience presque violente. Le seul moment de répit qu'elle pu lui offrir était ce baiser passionnel qu'il se hâta d'accompagner en utilisant avec délectation sa langue. Il n'y avait rien de plus excitant qu'une langue cherchant le plaisir perpétuel. Il laissait la sienne effleurer les lèvres de la femme puis caresser vaguement la langue de sa partenaire. Une torture de plus qu'il faille mettre fin à ce baiser.
Non c'est clair qu'il n'abandonnerait pas de si tôt, c'était tellement plus aguichant de relever les défis même voués à l'excitation la plus dense. Il n'allait pas non plus s'abandonner à ses envies mais plutôt rendre à Lynn la monnaie de sa pièce. « Je pensais avoir été clair pourtant. » Mikaël ne changea pas la position qu'ils avaient adaptés, il laissa juste une fois de plus ses mains se balader, traçant un parcours depuis le cou de la belle brune, passant par la poitrine et déviant au niveau du clitoris. Il abandonnait seulement son pouce, outil de son corps indéniable, à de légers mouvements circulaires avant de tâter plus bas de façon aléatoire. Plus le mouvement allait plus il laissa son majeur se faufiler, et quand il sentit que sa partenaire se lâchait peu à peu il laissa un deuxième doigt prendre place à la danse. Le rythme se saccadait comme sur un rythme d'électro, et Mikaël se rendit compte en une fraction de seconde que la musique n'avait pas arrêté une seule fois de souffler dans le salon. Le morceau était méconnaissable depuis la chambre, aussi ses doigts s'emballèrent à l'intérieur de sa victime avant d'en ressortir.
« Lucarne et but! » Il souriait comme un gamin et pour ne pas laisser l’excitation retomber il n'enleva pas sa main qui caressait encore de tout ses doigts, le sexe perdu de la jeune femme. Il l'attira pour la couvrir d'un baiser en prenant le temps de lui mordre le cou, puis la lèvre. « Maintenant s'il te plait, viens, ou je te mange toute crue. » chuchota Mikaël la voix soupirante de l'envie la plus brûlante.

Et elle qui se croyait capable de mener la danse en solo jusqu’au bout, elle devait bien admettre que son adversaire était parfaitement à sa taille. Non seulement il renversait efficacement la tendance mais il commençait à faire d’elle un véritable jouet, pire, un pantin entre ses doigts. Lynn avait beau s’agripper solidement à la couverture de son lit, il vint un moment où un cri transperça l’atmosphère sonore et tout son corps se mit alors à tanguer sous l’effet d’une nouvelle émotion. Quelque chose lui disait que personne n’avait dit son dernier mot… et les paroles de Mikaël ne firent que confirmer ce qu’elle pensait déjà. Un sourire carnassier se dessina bientôt contre ses lèvres et, alors qu’elle entourait déjà les hanches du jeune homme de ses cuisses musclées, elle osa lui murmurer, sans aucune délicatesse : « petit joueur… tu ne tiendras jamais la cadence ! » Mais qu’il la mange toute crue si ça lui chante, Lynn était parfaitement prête pour ce marathon ! Ses hanches se soulevèrent traîtreusement pour lui laisser l’opportunité de mettre à bien ses menaces, mais autant dire que la bataille fut rude…
De très, très longues minutes plus tard, chacun était d’un côté du lit, complètement en sueur, haletant et dans un état somme toute pitoyable. La brunette ne s’était pas privée de lacérer littéralement chaque parcelle de la peau du dos de Mikaël, allant jusqu’à lui planter ses ongles tant ses mouvements l’avaient obligée à s’accrocher à quelque chose. Il risquait d’avoir du mal à s’adosser à quelque chaise que ce soit pendant une bonne semaine au moins… après tout, s’il avait prouvé ses ardeurs pendant leurs ébats, Lynn avait également démontré par a+b à quel point une tigresse sommeillait en elle et qu’il valait mieux ne pas la réveiller… à moins de vouloir se retrouver dans un piteux état. « Je suis tentée de dire que c’était excessivement démentiel ! » s’exclama-t-elle sans retenue tandis qu’elle tentait de balayer les quelques mèches de cheveux collant contre son front humide de sueur. L’alcool avait levé toutes les inhibitions mais le problème de Lynn, c’est qu’elle redescendait très vite, à la hauteur de ses entraînements… à force de la vouloir résistante à toute forme de torture, elle était devenue, malheureusement, résistante à tout. A ceci près que la prise de conscience qu’elle fit à ce moment précis était tout sauf agréable !

« C’est la merde… » se permit-elle se dire tandis qu’elle s’était relevée brusquement sans l’ombre d’un problème. Certes, elle allait sûrement avoir le corps marqué par la bataille pendant un moment, mais elle ne « souffrait » pas à proprement parler. Elle cherchait simplement ses vêtements… « Bordel de nom de dieu, il est où cet abruti ?! » Elle cherchait son soutien-gorge en retournant la moitié de sa chambre, ne perdant pas de vue qu’elle venait de faire une terrible erreur : non seulement Mikaël était au courant pour son véritable métier, mais en prime, elle venait de faire l’amour avec lui. « Tu ne veux pas te secouer les puces et m’aider ?! » Impossible de savoir s’il était encore frappé par une quelconque hilarité ou s’il était parvenu à redescendre. Impossible de savoir si, le lendemain, il serait capable de redevenir ce glacial suédois ou agirait d’une façon différente…

Si Mikaël appréciait les ébats sexuels que certaines femmes lui offraient parfois, mais celui-ci était de toute autre nature. Il était devenu un animal sauvage, et la tigresse se tenant au dessus de lui ne s'empêchait pas de lui rappeler. Sûrement il avait sentit les ongles de sa partenaire se planter sur son torse, son dos, mais cette adrénaline ne lui avait même pas donner le temps de réfléchir.
Bon dieu, l'orgasme fut divin, le souffle avait du mal à se reprendre, et la peau du jeune homme était humide jusqu'au bout. La remarque de Lynn était satisfaisante pour lui, car il fallait l'avouer, il s'était donné à fond le coco. Aussi, l'alcool ne se sentait plus, ses esprits fonctionnaient de façon tout à fait normale. La conscience n'était plus défectueuse et le réveil n'allait pas être de tout repos. Alors qu'il restait allongé sur le lit, perturbé, réfléchissant et retraçant toute la soirée, sa camarade secouait les affaires de partout dans le but de se rhabiller. Il suffit que la brune commence à hausser le ton pour qu'il prenne une inspiration et commence à se vêtir.
Il enfilait son t-shirt et regardait son bras (lui aussi couvert de marques rouges, au passage), sa montre lui offrit gracieusement de savoir qu'il était bientôt six heures du matin. Et par cela que bientôt il faudrait retourner au travail, direction Broadway, direction l'étage 18 et direction les bureaux qui seront sous la direction d'une officieuse chef de rédaction. Avec qui il avait couché, d'ailleurs. Gérer la situation pour lui n'allait pas être chose facile, c'était quelqu'un qui s'attachait très vite. Et même si il avait voulu écarter tout risque de faire louper la mission de la jeune femme, il ne pourrait pas empêcher les effets secondaires.
Mikaël s'occupa de ranger deux trois petites choses qui traînaient dans l'appartement, de mettre les verres au lave vaisselle, puis il s'aventura sur le balcon pour fumer une cigarette : rien de mieux pour un réveil difficile.
Il attendit que Lynn soit à sa portée pour retrouver la parole : « Il ne s'est rien passé. » Ses mains étaient tendues, aussi il se mordait la lèvre sans vraiment s'en rendre compte. C'était un tic qui s'éprenait de lui quand il était perturbé. « Non vraiment, je vais rentrer chez moi avec le premier métro et...» Et quoi? Ce n'était sûrement pas le fait qu'il regagnerait la maison qui changerait quoi que ce soit. Il faudrait en discuter pensait-il, mettre les choses au clair et faire une mise au point. Mais qu'est ce qu'il pourrait bien lui dire? Oui c'était une grosse erreur, et oui ce n'était pas très malin. Malgré ces remarques, Mikaël ne pouvait cacher que leurs ébats, et pas exclusivement sexuels, avaient plu au grand suédois. Si Lynn n'avait pas eu tant de responsabilité quant à son travail, elle aurait été une personne que l'homme aurait voulu revoir avec plaisir. Pourquoi tout était si compliqué? « Et... On en parlera une autre fois. » Sa voix était cassée, par la cigarette, l'alcool, les jouissements qui l'avait hanté plus tôt. Il toussa. « Ou pas. » Ce n'était définitivement pas un contexte que le garçon savait gérer.

Certes, Lynn était en mode tornade dans son grand appartement et semblait chercher quelque chose à se mettre sur le dos, mais elle ne s’attendait pas au couperet de la guillotine qui tomba dès lors qu’elle eut mis un pied dans le salon. Ils ne s’étaient rien promis, ne se connaissaient fondamentalement pas, mais de là à prétendre que rien ne s’était passé… la fierté de l’impétueuse brunette fut soudainement heurtée : elle n’était pas du genre à faire comme si de rien n’était, mais plutôt à gérer une situation de crise à la fois. En l’occurrence, elle pouvait très bien faire avec… ce n’est pas comme si elle avait pour contrat de lui mettre une balle en pleine tête avant la fin de semaine ! Ce fut sans doute pourquoi elle demeura interdite quelques minutes avant d’adopter un air plus impassible que d’habitude et de croiser ses bras contre son corps fin et élancé. Décidément, il venait de baisser extrêmement bas dans son estime : peut-être n’était-ce là qu’une façon de se protéger, mais elle y voyait surtout une réaction de fuite typiquement masculine. Pour un peu, elle se serait presque surprise à souhaiter qu’il ait été l’espion surentraîné dans l’histoire, et elle la journaliste vivant simplement de sa passion pour l’écriture… « Oh, je vois » lança-t-elle simplement, d’une voix nettement plus cynique que d’habitude. Lynn n’était pas femme à se faire traiter pour du bétail, et ce bien qu’elle ait sa part de responsabilités dans l’histoire de cette nuit. Elle n’était pas non plus du genre à prendre la poudre d’escampette juste parce que c’est plus confortable, plus simple et surtout moins complexe pour l’avenir. Comme quoi, sûrement cette mission était-elle destinée à ne surtout pas durer et Lynn à obtenir des assignements plus costauds que celui dans les prochaines semaines. « Typique. Très masculin, mais typique. Je ne sais pas si tu t’attendais à une scène de ma part, ou à de l’indifférence, ou si tu avais peur que je te fasse chanter avec ça… si ces possibilités t’ont traversé l’esprit, alors tu sous estimes grandement mon intelligence. Je ne suis plus une midinette. A vingt-huit piges, j’estime pouvoir m’envoyer en l’air avec quelqu’un et assumer la chose, si tu me passes l’expression. Mais je crois bien que je vais me sentir seule de ce côté-là ! »

Lynn leva les yeux au ciel d’exaspération. Tant pis pour elle, boire autant après une telle montée d’adrénaline avait été une erreur. Mais elle ne fuirait pas quoi qu’il en soit, et à ses yeux, il ne s’était pas « rien passé ». Faire semblant était pourtant son gagne pain, mais là, elle ne voyait pas l’intérêt. Sans doute fut-ce pour cette raison qu’elle acheva de ranger son appartement, ayant subit la même tornade que les deux jeunes gens désormais bien moins proches que pendant la nuit… « Si tu veux faire semblant d’être resté parfaitement sage cette nuit ou d’avoir subit une amnésie, libre à toi. Mais tu veux que je te dise ? Ne t’encombre pas la tête, y’a pas la place. Et si c’est trop insupportable, la porte, c’est par là. » Lorsqu’elle était vexée, elle avait ce besoin de blesser… comme s’il fallait que la situation soit rectifiée et à nouveau juste.

Ce fut bientôt au tour de Lynn de soupirer : elle ne savait plus si elle était censée considérer les paroles qu’il avait tenues plus tôt ou bien celles qu’il lui servait là, maintenant, la voix enrouée et marquée par la fatigue d’une nuit agitée. Le fait est que l’on se débrouillait souvent pour lui compliquer la vie : l’existence même de la brunette était une complexité en soi et souvent, à regret, elle n’avait aucune main dessus. Au cas où il ne l’avait pas compris, elle servait bien souvent de chair à canon pour le gouvernement, envoyée sans arrêt à l’autre bout de la planète pour défaire des trafics, défendre le pays, démanteler des réseaux mafieux… le nombre de ses missions n’était plus quantifiables depuis longtemps. Lorsqu’elle était entrée, Lynn était encore quelqu’un d’humain, de délicat, et même d’altruiste ; à l’heure actuelle, cette personne devait rester sous silence. Sans quoi, elle en reviendrait à paniquer face à une situation semblable à celle de la veille. A son tour, elle ne demandait pas réellement à Mikaël de la comprendre, mais plutôt de ne surtout pas faire comme si rien ne s’était passé, fidèle à un égo masculin que la jeune femme avait le malheur de haïr profondément. Finalement, au lieu de le couper en plein milieu et de le mettre à la porte comme elle en avait eu très envie précédemment, elle finit par le laisser s’exprimer jusqu’au bout, ne cessant de s’occuper de son rangement qu’à ce moment là. « La question n’est pas autour de mes capacités. Ma vie est une bitch, mais tu ne pourras jamais le comprendre car tu ne plonges pas dedans. Je DOIS être un robot à longueur de temps, c’est vital pour moi. Sinon quoi, hein ? On va s’entendre à merveille pendant quelques temps, s’attacher l’un à l’autre et tu finiras évidemment par te faire rattraper par mon métier. Je l’ai vécu suffisamment souvent pour m’y refuser aujourd’hui. J’ai pris mon parti d’accepter de rester uniquement un pantin du gouvernement, et tu devrais accepter le fait que je ne suis pas, mais alors pas du tout quelqu’un de fréquentable. Sérieusement, pourquoi ne pas t’attacher aux centaines de nénettes qui peuplent ne serait-ce que le journal ? Elles sont passionnées par la même chose que toi et n’ont pas sans arrêt l’index, ou doigt de la gâchette, qui les démange ! »

Lynn évitait de nier les évidences : ce qu’il lui proposait était affreusement tentant, et un peu d’humanité, si infime soit-elle, lui ferait le plus grand bien… mais elle s’absentait à longueur de temps, revenait sans arrêt dans un état pitoyable et, parfois, avait même l’impression d’être un véritable zombie tant sa mission avait été difficile. Ça aussi, tout le monde ne pouvait pas l’accepter. « Je me demande vraiment pourquoi tu ne profites pas du fait de pouvoir être avec quelqu’un de normal. La question aussi ne serait pas si je peux m’attacher à toi, mais plutôt si tu supporterais mon mode de vie, mes blessures, et tout le reste. » Elle ne faisait plus de cauchemars depuis longtemps, trop habituée qu’elle était à son existence mouvementée, mais elle n’avait pas pour autant un sommeil calme et paisible. Néanmoins, elle eut le cran de s’approcher de Mikaël, sans émotion particulière présente sur son visage, comme si elle le défiait une fois encore, juste une toute petite fois avant d’imaginer qu’il prendrait ses jambes à son cou comme tous les autres. « Peut-être que le choix n’est pas seulement mien, monsieur je sais tout. »

Le ton était redescendu et le fait que la jeune femme retrouve la raison par le calme soulagea Mikaël. C'était vraiment quelque chose d'ignoble que de devoir argumenter pour une dispute. Il ne quittait pas sa place, et n'était même pas encore rentrer à l'intérieur. Un timide soleil pointait le bout de son nez, alors que les nuages avaient pris place dans le ciel. Il alluma une énième cigarette.
Les propos que tenait Lynn donnait une sacrée matière à réfléchir. Elle ne faisait que justifier sa précédente réaction : si il avait voulu jouer l'indifférence c'était avant tout pour elle et sa profession. Il ne savait pas si il serait capable d'assumer une relation avec cette femme. De devoir la prendre dans ses bras pour la laisser repartir le lendemain. De la rassurer alors qu'elle risquait sa vie chaque jour. Mikaël était l'exemple même de l'homme avec une vie paisible. Tout glissait dans le sens du jeune homme, que dire de plus? Leur monde n'était assurément pas le même, et il n'y avait rien qu'il puisse faire pour franchir cette frontière professionnelle.
Le visage de la jeune femme était détendu, aussi il sentit une faille dans son manteau de fer. L'impassibilité était mortelle, comme toute chose de ce monde. Le choix n'était pas seulement le sien? Certes, mais obtenir une réponse serait prendre des risques considérables dans le premier cas, et une souffrance mentale, sentimentale atroce dans le deuxième. Il fallait mettre de côté la notion d'ego dans ce cas-là, chose qu'il était dur de faire pour Mikaël, un peu trop centré sur les répercutions possibles au niveau de sa personne.

« Tu es normale Lynn tu sais. La fille au bar cette nuit là était quelqu'un d'absolument commun. » Il ne savait pas si elle pourrait le prendre mal ou non. Il venait simplement d'expliquer le fait qu'il appréciait sa compagnie et que pour lui elle n'était pas d'une quelconque différence repoussante. Il savait aussi que si une femme si compliquée l'attirait c'était par complémentarité de ses espérances. Mikaël lui avait déjà annoncé s'ennuyer très rapidement dans la vie, que tout devenait fade à partir d'un certain stade. Avec une personne comme ça, comment trouver l'ennui? Le spontané prend place, les réactions lunatiques... Il ne voyait pas ça d'un mauvais oeil. Il écrasa sa cigarette puis ferma la baie vitrée de façon à ne jamais s'éloigner de son interlocutrice : « Et en effet, ce choix se fait à deux. Tu sais ce que j'en pense, et tu sais aussi que cette solution n'est pas sans conséquences. » Au fond, il ne connaissait toujours rien de la jeune femme. Son passé, son enfance, ses autres prénoms, ce qu'elle aime, ce qu'elle déteste, avait-elle des frères et soeurs? Non il ne savait rien, et il faudrait y remédier. Il ne serait pas obligé d'en parler autour de lui comme il l'aurait fait fièrement d'habitude. Le temps d'adaptation était aussi une étape obligatoire. Conclusion? « Je refuse de quitter la porte de cet appartement en pensant que c'est la fin, et que c'était bien. » En acceptant sa première pulsion affective s'éprendre de lui, il attrapa la jeune femme et la serra délicatement contre lui.

Pas sans conséquence… c’est drôle, Lynn avait la fâcheuse impression d’entendre ce refrain pour la centième fois. Rien n’est sans conséquence dans sa vie, et le nier revenait à se considérer comme quelqu’un d’atrocement stupide. Mais elle avait beau tourner la chose dans son esprit, aucune réponse acceptable ne lui venait. Dans tous les cas, ce serait compliqué, probablement douloureux et très difficile à supporter. Si Lynn avait l’habitude de partir à l’autre bout du monde en ayant reçu l’ordre le matin même, il n’était pas dit que Mikaël soit du genre à apprécier la chose sur la durée. Lynn le savait pour l’avoir vécu à plusieurs reprises… et de son côté, elle n’était pas certaine ni de vouloir le voir passer cette porte, ni de se lancer pour autant dans quelque relation que ce soit. Finalement, il fut celui qui dégaina plus vite : avant même qu’elle n’ait pu rétorquer quoi que ce soit, elle sentit bientôt ses bras puissants enlacer son corps fin et élancé. Autant dire que l’ardente brunette demeura interdite un long moment tandis que sa respiration s’était faite légèrement plus rapide. Ce n’est qu’au bout d’un moment qu’elle ferma les yeux pour mieux placer à son tour ses bras contre le dos du jeune homme. Son esprit était en ébullition totale et elle peinait à garder les idées claires… mais le fait est qu’il s’agissait de sa part un très grand pas en avant : rien que cette marque d’affection, pour quelqu’un d’aussi peu tactile que Lynn, était une révolution. « Je… » commença-t-elle, encouragée par la situation particulière à laquelle elle avait pourtant beaucoup de mal à croire. S’il se moquait d’elle ou jouait d’une faiblesse passagère, il risquait fort de s’en mordre les doigts… elle n’eut cependant pas le temps de terminer la phrase qu’elle venait de commencer car son portable se mit à sonner juste à ce moment précis. « Ce n’est pas vrai… ! »

Évidemment, Lynn s’écarta sans réellement accorder le moindre regard à Mikaël pour mieux décrocher de façon très solennelle… et pour cause, il s’agissait de son supérieur. « Maryweather » lança-t-elle d’un ton sérieux qui ne laissait échapper aucun sentiment particulier. Cela dit, au fil de l’écoute, le visage de la brunette changea du tout au tout : de l’impassibilité elle passa à l’opposé, à savoir le choc. Elle dû même s’asseoir, comme si elle venait de recevoir un coup de massue sur le haut du crâne. Et dire qu’elle avait cru qu’avec toutes ses années de service et le nombre impressionnant de missions accomplies avec succès elle aurait un traitement de faveur. « A vos ordres. L’appartement sera libéré dans l’heure. » Pas de formule de politesse, rien. Lynn se contenta se raccrocher et de se mettre à soupirer en passant et repassant sa main contre sa nuque. En plus de cette petite scénette en compagnie de Mikaël, il allait falloir qu’elle plie bagage, se trouve un hôtel pour ensuite essayer de jeter son dévolu sur un appartement en ville… autant dire que cela risquait de lui prendre un temps fou. « Je risque d’être en retard au boulot, il faut que je me trouve un hôtel » lança-t-elle, non sans soupirer une énième fois. « Désolée, mais la suite de cette discussion devra attendre. » A moins qu’il ne la suive dans sa chambre pendant qu’elle s’apprêtait à faire ses valises, ce dont elle doutait, Lynn ne pensait pas le revoir avant plusieurs heures…

Le fait que la jeune femme réponde à son entrelacement fut d'une satisfaction bienfaisante. Il avait même esquissé un bref sourire. Malheureusement pour ce romantique invétéré, les meilleurs moments sont toujours les plus courts. Il ouvrit ses bras pour laisser la brune répondre à un coup de fil qui, on pouvait le dire, changea la donne de la situation. Elle coupa court à leur grande discussion ce qui eu l'effet d'une petite piqûre pour le garçon. Il détestait écourter une conversation de la sorte. Aussi, rester dans le doute par rapport à la conclusion de leurs questions communes allait avoir le culot de le hanter toute la journée. Le travail promettait d'être dur, il était du genre à se tracasser sans répit quand un sujet le laissait perplexe ou perturbé.

Quand elle annonça à son mystérieux interlocuteur au téléphone que l'appartement serait libéré, le coeur de Mikaël fit un premier bond dans sa poitrine. *Elle se tire déjà? Aujourd'hui?*Mais la suite de ses propos eurent la chance de calmer sa fine peur. Lynn s'agita aussitôt, trouver un hôtel, avant d'être relogée... Et si il partait sur le champ, il devrait rester sur sa fin et attendre de revoir la jeune femme transformée en cette adepte du style "collé serré", qui arborerait sûrement un chignon et un énième tailleur. Ou il pouvait rester deux minutes de plus, et poser ses pensées sur la table sans se soucier vraiment d'une future réponse négative. « En attendant que tu sois "redistribuée" tu peux éventuellement passer une nuit ou deux chez moi. Je t'assure que c'est au moins aussi cosy qu'ici. » Mikaël ne savait pas comment annoncer cette proposition, il se contenta de paraître neutre, et totalement sérieux.