En règle générale, après tout grand concert mené jusqu’à l’apothéose par les bons soins de Siloë se déroulait forcément un gala avec toutes les figures les plus emblématiques de New York. C’est pendant ces moments-là que la jeune femme détestait le plus son métier. La musique rythmait sa vie, elle en faisait partie intégrante du matin jusqu’au soir mais au cours de ces fameux pince-fesses, pendant lesquels elle était contrainte de sourire et d’être parfaite alors que tout ce qu’elle souhaitait c’était s’enfermer quelque part pour hurler, elle ressemblait à une lionne dans une cage, scrutée au millimètre par tous les paparazzis et autres journaleux présents, espérant que la fin de soirée ne passe à toute vitesse pour qu’elle puisse partir retrouver son petit bout. D’autant que Nate était malade aujourd’hui… une grosse bronchite l’avait contraint à garder le lit, tant et si bien que Siloë checkait constamment le petit biper qu’elle portait à la main : la nounou avait ordre de lui envoyer un message au moindre signe alarmant, même minuscule. Mais alors qu’elle pensait l’avoir senti biper, l’époustouflante brune, dans sa robe d’un rouge sang, fut bientôt apostrophée par un sénateur manifestement fan de musique, qui ne manqua pas de lui serrer la paluche en complimentant longuement son travail et le fait qu’une femme aussi belle qu’elle avait bien du courage pour faire un métier aussi… masculin. « Il faut toujours prouver aux machistes des siècles précédents qu’il y a une femme pour relever les défis… c’était vrai pour Marie Curie, Simone de Beauvoir… mais vous savez, depuis qu’il y a de nombreuses femmes sportives de haut niveau, il doit forcément y avoir des femmes chefs d’orchestre ! Mais n’ayez crainte, vous pâlissez à vue d’œil alors que je n’ai pas pris mal votre remarque ; c’est un compliment pour moi. »Siloë ou l’art et la manière de déstabiliser son interlocuteur pour mieux le faire rire aux éclats la seconde d’après. Mais le sénateur dont elle peinait déjà à se rappeler du monde ne manqua pas de la déstabiliser à son tour en lui faisant faire la connaissance de quelqu’un qu’elle connaissait du bout des doigts… et dont elle serra vraiment la main parce qu’il le fallait, dans le genre situation croquignolesque… « Veuillez m’excuser mais je crois que le devoir m’appelle » fit-elle en montrant son biper, qui s’activait effectivement mais lui donnait en l’occurrence une occasion de se faire aussi la malle pour se réfugier près du bar… où une coupe d’un excellent champagne l’attendait, comme toujours. « Merci Willy vous êtes parfait ! »

Quelques gorgées de champagne eurent le bon ton de la détendre légèrement après le coup de sang qu’elle venait de se payer. Ce n’était pas tant le fait de croiser la route de Damian qui lui flanquait des sueurs froides, mais aussi le fait qu’elle soit coincée à cette foutue soirée sans pouvoir s’en déloger sans alerter tous les journaleux du coin… et de fait de pas pouvoir partir retrouver son fils, le serrer dans ses bras et balayer ainsi tous les souvenirs lui ayant précédemment sauté au visage. Elle se permit donc d’envoyer via son biper un message à sa nounou, lui disant qu’elle arrivait d’ici une demi-heure au maximum, le temps de se dépêtrer de se guêpier sans trop faire de vague… mais c’était sans compter sur Damian, qui ne manqua pas de venir la retrouver au bar et aller jusqu’à commander la même chose. Autant dire qu’elle rangea rapidement son biper à l’intérieur de sa main pour qu’il n’ait absolument pas vent de sa vie privée et passa de la stupeur au ricanement en l’ombre d’un seul instant. « Six ans et deux mois si je ne m’abuse » lui lança-t-elle non sans faire mine de sourire et en lui prenant la paluche en main comme si elle le saluait à nouveau, tout ça parce qu’elle avait remarqué un paparazzi non loin d’eux. « Ne prends surtout pas tes rêves pour des réalités j’essaye juste de me fondre dans la masse. Mais oui chef, d’orchestre… il faut croire qu’il y a ceux qui disparaissent pendant six ans et que l’on retrouve aux bottes d’un sénateur en vogue, et ceux qui ne disparaissent pas pendant six ans et que l’on sait où trouver. » C’était plus fort qu’elle, vraiment. Aux yeux de Siloë, Damian avait obtenu ce qu’il voulait et après, il l’avait juste laissée se démerder avec son deuil, sa grossesse puis la naissance de son fils. Oui, SON fils parce qu’à ses yeux, il n’avait pas à être mêlé à la vie de Nate.

« Faut croire que je me suis mise aux Maths » rétorqua froidement Siloë sans pour autant le lâcher une seconde du regard, cherchant la moindre faille pour lui en mettre plein la tronche en espérant que cela calme ce mélange de rage et de tristesse qui n’avait de cesse de l’envahir à cet instant précis. Mais si le gang entier savait où se trouvait Damian, pourquoi n’avait-elle pas été mise au courant ? Excellente question à laquelle elle allait chercher une réponse pas plus tard que demain matin à la première heure, et l’intégralité du gang avait intérêt à avoir les boyaux bien accrochés. « Et bien au risque de t’apprendre quelque chose non, tu as juste disparu des radars. Mais tu pourrais me dire que c’est ta vie et que tu n’as pas de compte à me rendre, chose qui est on ne peut plus vraie… je pensais juste que tu accordais un peu plus de crédit à notre amitié que ça, mais il faut croire que je me suis bien plantée dans les grandes largeurs. Soit, tu l’as sûrement dit au gang mais que puis-je en conclure d’autre à part le fait que moi tu m’as gentiment évincée ? » reprit-elle tout en dominant ses pulsions meurtrières autant qu’elle le pouvait mais la chose n’était pas aisée, bien au contraire. Comment avait-elle pu être assez stupide d’une pour coucher avec, de deux pour ressentir quelque chose pour lui, et de trois pour faire un enfant avec lui ? Siloë s’insultait joyeusement lorsqu’il la mit littéralement KO avant de ne boire son verre cul sec. « Je confirme, pour échanger des banalités tu es champion, mais pour te battre c’est une autre histoire. Retourne donc chez Monsieur le Sénateur, il a sûrement besoin de toi, moi ce n’est plus le cas depuis longtemps. »

« Comment ça tu m’as écris des lettres ? Mais je n’en n’ai reçu aucune !! » reprit-elle avec bonne foi et non sans froncer les sourcils, cherchant à sonder dans son regard pour voir s’il disait la vérité ou pas. « En revanche je vois pourquoi mes lettres sont restées sans réponse… elles aussi m’ont été retournées sans jamais avoir été ouvertes mais merde, tu n’avais pas droit à quelques minutes de téléphone ? Je t’aurais filé un coup de main si j’avais su, tu ne peux pas me blâmer alors que personne ne m’a rien dit je te signale ! Mais sans vouloir t’offenser mon chou tu ne sais rien de ma vie, rien du tout, alors je serais toi, évite de juger sans savoir, parce que j’aime bien avoir le monopole de la connerie en la matière au cas où tu ne l’aurais pas remarqué ! »Certes, ce n’était absolument pas comparable à la prison, mais Siloë avait ses propres casseroles et si elle avait pu faire abstraction des paparazzis autour d’elle, sûrement lui aurait-elle envoyé le contenu de son verre dans la poire, mais à la place, elle s’occupa d’en boire le contenu avant de ne rendre le verre au barman. « J’avais besoin de toi, mais pas en mode lavette parce que tu étais toujours dans l’ombre de Logan ! Ou alors, c’est que je me suis encore plus plantée en t’accueillant dans mes bras cette nuit là. Bah, je ne sais même pas pourquoi je t’en parle… c’est loin tout ça, pas vrai ? La prison, ça vous change un homme ! »Siloë se dégagea de sa poignée de main et tourna les talons sans autre forme de procès. Finie la comédie, elle attendait devant le bâtiment de pouvoir récupérer sa voiture afin de retrouver son fils, qui LUI avait besoin d’elle.

S’il le prenait sur ce ton, alors fort bien ! Siloë n’estimait plus avoir quoi que ce soit d’autre à dire et puis, l’urgence concernant son fils fallait toutes les disputes du monde bien évidemment. Elle tapotait nerveusement son pied contre le bitume espérant que le voiturier allait se dépêcher de revenir avec sa voiture mais malheureusement, le timing fut très mauvais puisque bientôt, elle entendit à nouveau la voix de Damian dans son dos. Au départ, Siloë refusa de se retourner, sentant sa respiration augmenter exponentiellement tandis qu’elle priait pour que quelque chose, n’importe quoi, la sorte de ce merdier. « Je n’ai pas grand-chose à dire si ce n’est que tu peux compter sur moi pour avoir une négociation musclée avec ma mère pas plus tard que demain à la première heure ! » lâcha-t-elle pour qu’il n’ait pas en plus l’impression qu’elle l’ignorait totalement. Siloë ne l’ignorait pas, elle ne l’avait jamais ignoré d’ailleurs. La jeune femme aurait juste voulu que ce soit plus simple entre eux mais ça ne l’était pas et il fallait bien qu’elle fasse avec. « Tu as toujours eu l’impression que ma relation avec Logan était idyllique mais tu ne t’es jamais demandé pourquoi je venais vers toi, justement ? » fit-elle tout en se retournant vers lui, cachant habilement l’émotion étant la sienne. « Et puis d’où je connais tes sentiments à mon égard ? Quels sentiments hein ? Je ne suis pas la seule à faire un pas en avant et deux en arrière alors oui, peut-être que je n’avais pas le bon comportement, et peut-être qu’au milieu des tromperies de Logan, je voulais croire que j’avais un peu plus d’importance que tout ce qu’il ne me montrait ! Mais tu n’as rien revendiqué et rien dit, alors vient pas m’emmerder en me jetant la pierre parce que là en l’occurrence, je n’ai pas le temps pour ça et puis t’en as peut-être marre de te retrouver la tête sous l’eau mais je vais t’apprendre un scoop : moi aussi. »

Siloë s’en voulut aussitôt de s’être laissée dominer par ses démons passés car elle avait juré de ne plus jamais remuer cette vérité, même si cela l’avait longuement démangée. Pourquoi diable n’en n’avait-elle jamais parlé ? Parce qu’elle espérait que Logan finirait par arrêter ses conneries et par définitivement se rendre compte qu’il avait une femme aimante et fidèle l’attendant à chaque fois chez eux, dans leur maison. Cette histoire avait considérablement affaiblit la jeune femme et aujourd’hui encore, l’évoquer lui faisait mal. Elle avait sincèrement aimé Logan mais plus les années passaient, et plus le regret de savoir qu’il aurait pu se passer quelque chose d’encore plus beau avec Damian lui sciait le cœur. « C’était complètement con de ma part que d’imaginer que tu lirais entre les lignes alors que je n’arrivais pas à admettre que j’étais simplement la femme de militaire la plus cocue de tout l’est des USA. »Siloë rejeta sa tête en arrière, regardant un instant les étoiles pour mieux le regarder lorsqu’il reprit la parole, essuyant elle-même les deux larmes qui s’étaient échappés de ses impressionnants yeux clairs. « Plus facile pour toi que je sois mariée avec Logan ? Je voudrais comprendre, vraiment. Mais tu vois notre nuit comme un dérapage, c’est ce qui me fait dire que toi et moi, on ne regarde pas du tout dans la même direction. » C’est à ce moment précis que le voiturier lui tendait ses clefs de voiture, qu’elle prit non sans lui donner un pourboire conséquent pour mieux s’emparer d’une carte de visite avec toutes ses coordonnées pour mieux lui donner son adresse au dos. « Je me doute que tu es vissé à ton sénateur et moi je ne peux pas rester mais passe après. S’il te plaît. » Siloë lui tendit la carte avant de ne monter dans sa voiture et de démarrer sans un regard. Cela lui laissait largement le temps de se remettre de ses émotions, de dire à la nounou qu’elle prenait le relais, et de coucher son fils. Mais Siloë venait de prendre un appel pour son boulot au moment où elle avait eu l’impression que l’on avait frappé à la porte. Elle passa outre cette impression sans même s’apercevoir que son fils s’était relevé pour mieux aller ouvrir. « Tu lui veux quoi à ma Maman ? »

« Nate !! Quel est ce petit garçon qui se promène sans ses chaussons ? Et puis mon chéri tu as de la fièvre, je t’ai dis que je ne te lirais une histoire qu’une fois que tu serais au lit, ou ai-je rêvé ? » lança une voix douce derrière la porte, poussant le garçon à accourir jusqu’à ce qu’elle ne le soulève dans ses bras et ne l’embrasse longuement. « T’es quand même la plous belle des mamans du mooonde ! »Siloë sourit aux éclats avant de ne s’apercevoir que la porte d’entrée était ouverte et que Damian était effectivement venu. Merde ! En plus Nate était venu ouvrir et à voir la tête qu’il faisait, sûrement avait-il compris… « Entre, je vais coucher ce grand gaillard et je reviens » fit-elle non sans lui faire signe de refermer la porte une fois qu’il serait rentré, s’absentant une vingtaine de minutes afin de tenir sa promesse, lisant une histoire à son fils avant de le border longuement, espérant qu’il aurait moins de mal à respirer ce soir à cause de cette foutue bronchite qu’il s’était attrapé à l’école. Ce n’est qu’ensuite que Siloë passa par la salle de bain pour ôter sa robe rouge et opter pour un débardeur et un short, restant pieds nus tant elle aimait le contact de son parquet flambant neuf sur ceux-ci. « Je peux t’offrir quelque chose à boire ? J’ai du coca pour ce qui touche au sucré mais sinon j’ai toujours un bon vieux scotch de derrière les fagots si tu as besoin de quelque chose de plus fort. »La jeune femme ne fit pas état pour l’heure du fait qu’effectivement, Nathaniel était autre que le fils de Damian. Voilà l’une des nombreuses raisons pour laquelle Siloë ne considérait pas leur nuit comme un dérapage… car elle en était la principale et la plus belle.

Siloë ne manqua pas de lui servir une double dose de scotch avant de venir lui apporter et de se prendre sa question comme un uppercut du droit en plein abdomen. « Oui, c’est ton fils, et oui, nous l’avons conçu cette nuit là, aucun doute puisque cela faisait six mois que je n’avais pas vu Logan dans mon lit. C’est ce qui t’explique aussi pourquoi je tiens aussi bien les comptes au niveau des années et des mois depuis lesquels je ne t’ai pas revu »expliqua-t-elle, légèrement froide car cette conversation la mettait mal à l’aise d’entrée de jeu et par principe. Merde, elle aurait imaginé un autre décor… en théorie, Damian était censé assister à sa grossesse, lui tenir la main lors de l’accouchement, et suivre toutes les étapes de la croissance de Nate… au lieu de cela, Siloë s’était toujours démerdée seule. « Je t’ai écris le jour même où mon foutu test de grossesse a viré au rose. Je t’ai écris des dizaines et des dizaines de lettres te racontant ce que je vivais, je te donnais même des clichés de l’échographie, je t’annonçais que c’était un garçon… j’ai arrêté à partir de mon accouchement. » reprit-elle tout en se servant elle-même un scotch double dose car elle sentait que cette conversation allait lui demander une énergie qu’elle n’avait pas nécessairement, surtout pas après un concert, mais aussi parce qu’elle avait besoin de courage. « Plusieurs fois. Je lui ai dis que tu étais en voyage, que tu pensais à lui mais que tu ne pouvais pas être avec nous. Mais il est très mature tu sais pour son âge… il a développé une grande protection envers moi, qui a fait que j’ai été plusieurs fois convoquée par la directrice de son école parce qu’il avait mordu un de ces camarades. Je ne sais pas ce que tu veux que je te dise ! Écoute Damian, je ne te demande rien okay, je me suis toujours démerdée toute seule au final, je crois que j’ai l’habitude. Surtout quand je vois que même ma propre maternelle a comploté dans mon dos ! »

Siloë nageait dans un océan d’incertitude. Jusqu’à la veille, elle avait été certaine que Nate et elle formaient une sorte de duo inséparable, qu’il s’agissait d’eux contre le reste du monde, mais plus elle regardait Damian dans les yeux et plus elle sentait ce besoin vital de faire partie de la vie de leur fils. Cette vision lui arracha plusieurs larmes avant qu’elle ne se lève, vide son verre cul sec et sorte un album photo d’un placard du salon pour mieux le lui tendre. « Les lettres et les échos sont à l’intérieur, ainsi que des photos de Nate. » Pour l’instant, elle n’avait pas répondu au reste, parce qu’elle voulait attendre qu’il ait vu et même lu peut-être ses lettres avant de ne s’exprimer à nouveau. Il faut dire que rien qu’au niveau des clichés, il y avait certes l’évolution de leur garçon dans le ventre de sa mère mais aussi plusieurs photos prises par la mère de Siloë durant sa grossesse. La jeune femme essayait de garder le sourire, et n’avait manifestement pas perdu son réflexe de faire le con, même avec un ventre particulièrement énorme, vêtue d’une salopette, les cheveux légèrement en bataille. Ensuite, il y avait des photos à la maternité, faites par un professionnel, puis des tonnes de photos de Nate de sa naissance jusque très récemment. « Tu peux en prendre quelques unes si tu veux » reprit-elle sans le quitter du regard. Quant aux lettres, elle lui expliquait absolument tout dedans : ses sentiments, tout ce qu’elle lui avait caché, ce qu’il lui avait fait ressentir durant cette nuit… ainsi que tout sur sa grossesse. Le bon comme le mauvais d’ailleurs, puisque Siloë avait manqué la fausse couche à deux reprises parce qu’elle bossait comme une dingue sans aucune aide. Plus les lettres s’espaçaient, et plus on sentait la détresse de voir les précédentes revenir. Et finalement, ce fut au bout de longues minutes qu’elle reprit la parole, alors qu’elle s’était servi un autre verre au passage. « Je n’ai pas l’intention de t’évincer de la vie de Nate, je ne peux pas alors qu’il s’appelle Nathaniel Damian Flores… mais je n’attends rien non plus pour la simple et bonne raison qu’avant d’apprendre ma grossesse Logan est mort, que tu as disparu, et qu’ensuite j’ai tout géré toute seule. Les merdes financières, mes soucis de santé, l’accouchement en mode self… je n’attends plus rien de personne parce qu’au moins je ne suis pas déçue. Mais ça ne veut pas dire que tu ne peux pas venir voir Nate quand tu veux. »

« Techniquement parlant je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas les prendre, ça fait un siècle que j’hésite entre les garder ou les jeter » avoua-t-elle avec sincérité car savoir ses lettres toujours présentes dans l’album photo de son fils lui faisait plus de mal que de bien, à n’en pas douter.Siloë n’espérait rien du tout, même après la lecture de ses lettres. Surtout pas avec ce qu’il lui avouait maintenant, qui lui arracha un regard horrifié en plus d’être marqué par la tristesse. Décidément, Logan s’était conduit comme un beau salopard et elle s’en voulait d’avoir été si aveugle. Si elle ne l’avait pas tant été, sans doute n’aurait-elle jamais accepté sa demande en mariage et ne se serait-elle pas autant acharnée à vouloir sauver leur mariage en vain. « Pourquoi tu n’es pas venu me voir avant d’aller le trouver ?! Merde tu savais pourtant qu’il pétait une durite ! Mais avec des si on referait le monde comme tu dis si bien… je me demande comment j’ai pu être mariée à un salopard pareil. Ah il pouvait toujours me piquer des crises de jalousie parce que soit disant j’étais tentée par la gente masculine à longueur de temps ! Je n’ai pas fait un seul écart pendant notre mariage… hormis cette nuit là mais j’étais perdue, il m’avait giflée alors je me suis tournée vers la seule personne en qui j’avais confiance. Ca ne veut pas dire que je te prenais pour un second choix, Dam… je ne connaissais pas tes sentiments pour moi. T’étais tout le temps la coqueluche de tout le monde et surtout des filles, tu te souviens ? Va assumer le fait que tu sois attirée par quelqu’un d’autre que ton mari toi. J’ai sincèrement aimé Logan, je ne vais pas mentir, et je pensais que c’était la même chose mais j’ai commencé à en douter dès notre nuit de noces… il m’a conduite à l’hôtel et il est parti. J’ai su après qu’il avait retrouvé l’une de ses poules ! Trop bonne trop conne comme dit l’autre. »Siloë ingéra l’intégralité de son verre pour mieux se relever et soupirer en lui tournant le dos. « Je suis désolée pour ce qu’il t’a fait subir et si je pouvais l’en empêcher je le ferais mais je peux pas. Quant à Tony je le pensais comme un père pour moi mais il faut croire que même lui ne savait pas tenir sa langue… je n’ai pas à me justifier auprès de toi Damian je suis une grande fille jusqu’à preuve du contraire et je sais lacer mes chaussures toute seule. »

« Et bien là c’est sûr tu as de quoi lire ! » fit-elle avec une sorte d’ironie dans la voix même si elle n’attendait strictement rien de la part de Damian et ne se permettait pas d’avoir de l’espoir surtout en la matière. Avec le recul, Siloë ne savait que trop bien que l’espoir, c’est un peu comme un bonbon… c’est agréable, cela faisait plaisir sur le moment mais cela fond rapidement et après, il n’y a que le regret, l’envie d’en avoir encore sans forcément pouvoir étancher son désir. L’espoir, c’est dangereux. La jeune femme haussa donc les épaules avant de ne hocher aussitôt la tête négativement : à force de regarder le passé, cela ne faisait que rouvrir d’anciennes cicatrices et Siloë n’avait pas l’impression qu’ils avançaient de cette manière. « Merde je t’ai un jour montré que j’étais vénale ? Tu me vois avec des fringues de marque ou avec une super caisse ou ce genre de conneries ? Ta situation était précaire oui, comme la mienne au départ mais ce que tu n’as jamais compris c’est que je préférais limite continuer à avoir une situation de merde plutôt que d’être avec un salopard ! Ce n’est pas faute de t’avoir envoyé des dizaines de signaux mais tu as toujours été sourd Dam… ou alors tu ne voulais pas voir mais quand j’ai constaté qu’au final tu ne voyais rien j’ai fini par arrêter, parce que je me disais que de toute façon j’étais foutue, tu ne trahirais jamais Logan ! Je ne vois même pas pourquoi on continue à remuer le passé alors qu’à part se déchirer on ne va rien réussir à faire d’autre… ! »Siloë poussa un long et pénible soupir, sentant sa main devenir tremblante sous le manque bien qu’elle soit toujours dos à son interlocuteur et qu’il ne puisse donc pas le voir. « Pour ton information je n’ai pas sorti des salades du genre et je ne me voile pas la face mais tu ne connais pas mon quotidien Dam. Je ne connaissais pas le tien non plus et je ne peux pas imaginer ce que tu as vécu en taule c’est vrai mais ça ne veut pas dire que mon quotidien n’est pas idyllique pour autant, même si j’ai une situation financière stable et que je peux offrir un quotidien qui a de la gueule à mon fils. Je ne brille peut-être pas par mon intelligence mais ce ne sont pas tes oignons et tu sais quoi ? Je t’emmerde ! »Siloë poussa un soupir avant de ne se passer à plusieurs reprises ses mains contre son visage, sans pour autant rompre le contact visuel. Ce n’était pas le moment de lui enfoncer encore plus la tête sous l’eau. « Avant que tu ne me gonfles avec ça aussi, je suis toujours sobre quand je suis avec Natemais je voudrais savoir une chose : tu es là pour me faire ta petite leçon ou j’ai la berlue ? Non que je me prépare ! »

Effectivement, quelques minutes durant, Siloë avait pensé que Damian allait filer, la laissant ainsi se démerder comme toutes les autres personnes en qui elle avait eu confiance auparavant. Il lui avait manqué, c’était un fait avéré mais pouvait-elle seulement exiger quoi que ce soit de sa part ? Ils ne s’étaient rien promis, et en décidant de garder l’enfant, elle avait pris seule la décision de s’offrir une vie de famille qu’elle considérait comme à peu près normale. « Je n’ai pas spécialement besoin d’argent étant donné que je gagne très bien ma vie, mais par contre je dépense une fortune en nounou vu que je suis souvent par monts et par vaux et que Nate a une santé relativement fragile, alors même quand il me supplie j’ai toujours des scrupules à l’emmener à mes concerts » fit-elle, tout en mettant un instant de côté toutes les paroles qu’il avait bien pu lui asséner. Il était fort possible que Damian doive la combattre tous les jours, Siloë étant une femme têtue et indépendante, d’autant que son addiction aux pilules était bien plus vive qu’elle ne le laissait entendre… mais ça ne voulait pas dire qu’elle le rejetait. « Je suppose que comme tu n’es pas sorti depuis longtemps tu n’as pas un vrai chez toi en bonne et due forme ? Tu vas vite apprendre que j’ai constamment la presse sur le dos et que je déteste ma vie quand Nate n’est pas avec moi mais j’ai une chambre d’ami inutilisée… alors si tu veux me combattre tous les jours il faudra sûrement commencer par ça. » Et ce n’était pas une question mais bien une affirmation, surtout que Siloë l’avait déjà dépassé pour ouvrir son placard afin de sortir un drap ainsi que deux taies d’oreiller. « Imaginons une seconde que tu n’aies pas été en taule et que je sois venue te voir pour te dire que j’étais enceinte… j’aurais voulu savoir ce que tu m’aurais dit ce jour là. »

« Mais non ! Mais il me chope toutes les saloperies en ce moment, rien que là, il a une bronchite alors une salle de concert n’est pas un endroit pour un petit garçon… » expliqua-t-elle à l’attention de Damian tout en ayant l’impression de marcher sur des œufs. S’il s’inquiétait aussi facilement, Siloë allait avoir bien du mal à le rassurer sur le long terme. « Quand tu dis que tu ne vas pas m’encombrer, c’est que tu ne comptes pas rester ? Tu ne me déranges pas, si je te le propose c’est que je peux t’accueillir… tu serais con de refuser, j’ai une chambre à t’offrir ! Merde tu m’as accueillie plus souvent qu’à ton tour quand on était gosses, tu te souviens ? »Siloë n’avait pas pour habitude d’oublier quelqu’un ayant marqué sa vie, certes, mais surtout pas quelqu’un lui ayant tendu la main à un moment donné. La brunette ne comptait plus le nombre de fois où il l’avait aidée, consolée, rassurée… elle voulait qu’il la laisse faire de même maintenant, bien que ce ne soit pas nécessairement grand-chose. Mais cela ne l’empêcha pas de lui tendre draps, couvertures, coussins et taies pour mieux l’accompagner dans la chambre qui n’avait pas forcément une tonne de déco mais qui était néanmoins décorée avec goût. Maintenant qu’elle en avait les moyens, elle aurait bien tort de s’en priver…« C’est con… » furent ses seules paroles avant qu’elle ne se blottisse contre son dos, ne pouvant pas s’en empêcher alors que les larmes continuaient de couler contre ses joues. Il faut croire que le colosse avait désormais des pieds d’argile et qu’elle craquait pour toutes ces fois en six ans où elle se l’était interdit. « Merde c’est tellement con… »