Depuis plusieurs semaines, l’esprit d’Esteban était accaparé par une seule et même chose, ou plutôt une seule et même personne. Bien sûr, il avait gardé ses ennuis d’avant, les souvenirs de sa prise d’otage et celui de sa sœur à qui il pensait tous les jours, mais un nouveau problème de taille était désormais de la partie. Quelques semaines plus tôt, Esteban avait décidé de prendre part à une série de combats illégaux, dans le seul but d’arrondir une fin de mois pour le moins difficile. Certes, le jeune homme commençait à se faire une clientèle plutôt fidèle mais malgré cela, il avait encore un peu de mal à joindre les deux bouts. Lui qui avait de bonnes notions ne ce qui concernait les sports de combat avait vu dans ces duels la solution idéale de remplir ses poches pour tenir jusqu’à ce que son prochain client daigne le payer. Mais ce que le colombien n’avait pas prévu, c’était de se retrouver nez-à-nez avec la personne qu’il estimait le plus ici, Phoenix. A sa plus grande surprise, il l’avait vue se présenter devant lui alors qu’il s’apprêtait à combattre. Et lorsqu’il avait enfin compris qu’il s’agissait en fait de son adversaire, tout s’était écroulé. D’abord réticent à l’idée de se battre contre elle, Esteban s’était finalement vu craquer et sans qu’il ne comprenne encore pourquoi ni comment, il avait littéralement terrassé la jeune femme. Mais en la voyant étendue par terre, complètement inerte, le colombien avait fait preuve d’une extrême lâcheté, et avait fui sans demander son reste, et sans donner la moindre nouvelle depuis.

Seulement voilà, quoi qu’il fasse pour oublier cet épisode houleux de son séjour à New-York, il ne pouvait résolument pas enlever cette image de Phoenix inconsciente de son esprit. Alors, à plusieurs reprises il avait prit la décision de passer chez elle histoire de voir si elle était toujours en vie, mais à chaque fois il s’était démonté avant d’arriver. Néanmoins, le souvenir de ce combat n’avait de cesse de le hanter jour et nuit, et Esteban avait aujourd’hui prit la décision de mettre fin à tous ses doutes. Il devait savoir si oui ou non il avait commis l’irréparable, si oui ou non cet acharnement dont il avait fait preuve à l’encontre de Phoenix lui avait couté la vie. Alors, en essayant de penser à tout autre chose, le jeune homme s’était approché du quartier dans lequel elle résidait, puis de l’immeuble dans lequel se trouvait son appartement. Lentement, un peu à la manière d’un robot, il avait gravi les marches qui le séparaient encore de ce lieu où ils s’étaient retrouvés par hasard quelques mois plus tôt. Comme pour se donner un peu de courage, Esteban avait soufflé un bon coup avant de frapper à la porte, attendant fébrilement que quelque chose se passe. A ce moment-là, il s’attendait à tout et n’importe quoi mais la seule chose qu’il désirait (même s’il la craignait), c’était de se retrouver en face de Phoenix. N’entendant rien de particulier à l’intérieur de l’appartement, le jeune homme retint son souffle encore quelques instants, jusqu’à ce qu’il voit la poignée s’actionner sous ses yeux… vision qui le tétanisa littéralement et l’empêcha même de poser son regard sur la personne qui venait de lui ouvrir.

Le fait de voir Phoenix debout devant lui éveillait en Esteban un grand sentiment de soulagement, mais aussi une certaine angoisse. Il savait qu’il était en tort, et ce depuis le début. Il n’aurait jamais du participer à ces combats illégaux, il n’aurait pas du l’écouter et tout abandonner lorsqu’il s’était retrouvé confronté à elle, il aurait du pouvoir se contrôler… ne pas frapper sur elle comme s’il cherchait à tout prix à l’éliminer. Mais ce soir-là, le colombien n’avait pas été maître de ses propres mouvements. Une pulsion s’était emparée de lui alors qu’il n’était pas dans son état normal, et au moment où il avait réalisé être allé beaucoup trop loin, Esteban avait simplement eu peur. Il avait eu peur de cette personne qu’il était devenu durant quelques instants, de cette personne qu’il ne reconnaissait pas. Le jeune homme s’était tellement surpris lui-même qu’il lui avait fallu plusieurs semaines pour se faire à l’idée qu’il devait aller prendre des nouvelles de Phoenix. Mais après plusieurs tentatives infructueuses, il y était enfin. Elle était là, bien vivante, mais avait l’air plutôt amère. Et après tout, c’était bien légitime. De plus, l’attitude qu’adoptait Esteban en face d’elle n’arrangeait rien. Incapable de croiser son regard, il dut attendre qu’elle s’éloigne de la porte d’entrer pour enfin oser lever les yeux vers elle.

« Je commençais à me demander lequel de nous était invalide & incapable d'aller voir l'autre... » lâcha-t-elle depuis sa petite cuisine qu’elle avait rejoint en constatant l’immobilité du colombien. Tout d’abord hésitant, le jeune homme se décida finalement à entrer dans l’appartement, en prenant soin de refermer la porte derrière lui. Il s’approcha ensuite en soupirant de la cuisine, avant de marquer une pause histoire de se donner un peu de courage. Osant enfin braquer ses yeux vers Phoenix, Esteban balbutia : « Je sais que j’aurai du venir plus tôt, j… j’ai essayé. Mais je ne savais pas si… » Il fut incapable de terminer sa phrase et ne fit d’ailleurs aucun effort pour cela, bien conscient que la jeune femme savait de quoi il voulait parler. « Je suis venu pour m’excuser. Je sais que ça ne suffira pas, et que ça n’effacera pas tout ça mais pour ce que ça vaut… je suis désolé. » Tout en parlant, Esteban détailla Phoenix du regard histoire de voir dans quel état elle était. Une petite grimace étira alors ses lèvres, juste avant qu’il ne se risque à demander : « Est-ce que… est-ce que ça va ? »

Esteban était extrêmement mal à l’aise, et tenté de prendre ses jambes à son cou pour disparaître et ne jamais avoir à repenser à cette histoire. Mais le fait qu’il s’agisse de Phoenix le retenait ici, et c’est ne prenant son courage à deux mains qu’il pénétra dans l’appartement, rejoignant la jeune femme dans sa cuisine. L’ambiance était glaciale, et Phoenix n’accorda absolument aucun regard au colombien, ce qui en soit était parfaitement compréhensible. Esteban se lança alors sans plus de cérémonie, allant jusqu’à lui demander comment elle allait. Mais à ce moment-là, le jeune homme eut la désagréable impression d’avoir commis un impair. Phoenix fronça les sourcils et bloqua pendant quelques instants avant de reprendre : « Attends, est-ce que... tu t'en veux de m'avoir frappé ? Et que c'est pour ça que t'es pas venu avant ? » Pas certain de comprendre où elle voulait en venir, Esteban fronça lui aussi les sourcils en acquiesçant timidement d’un hochement de tête.  Mais sa réponse sembla déclencher une drôle de réaction chez sa voisine, qui s’énerva d’un coup en bousculant même sa tasse de café. Si elle lui en voulait, ce n’était visiblement pas parce qu’il l’avait frappée mais parce qu’il n’avait pas refait son apparition avant. C’était à peine compréhensible. En clair, il avait eu tort d’attendre, tort d’avoir eu peur de trouver un appartement vide et d’apprendre une mauvaise nouvelle.

Phoenix lui expliqua ensuite qu’elle aurait préféré qu’il l’épargne un peu plus, mais qu’au fond ce n’était pas ce qui la chiffonnait le plus. Autant dire qu’Esteban était absolument à côté de la plaque en venant s’excuser pour les coups qu’il lui avait assénés pendant leur duel. Et après réflexion, le colombien réalisa qu’elle n’avait pas tout à fait tort. C’est effectivement elle qui lui avait demandé de frapper et au final, il n’avait fait que s’exécuter. Phoenix ne pouvait décemment pas lui en vouloir pour un acte qu’elle l’avait prié de faire. « Il n'empêche que t'aurais dû venir plus tôt. » conclut-elle sèchement en laissant Esteban un peu abasourdi. Mais après quelques instants de silence, il décida de ne pas laisser filer sa chance de se racheter, et entreprit d’expliquer ce qui lui était passé par la tête durant ces dernières semaines. « Ecoute je suis venu plusieurs fois, mais à chaque fois j’ai rebroussé chemin en bas de chez toi. Pourquoi ? Parce que j’avais peur ! J’avais peur de retrouver ton appartement vide, j’avais peur de t’avoir fait du mal… plus que ce que j’aurai voulu. Même si tu ne m’a pas vu, ça ne veut pas dire que je ne m’inquiétais pas pour toi, j’étais mort de trouille ! » avoua-t-il avant de détourner son regard de celui de Phoenix. Mais sans pouvoir s’en empêcher, il releva brièvement les yeux vers elle pour ajouter : « Est-ce que ça aurait vraiment changé quelque chose si j’étais venu plus tôt ? » L’aurait-elle pardonné ? Aurait-elle effacé cet épisode de sa mémoire aussi facilement ? Le colombien en doutait mais après tout, elle venait de lui prouver qu’ils n’étaient pas du tout sur la même longueur d’ondes concernant toute cette histoire…

Devant l’attitude de Phoenix, Esteban avait bien du mal à se sentir à l’aise. D’une part, la situation ne s’y prêtait pas vraiment et il savait que celui qui avait le plus de torts dans l’histoire, c’était lui. D’autre part, le fait que la jeune femme fasse comme s’il n’était pas là ne l’encourageait pas vraiment à s’expliquer. Pourtant, le colombien était venu avec ce but principal en tête. Elle devait connaître la vérité, savoir qu’il était désolé, et conscient d’être impardonnable. La seule chose qu’il désirait au fond, c’était qu’elle passe l’éponge sur tout ce qui était arrivé… si tant est que cela soit encore possible. Alors, rassemblant tout son courage et faisant fi du manque d’attention de son hôte, Esteban se lança dans des explications on ne peut plus sincères. Phoenix, de son côté, resta stoïque pendant toute la durée de son discours mais le jeune homme prit sur lui et ne se démonta pas, trouvant même l’audace de demander si sa présence auprès d’elle un peu plus tôt aurait réellement changé quelque chose. « Well... Un peu... » répondit-elle en grimaçant. Et alors qu’Esteban s’attendait à une nouvelle salve de remontrances bien méritées, la réaction que lui offrit la jeune femme fut toute autre. Tout à coup, elle paraissait abandonner toute la rancœur qu’elle nourrissait certainement envers lui, et finit même par hausser les épaules en proposant une tasse de café au colombien.

Totalement décontenancé, Esteban cligna bêtement des yeux plusieurs fois avant de hocher la tête. « Euh… oui, oui je veux bien… s’il te plait…. » balbutia-t-il comme s’il n’était pas encore certain que les hostilités soient bel et bien terminées. « Et puis, je suis forte, je sais quand même prendre quelques coups ! Si tu crois que tu peux me faire plus que ces petites éraflures... » reprit alors Phoenix, en esquissant au passage un premier sourire qui réchauffa le cœur du colombien. Rassuré, il lui offrit à son tour un sourire avant de secouer la tête. « Tu m’as vraiment fais peur ! Au risque de me répéter, je suis désolé pour tout ça… » ajouta-t-il, un peu plus détendu qu’auparavant. « Tu sais, c’est peut-être bizarre de te dire ça maintenant mais… même si on ne se connait pas très bien, tu es la personne que je connais le mieux ici à New-York, celle en qui j’ai le plus confiance… alors je m’en serai vraiment voulu si je t’avais fait du mal. Et… et j’aurai du venir te voir plus tôt. Mais je suis content que tu ailles bien, et que tu acceptes encore de me parler après ça… » Esteban se saisit alors de la tasse de café qu’elle lui tendait, et s’empressa d’en boire une gorgée comme pour couper lui-même court à son discours un peu trop long et maladroit à son goût. Puis après quelques secondes, il releva les yeux vers Phoenix, hésita, et finit par se hasarder : « Est-ce que maintenant… je peux te demander si ça va ? »

Esteban n’aimait pas particulièrement montrer ses faiblesses mais pour le coup, il ne pouvait clairement pas faire autrement. Il ne voulait pas mentir à Phoenix, et ne comptait même pas lui cacher combien il s’était inquiété pour elle au cours de ces dernières semaines. Alors même si sa fierté en prenait un coup, c’était  ses yeux le seul moyen de se rendre crédible et de faire comprendre à la jeune femme qu’il restait celui qu’elle avait connu et apprécié malgré tout. Après quelques premières minutes plutôt difficiles, Phoenix accepta enfin de baisser les armes et sans prévenir, se mit à agir comme si rien ne s’était jamais passé. Et même si ce retournement de situation était tout ce qu’il y avait de plus surprenant, Esteban l’accueillit avec un immense soulagement. Sans même qu’elle ne dise ou ne montre quoi que ce soit, le colombien sentit qu’ils s’étaient compris. Il ne la connaissait pas encore par cœur, mais en savait assez sur elle pour ne pas être surpris qu’elle ne soit pas plus démonstrative. Elle était comme ça, secrète et mystérieuse, et c’est aussi pour cette raison qu’ils s’étaient tout de suite bien entendus. « Enfin, j'imagine que ça veut surtout dire qu'on est tous les deux bien pourris, niveau vie sociale... » déclara Phoenix en guise de conclusion plutôt triste lorsqu’on y pensait, et pourtant bien vraie. Aussi amusé que désespéré, le jeune homme haussa les épaules en grimaçant, bien incapable de se défendre face à de telles insinuations. « Mieux vaut être seul que mal accompagné, c’est pas comme ça qu’on dit ? » répondit-il avec une ironie non dissimulée. « On n’est pas seuls, c’est déjà ça ! »

Engloutissant une nouvelle gorgée de café Esteban se risqua ensuite à réitérer sa question, soucieux de savoir si elle s’était véritablement remise de leur petite « altercation ». Mais comme il aurait pu s’en douter, Phoenix se contenta de le rassurer sans donner plus de détails, préférant dévier la conversation vers Stormy qui par la faute du colombien, manquait visiblement d’exercice. Une grimace gênée traversa alors le visage d‘Esteban qui s’empressa de replonger ses lèvres dans sa tasse de café. « Et toi, qu'est-ce que t'as fait pendant tout ce temps ? A part penser à mon éventuelle mort, obviously. » Décidément, l’humour qu’elle adoptait n’était pas fait pour le mettre à l’aise. Mais fort heureusement il avait désormais compris qu’elle avait effacé cette histoire de sa mémoire ou du moins qu’elle ne lui en tenait plus vraiment rigueur, et le colombien se permit par conséquent de sourire. « Euh… tu veux dire, des trucs intéressants ? « commença-t-il en faisant mine de fouiller au plus profond de sa mémoire. « Tu connais maintenant toute l’étendue de ma vie sociale donc… à part travailler, travailler et travailler, je n’ai pas fait grand-chose ces derniers temps… la vie à New-York, c’est pas aussi fun que ça en a l’air ! » ajouta-t-il en souriant, bien conscient aujourd’hui que tous ses rêves d’adolescent avaient été battis sur une image quelque peu idéalisée de la Grosse Pomme. « Je ne serai pas contre un peu plus d’animation ceci dit… mais je n’ai pas encore trouvé l’endroit idéal… » A vrai dire, il n’était pas un grand adepte des boîtes de nuit, et l’optique de sortir seul dans un bar le consternait plus que ce qu’il l’enchantait. Alors, le colombien profitait de ses longues soirées seul chez lui pour continuer encore et toujours les recherches qu’il avait entreprises pour retrouver sa sœur. Et même si pour l’heure il n’avait obtenu absolument aucun indice, Esteban ne perdait pas espoir, voulant croire à tout prix que Luisa s’en était elle aussi sortie. Chassant bien vite ces pensées-là de son esprit, le jeune homme releva les yeux vers son hôte, et proposa : « Ca fait longtemps que tu n’es pas allée voir Stormy ? Ca te dirait qu’on y aille ensemble ? Je n’ai pas de rendez-vous de prévus donc… j’ai du temps pour t’accompagner. »

Peu à peu, l’ambiance se détendait entre Phoenix et Esteban, l’atmosphère devenait plus respirable et l’un comme l’autre s’autorisait désormais quelques traits d’humour. Pour la plus grande satisfaction du colombien, il retrouvait ce qu’il appréciait le plus chez la jeune femme : son air détaché, son humour noir… Il la retrouvait elle, tout simplement. Et c’était tellement inattendu qu’Esteban avait encore un peu de peine à y croire. Il avait bien cru ne jamais la revoir, ne jamais oser l’approcher de nouveau et pire, il avait même imaginé l’avoir tuée. Mais au final il se trouvait complètement ridicule de ne pas être venu la retrouver plus tôt, et comprenait parfaitement la rancœur qu’elle avait eue en le voyant arriver. Mais même s’il ne pourrait jamais oublier toute cette histoire, Esteban avait désormais à cœur de se concentrer sur l’instant présent et de reprendre sa relation avec Phoenix là où il l’avait laissée. Profitant de ce retour à la normale inespéré, le jeune homme se lança donc dans une conversation des plus banales avec son amie retrouvée. Evoquant leur manque de vie sociale ainsi que leurs difficultés à trouver des endroits dans lesquels ils pourraient vraiment s’amuser, ils retrouvaient peu à peu cette sorte de complicité qui les caractérisait. Phoenix l’invita même indirectement à sortir dans des endroits qu’elle connaissait et qu’elle appréciait, proposition qu’Esteban s’empressa d’accepter en hochant la tête.

Puis, une idée qu’il ne trouva pas si mauvaise lui traversa l’esprit et pour son plus grand bonheur, sembla également ravir son hôte. « Oui, bien sûr. Je suis encore en congé, we could do that. » répondit-elle, visiblement très étonnée qu’il ait eu l’audace d’une telle proposition. Quoi qu’il en soit, le sourire qu’elle affichait depuis qu’il avait évoqué son zorse faisait plaisir à voir, et Esteban se félicita intérieurement d’avoir eu cette idée-là. « Finis ton café, & on peut y aller. Ma voiture est juste dehors. » ordonna Phoenix, totalement enthousiaste à l’idée de retrouver Stormy. A la fois amusé et satisfait de voir un tel entrain, le colombien s’exécuta sans attendre avant d’aller déposer sa tasse vide dans l’évier. « Prêt ! » annonça-t-il ensuite fièrement à la jeune femme qui s’empressa de quitter l’appartement.

Après l’avoir suivie jusqu’à sa voiture, Esteban s’installa côté passager et laissa la jeune femme démarrer. Un petit sourire était peint sur ses lèvres et ne semblait plus vouloir les quitter. Se retrouver là, avec Phoenix qui était la seule personne qu’il pouvait considérer comme une amie et sortir comme s’il était quelqu’un de normal… Au final, c’était tout ce que le colombien voulait. Alors que leur véhicule s’infiltrait dans la circulation New-Yorkaise, Esteban se remémora l’allure de Stormy, et son sourire ne fit que s’agrandir. « La dernière fois que je l’ai vu, on était au Mexique ! Ca me fait plaisir de pouvoir le revoir… ça me rappelle un peu le jour où on a discuté sur la plage là-bas… Si on m’avait dit que je te retrouverai à New-York ! » s’exclama le colombien en laissant échapper un bref éclat de rire, définitivement soulagé et heureux de pouvoir compter Phoenix parmi ses proches.

Durant tout le trajet qui les mena de New-York vers Greenwood Lake, la conversation alla bon train entre Phoenix et Esteban. L’un comme l’autre semblait ravi d’avoir retrouvé cette relation qui les liait depuis que leurs chemins s’étaient de nouveau croisés à New-York. Cette relation sur laquelle le colombien ne parvenait d’ailleurs pas à mettre un nom, mais à laquelle il tenait énormément. Même s’il savait que c’était faux, Phoenix était la seule personne qu’il avait l’impression de connaître, sur laquelle il pensait pouvoir s’appuyer en cas de coup dur. Mais surtout, elle était le seul pseudo-lien avec son passé qu’il entretenait ici, dans la Grosse Pomme. Même si elle ne connaissait pas vraiment son histoire, la jeune femme lui rappelait à chaque instant d’où il venait, et les épreuves qu’il avait du traverser pour en arriver là. Ce sentiment aurait d’ailleurs pu faire fuir Esteban mais au contraire, il semblait se raccrocher à ces souvenirs comme à une bouée de sauvetage… Quoi qu’il en soit, ni lui ni Phoenix ne semblait avoir pour habitude d’étaler ses états d’âmes devant quelqu’un d’autre et bien vite, la conversation dévia vers Stormy et le fait que la jeune femme n’ait pas pu le garder près d’elle à New-York. Fort heureusement, elle avait fini par lui trouver un endroit où crécher et visiblement, le zorse s’y était vite habitué.

Une fois arrivés à destination, Phoenix entraina rapidement le jeune homme vers le box où ils retrouvèrent Stormy. Suivant les conseils de sa propriétaire qui doutait visiblement que l’animal se souvienne d’Esteban, ce dernier resta un peu en retrait, préférant observer le regard brillant de Phoenix au moment où elle approcha Stormy pour le caresser. Sans pouvoir s’en empêcher, le colombien esquissa un sourire à la fois discret et attendri, un peu comme s’il se trouvait en face d’un enfant à qui il avait rendu son jouet préféré. « Viens, on va te montrer les environs. Reste près, il va s'habituer à toi. » assura-t-elle alors en sortant l’animal de son box pour prendre le premier chemin menant visiblement vers la forêt. Lentement et sans le lâcher des yeux, Esteban s’exécuta et se rapprocha de Stormy en faisant claquer sa langue contre son palais comme pour l’amadouer. Il n’en avait pas particulièrement peur, mais ne souhaitait pas que leur visite se transforme en catastrophe et que Stormy leur échappe par sa faute. Tout en avançant vers la forêt, Esteban laissait son regard glisser tout autour de lui avec une certaine nostalgie. Depuis qu’il était arrivé à New-York, il lui était rarement arrivé de se retrouver dans un endroit pareil, entouré de nature et bien loin des immenses buildings qui faisaient désormais son quotidien. Et indéniablement, cet environnement lui rappelait celui dans lequel il avait vécu lors de sa détention. La forêt, c’est tout ce qu’il avait connu pendant 6 ans, et c’est aussi tout ce qu’il avait cherché à fuir en quittant la Colombie en urgence. Mais aussi et surtout, c’est là qu’il avait tout perdu : ses parents, sa sœur, sa vie. De peur de se laisser emporter par se trop plein d’émotions, le jeune homme secoua brièvement la tête avant de jeter un regard troublé en direction de Phoenix, visiblement ravie de retrouver son plus fidèle compagnon. « C’est vraiment sympa par ici ! » lança-t-il pour reprendre un semblant de conversation. « J’imagine que ça fait partie d’un des endroits que tu me conseilles pour me changer les idées ? Tu y viens souvent ? » Une nouvelle fois, son regard se perdit quelques instants sur la forêt qui les entouraient, puis il se reprit et annonça : « En tous cas… si un jour tu as besoin ou envie de quelqu’un pour t’accompagner ici… je me porte volontaire. »