« Enchanté Monsieur Charney. » répondais-je au cinquantenaire qui se tenait en face de moi, avant de m’efforcer de lui serrer la main. Cela faisait à présent une bonne heure que j’étais à ce gala, trainé de force par mes parents. Je savais bien que je prendrai un jour la place de mon père en tant que gouverneur d’Australie, mais tout de même, est-ce que j’étais vraiment obligé de supporter tout cela ? Heureusement, portes et fenêtres étaient ouvertes ! Cela me retirait déjà un stress. Après tout, déjà que je sentais que mon agoraphobie ne voulait pas me quitter, il ne fallait pas que l’on y ajoute ma claustrophobie en plus. Je regardais à nouveau mon téléphone – chose qui je le savais, était très impoli puisque regarder l’heure lors d’une soirée ne pouvait que blesser l’hôtesse, et c’était d’ailleurs pour cette raison que la coutume voulait que les invités ne portent pas de montre – avant de soupirer. Une heure et dix minutes s’était déroulées depuis mon arrivée, et donc seulement sept minutes depuis mon introduction à Monsieur Charney. Je prévenais rapidement mon père que j’allais au buffet pour me désaltérer et prendre un petit quelque chose à manger. Ce que je vis me glaça le sang. Que de la viande ! Incroyable ! « Vraiment ? Et les légumes, vous connaissez ? » demandais-je assez sèchement au traiteur. Celui-ci me regarda un peu bouche bée, sans savoir quoi répondre. Apparemment, il ne savait que les végétariens représentaient 10% de la population américaine. Il s’excusa avant de me dire qu’il allait tenter de me faire quelque chose. J’allais le remercier – autant voir que les végétariens étaient oubliés pouvait me faire du mal et me rendre froid, autant voir qu’il allait faire un effort pour que j’ai quelque chose à manger me toucha – lorsque j’entendis une voix s’adresser à moi. « C’ian ! Comment allez-vous ? » lui demandais-je dans sa langue natale, en lui faisant un grand sourire.

Je détestais vraiment ce type d’événement. Autant aller à un gala de charité, où les bénéfices et donations iraient à une association caritative, pourquoi pas. Autant un gala d’investisseurs où une grande entreprise, qui avait déjà énormément de moyens, nous demandait de l’argent, ça non. J’aurais donc probablement fait plus d’efforts si cela avait été la première option. Mais ce soir, je n’avais fait que le strict minimum. Mon père m’avait introduit à – à peu près – toutes les personnes présentes ici et j’avais salué quelques connaissances. Mais maintenant que ceci était fait, je n’avais qu’une envie, renter chez moi auprès de Willow et Riley – respectivement ma doberman et mon chihuahua – et de Reina, Katty et Cookie – mes chats de gouttière. J’aurais bien dit auprès de Kristian, mon meilleur ami et de Rebekah, mon ex et surtout amie, mais tout deux étaient absents ce soir. Kristian pour voir son ex fiancée – étaient-ils toujours des exs ou s’étaient-ils remis ensemble d’ailleurs ? Je n’arrivais plus à suivre – et Rebekah assistait à un match de football avec sa soi-disant nouvelle meilleure amie. J’espérais juste que tout irait bien pour elle, n’aimant pas particulièrement la laisser avec une personne qu’elle ne connaissait finalement que depuis peu de temps. J’avais donc envie de rejoindre mes animaux et en finir avec cette soirée. Je ne m’attendais pas du tout à voir C’ian à cette soirée en tout cas, cela était sûr. Et en la voyant, un sourire s’afficha sur mon visage. « Et moi qui m’étais justement replongé un peu dans mon japonais ! » répondais-je, en anglais cette fois-ci, dans un petit rire. « Madison est enfin mis sur une liste d’attente pour une greffe. Dans quel pays vivons-nous, vraiment ? Je ne comprendrais jamais le fait qu’il faille de l’argent pour pouvoir être soigné. Et vous ? Est-ce que vous avez rencontré votre père ? »

« Comme vous voulez … On fait ce qui vous met le plus à l’aise. » répondais-je dans un petit sourire dans sa langue natale, avant de reprendre. « Mais oui, je me suis replongé dans la culture japonaise depuis notre dernière rencontre. J’ai même lu des livres en japonais, des livres sur le Japon … C’était vraiment très intéressant. » continuais-je, finalement un peu gêné de lui avoir avoué cela. Est-ce qu’elle n’en ferait pas une mauvaise interprétation ? Moi-même je m’étais étonné à acheter des livres sur le Japon – en japonais bien sûr. Mais lorsque je m’étais retrouvé dans une librairie – pour une raison dont je ne me souvenais même plus – et que j’étais tombé sur un magnifique livre japonais sur le Japon, je n’avais pas pu m’empêcher de l’acheter. Et je l’avais réellement apprécié. J’adorais lire et surtout apprendre de nouvelles choses, de nouvelles cultures. Et même si j’avais appris à parler le japonais – j’étais un futur ambassadeur quand même – je ne m’étais jamais pleinement plongé dans la culture japonaise. C’était assez étrange que j’aime tant apprendre de nouvelles langues et de nouvelles cultures, étant donné que je n’aimais pas spécialement aller vers les autres et avais d’énormes problèmes de confiance. « Non, il n’était pas sur la liste. Sa mère n’avait aucun argent pour payer l’opération et son suivi. Et d’après son médecin, ils auraient de toute façon refusé de lui en donner puisqu'elle n’aurait pas pu assumer financièrement le suivi. Il est bien placé sur la liste, dans les premiers. Mais bon, même si j’ai envie qu’il en ait rapidement, je me dis que c’est quand même un peu horrible non ? Enfin, en gros, je souhaite qu’un autre enfant meure pour que le mien puisse vivre … » répondais-je assez honteux. « Je suis heureux que cela se passe bien pour vous et votre père en tout cas. Et comme vous, je suis sûr que ce n’est que le commencement. »

« Je me suis toujours intéressé aux autres cultures que la mienne. Déjà tout petit, je voulais apprendre toutes les langues possibles et imaginables. Heureusement, apprendre différentes langues, c'est plutôt apprécié dans ma famille. Mais je pense que c'est aussi pour cela que je veux bien reprendre la place de mon père en tant qu'ambassadeur d'Australie. Ainsi, je pourrais voyager, voir d'autres cultures, parler toutes sortes de langue. Bon, ça veut aussi dire que je vais devoir me coltiner des soirées comme celles-ci, j'imagine. Et rencontrer des gens aussi. Mais bon, c'est un mal pour un bien, vous ne trouvez pas ? Mais j'accepte volontiers votre proposition. Surtout que comme vous l'avez probablement remarqué, je ne suis pas la personne la plus sociable qui puisse exister, donc je n'aurais probablement personne pour m'aiguiller » répondais-je, très gêné par mes confessions. Je ne savais pas pourquoi et serais incapable de l'expliquer, mais je m'étais rendu compte que j'avais tendance à beaucoup parler lorsqu'elle était présente. Et surtout à m'embrouiller énormément. Pourquoi n'avais-je pas tout simplement accepté sa proposition, au lieu de partir dans un monologue qui n'avait aucun sens ? « Sauf que dans mon cas, je dois souhaiter la mort d'un enfant. Parce que les médecins ne peuvent pas donner des poumons d'adultes à un enfant. Donc cela veut dire qu'un enfant doit mourir pour que le mien puisse vivre. Et un enfant, ça ne prend pas des décisions comme celles-ci. Donc moi aussi je suis donneur. Je n'ai pas la carte parce que je ne veux pas être inscrit en tant que donneur, on sait jamais avec les trafics, des personnes sont capables de tuer pour ça. Mais mes parents sont au courant.Et je donne aussi mon sang. Mais là ce n'est pas à propos de décisions d'adultes. » Je savais que je me prenais trop la tête et que je ne devrais pas voir plus loin que mon nez dans cette histoire. Il s'agissait de la vie de mon fils. Et même si je ne le connaissais pas vraiment et que je n'avais pas encore eu l'opportunité de demander quel serait mon rôle dans sa vie, je ne voulais qu'une chose : qu'il vive. Et alors nous apprendrons à nous connaître. « C'est une très bonne nouvelle ça ! La dernière fois que nous nous sommes vus, vous n'aviez pas l'air de vouloir vous battre. Et voilà que vous vous inscrivez à un essai expérimental. J'espère vraiment que cela fonctionnera. Vous le méritez. »