Assise dans sa voiture, Victoria regardait la grille de l’école de sa fille. Elle avait encore dix minutes avant que sa fille ne sorte de l’école. La journée avait été riche en patients, mais la jeune femme avait de la ressource et ce soir, c’était uniquement elle et sa fille, devant les dessins animés. Enfin une soirée entre filles. Même si Victoria était une adulte, elle aimait bien regarder des dessins animés avec sa fille, de temps en temps. Se regardant dans le rétroviseur de la voiture, elle soupira doucement. Ca allait, elle était présentable. Sortant de son véhicule, elle le ferma à clé et alla rejoindre quelques parents déjà présents. Discutant avec des mamans et des papas, elle devait avouer qu’elle aimait bien ce genre de moments. C’était toujours amusant de discuter avec d’autres parents. Sauf, quand on tombait sur le parent très lourd. Mais pour une fois, ça n’était pas le cas. D’ailleurs, une maman expliqua que l’anniversaire de sa fille arrivait d’ici deux semaines et qu’il aurait donc des invitations d’envoyés bientôt. La kiné savait que sa fille allait être ravie d’être invité à un anniversaire. Surtout que plus elle grandissait et plus elle avait envie de rester dormir chez ses copines. Finalement, le temps fila trop rapidement et la sonnerie se fit entendre. La grille s’ouvrit et les enfants sortirent des bâtiments. Victoria salua les enfants et parents qui partaient, avant qu’elle ne voit sa fille, main dans la main, courir avec une autre demoiselle. Elle ne s’y était pas attendue et elle attendit que les deux filles arrivent à sa hauteur.

Maman, elle s’est Lou.
Bonjour.

Souriant, elle salua également la demoiselle, discutant alors avec les deux fillettes. Apparemment, elles avaient un tas de choses à dire. Victoria fut donc la plus attentive possible. Apparemment Lou était une copine de Joana et elles voulaient se voir en dehors de l’école.

Si tes parents sont d’accord, on peut voir ça.
Il faudra que je demande à ma grand-mère.

Victoria fut surprise que Lou ne parle pas plutôt de ses parents, mais peut-être que ses derniers n’étaient plus en vie et qu’elle vivait donc avec sa grand-mère. Elle espérait en tout cas ne pas avoir fait une erreur.

C’est ta grand-mère qui vient te chercher ?
Oui.
Tu veux qu’on reste l’attendre avec toi ?

La demoiselle semblait timide sur sa réponse, mais se mit à sourire doucement. Du coup, la kiné resta avec les deux filles, les écoutant parler de tout ce qu’elles avaient fait de leur journée.

Visiblement sa fille s’était fait une nouvelle copine, ce qui ne pouvait que ravir la jeune femme. Cependant, cette dernière fut refroidie par l’arrivée de la grand-mère de Lou. Cette femme prit sa petite fille par la main et lança aussi facilement qu’il était possible, une phrase qui percuta Victoria de plein fouet. Elle fronça les sourcils, tellement surprise qu’elle secoua la tête. Seulement, elle vit Sullivan plus loin. Ce dernier assistait à la scène, impuissant, de l’autre côté de la rue. Il était là, mais ne faisait rien.

Madame Novak !

Avançant en direction de cette femme avec sa fille à ses côtés, elle alla la rejoindre, voyant bien qu’elle n’allait pas s’arrêter pour elle. Victoria arriva à être à côté de la porte de la limousine et regarda cette femme qui ne semblait clairement pas s’en faire face au propos de Lou.

Je n’aime pas le ton que vous venez d’employer avec moi. Peut importe qui vous êtes et combien vous gagnez d’argent. Je me fiche de votre rang social et même de votre limousine. J’ai aidé votre petite fille, parce que vous n’étiez pas là à l’heure. Si vous voulez vous occuper de votre petite fille, soyez là à l’heure pour la sortie de l’école et au lieu de la traîner de force avec vous, laissez son père s’en occuper. Il est là-bas, à ne pas venir jusqu’à vous, parce que vous ne le laissez pas faire.

Victoria n’avait pas haussé le ton. Elle ne voulait pas effrayé les deux demoiselles qui ne comprendraient sans doute pas la situation.

Vous êtes sa grand-mère, pas sa mère. Que ça vous plaise ou non, votre petite fille viendra jouer avec ma fille quand elle le voudra et non quand vous, vous le voudrez.

Fixant cette femme quelques instants, elle tourna la tête, voyant Sullivan, qui semblait regarder la scène du coin de l’œil, mais qui ne semblait pas savoir si la situation était calme ou non. De son côté, la kiné regarda l’amie de sa fille.

Ce soir, je vais préparer un papier avec mon adresse et tu pourras demander à ton papa de t’amener chez moi pour jouer avec Joana.

Souriant à la demoiselle, cette dernière eut un léger sourire. Cependant, elle se reprit vite et Victoria se redressa pour regarder à nouveau Jody dans les yeux.

Ne confondez pas votre rôle de femme d’affaire à celle de mère et grand-mère sans cœur.

Quelques secondes plus tard, Victoria traversa la route avec sa fille et alla voir Sullivan.

Comme vous ne voulez pas confronter votre mère, c’est moi qui viens de le faire. Maintenant, à vous de vous débrouillez pour aller lui parler.

Elle n’attendait pas de merci ou de cri en particulier. Tout ce qu’elle voulait, c’était que Jody et Sullivan se parlent enfin, comme deux adultes.

Bonne fin de journée Monsieur Novak.

Tournant les talons, Victoria ne comptait pas rester là plus longtemps. Elle savait que Jody devait déjà la haïr et se demander même pourquoi elle venait de débarquer de nulle part pour lui dire tout ça. Pas besoin donc de rester ici plus longtemps.

Sullivan leva les yeux au ciel. « C’est vrai que j’avais besoin qu’on me tienne la main comme un gamin ! » maugréa-t-il soudainement, se retenant d’être grossier pour éviter aux oreilles chastes de la petite fille tenant la main de Victoria d’être choquée ou pire, de répéter les propos qu’il aurait pu prononcer. Il n’avait pas la moindre envie d’avoir la kiné encore plus sur le poil que ce n’était déjà le cas… « Vous avez deux jambes valides et vous marchez à une vitesse normale, les automobilistes vous voient sans problème lorsque vous traversez la rue ! Perso, s’il avait fallut que je traverse, ma mère se serait déjà barrée que je ne serais pas encore arrivé de l’autre côté, sans compter que ma lenteur aurait pu faire en sorte qu’une voiture me fonce dessus et me réduise en charpie. Dans votre petit laïus de femme parfaite et valide, vous avez pensé aux inconvénients des gens qui ont un fauteuil ? » Victoria ne l’énervait pas uniquement parce qu’elle avait eut le culot de s’opposer à Novak mère en personne, mais avant tout parce qu’elle n’avait pas du tout conscience du cauchemar qu’il vivait et que sa génitrice ne faisait qu’empirer. « Ce n’était pas une question d’envie, ma mère me tape sur le système et elle est la première informée, seulement elle a réussi à obtenir la tutelle de ma fille et je ne vois pas très bien ce que je peux faire contre, Madame je sais tout ! Maintenant, la prochaine fois que vous voudrez jouer les Rambo, assurez-vous d’avoir toutes les cartes en main ! » Franchement, elle commençait aussi à lui taper sur le système en l’enfonçant à son tour alors que cette fois, il n’avait rien fait pour le mériter. Mais Sullivan finit par hausser les épaules : ce n’était pas comme s’il n’avait pas l’habitude. Il tourna donc son fauteuil à son tour, partant dans le même sens que Victoria en la dépassant, non pas pour lui donner une nouvelle opportunité de lui en mettre plein la tête mais plutôt pour la semer aussi vite que possible.

Il faut croire que oui, vu que votre fille continue à vous réclamer et que vous n’avez rien fait.

Victoria savait que sa fille devait se poser des questions sur ce qui venait de se passer avec la grand-mère de sa nouvelle amie, mais la jeune femme lui en parlerait une fois dans la voiture. D’ailleurs, elle avait déjà tournée les talons pour le faire, mais Sullivan prit la parole. S’arrêtant, elle fut attentive et quand il décida de partir à son tour, elle se mit à courir sur ses talons hauts, sa fille souvent le mouvement et elle arriva de justesse à attraper une des poignées du fauteuil roulant de son patient. Sa fille elle, fit le tour du fauteuil et se mit face à Sullivan, pour le dévisager. Elle semblait ne pas tenir compte du fauteuil, elle regardait juste le jeune homme.

C’est vous le papa de Lou ?
Oui, c’est bien lui.
Elle voulait vous voir.
Ca il le sait déjà chérie. Seulement, il a peur de sa mère.
C’est vrai que les mamans font peur quand elles s’énervent, mais si vous n’avez pas fait de bêtises, vous n’avait pas à avoir peur.

Joana était une petite fille mature malgré son âge et elle savait que Lou l’était tout autant. Même si elle n’avait parlé avec elle que quelques minutes, elle savait à quel point cette demoiselle était déjà grande. Finalement Victoria passa elle aussi devant le fauteuil et se mit face au jeune homme.

Si vous aviez vraiment voulu traverser la rue, j’aurai pû faire attendre les voitures pour vous. Si vous ne vouliez pas de mon aide, vous auriez quand même pû vous bouger si vraiment vous aviez voulu. Oui les automobilistes n’auraient pas forcément été agréables avec vous, mais vous auriez pû venir devant la voiture de votre mère. Le chauffeur n’aurait pas pû partir tout de suite et je suis sûr que vous auriez pû l’empêcher de bouger tant que vous n’auriez pas parlé à votre mère. Vous savez parler quand vous le voulez.

Elle esquissa un sourire au jeune homme. Elle pensait qu’il n’avait pas eu le courage d’affronter sa mère, parce qu’il ne savait pas comment s’y prendre.

Maintenant, j’espère que mon intervention ne vous fera pas de tort, mais allez la voir. Parce que si je la recroise et qu’elle me reparle sur ce ton …
Elle perdra ses dents !

Victoria regarda sa fille qui venait de parler et qui se mit à rire toute seule de sa remarque. La kiné eut un rire également et regarda à nouveau le jeune homme.

Je ne veux pas vous créer de problème Monsieur Novak. Vous dites que je ne connais pas votre mère, ce qui est le cas, mais vous, vous la connaissez. Vous savez comment elle fonctionne, alors utilisez-le à votre avantage. Pour ce qui est de la tutelle de votre fille, même si c’est elle qui l’a, ça ne veut pas dire que vous ne pouvez pas faire venir votre fille chez vous. En plus, je suis persuadée que Lou serait mieux avec un père aimant, qu’avec une grand-mère incapable de lui donner la moindre attention pour une enfant de son âge.

« Vous avez toujours réponse à tout ? » souffla Sullivan entre ses dents, fortement agacé par le fait qu’on ne soit pas capable de simplement lui foutre la paix. Il n’avait rien demandé à Victoria et surtout pas de vouloir jouer les Rambo… la dernière chose dont il avait besoin, c’était d’être jugé par cette insupportable miss je-sais-tout, qu’elle ait raison ou pas. Il ne souhaitait même pas aller jusqu’au fond des choses pour savoir si oui ou non elle avait raison d’ailleurs ! « Vous n’avez pas compris le but de ma passivité : si je m’oppose à ma mère de front, je sais qu’elle fera tout pour que je ne récupère jamais ma fille. Si j’attends d’avoir un dossier assez solide pour la contrer juridiquement, je serais nettement plus fort en n’ayant pas voulu la voler ou passer outre la décision précédente du juge. En plus de savoir parler j’ai oublié d’être complètement stupide et de ne pas écouter mon avocat. » Mais le néo-zélandais n’était aucunement insultant envers la kiné, surtout pas devant sa fille qui semblait vouer à sa mère une profonde admiration. Ah, il avait connu ça par le passé avec Lou, elle ne jurait que par son père et il aimait par-dessus tout être son héros, vraiment… mais aujourd’hui, les choses n’étaient pas sans complexité et il voulait être sûr de récupérer sa fille. Il le voulait tellement qu’il se sentait prêt à entendre et encaisser toutes les brimades de tous ces abrutis ne vivant pas sa vie et n’étant pas dans sa tête. Il n’en n’avait rien à secouer. « Justement, je me sers de mes connaissances pour savoir que ma simple présence va l’avoir déstabilisée et la pousser à l’erreur. Le garde du corps de ma mère est un excellent ami à moi, il veillera sur ma fille puisque je ne peux pas le faire, j’en suis assuré. Je ne pars pas à la guerre sans biscuit, je suis un soldat. Mais avant de pouvoir réellement intenter une action en justice, je dois me faire opérer. L’intervention est prévue demain et si je suis venu aujourd’hui, c’est simplement pour la voir, même de loin, au cas où. Arrêtez de me considérer comme le vilain petit canard, j’ai une montagne de défauts mais je ne laisserais jamais tomber ma fille. Vous ne me connaissez pas, c’est tout. Vous réagissez avec votre cœur de mère, chose que je peux comprendre sans compter que votre petite miss a l’air adorable, mais vous et moi n’avons aucunement la même vie ou la même famille. Je ne vous juge pas, rendez-moi la pareille même si à vos yeux je suis quelqu’un méritant tous les noms d’oiseaux de la création. »

Parler de cette façon à la mère de Sullivan, n’était clairement pas une bonne idée. Elle avait le recul pour se rendre compte que ça allait sans doute retomber sur le jeune homme. Elle s’en voulait quelque part, mais en même temps, il fallait qu’il se bouge d’une manière ou d’une autre. Il ne pouvait pas rester les bras croisés. Enfin, c’était comme ça qu’elle voyait les choses, même si elle n’était pas dans la situation du jeune homme. Cependant, elle fut surprise par ce qu’il disait. Il voulait laisser sa mère en tête et rester dans l’ombre pour construire un dossier solide qu’elle ne pourrait remettre en question. Elle n’avait pas vu les choses ainsi et du coup, elle espérait que son intervention n’allait pas compromettre les chances du jeune homme pour avoir la garde de sa fille. Attentive à ce qu’il disait, elle comprit donc que face à tout le monde, il ne bougeait pas, mais qu’en coulisse, il faisait tout pour récupérer sa fille. Il ne pouvait pas dévoiler ses cartes devant sa mère, sinon elle ferait tout pour l’écraser visiblement.

Je suis désolé.

Elle était sincère, elle n’avait pas toutes les cartes en main et elle l’avait jugé comme un mauvais père, s’en fichait royalement de sa fille.

D’habitude, je ne juge pas, mais vous avoir vu rester ici, sans bouger, ça m’a fait mal au cœur pour Lou.

Esquissant un faible sourire, elle avait plus pensé à la demoiselle qu’à son père pour le coup. Elle savait que si sa fille était éloignée d’elle, elle ne saurait pas comment faire et elle ferait tout pour se battre contre les personnes qui l’empêcheraient de voir sa fille.

J’espère que mon intervention ne va pas vous être défavorable. Si c’est le cas, je m’en excuse. Si votre avocat veut me passer un savon pour ça, je ne lui en voudrais pas.

Au contraire, elle comprendrait parfaitement la chose.

J’ai proposé à Lou de venir chez moi, pour qu’elle puisse jouer avec ma fille. Si jamais ça se fait, vous voudrez venir la voir ? Votre mère n’aura pas besoin de le savoir et vous pourrez vous voir au moins.

Haussant les épaules, elle ne savait pas si ça changerait grand-chose, mais ça serait leur secret à tout les quatre. Après tout, si elle pouvait l’aider de cette façon là, ça pouvait se faire.

Sullivan arqua soudainement un sourcil, surprit de cet évident revirement de situation. Finalement, Victoria semblait avoir fini par comprendre le pourquoi du comment de sa lascivité et c’est avec soulagement qu’il soupira subitement : enfin elle avait capté sa manœuvre ! Comme quoi, elle avait oublié d’être stupide et pour une fois, au lieu de laisser sa fierté guider ses moindres faits et gestes, elle avait fini par montrer patte blanche, le plus intelligemment du monde, pour mieux lui proposer un plan b tout à fait acceptable et faisable. De quoi le pousser à lui offrir son premier vrai sourire depuis des plombes… et dieu sait qu’il n’avait pas sourit souvent récemment. « Je ne pense pas que votre manœuvre me porte préjudice, c’est vous qui vous êtes opposée à elle et non moi. Mon avocat a déjà bien assez à faire à votre place je ne m’inquièterais pas trop. » Sullivan haussa légèrement les épaules, conscient que jusqu’ici l’amabilité n’avait guère été son fort et qu’il avait énormément de torts à son actif. Il pouvait difficilement l’envoyer bouler dans ces conditions, surtout pas ses excuses et le fait qu’elle ait montré patte blanche à ce point… le néo-zélandais avait beau être un connard parmi les enfoirés, il avait certains élans de lucidité et d’humanité quand il s’y mettait. « C’est tentant… mais pourquoi faire ça pour moi alors qu’à vos yeux je suis… je ne vais pas prononcer le mot devant votre fille mais je pense que vous suivez mon raisonnement. »

Elle s’était totalement trompée. Elle avait jugé sans savoir, alors qu’en temps normal, elle ne faisait jamais ce genre de choses. Sullivan avait un plan pour contrecarré celui de sa mère. De son côté, elle n’avait eu toutes les informations en main et finalement, la voilà à juger. Seulement, elle reconnue son erreur. Oui, elle s’était totalement trompé et l’admettait. Cela sembla rendre le jeune homme perplexe, mais elle s’excusa sincèrement. Hochant la tête à ce qu’il venait de lui dire, elle en fut rassurée. C’est vrai qu’elle n’y avait pas été de main morte avec la mère du jeune homme et si ça portait préjudice à ce dernier, elle s’en voudrait vraiment. Elle finit même par lui proposer de venir chez elle. En effet, Lou avait envie de venir jouer avec Joana et Victoria était d’accord pour ça. Si elle pouvait amener la petite chez elle, elle laisserait le père et la fille se retrouver, sans que la grand-mère soit au courant.

Oui, parfaitement.

Elle eut un léger sourire et regarda rapidement vers sa fille qui attendait sagement. Elle reposa alors son attention sur le jeune homme.

Tout simplement parce que si c’était mon ex qui avait eu la garde de ma fille, je me serai battu pour chaque moment passé avec elle.

Son ex petit ami, le père de Joana était un abrutit finit, ou pas. Des fois elle se demandait s’il était bien finit ou pas.

Ma fille est la seule personne qui compte. Je ferai tout pour elle et aujourd’hui je vois à quel point elle vous manque. Alors, si jamais elle vient chez moi, je vous ferez signe.

Elle comptait en effet le tenir au courant. Si c’était faisable, elle appellerait le jeune homme après que sa mère soit partit. Il ne fallait pas que cette dernière le voit, sinon elle reprendrait la demoiselle et Victoria ne voulait pas que ça soit le cas. Le père et la fille avaient le droit d’avoir des moments ensemble.

Est-ce que votre avocat vous a conseillé de faire des séances de kiné ou d’accepter l’opération pour parvenir à avoir la garde de votre fille ?

Elle savait que le sujet était délicat, mais si elle pouvait aider pendant leurs séances, elle le ferait.

Ah, l’opération de Sullivan, ou LE sujet délicat à ne surtout pas aborder à la légère ! Il s’était brouillé avec sa propre sœur des suites de cette problématique –bien que le fait qu’elle soit une droguée rentre bien évidemment en ligne de compte aussi– et n’en n’avait réellement parlé à personne, pas même son meilleur ami. Victoria était pour ainsi dire privilégiée dans l’affaire puisqu’elle était la première à recevoir la confidence de son opération entre les mains. Étrange, n’est-ce pas ? Lorsque l’on sait à quel point ils avaient pu s’opposer, s’envoyer des saloperies dans la tronche et autres joyeusetés du même type, imaginer que Victoria deviendrait en quelques sortes sa confidence à ce sujet était légèrement présomptueux. Mais c’était le cas ! Bien qu’elle soit en face de sa fille Jade et qu’elle ait joué les Rambo à tort, le néo-zélandais ne se trouvait pas du tout indisposé par sa présence ou ses paroles, c’était même l’inverse actuellement. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ! « Pas mon avocat, non. Disons que je ne suis pas trop crétin puisque même si j’ai mis le temps j’ai fini par accepter l’idée. Je suis long à la détente, c’est tout. Je sais que les mois qui vont suivre risquent de ne pas être cotons mais… le jeu en vaut la chandelle. Ne m’insultez pas parce que j’ai encore dit une choserie… c’est bien ce que vous vouliez que je fasse non ? Je devrais avoir un bonbon même pour ça. » En mode gamin ? Oui m’dame !

Prendre le temps de parler était une bonne chose. Ca avait remit la situation en place. Victoria s’en voulait d’avoir été si dure avec Sullivan. Elle n’avait pas toutes les informations en main et elle s’en mordait les doigts. En tout cas, elle voulait que le père et la fille puissent se voir. Elle proposa une chose, avant de demander au jeune homme s’il comptait faire la chirurgie dont tout le monde lui parlait. En écoutant la réponse du jeune homme, elle hocha la tête.

Je ne le voulais pas personnellement. Tous vos médecins vous disaient de faire cette intervention, pour ma part, c’était votre choix. Si vous vouliez le faire tant mieux, sinon, tant pis. Chaque patient à le droit d’avoir ses propres choix. Je ne suis pas là pour forcer un patient.

Haussant les épaules, elle disait la vérité. Elle n’aurait jamais forcé Sullivan à se faire opérer.

Pour le bonbon, j’en ai à mon travail, vous en aurez quand vous viendrez.

Elle eut un sourire amusé à cela. Au moins, l’ambiance était plus détendue et elle appréciait cela.

Maintenant, je comprend que vous ne vouliez pas que je sois votre kiné, mais si jamais vous avez besoin, je pourrai vous donner le nom de collègue très compétent.

Si ça pouvait aider le jeune homme, elle le ferait volontiers. Après tout ce qui s’était passé, elle comprendrait parfaitement qu’il ne veuille pas d’elle pour les séances de rééducation dont il aurait besoin après l’opération. Elle devait avouer qu’elle serait un peu déçue, mais elle ne le montrerait pas.

Vous mettrez votre mère au courant de votre décision ? Vu qu’elle semblait faire pression, ça l’aidera peut-être à revoir sa position par rapport à votre fille, non ?

Là, elle espérait que ça serait le cas. Elle avait fait tellement pression sur son fils que ce dernier aujourd’hui acceptait de subir cette opération. Victoria espérait donc que la mère du jeune homme voit les efforts qu’il faisait.

Effectivement, tous les médecins de Sullivan n’avaient eu de cesse d’appuyer la décision de sa mère sans même prendre en considération ce qu’il pouvait ressentir. Le soldat avait fait l’autruche aussi longtemps que possible mais au final, tous les reproches, toute la culpabilité qu’on avait cherché à lui faire endurer avait fini par l’atteindre. Même les propos de Victoria n’étaient pas tombés dans l’oreille d’un sourd, il lui avait simplement fallut du temps pour s’apercevoir que dans le fond, elle n’avait pas totalement tort… il refusait stupidement de se soigner alors que derrière, sa fille avait besoin de lui. Lou était le tout premier moteur à sa décision et là, tel que le voyait la kiné, il ne s’en cachait pas. C’était plutôt l’évidence même, à vrai dire. « Ma mère n’a plus à connaître ma vie et je préfère qu’elle se rende compte du mal qu’elle m’a fait pendant l’audience que nous aurons tous deux chez le juge. Voyez-vous, si intelligente soit-elle, ma charmante génitrice a un peu trop tendance à considérer que ses enfants ne sont que des pions sous ses ordres… il est temps malheureusement de jouer exactement le même jeu qu’elle. Peut-être que je vous semble cruel mais… elle n’aura que ce qu’elle mérite : la plus grande solitude du monde. » Il était évident qu’elle n’aurait plus aucun droit sur Lou dès qu’il serait à nouveau maître de son corps et de sa vie. Sullivan se l’était promis et tous ceux le connaissant un tant soit peu savaient à quel point il n’avait qu’une parole quand il s’y mettait. « Sauf que j’ai changé d’avis. Je me connais ma patience a des limites et je veux la meilleure pour garantir mes chances de succès… vous m’obligeriez si vous acceptiez d’excuser mon caractère de merde pour vous occuper de moi. Mais sentez-vous libre de refuser… après tout je ne l’aurais pas volé. »

La conversation était devenue plus détendue et Victoria était attentive à ce que lui disait le jeune homme. Il voulait avoir la garde de sa fille et pour ça il allait tout donner. Il passerait par la case chirurgie et même si la rééducation ne serait pas facile, il se donnerait à fond. La jeune femme de son côté était fière. Voilà une personne qui est prête à tout pour revoir son enfant. Elle était touchée par la chose. Regardant vers sa fille, elle voulait voir si cette dernière allait bien. Elle était à côté d’accord, mais Victoria voulait toujours savoir si sa fille allait bien ou pas. Reportant ensuite son attention sur Sullivan, elle hocha la tête à ses propos.

Oh non, vu la façon dont elle m’a traité tout à l’heure, vous pouvez la piétiner sans problème.

Il y avait une certaine rancœur chez la kiné. Elle n’aimait pas du tout la façon dont la mère du jeune homme lui avait parlé. Du coup, si Sullivan pouvait la mutiler, ça ne la dérangeait pas. C’était peut-être beaucoup, mais il pouvait faire ce qu’il voulait de sa mère, ça n’était pas Victoria qui viendrait pleurer sur son sort.

Si vous voulez le bonbon dont vous parliez juste avant, vous devrez venir à mon cabinet.

Elle eut un sourire en coin, juste pour l’embêter.

En tout cas, je retiens le fait que vous ayez dit que je suis la meilleure. Je vous le rappellerai à l’occasion.

Elle s’en faisait déjà une joie. Sentant quelque chose venir contre elle, elle baissa les yeux et vit sa fille.

Oui, on y va.

Elle connaissait assez Joana pour savoir ce que ce visage voulait dire.

N’hésitez pas à m’appeler si vous avez besoin de renseignements ou quoi que ce soit.

Elle était sincère, s’il avait besoin de renseignement sur la rééducation ou tout autre chose. Il avait ses numéros, elle le savait. Elle fit signe à sa fille qu’elle soit polie et cette dernière salua Sullivan. Victoria en fit autant et regarda avant de traverser la route pour aller rejoindre sa voiture et rentrer chez elle avec sa fille.