Ne jamais laisser Sera seule, même pour aller chercher quelques fringues chez ses parents, CQFD. Sullivan avait fait cette erreur et en entendant sa voix paniquée, ses sanglots ainsi que son père tambouriner à la porte comme un fou furieux, son sang ne fit qu’un tour dans l’intégralité de son corps en l’espace d’un dixième de seconde seulement. « Sera, bloques la porte et surtout tiens bon, j’arrive ! » Techniquement parlant, le néo-zélandais était censé partir pour un rendez-vous avec son amiral mais cela attendrait, cas d’extrême urgence oblige. Il eut tôt fait de prendre ses clefs, son portable et de foncer à travers les rues de New York en mode fou furieux en espérant arriver à temps. Mon dieu, s’il ne pouvait pas la sauver, non seulement le gars vivait ses dernières minutes de vie mais Sullivan ne pourrait jamais s’en remettre. Le temps qui le séparait de Sera lui parut d’une lenteur telle qu’il manqua de virer cinglé à de très nombreuses reprises, aussi ne prit-il même pas la peine d’enlever ses clefs du contact que déjà, il fonçait à l’intérieur de la maison pour choper le paternel par le col et le balancer à travers le salon, cassant quelques objets au passage mais surtout la table basse qui se reçut le poids mort en plein dans le mille. « TU TE CROIS PUISSANT ESPECE DE MERDE !! » hurla Sullivan, incapable de se contrôler tant la peur et la colère irradiait l’intégralité de son corps. Il le coinçait à même le sol, lui punchant la tête comme si sa vie entière ne dépendait plus que de ce moment, se moquant bien de le tuer de ses mains. Du sang giclait d’ailleurs du visage du père adoptif de Sera mais il s’en fichait bien, cela lui faisait un tel bien qu’il ne pouvait s’en empêcher. « PLUS JAMAIS TU LA TOUCHERAS, JE VAIS TE TUER ENCULE !!! » Sullivan frappait, frappait et frappait encore l’homme incapable de rétorquer ou même de faire face aux multiples attaques d’un officier surentraîné. Finalement, c’est sa conscience qui le poussa à se relever, la respiration haletante, sa chemise hourdée du sang de cette épave ambulante. Il ne vérifia même pas s’il était encore en vie, ses gémissements lui suffisant largement. A la place, il se dirigea vers la porte de la salle de bain, tentant de se calmer mais l’adrénaline était tellement forte qu’il lui fallut faire preuve d’un self control inhumain pour y parvenir. « Sera… chérie c’est moi ouvre-moi ! Cet enfoiré ne te fera plus jamais de mal, laisse-moi te voir il faut que je t’examine ! »Et pendant ce temps, il priait pour qu’il ne lui soit rien arrivé de préjudiciable, à elle comme au bébé.

Décidément, c’était à croire qu’ils ne seraient jamais en paix. A peine Sera eut-elle ouvert la porte que la vision qui s’imposa au regard bleu turquoise de Sullivan lui arracha une expression d’épouvante. Oh il la maîtrisa bientôt, soulevant la prunelle de ses yeux entre ses bras pour mieux se mettre à courir en grandes foulées jusqu’à l’hôpital le plus proche, se trouvant à deux pas par on ne sait quel miracle. « Tiens bon, je vais vous sortir de là »murmura-t-il d’une voix aussi maîtrisée que possible, pour ne pas la paniquer, mais son cœur battait si vivement qu’il avait l’impression que s’il lâchait son attention ne serait-ce qu’une seconde, il allait s’écrouler. Sauf que ce n’était pas le moment. L’important était de la conduire jusqu’aux urgences, où elle fut immédiatement prise en charge après que Sullivan ait poussé la beuglante du siècle afin qu’on ne le remarque. Hors de question que Sera et leur futur enfant n’attende ne serait-ce qu’une seconde supplémentaire. Mais le plus insupportable pour Sullivan fut de se sentir tel un lion en cage dans cette foutue salle d’attente, à poireauter qu’un médecin daigne lui accorder un brin d’importance. Finalement, ce n’est que deux heures plus tard qu’on vint le chercher, lui arrachant son premier soupir de soulagement alors qu’il dû s’asseoir pour ne pas s’écrouler face à cette chute soudaine de tension. Il faut dire qu’il avait été tellement tendu pendant si longtemps que le relâchement n’en n’était que plus brutal… mais pas de repos pour le néo-zélandais. Il se rua aussitôt dans la chambre de Sera, attrapant la première chaise venue pour être à ses côtés, serrer sa main et profiter de son dernier regain de courage pour lui donner le discours du médecin. « Il m’a dit que vous alliez bien tous les deux mais que ce n’était pas passé loin. Qu’il va falloir que tu te reposes, que tu évites tout stress parce que tu étais quand même très affaiblie… et ma belle, tu vas me faire le plaisir de flanquer ce salopard derrière les barreaux ! » grogna-t-il à la fin de son discours avant que de placer son front contre sa main et d’éclater en sanglot. Elle ne savait pas l’horreur qu’il avait vécue en l’espace de deux heures et demie. Sûrement le temps le plus long et le plus abominable de toute sa vie. « Tu vas le faire parce que je ne peux pas vous perdre Sera ! »

Et dire que Sullivan n’avait pleuré qu’une fois dans sa vie et s’était juré de ne plus jamais recommencer… tu parles Charlot ! Il était passé d’un extrême à l’autre avec si peu de repos qu’à force, il était logique qu’il craque complètement. Mais il était sérieux, il pousserait Sera à envoyer ce salopard en taule ou il ne s’appelait plus Novak. Hors de question qu’un tel pourri reste en liberté dans la nature, sous peine qu’il ne finisse par s’en prendre à quelqu’un d’autre. « Crois-moi, je te rappellerai ta promesse ma belle » murmura-t-il tout en profitant d’une étreinte bien méritée, la serrant aussi fortement qu’elle ne le serrait dans ses bras. Il avait l’impression que sa vie entière en dépendait mais sans doute n’était-ce pas très éloigné de la vérité : il avait cru mourir tout court quand elle l’avait appelé en sanglots. A ceci près que Sullivan finit par s’éloigner pour s’asseoir sur le lit, le sérieux marquant toujours son visage où l’on pouvait voir que la haine avait fait très récemment des ravages. « Tant que tu es à l’hosto, je vais rester ici et j’aimerais bien voir celui qui me dégagera le cul hors d’ici… mais je refuse que tu accouches et que le bébé et toi ne portiez pas mon nom. Si je veux veiller sur toi comme il faut et officiellement, il va falloir que tu m’épouses Sera. » D’accord, ce n’était pas la demande la plus romantique du siècle mais Sullivan avait quelques excuses, et puis elle le prenait de cours. A la base, il voulait la demander le soir même, lors d’un dîner romantique qui aurait été de sa composition. Tant pis, ledit dîner prendrait juste un peu de retard, mais cela ne l’empêcha pas de sortir l’écrin contenant la bague qu’il avait acheté la veille, dans la même bijouterie privatisée quelques temps plus tôt par nul autre que Dillon Wolf.

Sullivan n’agissait jamais par obligation. Az confirmerait sûrement sa pensée s’il énonçait que personne n’obligera jamais un Novak à faire ce qu’il n’a pas envie de faire. S’il avait demandé Sera en mariage, c’est qu’il le voulait jusque dans le fond de ses tripes et point barre, il n’y avait aucun besoin de chercher midi à quinze heures trente. Ceci étant, il esquissa un petit sourire amusé – le premier de la journée, autant dire qu’il était facilement remarqué – avant de ne l’aider à se relever pour qu’elle ne l’embrasse passionnément. « Maintenant que t’as dit oui, tu sais que t’es dans la merde ? » ne put-il s’empêcher d’énoncer avec malice pour apaiser tout ce qui s’était passé avant, voire même le lui faire oublier bien que sa demande en mariage ait déjà été un bon début en soi. « Je t’avoue que comme spécimen de chieuse, je n’aurais pas pu tomber sur meilleur étalon que toi pour en faire une Novak ! Tu avais dix sur dix pour tous les critères de sélection ! »plaisanta-t-il à son tour avant de ne prendre sa main gauche avec une extrême délicatesse afin de lui enfiler la bague de fiançailles qu’il n’avait pas mis moins de trois heures à choisir. Jamais il n’aurait cru que cela puisse être un choix aussi cornélien… diable, une fois que Dillon serait au courant, ils pourraient mutuellement se foutre de leur gueule même si Sullivan n’avait pas fait aussi fort que son poto pour sa demande en mariage. Mais ça viendrait, le connaissant… il ne pouvait pas perdre cette manche ! « En théorie je devais te demander ce soir avec un dîner maison, ambiance romantique et tout le tutim, mais tu perturbes toujours mes plans calibrés au millimètre… comment tu fais pour viander ma discipline militaire, tu peux me dire ? »

« Oh dear pourquoi j’ai décidé d’épouser une emmerdeuse ? » se lamenta faussement Sullivan, sans pour autant en penser un mot. Effectivement, sa vie serait bien terne si sa chieuse préférée n’en faisait plus partie. Ce fut sans doute la raison pour laquelle il embrassa aussitôt sa main contenant la bague, pour symboliser le fait qu’il soit à la fois soulagé et heureux qu’elle ait dit oui. Pour une fois que le jeune homme prenait une décision rapidement sans avoir pour autant analyser tous les paramètres… Az allait probablement frôler la crise cardiaque mais quelque part, son poto lui avait inspiré cette réaction. Sans l’audace dont il avait fait preuve avec Morgana, probable que le néo-zélandais aurait ajourné cette demande en mariage au moins pendant quelques semaines. « Il ne faut jamais dire jamais, ma belle » murmura-t-il en embrassant délicatement sa tempe, conscient que l’intégralité de son corps devait être extrêmement douloureux. « Je te l’ai dis… le chieur qui va me virer à coups de pompe dans l’cul n’est pas né ! » Et pour preuve, il monta aussitôt sur son lit pour la serrer dans ses bras, caressant ses cheveux comme pour apaiser l’abominable journée qu’elle venait de vivre. Ce n’était pas grand-chose mais au moins… il était là, fidèle au poste, bien qu’il ne se soit pas attendu une seconde à ce que sa petite sœur ne se radine à l’hosto avec Lou : d’une parce qu’il aurait préféré éviter toute nouvelle émotion forte mais aussi parce que le visage marqué de Sera, pour une fille de quatre ans… elle allait l’assaillir de question. « T’es beeeeeeeeeeelle ! C’est toi ma nouvelle maman ? » dit-elle de sa petite voix d’enfant tout en sautant sur le lit. « Lou, qu’est-ce que j’ai dis au sujet de sauter sur le lit ? » La fillette descendit docilement, se rapprochant de son père avec ses deux grands yeux d’un bleu puissant, les mêmes que lui. « J’peux avoir un beusou quand mêeeeeme ? »

Oh putain. Manquait vraiment plus que la frangine pour parfaire d’agacer Sullivan. « Viens ma princesse, la vieille harpie a décidé de faire pipi partout pour marquer son territoire ! » lança-t-il sans même répondre à sa vulgarité tout en soulevant Lou sans aucun problème pour mieux la porter jusque dans le couloir, loisir auquel il s’adonnait aussi souvent que possible maintenant qu’il le pouvait et que sa princesse pouvait se lover contre son épaule pour profiter de son papa. Ces deux-là revenaient de loin, il n’y avait pas à dire et le cœur de Sullivan saignait rien qu’à l’idée que Lou puisse être malmenée par sa propre mère. Pas forcément physiquement, puisque la mère Novak n’était pas une femme violente physiquement, mais elle l’était pour deux dans les joutes verbales. Sauf qu’elle oubliait un peu trop que sa petite fille n’avait que quatre ans et aucun moyen de se défendre. Mais par chance, elle semblait parfaitement dans ses baskets alors qu’elle confiait sa semaine à son père en long, en large et en travers dans les moindres détails tout en dévorant littéralement son goûter sous le regard attendri de Sullivan. « Bon la harpie, j’ai poireauté suffisamment, alors c’est bon, t’as fini de marquer ton territoire Novak bis ? » grogna le jeune homme sans hausser la voix puisque Lou s’était endormie dans ses bras. Il la déposa un instant dans un fauteuil en la couvrant de sa veste pour mieux choper sa frangine par le bras et la serrer dans ses bras. « T’es une emmerdeuse intergalactique, tu le sais ça ? Mais comment ça se fait que tu viennes avec Lou ? La maternelle elle est allée à Lourdes ? » Il lâcha Az en se raclant légèrement la gorge, partant embrasser le front de Sera avec une sorte de tendresse qu’il n’avait plus eue depuis des lustres. « Ca va elle t’a pas trop emmerdée ? Bon elle t’a maquillée apparemment… bien une bonne femme toi ! » conclut-il en s’adressant à la fin à sa sœur, bien évidemment. « En tout cas tu as marqué Lou, elle m’a déjà bassiné avec toi. »

« Ouais bah me flanque pas mal au crâne, sinon je vais être obligé de te rendre la pareille et tu sais combien j’adore ça ! » maugréa Sullivan car de toute évidence, si les deux Novak étaient incapables de faire autre chose que de s’aboyer après, ils ne s’en adoraient que davantage. Ils semblaient simplement inventeurs du fameux adage « qui aime bien châtie bien » pour l’appliquer avec tant d’application. « M’aurais étonnée que tu m’emmerdes pas jusqu’à la douzième génération espèce de harpie ! Et j’te signale qu’on en a doublement pas fini parce que j’ai eu des infos par Blod et que t’es pas sortie de la berge, ma vieille ! » la menaça-t-il à son tour sans pour autant que son regard ne soit froid une seconde. Disons qu’ils ne savaient pas s’exprimer autrement. Mais Az avait sans nul doute capté le message : il n’était pas cruel envers elle et n’avait guère haussé la voix, preuve qu’il plaisantait, CQFD. Dans le cas contraire, elle aurait déjà dégagé de la chambre à grands coups de pompe dans le cul. « Toujours. C’est une Novak ! » lança-t-il comme s’il s’agissait de la meilleure excuse du monde. « Ca dépend, je ne sais pas exactement ce qu’elle t’a dit, va falloir me briefer… cela dit, je ne peux pas lui jeter la pierre, je ne lui ai pas donné de nouvelles depuis six mois. On s’est engueulés, elle est partie en claquant la porte et comme on est aussi fiers et cons l’un que l’autre, aucun de nous d’eux n’est revenu de peur de se faire jeter. Je comptais l’appeler dès que tu serais sortie de l’hôpital mais comme d’habitude, cette gourde a frappé la première. Et pas besoin d’espérer, je pense que Lou t’a déjà adoptée. »

« Arrête tes conneries et ton stress, car même si tu merdes oublie pas que tu n’es pas toute seule dans l’affaire » grogna Sullivan car il trouvait stupide qu’elle doute sans arrêt d’elle-même. D’une part parce qu’elle avait encore quelques mois pour se préparer et d’autres pas parce que Lou avait plus de défense qu’il n’y paraissait. En même temps, avec une grand-mère comme la sienne, il valait mieux avoir une sérieuse défense ! En tout cas, si Sera manquait d’expérience comme elle le disait, ce n’était aucunement le cas du néo-zélandais et il n’était pas homme à abandonner quelqu’un sur le bord de la route. Si elle le pensait, il serait le premier à lui matraquer le crâne de phrases très assurées afin qu’elle ne finisse par en prendre conscience. « On ne pourra pas t’enlever tes souvenirs mais là en l’occurrence ce n’est plus ton papounet qui était doux avec toi Sera ! Garde à l’esprit qu’il aurait pu vous tuer toi et le bébé et même si je comprends que ça te brise le cœur, il arrive un moment où tu ne peux plus continuer à te mettre des œillères de cette façon. Là, c’est à toi qu’il faut que tu penses, pas à ton père. Et crois-moi, je vais te le rappeler si jamais tu l’oublies ! » Sullivan pouvait parfois paraître un peu bourru et intraitable mais aussi vrai que sa rancune savait être diablement tenace, il avait eu la peur de sa vie et ne voulait plus jamais ressentir cet odieux sentiment. Jamais de la vie. « Maintenant dors ! Demain est un autre jour et je ne bouge pas. » Pour toute dernière preuve, le jeune homme embrassa doucement sa tempe et entoura son corps de ses bras afin d’atténuer le feu de ses précédentes paroles. Mais il n’empêche qu’il pensait chaque mot prononcé…