ENZO & AVALON does this darkness have a name ?

Assise sur les marches de sa maison, Avalon regardait l’écran de son téléphone d’un air absent tandis que les larmes coulaient sur ses joues en ravageant son visage privé de ses jolies couleurs. L’appel qu’elle avait reçu quelques minutes plus tôt avaient été un véritable coup de massue et la jeune femme se trouvait dans un tel état qu’elle occultait absolument tout ce qui se passait autour d’elle. Elle était dans une bulle. Une barrière qui semblait l’avoir privé de ses sens : elle n’entendait ni ne voyait ce qu’il se passait autour d’elle, comme si Avalon était désormais prisonnière de son propre corps. Les larmes qui coulaient le long de ses joues et le portable qu’elle tenait à la main semblaient être les seules choses qui la connectaient avec le monde extérieur. Mis à part le fait de grelotter de froid parce qu’elle était sortie précipitamment sans prendre le temps de se couvrir, Avalon était incapable d’esquisser le moindre mouvement. Aujourd’hui, son plus grand cauchemar venait de prendre réalité : un collègue de sa mère – lieutenant de police – venait tout juste de l’informer que celle-ci se trouvait à l’hôpital après avoir été blessée par une arme à feu.

« Ava ? ». L’intéressée ne daigna même pas relever la tête, mais reconnut aussitôt la voix douce et mélodieuse de l’une de ses plus proches voisines chez qui il lui arrivait de passer des soirées poker entre filles. « Qu’est-ce que tu fais dehors aussi peu couverte, tu vas attraper froid… » continua-t-elle, tout en s’approchant doucement de la jeune femme qui ne réagissait toujours pas à ses propos et finit par poser sa main sur l’avant-bras d’Avalon qui sembla enfin sortir de sa léthargie. Lorsqu’elle redressa la tête, Sophia put voir les larmes qui avaient creusé des sillons sur ses joues pâles. « Il… Il est arrivé quelque chose ? ». Question purement rhétorique. Sophia se doutait bien qu’une mauvaise nouvelle venait de chambouler Avalon au point que celle-ci soit dans un tel état de choc et pour toute réponse, la journaliste se contenta d’acquiescer d’un signe de tête évasif. « My mom gets shot. » dit-elle, d’un ton étrangement calme. Sophia frotta doucement le bras gelé d’Avalon et lui prit le téléphone des mains. « Je vais… Je vais prévenir tes proches. » dit-elle d’une voix douce, se mettant aussitôt à rédiger un sms à l’intention de ceux-ci et décida d’envoyer le message à tous les contacts d’Avalon pour être sûre de n’oublier personne. Tous les contacts y comprit ceux qui n’étaient pas de sa famille et ceux qui travaillaient avec elle, cependant, en appuyant au mauvais endroit, le sms ne fut envoyé qu'à la dernière personne qu'elle avait contacté récemment : Enzo. Avalon, quant à elle, était incapable de dire ou faire quoi que ce soit et se contenta simplement de fixer un point sans le quitter du regard.

Citation :

« Ici Sophia, je suis la voisine d’Avalon. Sa mère est à l’hôpital suite à une fusillade. Je suis avec Avalon, mais elle est en état de choc. »

Les minutes passèrent, mais Avalon était toujours dans un état de léthargie, tant et si bien qu’elle ne prêta pas la moindre attention à ce qui l’entourait et qu’elle n’entendit même pas le bruit d’une moto qui se rangeant sur le bas côté. Elle ne s’intéressa pas non plus au conducteur qui avait ôté son casque et venait dans leur direction d’un pas pressant. « Je prends la relève, merci Sophia… ». Le visage d’Avalon déjà marqué par la tristesse laissa place au soulagement lorsqu’elle reconnut la voix d’Enzo et, telle une automate, la jeune femme quitta les marches du perron où elle s’était installée pour venir chercher le réconfort dans les bras de son ami d’enfance. « Je suis là… » dit-il dans un murmure. Tandis qu’il s’écartait doucement d’elle, Avalon luttait pour ne pas briser une étreinte dont elle avait cruellement besoin en cet instant précis : en plus d’être triste, elle était totalement gelée. « Arrête de pleurer ou je m’y mets aussi. Tu voudrais pas, si ? Surtout que c’est vraiment pas beau à voir. ». La jeune femme était dans un tel état second qu’elle n’avait même pas remarqué que des larmes salées lui avaient échappé et il lui fut incapable de ne pas réagir à la tentative d’Enzo pour détendre l’atmosphère : Avalon pouffa d’un rire à la limite des pleurs et grimaça de nouveau avant de se réfugier de nouveau dans ses bras, frissonnant à son contact. « Je ne sais pas… Je ne sais pas quoi faire. Je suis... paralysée. » haleta-t-elle, le son de sa voix étouffé dans le manteau d’Enzo. Paralysée, c'était le mot. Elle se sentait incapable de faire quoi que ce soit d'autre que de rester assise à attendre. Attendre quoi ? Bonne question. Depuis qu’elle avait reçu ce maudit coup de téléphone, Ava n’avait pas bougée d’un pouce si ce n’est pour sortir de chez elle, dans le froid. Le fait qu’Enzo soit présent semblait enfin l’aider à sortir de sa torpeur et après avoir puisé la force nécessaire, la jeune femme se laissa lentement glisser hors de ses bras et lui offrit un bien maigre sourire. « Mais merci… Merci d’être venu, ça me touche beaucoup. » dit-elle, sa voix légèrement enraillée par le nœud d’angoisse qui s’était formé dans sa gorge. Pétrifiée par le froid, Avalon se mit à claquer des dents et croisa les bras pour les frotter vigoureusement et elle comprit enfin qu'il était préférable de poursuivre la conversation à l'intérieur. « Est-ce que... tu veux entrer ? » demanda-t-elle avant de se faire plus suppliante. « Je n'ai pas vraiment pas envie d'être seule. ». Avalon baissa alors ses yeux voilés de larmes, affichant une petite moue en se mordillant légèrement la lèvre.

Pardon, c'est minuscule

Le plus dur, c’était l’attente. Avalon ne prenait conscience de cette affirmation que maintenant. Le fait d’avoir été sortie de sa léthargie par l’arrivée d’Enzo avait aussi eu pour conséquence de la rendre encore plus nerveuse qu’elle ne l’était déjà. La mexicaine savait qu’à peine rentrée, elle passerait son temps à faire les cent pas et à jeter des coups d’œil anxieux à son cellulaire dans l’espoir que celui-ci se déclenche d’un seul regard. Une fois à l’intérieur, Avalon se laissa conduire jusqu’à son propre canapé sans opposé la moindre résistance. C’était souvent dans ses moments là qu’elle avait besoin que l’on s’occupe d’elle plus que jamais et elle était grandement rassurée de savoir qu’Enzo avait répondu présent dans un moment aussi difficile que celui-ci. « Je reste avec toi jusqu’à temps que tu voudras, t’inquiète pas. J’ai abandonné ma partenaire de jeu et notre partie pour toi. Dis-toi que tout le monde n’a pas cette chance. » dit-il, la faisant s’assoir. Touchée, les larmes encore humides, Avalon ne trouva rien d’autre que de le remercier d’une grimace que l’on appelle communément un sourire. Tandis que la jeune femme était sur le point de replonger dans ses pensées pessimistes, elle sentit un poids s’affaisser sur ses épaules et lui procurer un peu de chaleur : il lui fallut plusieurs secondes avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’un plaid qu’elle serra un peu plus contre elle. « Tu aurais pu te couvrir avant de sortir. Ne t’étonnes pas si tu tombes malade hein. » lança Enzo, sur un ton à la fois doux et réprobateur. Elle l’observa s’agenouiller et allumer un feu de cheminée. Avalon adorait les feux de cheminée. Il ne lui manquait plus qu’un bon lait de poule de sa mère pour lui remonter le moral. « Ca m’est égal. » répondit-elle tristement. Une bonne grippe n’était rien comparé à l’état de sa mère. « Je connais peu de personnes aussi forte que toi. Ta mère l’est aussi, elle ira bien, fais-moi confiance. ». Honnêtement, Avalon était loin de se considérer comme une personne forte, bien au contraire. Elle était trop sensible et prenait les choses facilement à cœur, mais elle n’eut pas le courage de contredire Enzo. Elle voulait le croire. Croire que tout irait bien. Elle en avait besoin. « Je t’aurais bien proposé de t’emmener à l’hôpital mais euh… J’ai du mal avec cet endroit. Ca va si tu te contentes juste de ma présence ? Désolé… C’est juste que… cet endroit me met très mal à l’aise et me fait rappeler des choses assez douloureuses. Mais bon, si tu y tiens vraiment, je prendrais mon mal en patience. ». Avalon esquissa d’un signe de tête pour lui faire comprendre qu’elle le comprenait et ne lui en tenait pas rigueur, puis elle haussa légèrement les épaules et frotta ses yeux pour en chasser les petites perles salées. « Ca ira. De toute manière si j’y allais, je serais une vraie plaie pour les chirurgiens et, honnêtement, je ne me sens pas capable d’y aller non plus. Enfin, je te remercie pour le sacrifice que tu comptais faire, ça me va droit au cœur. » sourit-elle faiblement et en resserrant un peu plus les pans du plaid qu’il avait posé sur ses épaules. Au bout d’un moment, sa tête glissa lentement et trouva appuie sur l’épaule réconfortante d’Enzo. Elle poussa un soupir et ferma les yeux quelques instants avant de les rouvrir. « Je vais peut-être être indiscrète et tu m’excusera pour ça, ce sera à mettre sur le compte de mon esprit journalistique, mais… quand tu parles de mauvais souvenirs, tu fais référence à l’époque où tu étais en fauteuil roulant, c’est ça ? » demanda-t-elle avec curiosité.

Avalon était dans une passe où elle n’avait plus envie de rien. Elle ne pouvait rien faire de toute façon. Rien si ce n’était resté assise et attendre que l’hôpital ne lui donne des nouvelles de sa mère. Prier ? Trop peu pour elle. Elle avait arrêté de croire en un quelconque dieu depuis très longtemps. D’ailleurs, Avalon doutait d’avoir un jour cru en une forme de puissance supérieure. Elle était journaliste. En général, les journalistes ne croient que ce qu’ils voient et ne se baisent pas sur des suppositions infondées. En général… Certains pseudo-journalistes ne se souciaient pas de tout cela, tout ce qui les intéressaient ce n’était pas un quelconque prix Pulitzer, mais le bon gros scandale. Elle était complètement atterrée par les magasines people et se demandait comment certains lecteurs pouvaient se réjouir en suivant la vie des autres. Certes, Avalon avait été de cette catégorie pendant bien longtemps. Elle traquait la moindre information concernant Micah, son père, mais elle avait fini par développer une passion pour le journalisme et à y voir un moyen d’approcher son père. Père qui n’avait été qu’un fantôme dans sa vie et qui risquait de devenir, ce soir, son seul parent vivant. A cette pensée, son cœur se serra et le nœud qui s’était formé dans sa gorge se mit à la brûler douloureusement. Elle se concentra alors sur ce que disait Enzo, la seule chose qui pouvait lui changer un tant soit peu les idées. « Pas seulement. » avoua-t-il. Avalon fronça les sourcils de curiosité et attendit une explication. « J'ai passé plus de temps avec ma cousine dans son centre de rééducation qu'à l'hôpital mais en partie oui. Il y a aussi la période où... Tiziana et son père ont eu un accident et que je passais mon temps là-bas. J'étais dans un état critique. Je ne mangeais plus, dormais plus, l'idée de les perdre m'est insupportable et... ». Elle prit alors une profonde inspiration, touchée par la sensibilité d’Enzo. De mémoire, elle ne l’avait jamais vu pleurer et le voir ainsi aujourd’hui la frappa. « Désolé... je.. ce n'est sûrement pas à moi de pleurer là tout de suite. ». Elle esquissa alors un sourire suivit d’un signe de tête pour lui faire comprendre qu’elle comprenait parfaitement où il venait en venir puisqu’elle passait par là en ce moment précis. « Non, c’est moi qui m’excuse. Je n’aurais pas dû me montrer indiscrète. ». Surtout qu’elle en avait entendu parler. Sa cousine, Azure, était aussi celle de Tiziana alors forcément, Avalon en avait été informée. Elles avaient sensiblement le même âge et s’étaient côtoyées étant petites filles puisque l’une comme l’autre était très proches d’Enzo au point de se le disputer parfois. « Je meurs de faim, pas toi ? ». Etonnement dès qu’il l’eut demandé, le ventre d’Avalon se mit à émettre une longue plainte qui la fit rougir. « Ca répond plus ou moins à ta question ? » demanda-t-elle avant d’ajouter. « Mais je ne suis pas sûre d’avaler quoi que ce soit, j’ai la gorge tellement nouée que je serais capable de m’étouffer. ».

Avalon sentait qu’Enzo n’était pas près de la laisser tranquille. Elle ne lui en voulait pas, bien au contraire. Sa présence ici – à peine quelques minutes après l’envoi d’un SMS de détresse – prouvait à elle seule que le jeune homme se préoccupait beaucoup d’Avalon. Tous deux se connaissaient depuis leur plus tendre enfance par l’intermédiaire de leur cousine respective et il s’était rapidement lié d’amitié. A l’époque, Avalon se plaisait à dire qu’il était son amoureux et finalement, en grandissant, ce statut était toujours resté le même. Un vieux proverbe disait que l’on n’oublie jamais un amour d’enfance et c’était le cas. Enzo tenait toujours une place très importante dans son cœur, mais elle se refusait de le considérer autrement, sans doute parce qu’avec l’âge, elle trouvait la situation assez particulière. « Non. Faut que tu manges au moins un peu, Avalon. Ne m’obliges pas à te forcer, hein. Et puis, je veillerais à ce que tu ne t’étouffes pas, si ça peut te rassurer. ». La journaliste afficha une petite moue boudeuse et peu convaincue. Elle n’avait envie de rien et Enzo l’avait parfaitement compris : il ne céderait pas, c’est elle qui céderait. Étant journaliste de profession, autant dire que le fait de lui céder ne l’enchantait pas vraiment, elle poussa donc un soupir lourd de sens et opina du chef, vaincue. « Bon d’accord. » avait-elle lâché en grommelant tandis qu’Enzo composait déjà le numéro d’un livreur. Connaissant ses origines italiennes, elle misait pour une pizza. « Tu supporteras d’attendre quelques minutes de plus le livreur de pizza ? ». Bingo ! Amusée, la réaction d’Enzo parvint à lui décrocher un nouveau sourire et elle acquiesça d’un petit signe de la tête avant de replonger dans le fil de ses pensées avant d’être de nouveau interrompu par Enzo. « Dis-moi, à quoi tu penses ? ». Elle tourna légèrement la tête pour le regarder et secoua la tête de gauche à droite. « Rien de très important. » mentit-elle. Avalon était connue pour ne pas savoir garder les choses pour elle très longtemps et finit par céder à la seconde où le regard peu convaincu de l’italien se posa sur elle. « Bon d’accord ! I’m totally freakin' out ok !? » lança-t-elle, comme piquée au vif. « Désolée… C’est juste que… la dernière fois qu’on s’est vues, nous nous sommes disputées pour une chose totalement stupide et je m’en veux. ».