« Je rentrerais tard ce soir, le coach m’a prévu un entrainement des plus coriaces pour la reprise alors ne m’attendez pas pour dîner ! Et non, je n’ai pas prévu de fugue pour au moins deux semaines alors tu peux dormir tranquille Maggie tout comme tu n’as pas besoin de surveiller la gare routière » énonçais-je avant de plier bagage pour aller prendre mon bus. Je ne mentais qu’à moitié car j’avais bel et bien un rencard avec mon coach mais ce dernier avait prévu de me lâcher tôt pour aller rejoindre sa femme. Non, ce soir, j’avais d’autres plans incluant une magnifique robe noire fendue que j’avais chipée à ma tutrice et un certain homme qui hantait mes pensées depuis quelques jours. Sullivan m’avait appelé il y a deux jours pour me proposer un dîner dans un restaurant où très certainement, je n’aurais jamais mis les pieds. La seule condition était que je devais venir dans une tenue habillée –chose qui m’avait provoqué des nœuds au cerveau car je n’avais aucune idée de ce qu’il sous-entendait par-là n’ayant jamais eu de rendez-vous avec un homme plus âgé. C’était beau de jouer à la grande mais c’était encore mieux quand on connaissait les règles du jeu chose qui n’était visiblement pas mon cas. Pourtant, à force de grandes discussions avec Maggie pour : 1. Me renseigner sur les hommes ; 2. La forcer à renouveler sa garde-robe ; 3. Qu’elle vienne avec moi au planning familial pour la pilule –gros moment de solitude pour ma part ; j’étais parvenue à mes fins. « Bon gamine, tu fermeras après toi ! » m’informa le coach au travers de la porte des vestiaires. « Pas de soucis Bill, profite bien de ta femme ! » lui répondis-je tout en fermant la fermeture éclair de ma robe. Un petit coup d’œil au miroir me renvoya l’imagine d’une jeune femme maquillée avec simplicité mais qui mettait son regard bleu en valeur, sans parler de cette robe qui moulait agréablement ses formes. « Je suis parfaite ! » décrétais-je non sans une pointe d’appréhension avant de me rendre en taxi au lieu de rendez-vous. Ce n’est sûrement pas Willow qui allait s’alarmer que son portefeuille avait été allégé de pas moins de 60$ ainsi que de sa carte bleue. « Bonsoir, j’ai rendez-vous avec monsieur Novak » me présentais-je devant ce qui semblait être le maitre d’hôtel des lieux. J’étais pile à l’heure normalement !
Mais qu’est-ce qui prenait Sullivan ? Il n’avait décemment pas pu résister à l’appel de cette belle plante en l’appelant deux jours plus tôt afin de lui donner l’adresse d’un chic restaurant où se présenter quarante-huit heures plus tard. Vraiment, il commençait à régresser dans ses habitudes et c’est sûrement la raison pour laquelle il s’était bien gardé d’en causer avec son meilleur pote. Dillon se serait foutu de sa gueule avant même que le néo-zélandais n’ait pu expliquer qu’en plus d’avoir une aura et un charisme à couper le souffle, la brunette avait un cul à damner un saint. Mais ce soir, il n’avait pas l’intention de lui sauter dessus comme un sauvage – il savait se tenir, tout de même – et avait fait les choses avec classe. Non seulement il avait privatisé l’intégralité d’une salle de restaurant particulièrement chic de New York, mais il avait embauché le cuistot pour lui concocter un repas de roi après avoir fomenté tout un plan de danse à proposer à celle qui pourrait devenir sa partenaire de la soirée. Sullivan s’était mis sur son trente et un, sortant son plus beau smoking – celui qu’il avait utilisé lors de ses grandes victoires en tant que champion de tango – et attendait sa belle avec une impatience qui le surprit au-delà des mots. Ce n’est qu’une fois que le maître d’hôtel l’eut conduite à la salle qui avait été complètement revue en une piste de danse qu’il se présenta, non sans user du baisemain pour la saluer. « Madame, vous êtes l’El Dorado des roses parmi les roses » souffla-t-il non sans un clin d’œil, un petit sourire peuplant également ses traits. « Je suis ravi que vous ayez pu venir, Seraphina… mais ce n’était pas une invitation comme les autres que je vous ai proposé. Avant que de se concentrer sur le dîner… il vous faudra être mon élève lors d’une danse. Un tango, pour être précis. » Après un claquement de doigts significatif, Sullivan la salua comme le danseur exceptionnel qu’il l’était avant de ne lui tendre la main avec grâce. « Madame, me feriez-vous l’honneur ? » Si elle n’était pas conquise avec ça…
Je ne me sentais pas vraiment à mon aise dans cette ambiance étant beaucoup plus habituée au rendez-vous au McDo après le cinéma mais la curiosité me poussait à mettre un pas devant l’autre, suivant le maître d’hôtel jusqu’à une salle magnifiquement décorée je devais bien l’avouer. Seulement, je crois que la décoration qui retenait surtout mon attention était l’apollon qui me servait d’hôte. Mon dieu, il était beau comme un dieu dans son smoking et je me retenais de ne pas lui sauter dessus pour savoir si le goût de ses baisers avait toujours cette touche paradisiaque ou s’il ne s’agissait que du fruit de mon imagination débridée. Malheureusement, je ne pus retenir la légère rougeur de mes joues, me répugnant à me dire que pour la première fois de ma vie, j’étais gênée devant un homme. En temps normal, mon bagou faisait en sorte que j’étais rarement impressionnée mais je me sentais comme une princesse menée à son premier bal par le prince de ses rêves. Merde, j’allais virer romantique si ça continuait alors que manifestement, il était habitué à obtenir des femmes leurs corps et non autre chose. « Un tango ? » lui demandais-je pas certaine d’avoir compris mais à le voir se mettre en position de danse, je ne pus que m’avouer vaincu. Il voulait réellement que je danse ? Sur des talons ? Il voulait la mort de mes chevilles ou de ses pieds ? « Je dois vous avouer que je ne sais guère danser ce genre de danse » avouais-je contrite de peur de passer pour une idiote car si j’étais bonne danseuse en temps normal, il s’agissait surtout de modern jazz et non de danse de salon. Toutefois, je ne pus retenir l’élan qui m’entrainait vers lui, prenant délicatement sa main tout en le laissant me conduire à lui. « Je ne m’attendais pas le moins du monde à une surprise de cette taille, décidément, vous ne faites jamais les choses à moitié monsieur Novak » plaisantais-je avec un ravissant sourire, n’arrivant indubitablement pas à reprendre le dessus tant cette situation me mettait au supplice. Oh je n’étais pas mécontente loin de là mais je n’avais pas l’habitude qu’on prenne autant d’égard avec moi. Je priais donc que mes années de gymnastique allaient m’aider à être souple et bonne cavalière.
Sullivan était un homme secret. Sa frangine le lui avait suffisamment reproché, de même que Jane lorsque celle-ci était encore en vie… mais il devait bien admettre que cette fois-ci, il se dévoilait bien plus que toutes les autres fois où il avait côtoyé une femme. La preuve, il n’avait même pas tenté de séduire réellement Seraphina, s’adonnant tout d’abord à la danse la plus sensuelle et éprouvante qui soit… il aimait le tango. Il avait toujours été excellent dans cette discipline et les nombreuses médailles et coupes se trouvant au sein de son loft en étaient la preuve ultime. Mais ce soir, il allait devoir devenir professeur face à cette novice, et quelque part, il aimait diablement la chose. « Vous n’aurez qu’à vous laisser guider… à condition que vous me fassiez confiance » s’empressa-t-il de murmurer à son oreille, ajoutant ainsi une touche de sensualité supplémentaire à tout le décorum qu’il avait créé spécialement pour elle. « Je ferais les choses à moitié quand je serais en fin de vie ou mourant. Pour l’instant, j’ai pour éthique de ne jamais rêver radin… sinon c’est inutile de repousser ses limites, pas vrai ? » Si Seraphina n’était pas une habituée des hommes sûrs d’eux et plein d’un charisme à couper le souffle, elle allait devoir s’y habituer rapidement. A peine avait-elle saisit sa main qu’il la fit tourner et pencher avec grâce, guidant sa partenaire à la perfection sans l’avoir lâchée une seconde des yeux. Il ne la lâcherait pas tout court, du reste, surtout en la sachant encore padawan… « Belle souplesse, Demoiselle. » Même s’il ne pouvait pas s’empêcher de se demander en quelles circonstances elle avait pu l’acquérir. Il la remonta en la gardant près de lui, glissant sa main contre les reins de la demoiselle tout en la positionnant de son côté pour qu’elle ne tangue pas du mauvais côté. Puis, au rythme de la musique, il amorça quelques pas avec une maîtrise n’ayant d’égal que son assurance… < /blockquote>
« La confiance est un don que je n’accorde qu’en de trop rares occasions » rétorquais-je sur le même ton car j’avais bien souvent été trahie par les adultes pour me laisser attendrir si facilement mais quelque chose dans son regard me donna envie pour la première fois de faire le grand saut, sans filet. « Mais il y a une première fois à tout n’est-ce pas ? » ajoutais-je en retrouvant mon sourire mutin. J’appréhendais le côté danse mais je savais que mon corps pourrait suivre. Il était habitué à suivre des enchainements depuis des années et des années que je pouvais être sur une poutre large de quelques centimètres et enchainer les figures les plus complexes sans trembler et les yeux fermés. Alors, au bras de Sullivan, pourquoi serait-ce différent ? Je devais simplement me laisser aller et donner du lest, me détendre. C’était plus facile à dire qu’à faire mais comme par enchantement, mon corps s’adapta au sien, suivant le mouvement avec grâce et souplesse. « J’aime repousser les limites, vous n’avez pas idée à quel point, cela fait partie de mon quotidien » avouais-je à demi-mot car après tout, n’était-ce pas ce que j’étais en train de faire à l’instant précis en me jouant de mon jeune âge pour rester à ses côtés ? Sullivan exerçait sur moi une attraction sans précèdent. Dans ses bras, je ne me sentais l’âme d’une femme et non d’une gamine mais je conservais cette vulnérabilité que je n’avais eu de cesse de combattre depuis mes neuf ans. Je ne pouvais pas me montrer vulnérable, c’était impossible mais dans une danse aussi dominatrice et sensuelle, hélas, c’était peine perdue. « Merci, des années et des années de gymnastique » répondis-je en toute honnêteté. Au moins pouvais-je lui dire la vérité sur un sujet. « Vous êtes danseur professionnel n’est-ce pas ? » lui demandais-je car il possédait une telle grâce, une telle fluidité dans les mouvements que cela ne pouvait être autrement et j’essayais du mieux que je pouvais de le suivre et de m’adapter à ses pas mais il était tellement bon danseur que j’avais l’impression d’avoir dansé avec lui depuis des années. Peut-être était-ce une fausse impression.
« La confiance est une saloperie, je dois admettre » avoua Sullivan sans l’ombre d’un remord tout en pensant chaque mot qu’il prononçait. Rien que sa confiance en sa propre mère l’avait conduit à un état de déchéance sans précédent et il peinait encore à s’en relever. Comment diable aurait-il pu blâmer Seraphina de ne pas être une fanatique inconditionnelle de la confiance ? A ceci près que le néo-zélandais n’ait pas une folle envie de s’éterniser sur ses propres raisons de manque de confiance en l’humanité. Sa ravissante partenaire de ce soir en avait eu un bref aperçu le jour de leur rencontre alors qu’il s’était confié sur son procès prochain, ce n’était donc pas utile d’en rajouter encore davantage. « Si vous aimez repousser vos limites, j’aime bien mes secrets » rétorqua-t-il subitement, un sourire presque insolent sur les lèvres alors qu’il parvint à la faire délicieusement tourner sur elle-même avec brio juste avant de ne la rapprocher à nouveau de son torse, créant une proximité corporelle aussi agréable que dangereuse. Là était tout l’art du tango… se tester, s’éprouver sensuellement, se déchirer par la suite… Sullivan lui faisait tout sentir avec une extraordinaire intensité, tandis qu’il était contraint de remarquer à quel point Seraphina disait vrai : ses heures de gymnastiques n’auraient pas pu être plus utiles. « J’ai eu plusieurs titres à travers le monde et je dois avouer que la compétition me manque. Voyez ce soir comme quelque chose d’à la fois profondément égoïste puisque je retrouve cette discipline de prédilection, et une façon de tester votre sensualité… vous avez réussi avec brio, du reste. Vous êtes même très douée. » Et dieu sait à quel point il était avare de compliment quand il s’y mettait.
« Tout le monde a des secrets Sullivan, ne cherchez pas à connaître les miens et je ne chercherai pas à connaître les vôtres et puis le mystère a quelque chose de séduisant voire d’excitant non ? » demandais-je tout en le laissant me faire tourner avant de me ramener vers lui. Bon sang, le contact était à la fois grisant et frustrant et j’essayais tant bien que mal de suivre ses pas. Je devais dire que je m’étais réellement pas attendu à partager un tango en sa compagnie ni même qu’il était aussi bon danseur. D’ailleurs, je lui en fis la réflexion, pensant sincèrement qu’en dehors de sa bataille juridique, il était danseur professionnel mais il semblerait que non. Le mystère autour de lui s’épaississait car à chaque fois que je pensais le découvrir, un voile de mystère l’entourait faisant en sorte qu’il m’échappe. Qui était réellement Sullivan Novak ? Mise à part un dieu grec, je ne voyais pas vraiment. « Je vous avais dit que je saurais vous surprendre non ? » le taquinais-je avec un sourire enjôleur « Et vous n’avez encore rien vu monsieur Novak » soufflais-je tout en prenant de plus en plus d’assurance dans cette danse. Je crois tout simplement que mes années en tant que gymnaste m’avaient permis d’acquérir une certaine faculté d’adaptation mais aussi une souplesse du corps qui me permettait d’épouser totalement le corps masculin qui me faisait face. D’ailleurs, nos corps se livraient à une lutte des plus sensuelles tandis que nous filions sur la musique. Je dois dire que je m’amusais comme jamais, me sentant de plus en plus à l’aise à son contact, laissant même un léger rire franchir mes lèvres lorsque je manquais un pas, frôlant la chute s’il ne m’avait pas retenu au dernier moment. Foutues chaussures à talon à la con ! « Je n’imaginais pas le tango aussi dangereux » soufflais-je amusée sans m’empêcher de songer que cet homme aussi était dangereux pour ma propre santé mentale.
Sullivan n’aurait pas pu être davantage d’accord avec Seraphina sur ce point précis : le mystère cultive l’intérêt, c’est bien connu. Voilà pourquoi il n’était pas fanatique du fait d’apprendre trop vite comment l’une de ses conquêtes dans sa ligne de mire pouvait bien s’appeler. Le prénom de son actuelle accompagnatrice n’était venu que bien après le début de leur première conversation et sans doute était-ce ce qui avait piqué la curiosité du néo-zélandais au vif, bien qu’il peinait sérieusement à se reconnaître. Il n’avait jamais privatisé l’intégralité d’un restaurant du temps où Jane était encore en vie, et ce bien qu’il ait eu quelques instants de folie tout de même en sa compagnie. Vraiment, avec la brunette aux yeux d’un bleu si puissant, c’était différent… totalement incontrôlable d’ailleurs. « Vous l’avez dit et vous avez tenu parole… mais un peu moins de paroles et plus d’actes, demoiselle » la provoqua-t-il tout en poursuivant de la guider, au rythme de la musique qui atteignait ses tympans avec délectation. Il ne s’attendait pas à ce que Seraphina ne loupe un pas, et il lui fallut remercier à la fois ses réflexes de soldat ainsi que sa souplesse de danseur professionnel pour l’avoir rattrapée sans trop de peine. « Mais toute danse est dangereuse, vous savez ! Mais par chance, vous n’étiez pas en de mauvaises mains et vous avez donc manqué un massage de cheville de ma part » énonça-t-il non sans esquisser un petit clin d’œil accompagné d’un sourire mutin. « Vous souhaitez peut-être faire une pause ? »
Plus d’actes ? Que voulait-il de plus de moi ? Mince, c’était bien beau de jouer à la grande mais l’être, c’était une autre paire de manche et je craignais d’épuiser mon bluff avant la fin de cette soirée tant il m’impressionnait autant qu’il m’intriguait. Cet homme savait jouer de son charme, c’était le moins qu’on puisse dire mais je pouvais réussir à donner le change du moins est-ce ainsi que je voyais les choses. Une petite voix me souffla que c’était que pure folie, que le jeu ne valait pas autant de risque mais est-ce que je jouais réellement entre ses bras ? Cette question me brûlait la gorge car je n’étais pas du genre sentimentale, je refusais même de me lier aux autres de peur d’être trahie et abandonnée. Tout le monde finissait par m’abandonner au final alors pourquoi en serait-il de même avec Maggie ou même avec lui bien que nous n’en soyons pas à ce point. D’après les nombreux magasines que j’avais lu, les hommes étaient attirés par une seule chose : le sexe. Pour le coup, j’étais attirée par la même chose surtout s’il se désignait candidat ! « Dommage, je vous aurais bien testé en massage » plaisantais-je « surtout si vous massez aussi bien que vous ne dansez » [/color] ajoutais-je avec un sourire mutin à mon tour « Je ne serais pas contre une petite pause mais promettez moi que nous danserons à nouveau avant la fin de cette soirée » lui demandais-je en posant mes mains sur son torse, venant simplement déposer un léger baiser sur ses lèvres. Il voulait un peu moins de paroles et plus d’actes mais je savais aussi me faire désirer voilà pourquoi le baiser fut aussi léger d’une brise. « Oh et pour information, je suis très habile de mes mains pour ma part » lui appris-je en mordillant ma lèvre inférieure. En même temps, à force d’avoir des crampes au cours de mes entrainements, j’étais devenue une as du massage.
Un rire plutôt sonore peupla désormais l’atmosphère alors que Sullivan n’avait guère pu se retenir : à sa décharge, s’il était provocateur, elle ne manqua pas d’imagination et cela n’aurait été qu’un odieux mensonge que de prétendre le contraire. Surtout en sachant à quel point il avait oublié d’être manchot en matière de massage : il avait perdu toute foi en la kinésithérapie, au point d’avoir pris des cours pour pouvoir masser lui-même ses jambes blessées alors que celles-ci n’étaient pas encore en mesure de supporter à nouveau son poids. Il était presque passé expert, et ce bien que le massage dont ils parlaient soit d’un tout autre ordre. « Pourquoi, votre cheville est douloureuse ? Je n’ai pas pour habitude de faire des choses que j’estime sans fondement, vous savez » énonça-t-il subitement avec un petit haussement de sourcils faussement surpris. « Et pour information… je suis un champion des massages, ce qui vous donne mon titre en tant que danseur » murmura-t-il à son oreille, ne faisant preuve ni d’arrogance ni même de vantardise puisqu’elle faisait actuellement face au champion actuel de tango. Enfin… de l’année passée puisqu’il n’était pas dit qu’il puisse retenter la coupe cette année. « Alors c’est une promesse que je vous fais car voyez-vous, pour des raisons qui me sont personnelles, j’ai besoin de m’entraîner » reprit-il non sans leur servir un verre d’un excellent champagne choisi par ses soins en compagnie d’un sommelier qu’il connaissait depuis un long moment. « Alors trinquons à vos mains, ma chère ? Même si je serais bien curieux de vous laisser prouver vos dires ! »
« Je serais suffisamment tentée pour simuler la plus petite douleur possible rien que pour voir si vous me dites l’entière vérité ou si vous ne faites que vous vanter. Je suis comme Saint Thomas, je ne crois que ce je vois » rétorquais-je avec une légère pointe de provocation dans la voix car comment dire, il m’avait mis l’eau à la bouche avec cette histoire de massage. Cela serait certainement bien plus agréable que ceux de mon coach qui compensait son manque de douceur par de l’énergie à revendre. Toutefois, il avait été bien aisé que je ne me blesse pas surtout que j’étais en passe de passer les qualifications pour les mondiaux. Si je me ratais à nouveau, je pouvais dire adieu à mes chances de médailles surtout que je me faisais déjà vieille à dix-huit ans. La gymnastique était cruelle et les corps blessés des gymnastes ne tenaient pas longtemps sur les années. Pour ma part, mon genou droit avait souvent cédé, devenant ainsi ma principale source de faiblesse bien que je faisais tout pour le ménager. « Y-a-t-il un domaine où vous n’excellez pas monsieur Novak ? » lui demandais-je dans un murmure non sans prendre la coupe de champagne qu’il m’offrait. Merde, c’était beaucoup alcoolisé ce truc ? Je n’en avais jamais goûté, Maggie refusant catégoriquement que nous buvions de l’alcool avant notre majorité. « Je serais ravie de vous servir de partenaire le temps de cette soirée dans ce cas et je serais ravie de vous prouver mes dires car après tout, vous semblez être un homme d’action et non de paroles, je me trompe ? » lui demandais-je tout en portant la coupe à mes lèvres. Hum ce n’était pas mauvais du tout ! Bon, tant que je ne devenais pas pompette à la première coupe, cela m’irait fort bien. « Vous dansez depuis combien de temps ? » lui demandais-je par curiosité car j’éprouvais le besoin grandissant d’en apprendre le plus possible sur lui, évitant toutefois les questions trop personnelles, certaine de me faire envoyer paitre.
« Saint Thomas, hum ? » Sullivan afficha subitement un sourire nettement plus franc alors qu’il reprit la coupe de champagne qu’il lui avait précédemment tendue pour mieux s’emparer du poignet de Seraphina avec délicatesse, l’emmenant s’asseoir sur la première chaise qu’il trouva. Il lui ôta sa chaussure bien évidemment et ne releva sa robe que de quelques millimètres seulement pour accéder pleinement à sa cheville sans pour autant aller jusqu’à la gêner, ce n’était pas le but recherché. « Puisque vous avez tangué du côté droit, je vais supposer qu’il s’agit de la cheville droite. Et pour votre gouverne… je suis un bien mauvais soldat en calcul mental. Avez-vous un défaut de votre côté ? » D’accord ce n’était pas vraiment une tare mais le néo-zélandais n’avait pas envie de creuser un peu trop le gouffre de défauts étant pourtant le sien. Surtout pas alors qu’il amorçait un massage d’anthologie, faisant des miracles avec ses mains pourtant rudes de soldat et ce en faisant preuve d’une douceur le caractérisant fort peu à vrai dire. Sullivan était un homme d’actes, certes, mais pas un homme délicat pour autant. Bien pour ça qu’il s’entendait si bien avec Dillon Wolf non ? Mufle un jour, mufle toujours ! « Vous m’avez bien cerné en tout cas sur ce point, Seraphina… quant à être ma partenaire, je pourrais bien vous prendre au mot car il se trouve que j’en ai vraiment besoin. » Sans lever son nez pour la regarder ni même cesser son massage, Sullivan se remémorait avec amusement de ses tous premiers cours de danse. Pour sûr, sa mère avait manqué la crise cardiaque lorsqu’il avait eu l’audace de les lui demander… mais elle avait plié avant lui. « J’avais six ans lorsque j’ai commencé » avoua-t-il avec la plus grande honnêteté, qualité ne lui appartenant pourtant pas d’ordinaire.
Je fronçais les sourcils avec confusion quand il me prit la coupe des mains, mince s’était-il rendu compte que c’était la première fois que j’en buvais ? Mais le fait qu’il me prenne par le poignet et me conduise à une chaise me rassura du moins les dix premières secondes car je ne m’attendais pas à ce qu’il me prenne aux mots si rapidement. Oh god, il voulait ma mort nerveuse ? Je n’avais jamais été touchée de cette façon par un homme du moins de manière aussi délicate et je devais reconnaitre que c’était plaisant voire très plaisant. J’étais tellement concentrée sur le bien être que me procuraient ses mains que je faillis lui répondre que mon plus gros défaut à cet instant précis était d’être mineure mais je me retins au dernier moment. « J’en ai des tas je dois bien le reconnaitre mais si je ne devais en citer qu’un, je dirais mon incapacité à m’attacher » répondis-je dans un murmure au moins la messe était dite alors pourquoi diable ajoutais-je « mais je suis femme à repousser mes limites » autant lui dire de suite prends moi pendant que j’y étais. Non, j’étais réellement dans l’incapacité de me fier à quelqu’un et surtout de m’attacher émotionnellement. Les cicatrices qui zébraient mon dos l’attestaient cruellement bien que j’avais pu compter sur le soutien d’une amie pour les dissimuler avec brio sous du fond de teint. Les deux seules personnes à connaitre leur existence était cette amie ainsi que Maggie. Seulement, j’avais été meurtrie par leur regard de peine et de compassion. Je ne voulais ni l’un ni l’autre, elles ne me faisaient plus mal, je ne les sentais même plus me mentais-je à moi-même. « Prenez-moi… aux mots je veux dire » bafouillais-je en détournant le regard. Bon sang, j’allais me ridiculiser s’il continuait son massage. « Vous avez commencé au même âge où j’ai commencé la gymnastique. Mes parents adoptifs ont pensé que cela pourrait m’aider à m’intégrer dans la ville où ils habitaient » confiais-je un pan de mon passé sans même y penser. « En tout cas, je dois m’incliner, vous êtes très habile de vos mains pour les massages »
Tiens, tiens, une femme incapable de s’attacher ? Sullivan n’en n’avait pas rencontré énormément et pourtant dieu sait qu’il était un tombeur quand il s’y mettait. Les chiens ne font pas des chats et puis, son amitié avec Dillon Wolf en était le premier témoin. Il était passé expert en relations vingt-quatre heures, tout incapable qu’il était de réellement s’attacher tant le fantôme de Jane lui donnait l’impression d’être partout en même temps. « Faites attention à votre propos, on dirait presque que vous n’avez jamais côtoyé d’homme expert en relations sans attaches » s’amusa Sullivan sans savoir à quel point justement il tapait en plein dans le mille. Mais Seraphina lui réservait mieux encore puisqu’elle parvint à lui arracher une expression à la fois hilare et surprise lorsqu’elle se reprit. Au départ, il prit le parti de ne pas lui répondre – pour ne pas la gêner en prime – mais elle ne perdait rien pour attendre… « Et vous avez continué la gymnastique ? » s’intéressa-t-il tout en fomentant un plan parfait histoire de frapper au moment où elle s’y attendrait le moins. Tel était le talent extraordinaire du néo-zélandais en matière de séduction. « Je vous l’avais dit… mais vous avez préféré Saint Thomas, il y a de quoi être jaloux à force ! » D’un geste habile, Sullivan longea délicatement la jambe de la demoiselle avant de ne s’emparer de ses lèvres avec une sorte de passion dévorante mêlée à la presque vive frustration qu’elle avait fait naître chez lui par ses propos. « Mais parfois il y a autre chose que les mains qui peuvent soulager. Comme je l’ai dis… maîtrisez vos propos ou c’est moi qui risque de vous prendre au mot. » Le jeune homme se releva avec souplesse, retournant auprès de la table où il avait déposé les coupes afin de les reprendre en main… tout en étant fier de son petit manège, bien évidemment.
« Il se peut que je tombe sur des hommes qui se croient sans attache et que je finis par leur donner envie de bien plus que d’être leur amante d’une seule nuit… Standing toussa toussa » m’amusais-je à lui répondre avant de gaffer monumentalement mais heureusement, il fut assez gentleman pour ne pas le relever et je me pensais donc totalement à l’abri puisqu’il poursuivi en me demandant si j’avais continué la gymnastique « Oui durant des années. En fait, au départ, je voyais cela comme une corvée et n’étais guère passionnée par la compétition mais au fil des années, le fait de dépasser mes limites, d’éprouver mon corps, ça m’est apparu comme un art de vivre et je crois que je me suis jamais sentie bien et en sécurité que sur un tatami » me confiais-je en toute honnêteté sans lui dire que mes années de gym n’étaient toujours pas derrière moi puisque je pratiquais encore seulement, je m’attendais pas à la suite et comment dire, son baiser réveilla en moi un appétit dont je me serais jamais sentie capable et je répondis avec la même passion avant de grogner presque frustrée qu’il ne se recule. « Et si j’ai envie que vous me preniez aux mots ? » lui demandais-je tandis qu’il se relevait pour aller chercher nos coupes. Souplement, je me relevais à mon tour, me débarrassant de mes chaussures à talon devenue bien trop gênante –et casse gueule pour m’approcher de lui de manière féline sans le quitter du regard, venant me positionner à quelques centimètres de lui. « Vous m’avez dit d’être moins dans la parole plus dans l’action, peut-être est-ce temps pour moi de vous montrer mes talents de gymnastes ? » soufflais-je avant de glisser mes doigts dans sa ceinture et de tout simplement me laisser glisser au sol dans un parfait grand écart, ne quittant absolument pas son regard un seul instant, osant même me passer la langue sur les lèvres d’une manière des plus suggestives avant de me relever avec grâce « Convaincu ? Ou vous avez besoin d’une démonstration supplémentaire ? »
Oula, oula, oula. Pour un peu, Sullivan osa penser, l’espace d’un instant, qu’il n’avait pas bien entendu et qu’elle ne venait pas de le provoquer en lui demandant presque de la prendre au mot. Effectivement, d’ordinaire le néo-zélandais était davantage un homme d’action et il se surprenait à demeurer autant en retrait mais quelque chose de presque enfantin le surprenait parfois chez Seraphina. Il balayait à chaque fois cette idée, se pensant bigleux ou même temporairement épuisé nerveusement des suites de sa bataille juridique mais sans doute était-ce, inconsciemment, ce qui l’avait stoppé jusque là. Depuis quand faisait-il dans la dentelle après tout ? Il n’était pas du genre romantique ou défenseur de la veuve et de l’orphelin en règle générale… autant dire qu’il ne s’attendait pas à cette démonstration de la part de la jeune femme, qui lui ôta toute envie de s’occuper de ces maudites coupes et le laissa un moment bouche bée avant qu’il ne parvienne réellement à se reprendre. « Vous m’avez montré vos talents de gymnastes, il est vrai » fit-il d’un air provocateur car fondamentalement, il n’avait pas encore eu de démonstration à proprement parler. « Vous êtes souple, et de fait on ne peut plus séduisante mais vous ne rentrez pas pour autant dans le vif du sujet. Donnez-moi donc une vraie démonstration histoire que je frissonne » reprit-il, au comble du culot sans savoir à quel point il la mettait dans la merde. Sullivan disait cela parce que fondamentalement, elle avait fait naître un désir sans précédent chez lui. Il la voulait, que ce soit ici ou ailleurs… et il l’aurait.
Il en voulait plus ? Mais il voulait ma mort ? Je ne savais pas du tout ce que j’étais censée faire pour le séduire ni même conclure… Un garçon de mon âge, il était aisé de le satisfaire, il suffisait de lui montrer ses seins pour qu’il fantasme pendant cinq ans mais un homme de la trempe de Sullivan… Je faisais chou blanc, je rendais copie vierge… comme moi. Pourtant, ce fut avec un regard séducteur que je l’observais, mutine. Note à moi-même, demander à Maggie des cours de théâtre, j’allais être la nouvelle Meryl Streep. « Une véritable démonstration hein ? » susurrais-je avant de lui prendre les coupes des mains et de le pousser jusqu’à une chaise. Je ne savais pas du tout ce que je devais faire mais j’allais laisser parler mon instinct –ainsi que ma connaissance cinématographique pour m’aider à jouer les femmes fatales sans passer pour la vulgaire du coin. Non, il me fallait trouver un juste équilibre et j’étais toujours en train de réfléchir à un plan d’action lorsque je l’asseyais sur la chaise, mes mains sur ses épaules avant de tout simplement entamer une danse des plus sensuelles, alliant quelques pas qu’il m’avait montré peu avant et mes années de gymnaste. Autant dire qu’il était à la noce car je me laissais totalement aller sous son regard, l’effleurant, l’embrassant avant de fuir pour mieux revenir le conquérir sans pour autant négliger quelques massages ici et là… Bref, je donnais tout ce que j’avais pour le séduire jusqu’à m’asseoir à califourchon sur lui pour mieux me pencher en arrière faisant ainsi remonter ma poitrine grâce au décolleté de ma robe avant de revenir chercher ses lèvres pour un baiser des plus sensuels. J’apprenais vite, c’était une de mes plus grandes qualités. « Vous frissonnez monsieur Novak » osais-je venir glisser à son oreille avant d’en mordiller le lobe pour mieux me relever, comme si de rien n’était. « Un peu de champagne ? » plaisantais-je en lui tendant sa coupe, l’air innocente au possible alors que j’avais chaud… très chaud même car je n’aurais jamais pensé qu’effectuer une lapdance à un homme pouvait être aussi excitant !
Note à lui-même : Dillon serait le premier à aimer ce genre d’attention et pourtant, c’était à Sullivan que Seraphina faisait LA lapdance du siècle. Il se sentait aussi fiérot d’avoir fait preuve de tant de culot que bloqué par la température n’ayant de cesse de monter, monter et monter encore sans vouloir s’arrêter. Effectivement, il n’aurait pas pu frissonner davantage qu’en cet instant tant Seraphina parvenait à faire monter la température tout en donnant l’impression de faire cela de façon légère et naturelle. « Peut-être bien… » répondit-il face à son affirmation avant qu’elle ne le planque littéralement sur place, le laissant avec un sourire à la fois amusé et frustré d’un même temps. Merde, elle l’avait allumé comme jamais et elle voulait se sauver comme une petite souris apeurée ? No way ! Sullivan se releva donc à son tour, se glissant dans son dos pour mieux embrasser légèrement son cou afin de lui murmurer : « Et si ce n’était pas de champagne dont j’avais envie ? » Certes, il faisait preuve d’un culot suprême mais elle avait clairement annoncé la couleur et puis… elle ne semblait pas insensible à ses charmes, n’est-ce pas ? Sullivan dévorait actuellement son cou de baisers, ses mains caressant son ventre au travers du tissu sans pour autant l’éloigner d’un millimètre de sa personne. « Votre démonstration était très convaincante, je dois bien le reconnaître… mais la question qui se pose est : étiez-vous sérieuse ? » Il ne valait mieux pas essayer de faire un coup de poker en face d’un pro de la séduction comme Sullivan. Sans doute fut-ce pour voir la sincérité dans son regard qu’il la fit tourner sur elle-même, sans approcher son visage pour l’embrasser, se contentant de la regarder avec sérieux et intensité. Il voulait qu’elle le lui dise… « Cette fois-ci je veux l’entendre. »
Ma respiration se fit haletante sur quelques secondes quand il posa ses lèvres dans mon cou et inconsciemment, je penchais ma tête sur le côté comme pour lui laisser plus de champ de manœuvre. C’était la première fois que je frissonnais pour un homme tant le contact physique m’avait toujours rebuté. Qui ne sursauterait pas s’il avait passé des années à être battu tous les soirs par un homme dont normalement, il n’aurait jamais dû craindre. Je crois que personne ne pourrait et pourtant, Sullivan parvenait à me faire aimer son toucher, sa voix à mon oreille, cette sorte de dominance sensuelle qu’il nous imposait et qui faisait naitre en moi, un émoi sans pareille. « Et de quoi auriez-vous envie ? » murmurais-je à mon tour en frissonnant davantage quand ces mains caressèrent mon ventre. Il me mettait au supplice et j’en étais presque rendue à le supplier quand il me retourna pour que je lui fasse face, plongeant mon regard dans le sien tandis que je mourrais d’envie de l’embrasser. « J’ai envie de toi Sullivan » passais-je inconsciemment au tutoiement avant de capturer ses lèvres qui me narguaient. Je ne me reconnaissais plus car je me demandais qui pouvait être cette femme pleine d’assurance et osant exprimer tout haut ses envies même les plus intimes. Je ne savais pas non plus qui était cette femme qui entoura de ses bras la nuque de Sullivan et qui arqua son corps contre le sien comme pour l’inviter à une danse bien plus sensuelle, bien plus éreintante que le tango. Non, je me reconnaissais pas le moins du monde et pourtant, j’avais l’impression d’être exactement à ma place entre ses bras masculins, comme si durant toutes ces années d’errance, je l’avais attendu… Cette pensée me fit peur car je refusais de m’attacher mais la machine était lancée et je me sentais bien incapable de m’éloigner de cet homme. Je le voulais là… maintenant.
Passer du vouvoiement au tutoiement était tout à fait de mise, surtout dans un moment pareil, et si Seraphina ne l’avait pas fait de son propre chef, sûrement Sullivan aurait-il fini par s’en donner à cœur joie. Pour l’instant, le sérieux marquait son visage, un combat de titan se jouant actuellement dans son esprit et dans son âme, lui que le doute ne marquait jamais. Cette brunette aux yeux d’un bleu si puissant avait révolutionné tout ce qu’il pensait connaître sur les femmes, et son aveu fut comme un déversement de lave provoqué à l’intérieur de ses veines. Une telle chaleur irradiait son corps qu’il lui fallait tout le contrôle du monde pour ne pas en trembler. « Seraphina… je te veux » déclara-t-il avant de ne s’adonner lui-même à un baiser d’un tout autre rythme, marqué par la passion dévorante que le tango avait déjà provoquée avant leur petite joute verbale. Lentement, le jeune homme ne se surprit aucunement à caresser les épaules dénudées de sa brune avant de ne faire délicatement descendre la fermeture de sa robe. Ses gestes étaient lents, langoureux, précis. Sullivan savait ce qu’il voulait et pourtant, sa raison se mit à tout bloquer subitement. « Non » reprit-il alors qu’il s’était légèrement écarté, le souffle court, le regard étonné d’un tel revirement de situation qu’il avait provoqué de son propre chef. Mais qu’est-ce qui clochait chez lui ?! Elle était littéralement offerte à sa personne et lui, il faisait la fine bouche ? Quelque chose clochait. Il ne savait pas quoi et tant qu’il ne serait pas capable de mettre des mots sur ce fameux je ne sais quoi, il ne pourrait pas davantage lui faire l’amour comme elle l’avait presque supplié de le faire. « Je ne peux pas. »
Il me voulait autant que je le voulais et je crois que tout mon corps devait lui envoyer des signaux dans le genre : prends moi ! Je me sentais si bien dans ses bras, si à l’aise avec ma propre sexualité que je voulais bien être croquée par le grand méchant loup tant qu’il mettait fin à cette délicieuse torture car j’avais l’impression que mon bas ventre était en feu et que de la lave en fusion me réchauffait les reins. En somme, j’étais dans de très bonnes dispositions pour faire l’amour pour la première fois, la tête vidée de toute appréhension. Je me sentais prête ! Dommage que mon partenaire ne l’était plus car un vide intersidéral voire glaciale interrompit la chaleur de nos ébats. « Pardon ? » demandais-je complétement hébétée car je ne m’attendais pas à un revirement de la situation. « Comment ça tu ne peux pas ? » [/color] demandais-je presque avec timidité avant que le caractère humiliant de ma position me frappe de plein fouet. « Bon sang c’est quoi ton problème ? Je pensais que tu le voulais autant que moi sinon pourquoi cette foutue soirée ? » M’écriais-je rouge de honte tout rajustant ma robe et refermant la fermeture éclair dans mon dos. « Si tu voulais te prouver que tu étais le plus grand séducteur de tous les temps, voilà c’est chose faite mais tu n’étais pas obligé de jouer avec moi ! » ajoutais-je froidement en récupérant mes chaussures pour les enfiler avec colère. « Je n’ai jamais été aussi humiliée de toute ma vie et pourtant, on m’a rien épargné… Je sais pas quel est ton problème mais ne compte pas sur moi pour le prochain round. Je suis peut-être d’une naïveté affolante d’avoir cru que tu me désirais autant que je te désirais mais je te remercie pour la leçon… on m’y reprendra plus ! » Marmonnais-je au bord des larmes car je me sentais aussi désirable qu’un vieux camembert en plein soleil. J’avais joué à la grande et j’avais perdu et la leçon était dure à digérer car pour moi, Sullivan n’avait fait que se moquer de moi depuis le début. « Bonne soirée ! » décrétais-je en quittant cette salle avec le plus de dignité que je pouvais –et dieu qu’il ne m’en restait pas beaucoup pour attendre un taxi sur le trottoir tout en essayant de retenir mes larmes de colère et de tristesse car cela faisait toujours aussi mal de se sentir à nouveau rejetée.
Oh putain il l’avait rejetée. Le pire, c’est qu’il n’en comprenait même pas la raison ! Il fut un temps où l’honneur ne lui traversait même pas l’esprit, il prenait et jetait à tour de bras sans l’ombre d’un état d’âme mais là, c’était diablement différent. Sans doute n’avait-il pas la moindre envie de poursuivre dans le mensonge et de se dire qu’il ne la voulait qu’une seule fois. Certes, Seraphina était magnifique et prête à se donner à lui mais une sorte de voyant rouge façon warning s’était allumé dans l’esprit du néo-zélandais et rien à faire, il n’avait pas su l’éteindre et passer outre. Il se redressa sans un mot, sans même presque de regard, se sentant aussi vidé que profondément désolé. Il méritait ses paroles et pour un peu, il fut surpris qu’elle ne le gifle pas de façon monumentale car fondamentalement, il l’aurait mérité. « Désolé… » souffla-t-il simplement, sans grande conviction, bien qu’il soit si profondément désolé qu’il peinait à s’en exprimer. Il aurait d’ailleurs voulu la retenir, lui expliquer autant que possible la raison pour laquelle il l’avait repoussée mais rien ne vint… à la place, il shoota la première chaise à proximité de son pied et but une telle quantité de champagne que lorsqu’il arriva en mode désespéré chez Dillon pour lui expliquer de façon extrêmement vague la situation… il était aussi net que de la purée de marron moisie dix mois au soleil.
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