« Putain c’est pas vrai ! » grommelais-je en cherchant mon portefeuille. Je l’avais hier soir avec moi, lors de l’enterrement de vie de garçon de Mickaël. Qui aurait pu croire qu’il trouverait l’amour celui-là ? J’eus un petit rire. Apparemment, mon nouveau monde lui avait apporté beaucoup de chose. Si je n’étais pas entré dans ce nouveau monde, jamais il n’aurait pu rencontre Isabelle. Parce qu’avouons-le, ces gens-là pensent qu’on ne mélange pas les torchons et les serviettes – et inutiles de dire qu’avant, Mickaël et moi étions les torchons dans cette histoire. Donc qu’elle ait été touchée par son histoire une fois qu’il la lui ait racontée, pourquoi pas. Et qu’il ne soit qu’un nouveau riche – enfin plutôt ami d’un nouveau riche, mais bon dans ce monde c’est la même chose – ne la dérange pas, pourquoi pas non plus. Mais on ne me ferait pas croire qu’ils auraient pu se rencontrer autre part qu’à un des galas que Wilfred organisait. Ce n’était que dans ce monde-là qu’il aurait pu la rencontrer, malgré ce qu’il pouvait bien en penser. Mais bon, il était heureux, et j’imagine que cela me rendait heureux pour lui. Par contre, ce vol de portefeuille ? Ça ne me rendait pas heureux du tout. Et qu’on ne me fasse pas croire que je l’avais tout simplement perdu. Je ne perdais rien. Je faisais toujours très attention à mes affaires – surtout maintenant qu’elles avaient une quelconque valeur. Et puis dans ce portefeuille se trouvait une photo de mon père et moi, le jour de ma naissance. Et bon, qu’on me traite de fleur bleue, mais c’était un peu le seul moment que nous ayons jamais passé ensemble, même si je ne m’en souvenais plus. C’était la preuve qu’à un moment de ma vie, j’avais été aimé. Et même si ces choses-là ne m’intéressaient pas vraiment, ce n’était pas une raison pour qu’on me le vole ! Ni une ni deux, je prenais ma veste et rejoignais le club où nous avions passé la soirée hier. Ça n’allait pas se passer comme ça. Je savais qu’il y avait des caméras de surveillance dans ce genre d’endroit huppé, et je comptais bien mettre la main sur la personne qui avait osé me voler. Et quand ce serait le cas, je ne donnais pas bien cher de sa peau.

Je déteste que l’on touche à ce qui m’appartenait. C’est un fait, et cela depuis aussi loin que je m’en souvienne. Lorsque j’étais à l’orphelinat, je ne me gênais pas pour donner une correction lorsqu’une personne entrait dans ma chambre et se mettait à fouiller dans mes affaires. Et depuis mes 13 ans, j’ai même l’aide de Mickaël, qui avouons-le, est plus brute que je ne le suis. Mickaël n’est pas la personne la plus intelligente qui existe. Mais il est bien d’autres choses. Déjà, il est simple. Et si certaines personnes croient que c’est un défaut, je ne pense pas pareil qu’elles. Je pense même qu’il a beaucoup de chance. Il ne se prend jamais la tête, prend tout à la rigolade. Bref, c’est un bon vivant, malgré tout ce qu’il a vécu. Les gens disent que l’intelligence fait tout, mais j’ai plutôt l’impression que l’intelligence gâche une vie. Après tout, lorsque l’on est intelligent, on réfléchit. Et lorsque l’on réfléchit … et bien on pense à des choses auxquelles on ne devrait pas penser pour notre bien. Mickaël n’a pas à se soucier de ça. Et je pense que c’est également ce que sa future femme aime chez lui. Je l’imagine bien tenter de lui changer les idées et de se concentrer sur le positif lorsqu’elle va mal. Après tout, il le fait bien avec moi. Oui, faire croire à Mickaël à mon amitié, avait été une bonne idée que j’avais eu à l’orphelinat. A l’époque, je ne l’avais fait que parce que j’avais compris qu’il ne recherchait qu’une chose : une famille. Et je m’étais dit que si je devenais sa famille, il ferait tout ce que je voudrais qu’il fasse. Et cela a marché. Même si, avouons-le, je ne prétends plus grand chose à l’heure actuelle. Enfin bref, j’aurais pu amener Mickaël avec moi dans cette boîte de nuit pour découvrir qui a osé me voler. Mais il a sûrement mieux à faire, comme la préparation de son mariage – au hasard hein. Et une fois sur place, je commence à parler au barman pour lui demander s’il a vu quelque chose. Apparemment, ce n’est pas le cas. Et alors que je m’apprête à aller voir le manager pour lui demander des copies de la vidéosurveillance de la veille, j’aperçois une jeune femme que j’ai vue lors de l’enterrement de vie de garçon de Mickaël. Et mieux, je l’aperçois en train de voler un portefeuille. Un sourire en coin fait son apparition sur mon visage et alors qu’elle s’éloigne un peu de la scène, je la rejoins. « C’est un beau butin que tu as là.  » je m’adresse à elle d’une voix glaciale.

« T’es jaloux ? Tire-toi. » osa m’ordonner la jeune femme qui m’avait volé mon portefeuille. Sincèrement, l’argent qu’il y avait dans mon portefeuille, je m’en moque éperdument. En effet, depuis que je détiens cinquante pourcent des parts de l’ancien empire immobilier de mon père biologique, je n’ai plus à m’inquiéter de l’argent. Même si pendant mon enfance, j’avais déjà eu des doutes sur l’identité de mon père biologique, son nom étant pratiquement le même que le mien – Jeremiah Avery, ça ressemble beaucoup à Roméo Jeremiah Avery, non ? – j’en avais eu la confirmation lorsque mon père était mort. En effet, son avocat m’avait alors envoyé une lettre que mon père avait écrite, me disant la vérité, et m’annonçant que je détenais maintenant ses parts dans l’empire immobilier qu’il avait construit avec son meilleur ami, Wilfred Collins. Mais ce dernier avait été un peu plus difficile à convaincre, et pour qu’il n’emmène pas cette histoire d’héritage devant les tribunaux, j’avais accepté d’épouser sa fille cadette, Camille. Ainsi, les parts de la compagnie restaient dans la famille. Au début, j’avais cru à un piège. Peut-être qu’il y avait une clause dans le contrat de mariage qui faisait que si je la trompais, elle gagnerait mes parts ? Mais non, même pas, les seules clauses étant que si notre mariage venait à sa fin, ce que nous avions gagné durant notre mariage revenait à la personne qui l’avait gagné. Et étant donné que j’étais le seul à travailler, et bien c’était tout positif pour moi. Et heureusement, vu que je la trompais sans aucun remord avec sa grande sœur. Donc bref, l’argent ne m’importait peu, elle pouvait même le garder. Mais la photo de mon père me tenant dans ses bras à ma naissance, ça non. « La masturbation t’as rendu sourd ? » me demanda-t-elle dans un petit rire. Mon sang ne fit qu’un tour, et je la plaquais contre le mur, la tenant par la gorge – sans trop serrer non plus, je n’avais pas l’intention de la tuer non plus, mais juste assez pour l’effrayer. « Tu peux répéter ce que tu viens de dire ? Ou peut-être qu’on peut parler maintenant ?  » lui demandais-je d’une voix froide et calme où aucun sentiment ne se ressentait.

C’était étrange comme le fait de m’être pris plus de coups que je ne pouvais compter, me rendait maintenant complètement insensible à la douleur. Je sentais donc à peine ses ongles se planter dans ma main et ne relâchais pas la pression pour autant. Je voyais bien le sang commencer à couler, mais bon, j’avais vécu tellement pire par le passé que j’en étais venu à apprécier la douleur. Ça avait été ça ou complètement lâcher prise – et je ne parlais pas de la prise que j’avais autour de son cou, mais bien dans le second sens du terme. Je dus tout de même la lâcher lorsqu’elle me donna un coup de genou dans les parties génitales. Mais c’était plus un réflexe qu’autre chose, et je me remettais rapidement sur mes pieds. Qu’était-ce qu’un coup de genou mal placé face à des brûlures de cigarettes hein ? Rien, rien du tout. « Touche moi encore une fois et je crie au viol, espèce de taré ! » cracha la jeune voleuse, me faisant sourire ironiquement. « Vraiment ? Et pourquoi tu ne le ferais pas ? J’ai comme une impression. A ton avis, qui est-ce qu’ils vont croire hein ? Toi, une voleuse, une moins que rien ? Ou moi ?  » lui demandais-je en plantant mon regard dans le sien, toujours de ma voix froide et calme. Règle numéro 1 : ne jamais perdre son sang froid, peu importe la circonstance – bon sauf peut-être dans une pièce clause, mais ça c’était une autre histoire. « Ce n’est pas ton pote alors qu’est-ce que ça peut te foutre que je l’ai volé, ce n’est pas toi que j’ai volé que je sache, ton portefeuille est toujours dans ta poche je présume, alors fous moi la paix. » continua-t-elle, me faisant lâcher un rire moqueur.« Oui tu as raison. Je ne devrais pas essayer de négocier avec toi. Quel idiot je fais. Non, je vais continuer mon plan de départ et aller chercher les caméras de surveillance avant d’aller voir la police et porter plainte.  »

« Toujours la même rengaine, chez vous les riches. Tu crois que la richesse ça reste éternellement ? Je rirais le jour où tu deviendras pauvre. On ne sait jamais de quoi est fait demain. Moi une moins que rien ? Avant de me juger tu ferais mieux de t’occuper de ton cul. Ce n’est pas parce que tu es riche qu’ils te croiront forcément. » cracha la jeune femme avec haine. J’eus un petit sourire en coin, qui devint rapidement un petit rire. « Oh mais le point positif d’avoir été dans la grande pauvreté c’est qu’on a pas peur de redevenir pauvre ensuite. Et si, c’est parce que je suis riche qu’ils me croiront forcément. Tu crois qu’ils en ont quelque chose à foutre de la justice, et de toutes ces choses ? Non et tu pourrais dire la vérité que ce serait la même chose. » répondais-je sans perdre mon sourire en coin. « Et pour information, je suis mineure, tentative de viol et corruption envers une mineur, t’es clairement plus dans la merde que moi. » reprit-elle, me faisant cette fois-ci lâcher un rire franc. « Rassure-moi, tu n’es pas sérieuse là ? Eh, je suis passé par là et tu veux savoir ce qui s’est passé ? J’ai été en maison de redressement et ils s’en sont sortis, libres. Parce que les autorités n’en ont rien à faire. Donc vas-y, dis que je t’ai violée que je rigole un peu lorsque tu déchanteras. » répondais-je dans un sourire amer. Parce qu’en effet, les autorités n’en ont strictement rien eu à faire que je me fasse tabasser tous les soirs et que la bonne femme vienne passer du bon temps dans ma chambre en croyant que je dormais. Non, tout ce qui les a intéressé, c’était que j’ai mis le feu à leur maison. « Va, les flics en ont rien à foutre d’arrêter une sdf pour vol. » « Au moins s’ils t’arrêtaient, t’aurais un endroit pour dormir cette nuit. » rétorquais-je dans un sourire amusé. « Et je pourrais jamais rembourser ton argent, j’ai déjà tout dépenser tout à l’heure… » annonça-t-elle, me faisant lever les yeux au ciel. Mais c’est qu’elle n’avait rien compris ma parole ! « Et c’est que t’as un problème de surdité aussi ma parole ! Tu m’as entendu réclamer mon argent ? Tu crois que j’en ai quelque chose à faire ? Je veux juste mon foutu portefeuille ! L’argent qu’il y a à l’intérieur j’en ai rien à foutre ! »

« Ta notion de pauvre et la mienne ne doivent pas être la même… » souffla la jeune femme après que je lui ai dis que j’avais vécu dans la pauvreté et que donc, si je perdais tout mon argent, je ne serais pas vraiment paumé. « J’en suis sûr. » répondais-je ironiquement. Elle avait quoi ? 17 ans ? Cela voulait dire qu’elle ne connaissait la pauvreté et la survie que depuis une année au grand maximum. Et encore, si elle s’était émancipée à 16 ans. J’avais vécu dans la grande pauvreté pendant quatre ans, après ma sortie du centre de redressement. Et j’étais à peu près certain que son seul pas dans l’illégalité était le vol de portefeuille. Donc en effet, nous n’avions pas la même notion de pauvreté. « J’ai pas à mentir sur mon âge, je suis mineur, et je ne vois pas pourquoi j’irais en maison de redressement, tu n’as aucune preuve du fait que j’ai volé ton portefeuille. Et tu peux regarder les caméras de vidéosurveillance, avec le peu de lumière et tout, on ne verra rien. » rajouta ensuite la jeune fille, n’ayant apparemment rien compris de c que je venais de dire. « Je te dis simplement de tenter de dire à la police que tu as été violée par un riche. Il n’aura rien, parce qu’ils croiront que tu mens et tout ce qu’ils retiendront, c’est que tu l’as volé. Et ça, sans aucune preuve aucune. Qu’est-ce qu’ils en ont à faire des preuves, hein ? » expliquais-je en levant les yeux au ciel. Et je savais très bien de quoi je parlais. Après tout, ils n’avaient eu aucune preuve que j’étais la personne qui avait mis le feu à leur maison. Bon, il se trouvait que c’était bien moi qui l’avais fait, mais ils n’en avaient eu aucune preuve. Et ça n’a rien changé. « Très drôle monsieur le comique. » me répondit-elle ironiquement. « Oui, aussi étrange que ça puisse paraître, il m’arrive d’avoir le sens de l’humour. » répliquais-je tout aussi ironiquement qu’elle. Je lui dis ensuite que je n’en avais strictement rien à faire qu’elle ait dépensé l’argent, et que je ne voulais que récupérer mon portefeuille. « Si je te le rend, tu arrêtes de me faire chier ? » commença-t-elle. J’acquiesçais pour seule réponse. « Demain, vers quatorze heures dans la grande avenue de Upper East Side, je serais là et je te rendrai ton portefeuille, ça te va ? » reprit-elle. Et qu’est-ce qui allait me prouver qu’elle y serait ? Je pourrais peut-être lui proposer de l’argent, pour être sûre qu’elle se ramène au rendez-vous. Quoique non, au pire, si elle ne venait pas, ce serait facile de la retrouver. Je n’aurais qu’à demander à Mickaël, il était bon pour ce genre de choses. « Très bien. Je te dis à demain alors. » la saluais-je d’un sourire en coin, commençant à m’éloigner. Je m’arrêtais en chemin et me retournais vers elle. « Bien sûr, tu te doutes que si tu ne viens pas, je te retrouverais hein ? »

« Forcément. Je doute que tu ais fais le quart de ce que j’ai fait pour pouvoir avoir ne serait-ce qu’un peu de quoi manger. » affirma-t-elle, me faisant lâcher un petit rire amusé. Je décidais de ne pas répondre. Après tout, elle pouvait bien croire ce qu’elle voulait, ce n’était pas mon problème. Mais cela me faisait bien rire qu’elle croit que personne n’avait vécu pire qu’elle, alors que cela devait faire à peine un an qu’elle était dans cette situation. Mais si le vol était la pire chose qu’elle n’ait jamais eu à faire pour avoir de quoi manger, elle ressemblait alors plus à un ange innocent qu’autre chose. « T’as été violé ? » demanda-t-elle ensuite. Ouah, elle était longue à la détente celle-là, si son cerveau venait seulement maintenant d’assimiler l’information. « Tu parles comme si tu l’avais vécu. » rajouta-t-elle alors. « Pourquoi crois-tu que depuis tout à l’heure je te dis de tenter de dire à la police que tu as été violée en te disant qu’ils n’en auront rien à foutre ? » répondais-je en roulant des yeux. Puis nous en vîmes enfin au sujet important : mon portefeuille. Je voulais le récupérer, et elle avait intérêt à accepter. « Si t’appelle ça de l’humour, ma foi. » dit-elle alors que je disais que si elle se faisait arrêter pour vol, elle aurait au moins un toit pour la nuit. Oui, j’appelais ça de l’humour, et même que je trouvais ça très drôle. Et c’était l’essentiel, son avis m’important peu. Nous passâmes enfin un accord pour nous revoir le lendemain, où elle me rendrait le dit portefeuille. « J’en suis sûr. » dit-elle après que j’ai annoncé que je la retrouverais si elle ne se pointait pas.

Le lendemain, je me pointais au rendez-vous un peu en retard. Ce n’était pas vraiment comme si j’allais me mettre à courir. Elle n’aurait qu’à attendre, ce n’était pas mon problème. Et puis, quitter Annabeth était toujours un moment délicat. Nos au revoir duraient toujours plus longtemps que prévu. Et je n’allais absolument pas changer cela juste pour une jeune délinquante.

Je détestais quand Annabeth et moi devions nous quitter. Et malheureusement, cela arrivait bien trop fréquemment à mon goût. En même temps, cela pouvait paraître logique, puisque nous étions tous les deux mariés … et pas l’un avec l’autre, bien entendu. Et puis nous travaillions tous les deux aussi, donc forcément, nous ne pouvions pas passer nos journées ensemble. Et puis aujourd’hui, je devais récupérer mon portefeuille auprès d’une voleuse, et nous avions donc un rendez-vous. Même si je me moquais éperdument d’arriver en retard. De toute façon, Annabeth avait également un rendez-vous, mais avec un des clients d’Avery&Collins, et elle, elle ne pouvait pas se permettre d’être en retard. « Salut. » e salua la jeune voleuse, sans parler de mon retard – après tout il n’était que d’une dizaine de minutes, il ne fallait pas exagérer non plus. « Salut. » la saluais-je en retour dans un sourire en coin. « Puisque tu ruines mon après-midi, je te rends ton portefeuille que si tu me pais un grand cappuccino avec une gaufre au Nutella couverte de chantilly avec des fraises dessus. » annonça-t-elle alors en me prenant par le bras pour m’entrainer vers un Starbeurk, me faisant lâcher un petit rire ironique. « Donc laisse-moi récapituler. Tu me voles mon portefeuille. Tu gardes les 400$ et quelques qu’il y avait à l’intérieur. Et en échange de mon portefeuille, je dois te payer à manger, c’est ça ? » lui demandais-je ironiquement avant de rouler des yeux. « Et je te signale qu’on est sur la cinquième avenue. Donc un Starbeurk, non merci. Y’a Tiffany’s à côté. Tu pourrais quand même avoir de meilleurs goûts non ? »

« Oh, ouais c’est ça, pourquoi ? » dit-elle comme si c’était parfaitement normal qu’elle me vole et me demande ensuite de lui payer à manger. « Pour rien, pour rien. » lui répondais-je en roulant des yeux. Même moi je n’étais pas comme ça lorsque j’avais des problèmes d’argent. Enfin si, mais j’étais alors un gigolo, donc bon, la situation n’était pas vraiment comparable. Mon rôle était d’accompagner des femmes d’un certain âge – les couguars, je pourrais en dire sur elle – et en échange elles me donnaient de l’argent, à manger, et d’autres choses du même type. Ce qui était bien, c’était que je n’avais pas eu à coucher. Généralement, je me plaignais de mon enfance et elles me prenaient en pitié. « Okai, okai, va pour Tiffany’s. Je n’y ai pas mangé depuis des lustres… Le starbuck va me paraitre tellement pourri après ça… Je venais tout juste de m’y habituer… » se plaignait-elle, comme si aller chez Tiffany’s lui demandait un énorme sacrifice. « Tu sais que Starbeurk c’est extrêmement cher hein ? Vaut mieux économiser un peu plus et aller chez Tiffany’s à la place d’aller deux ou trois fois chez Starbeurk. » annonçais-je en haussant les épaules. Après quelques minutes de marche, nous arrivâmes enfin dans ce magnifique salon de thé. Tiffany’s était vraiment l’un de mes endroits préférés, et il n’était pas rare qu’après une après-midi avec Annabeth, j’aille lui chercher quelques viennoiseries. « J’ai droit à plus d’une collation ? » me demanda-t-elle. Depuis quand elle demandait ? Elle était plutôt du genre à voler et ensuite ordonner plutôt que de demander. Mais bon, j’étais plutôt d’une bonne humeur, heureusement pour elle. « Tu prends ce que tu veux … » annonçais-je tout en m’installant à une des tables.« Au fait… C’est quoi ton prénom ? » me questionna-t-elle alors. « Tu ne l’as pas vu en me volant mon portefeuille ? Il y a mes papiers dedans. » dis-je dans un petit sourire en coin, avant de reprendre. « Roméo. Toi c’est Jae-Lyn hein ? Un ami a fait quelques recherches sur toi. »

« Ouais, ouais, je sais, mais quand t’es pauvre, tu préfères bouffer trois fois chez Starbuck, qu’une fois chez Tiffany’s. Même si c’est dégueulasse. Enfin, on s’habitue au gout. » me répondit-elle, après que je lui ai clairement dit ce que je pensais de Starbeurk. C’était plus fort que moi, je ne supportais pas cette chaîne. Je n’y avais été qu’une fois, justement quand j’étais sans un sou, et cela m’avait vacciné. Et puis, faire nos propres pâtisseries, c’était bien meilleur, en plus d’être beaucoup moins cher – enfin, quand je dis « nos », je parle bien sûr de Mickaël, ce n’était pas comme si je savais cuisiner et Mickaël avait beau ne pas être la personne la plus intelligente existante, il était doué en pas mal de choses. Je haussais les épaules pour seule réponse. C’était son problème après tout, si elle avait envie de se ruiner dans cette chaîne dégueulasse, ça la regardait. « Si je devais regarder les papiers de tous ceux que je vole. » répondit-elle en haussant des épaules, avant de s’installer en face de moi. « Et pourquoi tu rends pas le portefeuille à leur propriétaire, après en avoir pris l’argent ? Dans les portefeuilles, il y a quelque chose qu’on appelle des papiers d’identité, avec le nom, l’adresse, etc … Pourquoi tu ne leurs renvoie pas ? » lui répondais-je en roulant des yeux, faisant bien sûr référence à mon propre portefeuille. « Jae-Lyn ! C’est toi ? Wow ! T’as pas changé ! Ça fait un baille qu’on t’avait pas vu ! » accosta une serveuse. Je voyais bien que la jeune fille semblait gênée, même si elle n’avait pas l’air de vouloir le laisser paraître. « Toujours aussi extravagante dans tes cheveux ! Ta mère a eu un contrat ailleurs ? La dernière fois tu nous as dit partir en France. On ne voit même plus ta grande sœur… » reprit-elle, me faisant tirer un petit rire ironique. Je ne savais pas où cette serveuse avait bien pu être formée, mais poser des questions indiscrètes comme ça, prouvait un manque réel de professionnalisme. « Oh… Ouais, c’est ça. Hum, comme d’habitude s’il te plait, mais, en double. J’ai très faim. » « Je vais vous prendre votre menu du jour. » donnais-je ma commande.

« Franchement, t’a déjà vu un voleur rendre un des articles qu’il a volé ? Je veux dire… ça ne s’est jamais vu. » me répondit la jeune voleuse. Je ne voyais pas pourquoi ça ne s’était jamais vu. Sérieusement, à part si elle volait un pauvre à qui 50$ pouvait manquer, renvoyer le portefeuille pourrait être une bonne chose. Au moins, on n’aurait pas à refaire nos papiers d’identité, et cela nous éviterait beaucoup de paperasse à faire. « Et pourquoi pas ? Tu sais, dans ces portefeuilles, il n’y a pas que de l’argent. Il y a tous nos papiers d’identité, des souvenirs aussi. Et si tu m’avais gentiment renvoyé mon portefeuille, je n’aurais pas eu à venir te chercher. » expliquais-je en haussant des épaules, pas trop sûr que ce soit un bon exemple. Après tout, peut-être qu’elle appréciait que je sois allée la chercher pour mon portefeuille, puisque maintenant je lui payais à manger à Tiffany’s. Y’avait quand même bien pire que ça. Je jetais un regard noir à la serveuse qui n’avait pas l’air de comprendre qu’elle avait touché un point sensible. Si même les serveuses de Tiffany’s manquait de décence, où allions-nous ? Je passais ensuite ma commande, sans même un regard pour elle. « Sinon, tu fais quoi dans la vie ? T’es dans le commerce ? Le bâtiment ? » me demanda-t-elle, me faisant lâcher un sourire en coin. J’aurais cru qu’elle aurait fait le lien entre mon nom de famille et l’empire immobilier, mais apparemment ce n’était pas le cas.  « J’ai hérité de l’empire immobilier Avery & Collins. Donc maintenant je m’occupe de transactions immobilières. Achat, vente … Bref, des trucs bien chiants, mais je ne vais pas cracher dessus. Entre vivre dans un studio insalubre et ça, je préfère ma belle vie. »