Nan, nan, nan et nan. Lorsque l’on est un Petrelli, on n’aide pas son prochain, on pisse plutôt à la raie d’autrui, CQFD ! Du moins Noah avait-il toujours été persuadé de la chose, baignant depuis sa plus tendre enfance dans un océan d’argent, de facilité, d’égoïsme… oh il n’était pas non plus le plus couillon qui soit, après tout, il pouvait présenter son diplôme obtenu à la sueur de son front dès qu’on l’emmerdait mais il serait bien le dernier à se chercher du boulot. Ce qu’il voulait, c’était briller dans un cirque. Etre le trapéziste le plus adulé de cette bonne planète. Il s’entraînait d’ailleurs d’arrachepied aussi souvent qu’il le pouvait, évitant avec un brio certains toutes les questions maternelles et paternelles au sujet de ses activités de la journée. Mais aujourd’hui, pas question de mettre un pied au cirque : Calliopée lui avait demandé un coup de main dans le cadre de son association et pour quoi faire ? Pour aider de jeunes saltimbanques, mais il était maudit ma parole ! Ceux-ci étaient dans un cirque mais exploités, mal nourris et souffrant de désordre psychique chronique. Résultat, plutôt que de se griller à parler un langage qu’il ne connaissait hélas que trop bien, Noah restait planté comme un piquet de gare, à faire mine de filer un coup de main de temps à autre mais vraiment histoire de dire. « Bah quoi ? J’aide spirituellement » eut-il le culot de dire à la brunette alors qu’elle l’avait regardée plusieurs fois de suite avec un air manifestement désapprobateur. Il comptait continuer à faire semblant du moins jusqu’à ce qu’un jongleur ne lui envoie l’équivalent de trois balles de plastique extrêmement dur en pleine figure. En quelques gestes souples, Noah les avait rattrapées toutes les trois, avec la souplesse d’un véritable jongleur et ce comme s’il avait fait ça toute sa vie. « Fais gaffe mec, borgne ça ferait tache dans mon cv ! »

Mouais… on avait toujours besoin du fils Petrelli mais l’inverse n’était jamais vrai en général. Noah ne demandait pas l’aide d’autrui, il n’en n’avait jamais besoin. Après tout, ne faisait-il pas partie du gratin de la haute italienne ? Il était reconnu dans la rue, salué comme s’il avait inventé le vaccin pouvant guérir le cancer et au lieu de poursuivre son existence de fils de riche qui se respecte, il devait aider des démunis… en mettant la main à la pâte, évidemment ! Autant dire que l’italien ne manqua pas d’esquisser une large grimace – après tout, il restait un maniaque indescriptible de la propreté – tandis qu’il conservait les trois balles en plastique dur entre ses mains sous le regard désapprobateur de Calliopée. Celle-là devait avoir vraiment un radar à la place du cerveau vu qu’il n’avait pas pu glander plus de dix minutes d’à filée… la barbe ! « Mais j’aide ! Je suis là, c’est déjà pas mal non ? » Curieuse façon de faire comprendre que pour le traîner dans une œuvre caritative il fallait s’appeler Dieu mais c’était tout comme. Noah haussa d’ailleurs les épaules avant de lui sourire de façon faussement innocente tandis que le jeune lui ayant balancé précédemment les balles ne cessait pas de le regarder avec insistance. « Tu veux quoi, que je jongle ? Body, j’ai un jogging qui vaut une fortune et j’ai pas envie d’être en mode crado pendant toute la journée… » Mais ce genre de personne savait se faire insistante et même s’il sentait le regard plus désapprobateur encore de la part de Calli, le jeune homme jongla quelques instants avec un brio on ne peut plus évident avant de ne rendre lesdites balles à leur propriétaire. « Voilà, j’ai aidé ! Contente ? Je ne vois vraiment pas ce que je peux faire d’autre, ce n’est pas mon monde du tout » mentit-il avec un brio presque aussi évident que celui dont il faisait preuve face à ses propres parents. Noah devrait presque en faire son métier !

« Enthousiaste c’est mon deuxième prénom, tu savais pas ? » annonça Noah dans un éclat de rire car effectivement, aider son prochain n’était pas du tout sa tasse de thé et il aimait bien trop son petit rythme pour vouloir y modifier quoi que ce soit. Fallait-il que ce soit Calliopée qui lui demande un coup de main, sans quoi il aurait purement et simplement raccroché au nez de la personne sans l’ombre d’une hésitation. Depuis quand était-il un bon samaritain ? Depuis jamais, puisque cela ne faisait aucunement partie de son caractère. Si elle voulait du prince charmant sur son blanc destrier qui la fasse rêver et qui en prime soit en mesure de l’aider à en transpirer sang et eau dans le cadre de l’association pour laquelle elle était bénévole… ce n’était pas à Noah qu’il fallait demander de l’aide. Vraiment, il n’était pas fait pour cela. Une chance que son coup de main ne soit que ponctuel justement ! « Crois-moi, si je ne voulais pas, tu ne serais pas en train de te désespérer parce que j’en fous pas une Honey ! » Certes, Calliopée allait très certainement lui balancer qu’ils n’avaient pas élevé les cochons ensemble et qu’il lui devait le respect mais Noah n’était jamais irrespectueux envers elle. Ne s’agissait-il pas d’un petit surnom affectueux ? Il avait été le premier surpris de le prononcer, du reste ! « Tu ne sais pas tout de moi, Miss Barney… » avoua-t-il mystérieusement tandis que son sourire avait subitement disparut et qu’il s’était magné le train pour commencer à servir – bien qu’il ne le fasse pas avec un enthousiasme débordant. Cela ne l’empêcha pas de faire un clin d’œil à une jeune fille qui ressemblait énormément à sa petite sœur, accompagnant le geste d’un sourire. « N’empêche jongler pour ces gamins c’est plus sympa de leur tenir un boc en mode ‘tiens bouffe’ et de dire au suivant ! » râla-t-il, parce qu’il fallait bien dire quelque chose.

« Oh mais j’peux prendre la porte au pire si je t’indispose » rétorqua Noah sans l’ombre d’une hésitation car après tout, ils ne se devaient rien, lui plus que quiconque. Certes, il trouvait Calliopée agréable mais cela ne faisait pas tout et si elle lui courait sur le haricot, il aurait tôt fait de cesser d’aider justement. L’italien n’aimait pas se sentir obligé à vrai dire. Il pouvait avoir, de temps à autre, de grands élans étonnants prouvant qu’il savait être un tantinet altruiste quand il s’y mettait, mais il restait au fond de lui un incontrôlable égoïste. C’était plus fort que lui, il n’y pouvait rien. Son éducation n’aidait pas non plus, vu qu’il avait toujours été considéré comme l’enfant prodige. Il aimait cette position plus que n’importe quoi d’autre au monde, mais ça sans doute la cuisinière française l’avait-elle compris. « Ah, tu vois ! Même toi tu admets que tu ne me connais pas ! » lâcha-t-il avec un brin d’arrogance dans la voix, presque fier de ce constat car il n’existe rien de plus dangereux que quelqu’un qui vous connaît et sait où frapper pour vous faire atrocement mal. Oh il savait qu’il pourrait très certainement rétorquer avec brio pour la blesser plus encore mais, sans en connaître la raison, il savait par avance à quel point cela lui déplairait. « J’ai dis que c’était inutile ? Ma parole t’es en mauvaise période que t’es limite hargneuse ? Juste que si tu donnes à becter à quelqu’un, il va être comblé quelques minutes et après la fin sera toujours là. Après lui à distraire sa tête et il sera occupé pour des heures, même s’il ne peut manger. Franchement, tu devrais savoir ça toi ! » Noah haussa les épaules, restant pour une fois en retrait par rapport à elle. Quel moment unique pour quelqu’un aimant tant être caressé dans le sens du poil d’ordinaire !

« Mais j’y mets du mien justement ! » vociféra Noah pour toute première défense car s’il n’y avait pas mis du sien, justement il ne serait pas là du tout. Le jeune homme n’aimait pas qu’on lui dicte sa conduite au même titre qu’il détestait par-dessus tout le fait de rendre service. Il n’était pas quelqu’un de bon, autant dire ce qui est et s’y faire de suite avant de n’aller de désillusion en désillusion. « Ah bon, t’es pas devin ? » plaisanta-t-il subitement tout en continuant à jongler joyeusement sans même en éprouver la plus petite honte. Peut-être qu’il adorait tout simplement mettre Calliopée en rogne et que cela risquait d’être son passe-temps favori aussi longtemps qu’il allait rester au sein de l’association, pour aujourd’hui tout du moins. « Rhaaaa quand t’auras fini de râler, tu me feras signe ? Puis depuis quand tu veux me connaître d’abord ? T’as pas assez de tes affamés que tu veuilles me connaître moi ? » maugréa-t-il sans l’ombre d’une hésitation ou même d’un ton sympathique pour la simple et bonne raison qu’il n’aimait pas être connu et qu’avant que la jeune femme ne découvre quoi que ce soit sur lui, elle avait le temps de prendre un looong café. Mais à force de croiser son regard désapprobateur, il finit par s’y mettre et par lui donner un coup de main, non sans soupirer toutes les deux secondes et sans être une seule fois réellement aimable. « C’est bien de te regarder, c’est moins fatiguant moi j’dis ! Mais satisfaite ? Y’a plus d’affamé à nourrir donc je pense que tu te passeras de mon aide pour le reste » souffla-t-il avant de ne prendre sa veste et de tourner les talons pour sortir. Rien que l’aide qu’il avait fournie lui paraissait diablement suffisante pour les trois cent douze semaines à venir… mais peut-être que la jolie brune ne l’entendrait pas de cette oreille.

Bien ce qu’il pensait, Calliopée était incapable de laisser pisser le mérinos et donc de le laisser partir en paix. Qu’est-ce qu’elle voulait de plus ?! Après tout, il n’y avait plus personne à nourrir, il était resté jusqu’au bout – bien qu’il y ait mis une extraordinaire mauvaise volonté – et n’avait décidé de quitter les lieux que parce qu’il estimait avoir enfin quelque chose de plus intéressant à faire. « Pourquoi je suis venu ? Bonne question. Je pourrais dire que c’est pour tes beaux yeux mais pas envie d’être sympa et puis merde… j’vois pas pourquoi je te devrais un compliment pareil ! Non, j’suis venu parce que j’avais juste rien d’autre à foutre. » Noah haussa les épaules, les mains dans les poches de son jean sans même éprouver la plus petite honte face à ce qu’il venait de lui balancer dans les gencives. Pourquoi serait-il délicat ? Elle n’avait pas cessé de le rabrouer alors que de son point de vue, il avait apporté quelque chose. Si cela ne lui convenait pas, elle pouvait compter sur lui pour ne plus jamais réitérer l’expérience. Il n’était ni con ni suffisamment suicidaire pour tendre l’autre joue lorsqu’on le giflait. « T’aime peut-être vivre dans un monde de bisounours en te foutant des œillères quelque chose de meumeu mais moi c’est pas mon kiff Barbie & Ken. Le rose c’est pas ma couleur, j’suis un peu plus viril que ça, bibiche ! » Sans doute la française le traiterait-elle d’égoïste injuste mais il n’en n’avait rien à cirer. Oh peut-être que cela blessait ses sentiments profonds d’une certaine manière mais avant que cela ne devienne visible, elle avait le temps de mourir de vieillesse tant il était habitué à se cacher soigneusement. « T’attendais quoi de moi, exactement ? Tu sais très bien comment je suis merde, je te prends pas en traître ! Pourquoi tu me suis, d’ailleurs ? Gargarise-toi que j’arrête de t’emmerder au lieu de perdre ton temps !! »

Noah n’avait pas senti arriver la gifle. Bon, d’un côté, il l’avait amplement méritée mais son tempérament d’enfoiré de première se refusa à accepter l’idée. Calliopée était allée trop loin à son goût et de fait, il n’hésita pas à lui choper le poignet histoire qu’elle n’ait pas l’envie de recommencer une deuxième fois. « Recommence ça et femme ou pas femme, j’te fais de même sauf que ta tête fera facile trois cent soixante degré au carré ! » grogna-t-il en lui lançant un tel regard qu’il aurait statufié n’importe qui tant celui-ci pouvait paraître haineux. « Tu peux me dire ce que j’en ai à secouer que tu aies plus de fric ? Je devrais te baiser les pieds et m’agenouiller humblement parce que mâdâme est une Bonaparte ? Laisse-moi rire ! Si tu veux jouer les mères Theresa à longueur de journée ça te regarde mais je ne suis pas obligé de faire pareil. J’ai le droit de te dire merde si j’en ai envie et de ne pas avoir envie d’être hypocrite avec ces SDF si je n’en ressens pas l’envie. Parce que c’est ça ton problème, t’as BESOIN qu’on aime, alors quoi de plus pratique que de choisir des types qui n’ont pas le choix ? Forcément, tu leur donne à becter alors t’es comme Dieu ! Mais moi ça me flanque pas le frisson d’être un Abbé Pierre bis, quant à ce que tu as mentionné en premier, ça ne te regarde pas et je te conseille de ne pas jouer sur ce terrain là parce que tu seras toujours perdante. En attendant, j’ai pas à supplier ou à jouer les bonnes sœurs pour qu’on s’intéresse à moi, alors vient pas m’emmerder avec tes conneries ! » Oh Noah était la mauvaise foi incarnée mais ça, Calliopée le savait sûrement déjà depuis longtemps. Il lui lâcha cependant le poignet, n’ayant pas hésité une seconde à user de menace pour faire entendre son point de vue sans pour autant s’écarter d’un millimètre. Si quelqu’un devait partir, c’était elle, pas lui.

« Je me comporte comme je veux et je t’emmerde, la coincée de la vie ! » vociféra-t-il juste après qu’elle l’ait à moitié insultée de petit con. Noah ne l’avait pas insultée, pas vrai ? Il ne l’avait pas traitée avec respect pour autant mais n’avait pas davantage dépassé les bornes d’un point de vue purement linguistique. A vrai dire, l’italien avait l’impression d’être totalement désarmé avec sa foi à la con et ses grands principes qui semblaient brûler à l’intérieur de son âme avec une telle force qu’il ne pouvait pas rivaliser avec. Sans aller jusqu’à la blâmer pour cela, il n’était pas à l’aise pour autant. C’était d’ailleurs la première raison de sa fuite, même s’il ne s’attendait en aucune façon à la voir débarquer ni vider son sac en pleine rue sans oublier de lui foutre une baffe par la même occasion. Certes, seul son égo avait été blessé mais l’égo de Noah prenait une telle importance capitale qu’il finissait par en être étouffé. Par sa connerie aussi, d’ailleurs. « Ah non me dit pas qu’en prime tu vas te mettre à chialer… » grogna-t-il car quoi qu’il dise, il était malheureusement sensible aux larmes féminines. Sa plus grande faiblesse qui lui fit pousser un nouveau grognement alors qu’il lui empoignait non pas le poignet mais la main cette fois, sans brutalité aucune. « Suis-moi » fit-il d’un ton qui n’aurait souffert ni réplique ni refus. Ils marchèrent de longues minutes dans le silence jusqu’à ce qu’il ne l’emmène au petit cirque dans lequel il s’entraînait d’arrachepied, désert à cette heure-ci. « Je connais pas tes parents et si tu crois que je suis mieux loti que toi, tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu’au gros orteil ! On a tous notre lot de merde mais toi, tu n’as pas à gérer des toc, des angoisses et je t’en passe et des meilleures. En soi, on va dire que t’es normale et le prends pas mal sinon j’te jure que tu dégages d’ici vite fait avec mon coup de pied au cul ! Moi mon truc, c’est pas le jonglage en fait… » s’ouvrit tout en grognant à chaque mot, maladroitement, avec un malaise le prenant jusqu’aux tripes. Pourquoi l’avait-il emmenée ici d’abord ?

« Ouais, normale dans le sens où tu n’es pas une bête de foire, où les gens te respectent à peu près et où tu ne passes pas pour un taré à chaque fois qu’on croise ton regard. C’était ça le sens du mot que je voulais donner ! » grogna-t-il avec moins de force que précédemment, n’ayant pas compris une seconde que Calliopée puisse plaisanter tant il avait du mal avec ce concept. En sa présence, on ne plaisantait guère, on ne rigolait pas non plus… à moins que l’on ne soit sa petite sœur qui possédait envers et contre tout une fâcheuse tendance à voir du bon en lui. Vraiment, elle n’avait pas la lumière à tous les étages selon lui mais loin de lui l’idée d’en faire état maintenant. Surtout pas alors que la française lui demandait sans détour ce qu’il entendait justement par « mon truc ce n’est pas le jonglage ». Noah prit une grande inspiration face à cette question. « Tu vas voir, et ouvre bien tes mirettes parce que je ne le referais jamais devant toi, que les choses soient claires. » Cette phrase n’était pas menaçante, bien au contraire, elle dévoilait une vérité nette, précise, sans sentiment avant que l’italienne n’enlève ses chaussures, sa veste et ne se mette à grimper avec souplesse et agilité sur le ponton menant au poste perché de trapèze. Après un bref échauffement, le jeune homme se lança dans l’atmosphère avec une grâce et une habitude proprement époustouflantes. On aurait presque pu dire qu’il avait fait cela toute sa vie tant cela coulait comme de l’eau. Il fit ainsi quelques figures, se sentant si libre qu’il aurait volontiers pu rester à s’exercer des heures durant, avant de ne se laisser purement et simplement tomber contre le grillage de sécurité qui se trouvait non loin de Calliopée. Noah y resta allongé, reprenant son souffle avec cette poussée jouissive d’adrénaline, ne regardant surtout pas son interlocutrice pour ne pas voir tout de suite sa réaction. « Je suis trapéziste. Verdict ? »

« Vrai que la reine du débat, c’est toi ! » s’était-il contenté de dire sans pour autant émettre de commentaires là-dessus, Noah ayant ses propres démons dont il devait s’occuper et qui lui prenait bien assez de temps comme cela. S’il avait du temps pour se préoccuper d’autrui, cela se saurait ! D’autant que pour l’heure, discuter de leurs petits travers n’était pas au goût du jour, surtout pas alors qu’il venait de lui faire une démonstration de son secret le plus honteux et qu’elle trouvait le moyen de le supplier de quelque chose qui à son sens n’avait strictement rien à voir avec la choucroute. « Depuis que j’ai six ans à peu près, mais toujours en douce car imagine mon paternel, qui me voit traducteur pour les plus grandes ambassades depuis toujours, avoir un fils trapéziste ? Ca ne collerait carrément pas au tableau des Petrelli… » ajouta-t-il en premier lieu, mettant un instant de côté sa question tant il la trouvait un peu trop illogique et passionnée à son goût. « Techniquement parlant je n’ai rien dit et je ne fais pas partie d’un cirque, tout simplement. J’ai juste mes entrées pour venir m’entraîner régulièrement ici, mais je fais en sorte qu’il n’y ait personne. Pour être honnête j’en sais rien s’ils ont des animaux et je m’en fous parce que ça ne m’intéresse pas. Je suis un fan de cirque bien sûr mais… je ne m’intéresse qu’à ce que je peux y faire, le reste, c’est du blabla sans intérêt pour moi » avoua-t-il en toute sincérité car quand bien même elle le torturerait pour savoir s’il cautionnait ou pas, ou s’il était au courant de quelque chose, il ne pourrait pas lui répondre. D’une parce que les débats l’ennuyaient toujours prodigieusement, et de deux parce qu’il n’était justement au courant de rien. « C’est bon ça n’a pas gâché du coup ? » reprit-il de cette habituelle façon abrupte qu’il avait de s’exprimer.

Ah, décidément, Calliopée vivait sur une autre planète et ne connaissait décidément pas le père Petrelli. Peut-être avait-elle une suffisamment grande gueule pour revendiquer ce qu’elle estimait être le mieux pour sa personne, mais Noah n’était pas quelqu’un d’extraverti. Il savait être l’inverse pour son propre bien, afin de protéger sa passion, ses sentiments, et tout ce qui pourrait donner des armes à autrui pour le blesser. La française avait peut-être l’envie de partir sans arrêt en guerre, même contre des moulins à vent, mais loin de l’italien l’envie de faire de même, c’était tout le contraire ! « Oserais-je te rappeler qu’on n’a pas le même tempérament toi et moi ? Là où toi tu revendiques haut et fort ce que tu penses et veux, moi je suis plus sournois, plus secret. C’est beaucoup plus confortable. Si je revendiquais effectivement mon désir d’être trapéziste en suivant ton idéal complètement irréaliste, mon paternel aurait vite fait de me flanquer dehors, de me couper les vivres et dans tous les cas, je tomberai dans une disgrâce telle qu’il me serait impossible d’être trapéziste. Je devrais bosser à l’ambassade en tant que traducteur et mon rêve s’évanouirait irrévocablement. Désolé, les scenarii genre Armageddon, très peu pour moi ! » soupira Noah tout en haussant les épaules, s’asseyant en tailleur contre le grillage sur lequel il s’était laissé gracieusement tomber. Il n’avait pas envie de révolutionner le monde, il se contentait parfaitement de sa petite vie pépère le satisfaisant lui en premier. « Bah tout le monde ne peut pas être mère Theresa, fais pas la gueule je te laisse volontiers le rôle, tu devrais me remercier plutôt ! Alors n’importe quelle question… qu’est-ce que t’es venue faire à New York alors que tu es française à la base ? »

« T’as mis le doigt dessus, on peut déshériter ses enfants ici. Et contrairement à toi, je n’ai pas une fortune sur mon compte en banque qui puisse me permettre de laisser flotter les rubans et réaliser mon rêve. Je courrai à mon propre suicide si je décidais de faire ça. Mes parents sont aisés, ils ne sont pas milliardaires, ils me donnent donc suffisamment pour que je m’occupe de ma sœur, qui vit avec moi, mais c’est tout. » Noah ne savait même pas pourquoi il confiait tout ça à cette fille qui pouvait lui apparaître comme une presque parfaite inconnue à son existence mais qu’importe. Puisqu’ils en parlaient et qu’elle se trouvait être la première interlocutrice sur son chemin elle recevait sa confession mais à ses yeux, cela s’arrêtait là. A croire qu’il soit parfois frappé du syndrome d’Asperger pour ne jamais avoir aucun sentiment face à certaines situations précises… même si en l’occurrence il n’en n’était nullement victime. « Donc grosso modo c’est grâce à ton grand-père que tu es là, à pouvoir t’assumer toute seule ? Et maintenant ton plus grand rêve je vais supposer que c’est monter ton propre restau’ puisque si ma mémoire est bonne, tu cuisines dans la vie… enfin tu es étudiante mais bon la cuisine c’est ton dada, grosso modo. » Noah arqua un sourcil, éprouvant une curiosité qui l’étonnait même lui-même. Depuis quand s’intéressait-il à autrui et tout spécifiquement à une française qui lui avait tapé sur le système pas moins d’une heure plus tôt ? « Et la France, tu ne la regrettes jamais ? »

Noah ne comprenait pas comment on pouvait faire porter des uniformes à des gosses même si on lui avait souvent sorti l’excuse de « l’absence de différence dès le plus jeune âge ». Mais le côté vestimentaire n’enlève aucunement la méchanceté enfantine, bien au contraire, sans compter qu’aux USA, les élèves n’ont pas leur uniforme tous les jours, exactement comme en Chine. Voilà de quoi faire grandir les différences sociales sans aucune difficulté, du moins à son sens… mais l’italien se garda bien de faire une réflexion là-dessus, il n’avait aucune envie de se lancer dans un débat interminable, sur lequel ils ne seraient probablement pas d’accord et qui s’avèrerait complètement stérile au bout du compte. « Je ne vois pas en quoi ouvrir un restaurant va te couper de ton assoc’, au contraire faire les deux à priori tu vas te démerder pour trouver ça enrichissant, non ? » souleva-t-il sans l’ombre d’une moquerie, la connaissant suffisamment pour l’imaginer savoir parfaitement mener les deux de front. « Okay, donc la France ne te manque pas. Et tu te sens chez toi à New York, les américains ne t’ont pas encore… vaccinée ? Non parce que les êtres humains sont fondamentalement aussi égoïstes et tout ce qui s’en suit que tu sois français ou d’une autre origine. Ca s’appelle un tronc commun. Et tu sais pas la peine de considérer que je suis un pauvre petit bouchon : j’suis pas à plaindre en tant que tel ! » tenta-t-il même si dans le fond, pas sûr qu’il en pense un mot. Noah était touché par cette vérité familiale… il choisissait de ne pas s’appesantir dessus, voilà tout.