Dire qu’elle avait eu un peu de mal à s’habituer à son nouvel appartement était un peu faible, durant la première semaine il lui était arrivé de se réveiller en panique sans savoir où elle était, se lever la nuit et marcher dans le noir se cognant alors dans les meubles, essayant de retenir une vague de jurons, se rappelant au passage qu’elle ne vivait plus au même endroit, et de ses nombreux symptômes post-déménagement, venait celui qu’elle avait ressenti plusieurs fois dans la même journée, elle avait d’ailleurs arrêté de compter le nombre de coup qu’elle s’était donné sur le front à cause de ça, mais les premiers jours, elle n’avait pu s’empêcher de sursauter quand elle voyait Lola surgir d’une pièce.
Elle avait fini par comprendre que la solitude dont elle était la victime depuis si longtemps avait fini par lui faire oublier comment vivre avec quelqu’un. Mais heureusement pour elle, tout cela se dissipa au bout de quelques jours, et puis comment ne pas s’habituer ? Lola était la personne la plus adorable que l’on pouvait trouver dans l’Univers, elle ne lui prenait pas la tête si parfois Amelia laissait trainer un truc, et il y avait toujours ce nuage de bonne humeur qui flottait dans l’appartement.
Et même si les deux jeunes femmes se voyaient quasiment tous les jours, elles avaient quand même décidé de passer leur journée ensemble, allant déjeuner en ville, trainant le reste de la journée au parc pour finalement se retrouver dans la soirée à faire un barbecue sur le fameux toit de l’immeuble, continuant de parler de tout et de rien. « Au fait, t'as une copine en ce moment ? Je crois pas t'avoir entendue ramener qui que ce soit, encore ! » Si Amelia devait faire une liste, ceci était la raison numéro trente-trois de pourquoi elle aimait Lola, en tant qu’amie évidement, elle ne l’avait jamais jugé quand elle lui avait avoué son homosexualité, en fait, elle avait agi comme si Amelia lui venait de lui annoncer un truc du genre « Hey, j’ai un chat chez moi. », En gros sa sexualité lui avait fait ni chaud, ni froid, tant qu’elle ne faisait pas trop de bruit après vingt-trois heures évidement. L’anglaise ne put s’empêcher de laisser échapper un petit rire quand à la dernière phrase que son amie venait de prononcer. « Cette expression m’a toujours fait rire, j’ai toujours en tête l’image d’une personne qui traine quelqu’un par les cheveux, dans le style Cro-Magnon, « J’ai ramené quelqu’un, meh. ». Et sinon, pour répondre à ta question, non, je n’ai personne en ce moment, ni même de vue sur quelqu’un, le néant total quoi. » Buvant une gorgée de son soda, elle releva la tête vers Lola, la regardant tout à coup d’un œil suspicieux. « Pourquoi tu me demandes ça ? Tu as trouvé quelqu’un ? Tu veux faire ce truc idiot de double date ? »

Ouf, pas de double date, elle était un peu rassurée. Elle trouvait ce genre de rendez-vous tellement bizarre et gênant que c’était bien la dernière chose qu’elle voulait faire sur terre, mais passons, le sujet avait été écarté et un léger silence se fit entre les deux jeunes femmes. Amelia croisa les jambes, se laissant tomber contre le dossier de sa chaise, ne quittant pas des yeux Lola. L’anglaise savait qu’elle avait envie de dire quelque chose, ça se lisait sur son visage, mais elle ne voulait pas précipiter les choses en disant un truc débile du genre « Vas-y, lance toi, tu peux tout me dire tu sais. » digne d’un show dramatique et mal joué, donc elle restait muette, un petit sourire aux lèvres, attendant tout simplement que Lola se sente prête à dire ce qu’elle avait à dire, et l’expression sur son visage, ça devait être sérieux.
Après deux débuts de phrase qui se soldèrent par des échecs, Lola fini par tout lâcher. « Bon, d'accord ! Il y a... cette fille, que je ne connaissais vraiment pas du tout, je lui avais à peine parlé et... elle m'a sauté dessus, et elle m'a embrassé. Après, elle est tombée par terre et s'est évanouie, mais là n'est pas la question, mais voilà, le fait est que j'ai... trouvé l'expérience intéressante, et du coup, je me demandais... comment est-ce que t'avais « su » que tu voulais être avec des femmes seulement ? » Amelia se mordilla la lèvre, se grattant le crâne, espérant trouver les bons mots pour tenter de donner une réponse compréhensible à Lola. « Hum… euh… Je crois que je l’ai toujours su en fait, j’ai juste eu un élément déclencheur qui a fait que j’ai arrêté de me cacher. » Ok, niveau explication cohérente, on repassera. Mais c’était tellement dur à expliquer, c’était comme demander un hétéro pourquoi il était hétéro, Amelia elle, avait juste un jour embrassé cette fille dont elle était vraiment proche et quand l’envie de recommencer lui avait pris, ça n’avait fait que dissiper les doutes qu’elle avait sur elle-même, et même si elle avait mis beaucoup de temps à se décider à l’avouer à tout le monde, aujourd’hui, elle se sentait beaucoup mieux et beaucoup plus libre. « Mais tu sais, embrasser une fille même si tu as aimé ça, ne fait pas forcement de toi une lesbienne, enfin je veux dire, j’aime bien embrasser des mecs de temps en temps, ce n’est pas désagréable, et pourtant, pour rien au monde je ne deviendrais hétéro. » ajouta-t-elle avec un petit rire, elle aimait beaucoup trop les femmes pour terminer sa vie avec un homme.
Le sujet était un domaine qu’Amelia connaissait quasiment par cœur et c’était justement ce qui l’a dérangeait, par rapport à Lola, pour avait-elle parut aussi gêné de lui dire tout ça ? Elle devrait savoir depuis le temps qu’Amelia serait la dernière personne sur Terre à la juger, surtout si c’était pour avoir embrassé une fille. Elle fronça les sourcils un instant, avant de se tourner de nouveau vers Lola, un petit sourire en coin sur le visage.

L’envie d’exploser de rire était proche, mais Amelia se retenait, par respect pour sa colocataire. Elle avait envie de rire non pas pour se moquer mais parce que la façon qu’avait Lola de réagir lui rappelait ces quelques jours où enfermée dans sa chambre, l’anglaise s’était posé un tas de question pour savoir si les sentiments qu’elle avait éprouvé en embrassant son amie à l’Université étaient juste une passade ou si elle venait de découvrir qui elle était vraiment. « Enfin, j'avais jamais embrassé de filles avant. » Amelia s’en doutait un peu, sinon elle n’aurait pas réagi ainsi. « Il y a une première fois à tout. » Lança-t-elle, se retenant de lâcher un petit rire. La brune connaissait cette sensation d’être complètement désorienter, de ne plus savoir où on en était par rapport à sa vie sentimental, si notre cœur balançait plus du côté des garçons ou des filles, ce sentiment d’être un peu perdu. Elle se leva de sa chaise pour se dégourdir les jambes et se rapprocher de Lola, elle n’avait pas besoin de lui montrer qu’elle pouvait lui faire confiance, Amelia n’était pas du tout le genre de personne à crier sur tous les toits les petits secrets des autres. « Orh, je sais pas... C'est pas désagréable avec un homme, et c'est pas désagréable non plus avec une femme... enfin, c'était un peu soudain, j'avais rien demandé moi. » Personne ne demande jamais rien, on nait de la sorte, on ne le choisit pas, il fallait apprendre à vivre avec. Bon, dans le cas de Lola c’était différent, elle n’avait certainement pas demandé à une fille qu’elle ne connaissait ni d’Eve, ni d’Adam de l’embrasser, sur le coup, Amelia en venait presque à l’envier un peu, elle n’avait jamais eu de fille qui se soit assez intéressées à elle pour l’embrasser subitement sans qu’elle la connaisse un peu avant. « En tout cas, je pense qu'il y a eu aussi un côté super bizarre dans le fait que je ne la connaissais pas, je lui ai à peine parlé & elle m'a vraiment sauté dessus, tu vois ? » Malgré l’exercice mental qu’elle faisait sur elle-même, l’anglaise ne put s’empêcher de rire à ce moment-là. « Oui enfin, elle s’est quand même évanouie juste après, c’est pas tip top comme premier baisé. » Dit-elle après avoir réussi à calmer son petit rire. Elle reprit son sérieux à la dernière phrase que Lola prononça. « J'en sais rien... Je voudrais qu'il y ai un test sanguin, ou un scan qui puisse m'éclairer... » Un test sanguin ? Ça faisait un peu seconde guerre mondiale, une manière de ficher un peu plus les gens. Mais elle ne pouvait pas en vouloir à son amie, elle était déboussolée par ce baisé et dans ses moments là on pouvait dire toutes sortes de chose étrange. « Il y a un test que tu peux faire, c’est vraiment tout simple, tu choisis un mec et une fille, tu couches avec, séparément évidement. Si tu bloques avec la fille tu es hétéro, si tu te rend soudainement compte qu’avec un mec c’est vraiment d’un ennui total, t’es homo, et si tu trouves du plaisir dans les deux, bienvenue au pays des bi ! » S’exclama-t-elle, levant les deux pouces avec un grand sourire dans une position quasi théâtrale.