« Liam lâche moi.. » dit-elle au téléphone avant de raccrocher sèchement. Cela faisait plusieurs longues heures que cet homme la harcelait, la suppliant une fois de plus de l'aider à régler une affaire un peu louche. Elle connaissait Liam depuis peu, depuis quelques semaines à vrai dire. Il avait été plutôt charmant, et véritablement malin. Du moins, aussi malin que possible pour agripper la jeune femme et la prendre dans ses filets. Elle était complètement tombée sous son charme mais avait vite déchanté. Son nouveau copain trempait dans des histoires louches, des trafics loin d'être légaux. Quand elle s'en était rendue compte, elle avait voulu fuir et ne plus avoir à faire avec lui. Mais cela n'avait pas été possible, il l'avait menacé à plusieurs reprises et se voyait dans l'impossibilité de le quitter. Elle cherchait constamment une solution, jusqu'au moment où elle a essayé de quitter l'appartement de Liam mais il l'avait rattrapé et l'avait violenté, "pour qu'elle se souvienne de sa trahison" ; autant dire qu'elle vivait désormais dans la peur, et pour autant, elle ne s'imaginait pas aller le dénoncer aux forces de l'ordre ni même demander de l'aide à ses frères et soeurs. Non, elle se sentait bloquée comme jamais elle ne l'avait été. Son calvaire commençait à prendre une tournure dramatique puisqu'il l'avait violenté de nouveau la veille. Elle portait désormais sur son visage les dérives de son petit ami : un beau coquard autour de son oeil gonflé. Toscane était d'ailleurs en train de l'observer dans le miroir, le tâtant doucement pour constater la douleur et les dégâts qui gâchait tristement les jolis traits de son visage d'ange, lorsque la sonnerie de l'appartement retentit. Bonjour. Un visage inconnu. « Bonjour .. » dit-elle d'un air perplexe. Je cherche Liam. Je dois lui parler rapidement. Ah, encore un de ces "clients" sûrement. Elle serra les dents et prit un ton désagréable. Il habite ici ou je me suis trompé d’adresse ? ajouta l'homme qui se tenait sur le seuil de la porte, et qu'elle ne comptait certainement pas inviter à entrer. « Non, il n'est pas là. Mais oui, il habite bien ici. » Elle leva les yeux en l'air en signe d'agacement. Maintenant, Liam allait lui envoyer ses clients directement chez eux.. Elle ne s'en sortirait jamais. « Vous avez un message à lui faire passer ? » demanda-t-elle sans l'once d'une amabilité.

Oh euh, à vrai dire je pensais le voir en personne. répondit son interlocuteur. Toscane ne put s'empêcher de rouler des yeux d'un air dédaigneux. Evidemment qu'il aurait préféré le voir en personne pour faire ses petites emplettes, et ne pas découvrir une simple femme avec un coquard. Je viens de New-York et je repars ce soir, du coup je pensais pouvoir lui parler en personne aujourd’hui. Le jeune homme insistait, à croire que soit il était vraiment en manque d'une drogue quelconque, soit ce n'était pas un client. Vous allez bien ? Toscane ne parlait pas beaucoup et restait de marbre. Néanmoins, le fait qu'il semble légèrement s'inquiéter pour son état physique ou même psychique allez savoir, lui mit la puce à l'oreille. Ce n'était finalement sûrement pas un client, et elle avait eu tord de se braquer comme cela si c'était réellement le cas. Toujours est-il qu'elle devait en avoir le coeur net. Elle entreprit alors de discuter plus ouvertement.« Disons que j'ai connu des jours meilleurs. » Son interlocuteur regardait avec insistance sa blessure. Vous devrez mettre de la glace sur votre œil sinon ça va enfler encore. Même si cela prenait une tournure quelque peu intrusive, Toscane se rendit compte grâce à ce conseil que dans l'état actuel des choses, elle en avait oublié le principal : se soigner, panser ses blessures avant que cela n'empire. « Merci, je n'y avais même pas pensé. » dit-elle avec un tout petit sourire de remerciement. Le jeune homme semblait vraiment bienveillant, sans la moindre dose d'intérêt si ce n'est retrouver Liam, mais cela n'entrait pas dans le champ du bien être de la demoiselle. Elle baissa la tête, toujours adossée contre le seuil de la porte mi-ouverte. Vous savez s’il doit revenir ici rapidement ou pas ? J’ai vraiment besoin de le voir. Sans relever la tête, Toscane soupira. Elle en avait vraiment assez de faire le pigeon entre Liam et les personnes qui le recherchaient activement, peu importe leur objectif. « Ecoutez, vous avez son numéro de téléphone ? Sinon voilà, je vous le donne. » Elle attrapa un morceau de papier qui trainait sur un meuble non loin de la porte et griffonna les chiffres du numéro de téléphone de son copain mais néanmoins dealer « Je ne sais pas où il est, mais si vous l'appelez, peut être qu'il vous donnera le nom et l'adresse d'un de ses petits pions qui revendent pas cher. » lâcha-t-elle malgré elle, sans ménagement. « A moins que.. vous ne soyez pas là pour ça ? » osa-t-elle finalement demandé, non sans peur et méfiance.

La situation était vraiment étrange : Liam avait a fâcheuse habitude de lui ramener des clients enragés à l'appartement, alors qu'il n'était évidemment pas présent. Plusieurs fois, Toscane avait du gérer entre des hommes violents, des hommes alcooliques, des hommes drogués, des hommes en manque de substance, ou même encore un mélange de plusieurs qualifications. C'était une vie vraiment très difficile pour la jeune femme, qui ne passait ses journées qu'à pleurer et qui se sentait prisonnière de sa propre vie, impossible à changer. Elle aurait tant aimé avoir le cran de défier son petit ami.. et pourtant, elle n'y parvenait pas. Elle qui avait pourtant du caractère et une fierté, semblait être dans la peau d'une autre personne dès qu'elle se retrouvait face à son bourreau. Il l'avait définitivement pris dans ses filets. Mais cette fois, l'homme qui venait de sonner à la porte n'était pas envoyé par Liam, mais bien venu de son propre gré vu sa réaction quand elle lui mentionna une revente moins chère de substances illicites. Je veux lui parler pour qu’il me rende l’argent qu’il me doit depuis des années. Ce n'était pas très surprenant, Liam devait de l'argent à énormément de personnes. Le visage de Toscane ne bougea pas d'un poil. Attendez, vous voulez dire qu’il vend de la drogue ? Stupeur. Toscane fut atterrée de constater que cet homme était une sorte de rival de Liam, comme elle. « Vous ne savez vraiment pas qu'il trempe dans des affaires louches ? » En quelques secondes, Toscane se sentit immédiatement rassurée. Au moins, lui, il ne lui voudrait sûrement pas de mal. Si je l’appelle, il ne voudra jamais qu’on se voit. C’est compliqué entre nous, mais je lui ai prêté de l’argent et il ne m’a jamais remboursé. J’aimerai en finir avec ça une bonne fois pour toute, c’est pour ça que je suis venu en personne pour récupérer la somme qu’il me doit. Le jeune homme qui se tenait devant elle devait sans doute avoir usé de toutes les manières pour tenter de récupérer son argent de façon plus .. sage, dirons-nous, puisqu'il n'avait vraiment pas l'attitude et le look des personnes habituées à fréquenter le fameux Liam, dealer de métier. « Ecoutez, il ne rentrera pas avant ce soir, si vous voulez patienter ici, entrez je vous en prie. » dit-elle en se décalant sur le côté. « A moins que vous ne soyez pas rempli de bonnes intentions ? » dit-elle avant de lâcher un tout petit rire étouffé.

La petite facétie que venait de dicter l'océanienne était teintée d'une certaine appréhension, d'une certaine nervosité. Si elle avait cru comprendre par les réactions de son interlocuteur qu'il n'avait rien à voir avec le trafic illégal de son petit ami, elle n'en avait pas pour autant le coeur net. Aucune preuve ne lui avait été apportée, si ce n'est la parole de cet homme qui semblait sans histoire. Je ne suis pas de genre là. La drogue ne m’intéresse pas. Je veux juste récupérer mon argent et retourner chez moi. Il venait de marquer un bon point, et Toscane en devenait presque rassurée. « Vous m'en voyez ravie. Néanmoins, je suis au regret de vous annoncer que si Liam a une dette envers vous, il ne risque pas de l'honorer de si tôt. » Elle soupira, la tête basse, avant de relever péniblement son regard vers son inconnu. « Vous savez, il n'est vraiment, vraiment pas de bonne fréquentation. » dit-elle alors que lui, regardait son coquard. Vous devriez vous occuper de votre œil, sinon vous allez avoir vraiment mal et … La demoiselle sentait que son visiteur allait aboutir à une conclusion des plus réelles, malheureusement. Elle se mura dans le silence. C’est Liam qui vous a fait ça ? Toscane qui restait figée depuis quelques longues secondes, osa relever la tête et la hocher négativement. Evidemment, elle mentait. C'était une habitude qu'elle avait pris pour ne pas s'embourber dans de sombres histoires. De toute façon, elle était prévenue par son petit ami que si elle s'aventurait à lui causer du tord, elle s'en souviendrait. Des menaces que, toutefois, Toscane ne supportait plus. Aussi, elle tenta l'impossible. « En fait, si, c'est Liam. Il est assez violent quand quelque chose le tracasse. Ne dites à personne que je vous l'ai dit, s'il vous plait.. Il me tuerait.. » avoua-t-elle, alors que sa gorge se serrait. Cet homme était le premier à découvrir son calvaire, l'enfer qu'elle vivait depuis des semaines. Pas même sa famille n'était au courant ; ses soeurs pensait qu'elle vivait une douce romance avec un bel homme qui commençait à faire carrière dans les affaires. Certes, il gagnait énormément d'argent et avait une grande réputation, mais dans le milieu du trafic de stupéfiants. Elle n'imaginait pas que cet homme si charmant soit en réalité un narcotrafiquant de grosse envergure, et qu'elle serait désormais emprisonnée chez lui. « J'aimerais m'évader, m'enfuir loin d'ici mais je ne peux pas, il me retrouverait de toute façon. » Elle farfouilla dans un tiroir, sous une pile de cahiers et livres en tous genres, avant d'en sortir une liasse de billets. « Tenez, prenez ça et partez. Croyez-moi, c'est la meilleure solution. » dit-elle en lui tendant l'argent, qu'elle avait discrètement caché en cas d'urgence. Pour le coup, c'était une urgence car si Liam arrivait d'une minute à l'autre, les deux individus seraient dans une très mauvaise posture.

Non, c’est votre argent, je ne peux pas le prendre. avoua l'homme en refusant la liasse que lui tendait l'océanienne. Elle soupira et sembla consciente qu'il ne servait à rien d'insister, vu la détermination que montrer son visiteur à rester honnête et ne pas lui "voler son argent". Avec résignation, elle redéposa les billets dans la cachette où ils dormaient auparavant. Refermant le tiroir du meuble, elle entendit : Ca n’est pas vu qui avait une dette envers moi, c’est lui. Ce n'était pas faux, c'était évidemment à Liam de payer ses dettes et notamment de rembourser cet homme. Mais comment faire ? Liam n'était pas de ce genre, il était plutôt adepte des menaces, qu'il allait parfois même mettre à exécution. Toscane laissa sans doute transparaître son stress, puisqu'elle vit son interlocuteur reprendre la parole avec sérieux. Vous devriez faire votre sac. Partir loin d’ici. Vous avez de l’argent pour ça. Elle releva la tête dans sa direction. « Je ne peux pas.. » avoua-t-elle désespérément. Je vis à New-York, vous pourriez venir vivre chez moi le temps de vous trouver un logement. C'était incroyable. Incroyablement plaisant. Cet inconnu n'était autre qu'un homme qui lui proposait une solution pour se sortir de l'enfer dans lequel elle s'enfonçait petit à petit. Dans cette proposition, elle voyait là qu'il souhaitait prendre soin d'elle, l'aider. Cela ne lui était pas arrivé depuis si longtemps, qu'aucun mot ne put sortir de sa bouche. Faites votre sac et nous partons tout de suite. Il n’a pas besoin de savoir que je suis venu et si je continue à lui réclamer mon argent, il ne pensera pas que vous êtes chez moi. Les larmes lui montèrent aux yeux. « Je ne sais pas comment.. » Elle fit une pause, le temps de reprendre son souffle. « Comment vous remercier.. cela fait bien longtemps qu'on ne m'a pas tendu la main pour me sortir de cette prison qu'a construit Liam.. » Tout se bousculait dans sa tête. Partir sans se retourner et prier qu'il ne reviendra jamais vers elle ? Qu'il ne la retrouvera jamais ? Elle pourrait vivre constamment avec la peur de le rencontrer au coin d'une rue, mais cela en vaudrait sûrement le coup puisqu'il s'agissait là de retrouver sa liberté volée. Son coeur battait la chamade, et elle avait terriblement peur. Pour autant, elle plongea son regard dans celui de son potentiel sauveur et courra dans sa chambre. Elle n'avait jamais trop défait sa valise, sans réellement savoir pourquoi. Aussi, après cinq minutes de folie, elle avait bouclé cette valise et le rejoint. Elle posa sa valise entre eux deux et soupira fortement. « Je suis terrifée. »