« Bordel Wolf, t’auras ma mort ! » grogna Sullivan en tentant de maîtriser son mal de crâne absolument insupportable suite à une fête du feu de dieu avec son milliardaire préféré. A chaque fois que l’un des deux sifflait, l’autre rappliquait dans la seconde car tel était leur pacte tacite. Le néo-zélandais le pensait même capable d’écourter une réunion rien que pour pouvoir se rincer l’œil sur de magnifiques strip-teaseuse jusqu’à pas d’heure au petit matin. Mais en l’occurrence, le beau brun avait dû se lever particulièrement tôt pour son audience prochaine devant le juge, audience qui lui flanquait une angoisse monstre et qui l’énervait par avance. Il savait qu’il allait avoir envie de massacrer sa propre mère dès lors qu’elle aurait posé un pied dans la salle d’audience et que pour couronner le tout, il allait devoir se maîtriser… mais depuis qu’il avait retrouvé le plein usage de ses jambes, Sullivan ressortait ses plus beaux costards – faits sur mesure, bien évidemment – et ceux-ci avaient toujours un effet bœuf sur la gente féminine. La preuve, il ne fallut pas plus de dix minutes d’attente pour qu’une brune au regard d’une magnificence terrible ne vienne l’aborder. D’accord, elle voulait grosso modo l’interviewer mais il n’empêche qu’elle l’avait choisi lui, non ? « Pour une magnifique demoiselle comme vous, j’ai bien dix minutes » lança-t-il non sans lui offrir son plus beau sourire, sans teinte d’arrogance exacerbée ou même de méchanceté. Sullivan n’était pas en colère… pas pour le moment et pas à cause de cette brune. « Quels types de question pourriez-vous bien vous poser, ma rusée damoiselle ? »

Sullivan s’attendait à beaucoup de choses mais pas à ce que cette ravissante demoiselle ne lui demande direct s’il était célibataire. Sans doute le manque d’habitude vis-à-vis d’un homme en imposant – car après tout le néo-zélandais avait oublié de n’être qu’un jeune premier – mais cet état de fait lui arracha aussitôt un éclat de rire qui résonna un moment dans le couloir presque désert du palais de justice. Autant dire qu’elle venait de marquer un point qui n’était pas moindre : elle aimait jouer, et avait donc trouvé l’adversaire parfait pour ce genre de jeu ! « Question de panel, hein… mais demoiselle, pour obtenir une telle info, il faudra une bien meilleure raison que ça… » Sullivan savait être un enfoiré de la pire espèce mais aussi un séducteur né. C’était bien ce qui le rendait tellement raccord avec Dillon Wolf d’ailleurs ! Les deux potes seraient prêts à n’importe quoi pour filer un coup de main à l’autre, mais aussi pour passer ZE moment en compagnie féminine… bien que la donne soit un peu moins vraie depuis que cet abruti s’était fiancé. « Dix minutes ce sera trop court pour que vous trouvez une bonne raison de me faire cracher le morceau… disons vingt pour l’instant, parce que je suis sport ! J’aime arriver à la bourre à mes rendez-vous quand j’ai une aussi bonne raison de ne pas remuer mon cul ailleurs… » Il était à des lieues de se douter que la jeune femme en face de lui était mineure… mais pour sa santé mentale il valait mieux !

« Ah oui, des tas ? Et bien énoncez ! » Sullivan aimait jouer, avoir le contrôle, quitte à se perdre totalement en chemin. Après tout, d’ici une vingtaine de minutes, il allait jouer la bataille la plus chiante et la plus capitale de son existence toute entière. Difficile de ne pas vouloir se relaxer de n’importe quelle manière pour ne pas penser à ce qui l’attendait très certainement. D’autant que cette miss avait oublié d’être une idiote et il l’imaginait déjà s’adonner à ce genre de petit plaisir de façon très régulière en présence d’un homme… c’est fou comme les apparences peuvent être trompeuses ! « Est-ce moi ou vous ne posez que des questions de valeur me poussant à me demander ce que je vais avoir en échange ? » Si elle pensait l’avoir aussi facilement, autant dire qu’elle se plantait le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Ce genre de jeu de séduction, Sullivan n’avait de cesse de le réinventer en présence de son pote ! Il y était plus qu’habitué et pourtant, lâcher du lest lui parut être une porte de sortie tout à fait acceptable… juste pour aujourd’hui. « Alors je dirais que vous êtes prête à vous jeter dans la gueule du loup, cher agneau » énonça-t-il après s’être penché à son oreille, d’une voix suave et murmurante, en profitant pour humer sans insistance son parfum avant de ne se reculer aussitôt. Séduire sans insister comme un lourdingue, tel était sa devise. « Je n’ai pas trouvé femme capable de me supporter ou sans doute est-ce moi qui ne supporte aucune femme à la longue dans mon entourage » finit-il par dire, un sourire presque arrogant sur les lèvres. « Question suivante, miss panel ? »

« Vous devriez jouer aux échecs » énonça Sullivan non sans une pointe d’arrogance dans le fond de sa voix. Effectivement, en général les femmes ne lui donnaient guère du fil à retordre, au même titre qu’elles venaient à lui bien plus souvent que la vérité n’était vraie. Le néo-zélandais n’avait qu’à se baisser pour cueillir la plante la plus attrayante à son regard… mais à sa décharge, il avait aimé dans sa vie, et on lui avait arraché son amour. Jane était décédée en mettant au monde leur fille et même des années après, il avait beaucoup de mal à se relancer dans une quelconque relation. Certes, il avait fait son deuil, et le bonheur de sa fille passait avant tout, mais il se disait que redonner une chance à un frémissement quelconque pour une personne reviendrait à sonner le glas de sa propre perte. « Déranger n’est pas le terme qui me vient en premier à l’esprit mais pour que vous me donniez de la difficulté… encore faut-il que je sois intéressé » rétorqua-t-il sans la lâcher du regard, haussant un sourcil de défi sans faire preuve d’une once de pitié. Après tout, il l’imaginait majeure et pleinement maîtresse de sa vie, n’est-ce pas ? Elle saurait se relever en cas de refus de sa part… et la vérité, c’est qu’il était dur à intéresser dans son genre. « Leçon que vous me donneriez très certainement… si je vous en laissait l’occasion, Seraphina. » Sullivan était resté silencieux pendant un long moment, la laissant le provoquer non sans un brio marquant alors qu’il restait en retrait, comme spectateur. Il agissait toujours ainsi au début, car il est plus facile de frapper une fois que l’on a bien observé… « Un couloir est impersonnel, froid et bondé. A moins que vous ne soyez exhibitionniste… j’aurais tendance à penser que vous cherchez simplement à me provoquer pour voir si je suis raccord avec votre propre façon de voir les choses. Pourquoi, vous êtes du genre à vous faire prendre à la va vite dans un couloir ? Allons, vous avez sûrement plus de classe que ça. » Sullivan émettait toujours un petit sourire tandis qu’il trouvait cette demoiselle… étrange et attirante à la fois. Sans doute ne lui donnait-elle jamais matière à s’attendre à quelque chose de précis. « Sullivan » murmura-t-il au final non sans prendre délicatement sa main afin d’y déposer un baiser pour mieux la lui rendre la seconde d’après.

Il fut un temps où Sullivan n’était rien d’autre qu’un gentleman vénérant littéralement la gente féminine car Jane était la femme la plus classe, la plus sexy et avec le plus grand répondant de la création. Vraiment, il en avait perdu son latin à de très nombreuses occasions et la demoiselle s’en amusait avant de ne clore ses lèvres d’un baiser pour le récompenser de sa patience. Il l’avait aimée tout de suite, pour la simple raison qu’elle n’était pas comme le commun des mortels… un peu comme cette Seraphina qui brisait un à un tous les poncifs que l’on pouvait bien trouver sur les femmes brune et sexy. A croire que Wolf et lui soient « condamnés » à n’être qu’avec des brunes sexy… note à lui-même : renseigner son pote là-dessus car il y aurait sûrement matière à analyse. « Si vous m’indisposiez… je ne vous aurais même pas parlé car ce serait gâcher de la salive pour rien et j’aime bien faire des choses utiles dans la vie. » Ne surtout pas croire qu’elle allait obtenir ne serait-ce qu’un compliment de sa part aussi facilement. La carapace de Sullivan était épaisse et l’année qu’il venait de passer avait achevé de le rendre méfiant de tout et de tout le monde. « Pourquoi dommage ? Cela prouverait qu’en fait de faire croire à votre amant qu’il a la chance de vous possédez vous sauter sur tout ce qui porte boxer… un peu de mystère, sinon on risque de vous prendre tout juste pour une Marie couche-toi là. Et d’ailleurs, seriez-vous en manque que vous amenez immédiatement le domaine du sexe sur le tapis ? » D’ordinaire il pensait être le seul à avoir ce genre de culot mais peut-être s’était-il justement trompé ! « Tiens, je vais diriger l’entretien pendant une question vu que votre sondage n’avance guère… vous travaillez ici ou êtes-vous juste de passage ? »

Sullivan laissa un petit sourire peupler ses lèvres quelques instants car il devait bien admettre qu’elle ne manquait pas de répondant. C’était une très grande qualité à ses yeux et dieu sait à quel point il était avare de compliments, quels qu’ils soient. Elle n’avait pas tort, en prime, car il arrivait plus souvent qu’une femme soit qualifiée de péripatéticienne en écartant les cuisses qu’un homme d’un connard parce qu’il avait de très nombreuses conquêtes. Sullivan se foutait bien de sa réputation car il savait pertinemment qu’il avait son savoir faire et que celui-ci plaisait diablement à la gente féminine, quoi qu’il advienne. « Oh je suis comme Saint Thomas, je crois surtout ce que je vois et en l’occurrence… vous parlez beaucoup mais je sais par expérience que ceux qui parlent beaucoup ne sont pas nécessairement ceux qui savent en faire le plus. » Ce n’était pas une provocation de Sullivan, il voulait simplement savoir à qui il avait à faire. Du moins jusqu’à ce qu’elle ne dévoile n’être que de passage dans sa vie. « Alors vous êtes aussi éphémère que vos paroles, c’est dûment noté ! » énonça-t-il avec son extraordinaire arrogance avant de ne checker discrètement sa belle montre, dernier cadeau de Jane avant qu’elle ne décède. Il n’avait jamais pu se résoudre à la reléguer au rang de relique, résultat elle ne le quittait jamais. « Personnelle » lança-t-il subitement, avec un sérieux parfaitement digne de lui. « Puisque vous n’êtes que de passage, laissez-moi vous dire ceci : ne jamais confier à votre mère le bon soin de veiller sur la chair de votre chair. Toutes des manipulatrices ! » Bon, il ne connaissait pas Margaret Bennett… mais il était plutôt sûr de lui !

« Que vous soyez intéressée ou pas n’est qu’une partie de l’équation. Je penche pour deux options : vous êtes curieuse, ou alors vous avez trop vu d’hommes sans relief et vous cherchez davantage de frisson… bien qu’un mélange des deux ne soit pas nécessairement à exclure. » Effectivement, Sullivan savait y faire et le fait de se tromper sur des détails lui importait peu à vrai dire. Pourquoi diable aurait-il des regrets ? Il ne connaissait pas cette demoiselle et, aussi désirable soit-elle, elle n’en restait pas moins aussi fuyante que ce qu’il avait imaginé. Elle soufflait le chaud et le froid en espérant sans doute qu’il ne prenne le contrôle des évènements, à ceci près que le néo-zélandais était à l’aube de récupérer sa fille et qu’il n’était plus aussi couillon qu’il ne l’avait été par le passé. Si elle s’attendait à tomber sur un jeune premier sans expérience de la vie, elle se trompait très, très lourdement… « Pourquoi, vous n’êtes pas du genre à prendre et à jeter ? Si vous souhaitez me revoir, autant le formuler clairement. Cachez votre égo et je cacherais volontiers le mien » reprit-il non sans hausser légèrement les épaules. « Problème est un euphémisme mais j’ai oublié de ne pas gagner mes propres batailles. Il n’est pas question que je ressorte d’ici sans avoir obtenu satisfaction… d’autant que le précédent juge n’avait aucune raison d’accéder à sa requête en premier lieu » conclut-il, les traits subitement fermés à cause de la colère. Ce qui le surprit davantage, c’est qu’elle ne lui souhaite bonne chance, sûrement en espérant s’éclipser au passage, pour mieux déposer un baiser au coin de ses lèvres. « Je crois qu’en fait vous ne savez pas ce que vous voulez » énonça-t-il avant de ne passer sa main sur sa joue et de sortir une carte d’un tout autre niveau : à savoir un baiser passionné, presque furieux, à en laisser les deux protagonistes sans souffle mais aussi pour lui prouver qu’il avait plus d’expérience et de maîtrise qu’elle n’en n’aurait jamais. Ce n’est que là, après un dernier baisemain, qu’il commença à s’éloigner. Après tout, elle lui avait souhaité bon courage non ? « Dommage demoiselle, il vous restait encore deux minutes sur votre timing ! » s’exclama-t-il au loin, brandissant sa montre en levant le bras en l’air sans pour autant se retourner.

Sullivan ne pouvait pas être plus fiérot qu’il ne l’était à cet instant, surtout alors qu’il agitait sa montre en l’air comme un forcené. Il ne fallut pas longtemps pour que la voix de Seraphina ne s’élève à nouveau dans l’atmosphère et dès lors, il n’hésita pas à en éclater de rire. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne manquait pas d’aplomb mais elle venait de confirmer ce qu’il attendait : il avait su la ferrer tel un poisson de valeur en pleine mer trouble. « Pourquoi parler des autres ? » énonça-t-il avec tout autant d’aplomb, s’étant stoppé dans sa course mais sans pour autant la regarder. Il voulait sans doute créer une sorte de frustration chez elle afin qu’elle soit à lui… sans savoir pourquoi. Ce n’était que pure folie, surtout qu’il était davantage du genre à prendre et à jeter lors de « locations vingt-quatre heures » mais cette demoiselle avait plus de répondant et de piquant que toutes les nénettes insipides qu’il avait bien pu s’envoyer depuis la mort de Jane. Et dieu sait que celles-ci avaient été nombreuses. « Mais qui vous dit que vous n’êtes pas la seule à avoir besoin d’être séduite ? Après tout vous n’êtes pas seule dans l’assistance, faut pas être égoïste comme ça… cela dit, je suis un type très occupé. Il va falloir me donner aussi une raison de vous accorder plus que dix-huit minutes ma chère. » Avec Sullivan, il fallait s’attendre à du donnant-donnant. Mais il ne manqua pas de la regarder à la dernière minute afin de lui esquisser un faible clin d’œil, qu’elle avait sûrement dû capter même là d’où elle se trouvait. « Je ne donne pas des miettes à celles qui savent vraiment me tenir tête jusqu’au bout. Mais il faudra tenir la distance… »