Le plus frustrant, ce serait que tout ça s’arrête là. Juste après avoir échangé notre premier baiser… Ce serait horrible, après avoir connu cela, qu’il n’y ait rien de plus. Juste un baiser échangé. Et aussitôt oublié. Non, ce n’était tout simplement pas envisageable ! Enfin, à ce compte là, j’aurais préféré que rien ne se passe… Parce qu’il n’y avait pas pire torture, que d’embrasser une personne, vivre quelque chose d’extraordinaire avec elle, et la voir finalement faire trois pas en arrière. Mais ce n’était pas encore le cas de Milo. Et j’espérais que ça ne le serait jamais… Mais ça, je n’en savais rien. Et il était encore très tôt pour pouvoir le savoir. Déjà, il ne s’était pas excusé. Enfin, il ne semblait pas regretter ce geste ni être prêt à reculer. C’était plutôt bon signe, non ? Enfin, cela ne voulait pas dire non plus qu’il était dans l’optique de se lancer dans quelque chose de sérieux, avec moi… Pourtant, c’était mon cas. C’était fou, mais il semblait que j’étais à nouveau prête et déterminée à me lancer sérieusement dans une histoire. A vrai dire, je l’avais toujours été. Le problème ne venait pas seulement de moi… Il fallait déjà que je trouve celui qui me convenait. Et qu’il accepte ma vie en tant qu’escort. Même si je n’allais pas continuer ainsi bien longtemps, je pouvais concevoir que cela n’était pas ce qu’il y avait de plus simple à accepter pour un homme. Il y avait aussi le fait que j’étais assez indépendante. Et que je me confortais dans cette solitude et liberté. Mais j’avais de plus en plus envie de me caser… Trouver la bonne personne et éventuellement fonder une famille…

Oui, j’avais aussi cette idée là dans la tête. A vrai dire, à force de garder Freya, je n’avais qu’une envie, avoir moi-même un enfant. Mon enfant. Et j’espérais ainsi réellement devenir mère un jour. Toutefois, nous n’en n’étions pas encore là. Nous en étions même très loin ! Ainsi, il était actuellement question de notre surprise mutuelle. Car ni lui, ni moi, ne soupçonnions visiblement l’attirance éprouvée par l’autre. Et lorsqu’il me questionna sur le sujet, je lui avouais que je l’imaginais plutôt avec une artiste. Du moins, avec une femme vraiment différente, extraordinaire. Pas une femme dont la vie serait tout à fait banale. J’aurais trop peur qu’il s’ennuie, face à cela. Ainsi, je le voyais plutôt avec une artiste ou quelqu’un du même milieu que lui, pouvant véritablement comprendre et acceptait cela. « Je ne supporte pas les artistes. Ils sont tellement la tête dans les nuages et l'esprit ailleurs, tout le temps ! Incapable de se concentrer ! » Et… Si je lui disais qu’étant lui-même un artiste, il était un peu comme ça, risquait-il de mal le prendre ? J’en doutais. Cependant, je me contentais simplement de rire doucement à cet aveu. Comme quoi, on en apprenait vraiment tous les jours ! « Non ... deux artistes ensemble ça ne colle pas. Pas pour ... Ce genre de relation. » Je plantais mon regard dans le sien, profitant de la douce caresse de ses doigts sur ma joue. « Ce… ‘genre de relation’ … ? » demandais-je en espérant savoir s’il avait l’intention de se lancer dans quelque chose de sérieux avec moi ou pas. « Et toi, tu sors de l'ordinaire ... » J’esquissais aussitôt un léger sourire amusé. Tiens donc ? Je sortais de l’ordinaire ? C’était intéressant. « Oh vraiment ? Et, d’après toi, en quoi sortirais-je de l’ordinaire ? » demandais-je d’un ton légèrement amusé.

J'avais trouvé ce baiser vraiment parfait. Bon, sans doute parce que je l'attendais depuis un certain temps désormais, et que Milo m'attirait vraiment. De plus en plus. Et pas seulement physiquement. Beaucoup de choses me plaisaient en lui... Si bien que j'avais réellement espéré ce baiser. Et je n'en étais vraiment pas déçue de cet échange. Assez rapidement, nous en vîmes à l'évoquer, tous deux surprit par la réaction de l'autre... Et ce fut finalement ainsi que je lui avouais plutôt l'imaginer dans les bras d'une artiste. D'une femme tout aussi spéciale et aussi folle que lui. « Ne fais pas cette tête ... Je sais que je suis comme ça ! » Je ris doucement à sa remarque sans parvenir à le quitter des yeux. « Mais un artiste évolue dans sa propre bulle. Donc deux artistes, évoluent généralement dans deux bulles à part. Qui ne peuvent qu'être incompatibles. Chacun étant persuadé que son univers à lui, est plus beau et plus confortable. Alors qu'une personne qui n'est pas forcément une artiste, ne réalise même pas cette histoire de bulle et tout le tralala. » Je posais sur lui un regard à la fois intrigué et amusé. Je pouvais comprendre cette histoire de bulle, même si cela me semblait malgré tout légèrement abstrait. Enfin, peu importe. S'il pensait qu'avec moi, ça pouvait fonctionner, alors tant mieux ! « Oui, je crois que je comprends ce que tu veux dire... Et ça semble même plutôt logique. » Oui, les artistes évoluant chacun dans un monde à part, trouver un terrain d'entente n'était pas forcément évident... Toutefois, lorsqu'il évoqua une relation, je lui demandais ce qu'il entendait par là. Cela semblait sérieux. Mais je voulais m'en assurer... Pas question que je me fasse des films et en ressorte déçue. « Ben ... Oui ... Enfin je sais pas ... Ca signifiait quoi, pour toi, ce baiser ? » Il semblait un peu surprit et mal à l'aise par ma question. Et je ne pu m'empêcher de me remettre en cause... Et de m'interroger vraiment sur ce baiser et sur les véritables intentions de Milo.

Mais puisqu'il semblait réticent à l'idée de me dire, en premier, ce qu'il pensait de tout cela, je me décidais à le faire. Je n'avais, de toute manière, pas beaucoup le choix. « Eh bien... Pour moi, ce n'était pas un simple baiser volé, qu'on pourrait facilement oublié... Et j'espère que ça pourrait peut-être signifier.. le début de quelque chose de plus sérieux entre nous...   Mais si je te demande, c'est aussi pour savoir comment tu vois les choses. J'ai pas envie de me faire d'illusions, de croire que ça pourrait donner quelque chose, si c'était qu'un simple dérapage pour toi... » expliquais-je doucement, détournant finalement le regard, dans l'attente de sa réponse. J'espérais vraiment qu'il ressentait les choses plus ou moins comme moi. Et que ce baiser avait une réelle signification pour lui... Et lorsqu'il souligna que je sortais de l'ordinaire, ma curiosité me poussa à lui en demander plus. Pas tant pour les compliments. Je n'étais pas du genre à chercher tant et plus à me faire complimenter, il avait du s'en rendre compte. Mais réellement pour savoir ce qu'un type comme lui pouvait trouver de différent chez moi. J'avais tout bonnement l'impression d'être une femme tout à fait normale et banale. Amusée, j'attendais donc de comprendre davantage son point de vue sur le sujet. « Tu as beaucoup trop de qualités, point de vu comportement et caractère, en plus d'être incroyablement belle. Ca fait de toi une personne peu ordinaire. Non ? » Je ne pu m'empêcher de rire légèrement à cette réponse que je trouvais exagérée. Son côté beau parleur semblait vraiment ressortir. Ou alors, il pensait réellement tout cela de moi et était quand même – à mon goût – un peu trop idéaliste. « Merci mais... je ne suis pas certaine que tout ça soit véritablement fondé et exact... » répondis-je en haussant légèrement les épaules, d'un air vaguement amusé. Je supposais que, moi aussi, je ne voyais que le positif chez lui... C'est toujours comme ça, au début...

Toutes ces histoires de bulles, ça me dépassait quand même un peu. J’arrivais à comprendre le principe, et en quoi cela pouvait poser un problème dans le cadre d’une relation amoureuse avec une artiste mais… justement, une artiste, elle, comprendrait cette histoire de bulle et tout le tralala. Même si elle venait à évoluer dans un monde différent de celui de Milo, étant tous deux artistes, ils se comprendraient sur bien des choses, non ? En tout cas, peut-être que ces histoires de bulles paraîtraient plus claires à un(e) artiste. Mais soit. Peu importe. J’avais compris l’idée et l’avais rassuré à ce propos, également rassurée qu’il ne soit pas particulièrement attirée par les femmes artistes. D’ailleurs, je me laissais bien vite aller à lui poser une question un peu spéciale. Lorsqu’il évoqua une « relation », je lui demandais ce qu’il entendait par là. Cela semblait plutôt être une véritable relation. Quelque chose de sérieux. Mais je voulais en être certaine. Il valait mieux d’emblée mettre les choses au clair, plutôt que de continuer sur un malentendu. Car, personnellement, je n’avais pas envie d’une simple aventure d’un soir, ou d’une relation purement physique sans avenir. J’avais envie de me poser et de tenter quelque chose. Avec Milo. Mais avant, je devais m’assurer qu’il était sur la même longueur d’onde. Et un seul baiser échangé pouvait signifier bien des choses et rien à la fois… Justement, ce n’était qu’un baiser. Passionné, certes, mais ça restait un simple baiser. Et je n’étais pas certaine qu’il ait la même signification pour lui et pour moi. Peut-être qu’il s’agissait, pour l’italien, d’un simple dérapage. Ou d’une envie spontanée. Du désir à l’état pur. Sans forcément attendre plus derrière…

Et puisqu’il me retourna directement la question, avant même d’y répondre clairement, je lui fis par de mon envie de me lancer sérieusement dans quelque chose. Et du fait que j’espérais que ce baiser n’était pas un simple dérapage qu’on tâcherait vite d’oublier. Ce fut après lui avoir rapidement expliqué cela, que je détournais le regard, espérant que sa réponse irait dans le même sens. Sinon quelle honte ! Oh oui, je me sentirais sacrément ridicule, d’avoir pu espérer quoi que ce soit, si ce baiser n’avait pas la moindre importance pour lui… « Si c'était un involontaire et unique petit dérapage, est-ce que je ferais ça ... ? » Sans me laisser le temps de réagir, il s’empara de mes lèvres, pour un simple et bref baiser. Ce n’était rien comparé à celui échangé précédemment… Mais cela suffit à me redonner confiance et sourire. Et également à me déstabiliser une nouvelle fois, tant des émotions différentes et fortes apparaissaient en moi. « Je suppose que non… » répondis-je alors doucement, vaguement amusée, tandis que je levais le regard vers lui, me reculant à peine. « J'ai envie d'une relation sérieuse. Je craignais juste que ma situation actuelle ne puisse être un véritable frein pour ça ... » Je fronçais légèrement les sourcils à ses derniers mots. Jamais je n’aurais supposé que le souci venait de là. Surtout que je n’étais pas matérialiste, ni du genre à me tourner vers un homme par intérêt. « Je ne m’intéresse pas aux hommes en fonction de leur situation.. Que tu sois milliardaire ou sans un sous en poche, avec ou sans travail, cela ne change rien pour moi.  Je me fiche de ta situation. Bien sûr, j’espère sincèrement que ca ne va que s’améliorer pour toi… Mais dans tous les cas, c’est toi et seulement toi qui m’intéresse. Je me fiche du reste. » répondis-je d’une voix douce sans le quitter du regard, espérant que ça le rassurerait. Et lorsqu’il m’expliqua en quoi, selon lui, j’étais extraordinaire, je ne pu retenir un léger rire tellement je trouvais cela exagéré. Il ne le faisait sans doute pas exprès. Mais ça lui donnait un petit côté naïf… Comme s’il avait une image de moi extrêmement positive. Bien plus que la réalité. J’espérais juste qu’il en était tout de même un peu conscient. Je n’avais pas envie qu’il soit déçue en réalisant que je n’étais pas si parfaite que ça…« Je ne dis pourtant que la vérité, rien que la vérité ! » Oui, enfin, la vérité comme lui la voyait… Et l’inverse devait fonctionner aussi. Je le voyais sans doute plus parfait qu’il ne l’était réellement. « Si tu le dis… » répondis-je alors dans un léger haussement d’épaules, sans insister.

Voilà, c’était fait. Nous nous étions embrassés. Et maintenant ? Même si j’avais longuement attendu et espéré ce moment, je me sentais plutôt étrange désormais. Comme dans l’attente de quelque chose. J’avais ardemment désiré Milo et nous venions d’échanger un torride baiser. J’aurais du être ravie. Et je l’étais. Mais une petite partie de moi s’interrogeait sur la suite et la tournure qu’allait prendre notre relation. Je craignais même que cela ne donne rien. Qu’il ne soit jamais question de plus et que nous fassions comme si de rien n’était… Enfin, si tel avait été son choix, je l’aurais bien évidemment respecté. Mais nous abordâmes finalement le sujet et je découvris alors qu’il semblait véritablement intéressé. Nous semblions donc sur la même longueur d’onde. Et ça me rassurait. J’aurais plutôt peu apprécié qu’il préfère oublier tout ça. A vrai dire, j’aurais sans doute eu du mal à faire l’impasse là-dessus. Ce baiser avait éveillé bien trop de choses en moi pour que je puisse aussi facilement tout oublier. En tout cas, une chose était désormais sûre, notre relation allait changer. Dans un sens ou dans l’autre. Mais ça allait être différent. Et, à première vue, c’était plutôt bien parti. Il voulait aussi que cela fonctionne entre nous. Ou du moins, il ne voulait pas qu’on s’arrête là. Et moi non plus. Sauf qu’il finit par me faire part de sa principale crainte. Celle de dépendre en partie de moi, à cause de sa situation. Certes, il ne roulait pas sur l’or. Il n’avait même pas un métier stable ni de revenus fixes. Et sans moi, il serait certainement à la rue à l’heure actuelle… Mais cela ne suffisait pas à me décourager. Tout bonnement car c’était lui – et uniquement lui – que je désirais. Sa situation ne m’intéressait pas. Et ce fut ce que je finis par lui expliquer.

« Loin de moi cette idée ... C'est juste ... En grande partie une question de fierté. L'impression de dépendre de toi est vraiment douloureuse pour mon égo. Et dans une relation de ce genre .. .C'est encore pire ! Des amis, ça rend service, d'accord. Mais une petite amie ... Enfin tu vois. » Oui, je pouvais comprendre. Il n’avait pas envie d’avoir l’impression de se faire entretenir. Mais sans parler de l’entretenir… En vivant ensemble – comme actuellement – il avait déjà un toit et de quoi se nourrir. Pourquoi changer les choses ? Personnellement, je n’avais pas l’intention de lui demander quoi que ce soit. Ce n’était déjà pas le cas avant… Mais maintenant… ce serait tout bonnement impensable ! « Oui, je vois… Mais je crois plutôt qu’il va falloir que tu te fasses à cette idée là ! Surtout que c’est le principe d’un couple, de tout partager… » soulignais-je doucement. Oui, si nous nous mettions ensemble, il semblait normal que je sois là pour lui, peu importe sa situation et ce qu’il en disait. Cependant, lorsqu’il fut question de moi – et de ma capacité à être, selon lui, hors du commun – je ne pu m’empêcher de m’amuser de sa réponse. Oh, ce n’était pas du tout méchant. Je trouvais cela vraiment adorable de sa part. Presque enfantin et naïf, de m’attribuer si facilement autant de qualités. « D'accord, tu as raison. Tu es encore plus têtue qu'une moule. » Je lâchais un bref rire avant de plonger mon regard dans le sien, me mordillant doucement les lèvres pour m’empêcher de rire davantage. « Mule. Plus têtue qu’une mule, Milo. La moule, c’est le mollusque, tu sais… Celui qu’on mange souvent avec des frites, surtout en France et Belgique… » expliquais-je d’un ton légèrement amusé.

Si de mon côté, je n’avais pas fait le premier pas, c’était plus par timidité qu’autre chose… Il n’y avait là derrière aucune question de situation. Juste la peur d’être repoussée et, par conséquent, ridiculisée. Tout simplement. Malgré tout, je pouvais comprendre que Milo soit réticent à l’idée à l’idée de partager sa vie avec moi et donc, d’après lui, de dépendre un peu de moi. En effet, sa situation ne lui permettant pas de vivre correctement, j’allais sans doute devoir l’aider. Comme actuellement. Mais ça ne me dérangeait pas outre mesure. Tant que cela restait modéré. Mais je n’en doutais pas puisque Milo ne semblait absolument pas du style profiteur. « Mais moi je n'ai rien à partager. Ce n'est pas très équitable ... » Non, vraiment, Milo ne cherchait pas à profiter de moi, de ma situation… C’était même tout le contraire ! Mais je le trouvais un peu dur… Je commençais à avoir des sentiments pour lui et cela suffisait à me convaincre de l’aider, de tout partager avec lui, même si lui n’avait rien à partager. « Mais ça n’a pas d’importance ça, Milo… » répondis-je, me doutant bien que cela ne suffirait pas à le convaincre. Mais soit. Avec le temps, il finirait bien par changer d’avis. En tout cas, j’espérais sincèrement qu’il n’allait tout de même pas renoncer à notre relation, simplement à cause de cela. Je trouverais ça franchement dommage et décevant. Mais j’osais espérais que je comptais un minimum pour lui. Ou du moins, qu’il avait suffisamment envie de tenter quelque chose avec moi, pour mettre de côté sa fierté. Enfin, s’il avait eu le courage de m’embrasser – et ainsi risquer de briser notre amitié – je supposais que ce n’était pas pour rien. Et encore moins pour faire aussi rapidement trois pas en arrière.

La conversation se poursuivit toujours aussi calmement et de manière agréable. Toutefois, lorsqu’il me complimenta, je ne pu m’empêcher de souligner que c’était un peu exagéré. Même si c’était moi qui, à la base, lui avait tendu une perche pour qu’il me complimente. Sauf que je trouvais finalement sa réponse un peu exagérée. J’avais l’impression qu’il me trouvait vraiment parfaite. Et c’était très plaisant. Mais faux. Et je ne voulais pas qu’il se fasse une fausse opinion de moi, au risque d’être déçu en découvrant que, comme tout le monde, j’avais mes défauts. Et lorsqu’il déclara que j’étais têtue comme une moule, je ne pu retenir un léger rire. Parce que la confusion faite était compréhensible et attendrissante. Mais pouvait grandement porter à sourire… Je le repris alors gentiment, lui expliquant la différence entre les deux. « Oh ... Oh ! Ah oui ! Mais c'est que ça se ressemble tellement ! » Phonétiquement, oui, ça se ressemblait. Après, concernant l’animal en lui-même… pas tellement. Mais je supposais qu’il parlait de la prononciation et du « son ». Je souris en haussant vaguement les épaules, ne le quittant pas une seule seconde du regard. « Bon. Je vais aller me coucher tôt. C'est que je me lève tôt demain. La femme pour qui je travaille est une véritable tortionnaire !! » Je pris aussitôt un air faussement choqué, tentant difficilement de cacher un petit sourire. Parce qu’évidemment, il n’y avait pas besoin d’être devin pour comprendre que la femme en question, c’était moi ! « Oh, vraiment ? Je suis certaine qu’en jouant de ton charme, tu peux l’amadouer… » remarquais-je d’un air amusé, regrettant malgré tout qu’il aille déjà se coucher. Mais il n’avait pas totalement tort. Il commençait à se faire tard et il valait mieux que moi aussi, j’aille rapidement me coucher. Je n’avais juste pas envie de mettre fin à ce moment si agréable. Et il était peut-être encore un peu tôt pour envisager de passer la nuit dans le même lit que lui…

A la place de Milo, j'aurais sans doute eu la même réaction et la même réticence, à l'idée de dépendre totalement de l'autre. Surtout alors que nous étions tout juste sur le point de former un couple... Je ne pouvais donc pas lui reprocher cela. Mais le fait était qu'il était têtu. Très têtu et fier. Ce qui voulait donc dire que, malgré tout ce que je pourrais dire ou faire, il serait toujours mal à l'aise vis à vis de ça. J'espérais juste que cela ne pourrait pas nuire à notre relation. Après tout, ce n'était qu'un détail. Qu'une question de fierté. « Tu crois que t'arriveras à me mettre dehors à coups de pieds dans le derrière, si un jour je prends trop de place ou autre ? » Et si je n'en étais pas capable, que ferait-il ? Envisagerait-il de partir, de peur de vraiment devenir un poids pour moi ? C'était une possibilité. Et cela correspondrait bien à Milo... « Est-ce que je t'ai déjà donné l'impression d'être le genre de femme à se laisser marcher sur les pieds ? » demandais-je doucement, arborant un très léger sourire en coin. J'avais beau dire ça pour le rassurer, ce n'était pas totalement faux non plus. Si vraiment, la cohabitation devenait trop difficile, s'il changeait du tout au tout et devenait insupportable, je saurais évidemment prendre les mesures nécessaires. Il avait déjà du remarquer que j'avais tout de même mon caractère et que je savais me faire entendre lorsqu'il le fallait. J'étais donc capable de le mettre dehors, si cela devenait vraiment invivable. Mais je doutais franchement que nous en arrivions là. Enfin, je l'espérais. Mais s'il avait besoin que je le rassure, alors je le ferais autant que nécessaire.

Puis, lorsqu'il fut question de moi – et de mon caractère – il s’emmêla une nouvelle fois les pinceaux avec les expressions et se trompa de mot. Rien de bien méchant, mais qui me fit sourire. Cependant, sans jamais me moquer vraiment de lui, je le reprenais en lui expliquant la différence entre la mule et la moule. Puis, il déclara qu'il aller bientôt se coucher, prétextant travailler pour une femme à priori tyrannique. Et cette femme, c'était censé être moi. Mais évidemment, cela m'amusa plus qu'autre chose. Ainsi, je rentrais, sans me faire prier, dans son jeu, lui proposant de jouer de son charme, pour se mettre cette fameuse patronne dans la poche. Et sa réponse fut hautement plaisante, puisqu'il s'empara presque immédiatement de mon visage pour m'embrasser avec lenteur. Et sans attendre, je lui rendais ce baiser avec douceur, glissant une main contre son visage. « Je doute que ça fonctionne. Elle est vraiment très sévère et très sérieuse. » Je plissais le nez en riant doucement avant qu'il ne me vole un nouveau baiser, avant de se reculer légèrement. « Mmmh, je vois... Il va donc falloir que je prenne bien soin de toi, après des journées aussi difficiles...? » demandais-je d'un ton taquin, m'emparant à mon tour de ses lèvres pour un dernier baiser, à la fois tendre et passionné. A ce rythme là, nous n'étions pas couchés... Vraiment, il allait falloir que l'on parvienne à se détacher, pour rejoindre nos chambres respectives... C'était largement préférable. Même si j'aurais bien aimé partager plus. Rester plus longtemps à ses côtés, ou directement dormir dans ses bras. Mais chaque chose en son temps. Surtout que je ne voulais rien précipiter...

Même si Milo devenait très présent, je doutais fortement que cela puisse devenir 'trop' à mon goût. Enfin, pas tant que j'éprouverais certains sentiments pour lui. Cela me semblait plutôt logique. Au contraire, j'aurais envie de le voir, de passer toujours plus de temps auprès de lui... Pas de le mettre dehors ! Mais si vraiment un jour, cela devait arriver, je pensais tout de même trouver la force de lui dire, ne serait-ce qu'avec une certaine diplomatie. Parce que je n'étais pas du genre à me laisser faire. Et lorsque j'avais quelque chose à dire, je ne me faisais généralement pas prier pour le faire. Évidemment, les choses seraient sans doute un peu différentes avec Milo... Il n'était pas n'importe qui pour moi et, rien que pour cela, il y avait peu de chances pour que je me montre aussi dure envers lui. Clairement, lorsqu'il s'agirait de lui, je mettrais un peu d'eau dans mon vin. Car je ne me voyais tout simplement pas créer de conflit ou me montrer trop froide. Mais dans l'immédiat, pour le rassurer, je lui rappelais que je n'étais pas du genre à me laisser faire et que, par conséquent, je pourrais le mettre dehors s'il devenait trop présent. Parce que oui, il avait besoin d'être rassuré à ce niveau là. C'était sacrément étrange. L'inverse m'aurait paru plus logique... Qu'il s'inquiète que je puisse le mettre dehors. Pas l'inverse. Mais c'était Milo... alors rien n'était censé m'étonner venant de lui. Et je commençais peu à peu à vraiment m'habituer à cet énergumène.

La conversation devint cependant plus légère dès qu'il se trompa de mot dans une expression. Il enchaîna en évoquant sa patronne et je ne me fis pas prier pour rentrer dans son jeu et plaisanter à ce sujet. Puis, c'était hautement agréable de voir cette complicité se renforcer seconde par seconde. Et je répondais avec plaisir à chacun de ses baisers, en profitant pleinement. Je m'étais privée de toute relation depuis un peu trop longtemps.... Et je réalisais soudainement ô combien les débuts étaient agréables. Tandis que Milo continuait à me taquiner, je lui répondais avec le même ton taquin, proposant de m'occuper de lui après ses horribles journées de travail. Et le rire qu'il afficha aussitôt me fit à nouveau craquer. Sans plus attendre, je vins lui voler un baiser. Encore une fois. Décidément, jamais nous ne parviendrons à retrouver la raison et à nous détacher ! « Oh oui en voilà une bonne d'idée ! » Quoi ? Ce baiser échangé ? Ah non... Prendre soin de lui – à ma manière – après chaque journée de travail... Oui, ça pouvait clairement être alléchant... Et alors que j'esquissais un énième sourire, il s'empara de ma lèvre inférieure, m'arrachant un léger gémissement lorsqu'il entreprit de la mordiller. Je répondis ensuite à son baiser avec une cette fougue, avant de le laisser se détacher et filer. Après l'avoir suivi du regard, je me levais et rejoignais enfin ma chambre, ralentissant devant la porte de la sienne, tentée à l'idée de l'y rejoindre. Non, c'était encore tôt. Je regagnais alors ma chambre, arborant un léger sourire de satisfaction. Ca y est, c'était enfin fait... Et j'espérais sincèrement que ça allait durer entre nous.