Je haussais légèrement les épaules. « Bah un peu quand même. Je veux dire si je cuisine dans mon propre restaurant, j’aurais forcément moins le temps de cuisiner pour des personnes démunies. Et je ne sais pas, mais faire payer pour des plats que je fais finalement gratuitement, est-ce que c’est pas un peu immoral ? Bref, je sais pas. Cuisiner, c’est ma passion et ça depuis que je suis toute petite. Je me rappelle que j’empêchais notre gouvernante de préparer le dîner parce que je voulais le faire moi-même. Et je devais avoir à peine huit ans à ce moment-là. Et le Pasteur Douglas pense qu’il faut aussi que je commence à penser à moi, avant de penser aux autres. Donc si je pense à moi avant de penser aux autres, c’est sûr qu’ouvrir un restaurant, c’est ce que je veux faire. Mais comment fixer les prix par exemple ? » monologuais-je, sans vraiment m’en rendre compte, en m’emmêlant de plus les pinceaux. « Versailles et New York, ce n’est vraiment pas la même chose. New York, c’est un peu toute l’Île de France en fait. Donc il y a de la mixité sociale, il y a de tout. Alors que Versailles, c’est vraiment un concentré de personnes se croyant supérieurs aux autres simplement parce qu’ils ont de l’argent. Et je pense que l’Être Humain n’est pas fondamentalement égoïste et individualiste. C’est cette société hyper capitaliste dans laquelle nous vivons qui rend les Êtres Humains ainsi. Mais à la base, on a tous du bon en nous. Il faut simplement se retrouver, c’est tout. »

D’un coup, je retirais ma main de son bras pour les lever en l’air, sa réponse m’ayant donné une idée. « Oh ! Oh ! Je pourrais réinsérer des personnes sans emploi ! Je pourrais en prendre pour m’aider au restaurant ! Comme ça, je réaliserais mon rêve, mais en même temps, ce ne serait pas totalement égoïste puisque je donnerais un métier à des personnes en ayant besoin ! C’est un peu comme ma folie acheteuse ! C’est pas totalement égoïste de m’acheter tous ces vêtements, vu que je m’en lasse deux mois après et que je les donne donc à des personnes démunies ! Là c’est la même chose ! » m’exclamais-je enjouée, avant de le prendre rapidement dans mes bras pour l’enlacer, pour le remercier du poids qu’il venait de m’enlever. « Oui, c’est vrai que je pourrais demander à mon grand-père son avis financier sur la question. C’était l’un des meilleurs dans son domaine en plus. Tout le monde voulait le voir. Il pourrait totalement m’aider sur la question. Même qu’on pourrait s’associer ! T’imagines le rêve ! Travailler avec Armand ! » reprenais-je, mon enthousiasme totalement retrouvé, avant de réfléchir à sa question, sur comment retrouver le bon en soi. « Je ne sais pas vraiment comment je fais. Ni même si je le fais bien. J’essaye de me dire qu’il y a des personnes qui ont réellement besoin d’aide et que c’est plus important que le reste. Qu’il faut donner aux autres ce qu’on a eu gratuitement, simplement en étant né dans la bonne famille. Et comment le faire ressortir chez les autres ? Personnellement je harcèle la personne jusqu’à ce qu’elle me dise oui. » terminais-je dans un éclat de rire.

Je sentais la crispation monter dans le corps de mon interlocuteur tandis que je le prenais dans mes bras pour l’enlacer en guise de remerciement pour son idée. Il était vrai que j’étais une personne très expansive et très spontanée, et je ne pensais jamais au fait que cela pouvait gêner les personnes qui m’entouraient. Autant mes meilleurs amis étaient bien habitués maintenant, et même si Lexie était beaucoup plus timide que moi, cela ne la surprenait plus à présent. Je m’empressais donc de rompre cette étreinte forcée avant de lever les yeux au ciel à l’écoute de sa réplique. « Je ne répondrais même pas … » répondais-je dans un petit sourire en coin. « Oui et puis c’est moi qui cuisinerais en plus, donc j’ai pas besoin de cuisiniers juste de commis. Et encore, ça va pas être un immense restaurant non plus, donc peut-être que je gérerais la cuisine moi-même. Et puis ce serait les serveurs et commis de vaisselle que j’embaucherais ! Et là, ils auront juste besoin d’une petite formation, mais tout le monde peut le faire quand même ! Donc je peux en effet prendre des personnes en réinsertion, ce serait vraiment le rêve ! Vivre de ma passion tout en aidant les autres ! Et oui, mon grand-père m’aidera sans aucune difficulté. Il acceptera même avec plaisir je pense ! » répondais-je, les yeux émerveillés. « Oui mais en harcelant les gens, ils acceptent de m’aider. Et en acceptant ça, généralement ils réalisent qu’ils ne sont pas le centre du monde. Enfin j’espère. C’est un peu le but en tout cas … »

Je le rejoignis rapidement dans son rire, qui finit par un fou rire dont je mis du temps à me remettre. En même temps, j’avais le rire très facile, donc ce n’était pas vraiment étonnant. Je riais à peu près à tout, et autant dire que lorsqu’une personne riait, cela ne mettait pas beaucoup de temps avant que je n’en fasse de même. « Je ne parle pas forcément de toi, mais plutôt en général en fait. Après oui, tu fais partie du lot. Mais bon, je suis la dernière personne à juger hein. Je ne suis pas d’accord avec toi, et je pense différemment, mais que serait le monde si nous étions tous identiques ? » posais-je rhétoriquement une question. Et je pensais ce que je disais. Je ne me permettais jamais de juger les autres. Tout d’abord parce que ça n’arrangerait absolument rien, et aussi et surtout parce que je ne tenais pas spécialement à ce qu’on me juge. ‘Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse’ était un peu mon crédo en fait. Et puis en plus, ce n’était pas en critiquant qu’on convainquait, bien au contraire. « Je pourrais t’apprendre quelques petits trucs si tu veux ! Ça pourrait être sympa n’empêche ! C’est quoi ton plat préféré ? Je suis sûr que tu pourrais t’amuser à le faire toi-même ! »

« En fait, je pense que le mieux, c’est d’être différent, tout en ayant quelques points en commun. On en parlait avec ma meilleure amie il n’y a pas longtemps d’ailleurs. Bon, on parlait plus de relation de couple en fait. Et c’est vrai que ça ne s’applique pas vraiment aux amis. Quoique quand on regarde mes amis, même si on est plutôt différent et qu’on ne pense pas forcément pareil, il y a forcément des choses sur lesquelles nous sommes d’accord. Donc oui, ça marche en couple et en amitié je pense … » m’emmêlais-je les pinceaux. Je ne comprenais même pas ce que je racontais exactement, donc il en serait probablement de même pour Noah. Mais bon, je devais bien avouer que cette après-midi avec lui m’avait amené à le voir sous un autre angle. Bon, je le trouvais toujours aussi égocentrique – encore prouvé tout à l’heure lorsque nous distribuions de la nourriture, enfin surtout moi d’ailleurs – mais finalement, nous avions quelques petites choses en commun. Je me doutais bien qu’en grattant sous la surface, je finirais par trouver quelque chose en dessous ! « En même temps, je n’ai pas envie d’être jugée. Donc forcément, je ne vais pas juger les autres. Comme dirait l’adage : ‘ne fais pas aux autres ce que tu n’as pas envie qu’on te fasse’. C’est à peu près la même chose pour moi. » répondais-je, avant d’éclater de rire en voyant la tête qu’il faisait tandis que je lui proposais de lui donner des cours de cuisine. « Et tu n’as pas envie d’apprendre à faire de bonnes lasagnes ? » lui demandais-je dans un grand sourire, avant de reprendre. « Bon, soit. Est-ce que je peux au moins te proposer de t’en cuisiner ? »

« C’est bien les hommes ça ! Dès qu’on commence à parler de relations de couple, d’amour et de toutes ces choses romantiques, ils ne sont d’aucun secours ! » riais-je, avant de reprendre. « Il faudra un jour qu’on m’explique la raison. Pourquoi est-ce que c’est un sujet tabou chez les hommes ? L’amour fait partie de la vie pourtant. Et je ne parle même pas d’avoir d’expérience ou pas dans ce domaine. Après tout, je n’ai eu qu’une seule relation sérieuse, donc je ne suis pas une spécialiste dans ce domaine, mais je n’ai jamais compris la gêne que les hommes avaient sur ce sujet … » répondais-je, très sérieuse. Et ce n’était pas que de Noah dont je parlais. C’était vraiment une expérience que j’avais eu à plusieurs reprises, et même mon jumeau était pareil. « Petit et manipulateur ? Je suis blessée monsieur Petrelli. » répondais-je théâtralement, posant ma main sur mon cœur pour accentuer mes propos. « Non, en effet je n’attends rien en retour. C’est juste que tu m’as montré ta passion, et que même si tu connais la mienne, je ne te l’ai jamais montrée. Donc peut-être que je peux t’apprendre à faire des lasagnes, et en échange, tu m’apprends à faire du trapèze ? Bon, par contre j’ai le vertige, donc si je me mets à crier pendant le cours, il ne faudra pas s’inquiéter … » proposais-je dans un grand sourire. Bon, apparemment le fait d’apprendre à cuisiner ne l’inspirait pas énormément, mais pourquoi pas après tout ? Au pire, il me regarderait faire, un peu comme je l’avais fait tout à l’heure …

« Oui, enfin j’ai quand même l’impression que c’est surtout chez les hommes qu’il y a une gêne. Ma meilleure amie n’a jamais eu de relation et pourtant elle parle d’amour aussi. Et je ne pense pas que ce soit une question de caractère. C’est vrai que je suis une vraie pipelette et donc que je n’ai pas la langue dans ma poche. Mais je sais pas, parler d’amour devrait être une chose naturelle. L’amour fait partie de la vie … » répondais-je dans un sourire. « Attends, tu n’as jamais eu aucune relation ? Tu n’as jamais été amoureux ? » lui demandais-je, percutant seulement maintenant ce qu’il avait sous-entendu. Et puis même si je n’avais eu qu’une seule vraie relation, je le pensais quand je disais que l’amour faisait partie de la vie et je n’imaginais pas ma vie future sans amour. Bon, bien sûr, trouver un homme qui accepterait tous mes défauts serait un peu compliqué. Des hommes que j’avais connus et avec lesquels j’avais eu au moins un rendez-vous – à l’exception de mon seul petit ami – peu avaient voulu réitérer la chose. Peut-être que je pourrais faire des efforts lors d’un premier rendez-vous, mais pour quoi faire ? Après tout, si c’était pour avoir un second rendez-vous, c’était totalement stupide et autant que la personne sache qui j’étais réellement dès le début non ? Au moins, personne ne perdait son temps. Je me demandais d’ailleurs si je n’allais pas tenter les rencontres par internet. Au moins, les hommes qui m’inviteraient sauraient dès le début qui j’étais. « C’est exactement ce que je veux ! Et ne t’inquiète pas, je ne raconterais à personne ce que je sais. Même si je ne comprends pas pourquoi tu le caches car pour moi ce n’est absolument pas honteux, au contraire, tu as tes raisons et je les respecte. »

« Je peux totalement parler de sexe. Okay, ce serait mentir que de dire que cela ne me gênerait pas d'en parler. Mais je peux en parler. Et je vais probablement sonner fleur bleue, mais pour moi, l'amour et le sexe sont liés. Bon, je sais aussi qu'il n'y a pas besoin d'amour pour coucher. Heureusement, sinon je n'aurais eu qu'un seul partenaire. Mais je pense qu'il vaut quand même mieux ressentir quelque chose pour le partenaire plutôt que juste tirer son coup pour tirer son coup. Et je pense que c'est plutôt là la différence entre les femmes et les hommes. Bon, bien sûr, il y a des femmes qui pensent comme la majorité des hommes à ce sujet, et inversement. Mais essentiellement, la différence sur le sujet est là. Ce n'est pas d'en parler ou non, mais plutôt la façon d'en parler. » répondais-je avant de lever les yeux au ciel en me rendant compte qu'importe le sujet, je finissais toujours par partir dans des débats. Autant je le savais pour les grandes causes que je défendais, autant je ne m'en étais pas douté pour un sujet aussi banal que l'amour et le sexe. Si je ne m'étais pas arrêtée, j'aurais été capable de débattre sur le sort des prostituées.« Je ne vais pas chercher à te convaincre. Je trouve ça dommage, c'est tout. Mais après, que tu veuilles tomber amoureux ou non ne changera pas vraiment quoique ce soit à ma vie. Mais je pense que tomber amoureux, ce n'est pas vraiment quelque chose que l'on choisit. C'est plutôt quelque chose qui nous tombe dessus sans qu'on ne s'en rende compte. » continuais-je en haussant les épaules, avant de réfléchir par quel échange de passion – cuisine ou trapèze ? - nous commencerons. Comme il l'avait demandé, je ne revenais pas la question de la honte. Après tout, nous en avions déjà parlé et j'avais été dans la même situation que lui, en quelque sorte.« Pourquoi ne pas commencer par le trapèze ? On est sur place après tout ! Et ensuite on ira chez moi et je te préparerais des lasagnes. Ça te va ? » proposais-je dans mon grand sourire habituel.