Encore et toujours des patients à soigner. C’était ce que Victoria aimait dans son métier. Elle qui avait pensé devenir médecin, n’avait pas voulu en faire sa carrière. Elle préférait plutôt s’occuper de patients aidant d’autres besoins. Les rhumes, bronchite et tout ça, très peu pour elle. La chirurgie lui aurait été possible, mais elle avait décidée de changer de voix. Etre kiné lui plaisait énormément. Elle aimait pouvoir soigner les gens par des massages. En plus de cela, elle était ostéopathe, elle savait donc ce qui pouvait être combiné dans ses deux spécialités et ce qui ne pouvaient pas. Bref, aujourd’hui, elle avait eut la visite d’un confrère. Un médecin qui avait aidé une jeune maman à faire naître un bébé. Seulement en ayant l’historique de cette maman, elle avait apprit que cette dernière avait perdue un bébé, il lui restait des quadruplés. Un avait été mit au monde et elle devait encore garder les deux autres. Ca n’était clairement pas une partie de plaisir. Victoria avait eut elle du mal à mettre sa fille au monde à l’époque, mais elle savait que ça serait différent de cette jeune femme. Elle ne comptait pas comparer leurs vécus, mais elle pouvait comprendre que pour l’instant, elle était épuisée et qu’elle avait juste envie qu’on l’a laisse tranquille. Malheureusement, comme l’avait bien fait remarquer son médecin, elle devait tout de même bouger un peu pour que son corps ne soit pas en mauvais état. Du coup, il voulait que Victoria aille masser sa patiente, Ella. Après avoir lu son dossier, elle avait acceptée et avait rendez-vous avec elle deux heures plus tard. Le médecin lui avait dit qu’il avait déjà prévenue Ella. Du coup, deux heures plus tard, elle se retrouva à frapper à la porte de sa chambre.

Bonjour.

Souriant, elle ferma la porte derrière elle, alla déposer la petite valise qu’elle avait près du lit et regarda la jeune femme.

Je suis Victoria González. Je suis kiné et je suis là pour faire en sorte que votre corps se détende. Si lui y parvient, vous y parviendrez aussi.

Laissant le temps à la jeune femme de comprendre ce qu’elle lui disait, elle vint se mettre au bout du lit pour regarder sa patiente.

Est-ce qu’il y a des endroits en particulier que vous aimeriez que je masse, parce que ça vous fait vraiment mal ?

Allongée, je regardais la photo que Joshua avait pris hier avant de venir me voir. Il semblerait que j'ai le don pour enchaîner les problèmes et les collectionner. Je laissais glisser mes doigts sur l'écran de mon smartphone et un sanglot me prit de cours. C'était trop dur. Je ne pouvais pas rester là à ne rien faire, à attendre que le temps passe et que quelqu'un vienne me voir. Je n'avais qu'une envie : me lever et aller voir le bébé que je n'avais pas la chance de voir et d'approcher. Il était trop fragile, trop faible et je n'étais – moins non plus – pas franchement en forme pour me permettre de quitter ma chambre. Posant mon portable sur la table de nuit, je me releva légèrement et laissa les larmes couler. Il n'était que dix heures et j'avais encore trois longues heures à tuer avant que Joshua ne vienne me donner des nouvelles du bébé avant de partir au travail. Il ne pouvait pas tout mettre ne veille pour moi – même si je l'aurai voulu – et il devait partir serein au travail. L'autre jour, j'avais appris qu'il avait failli finir écrasé sous une poutre et je ne voulais donc plus qu'il s'inquiète pour moi. Je m'efforçais donc de peindre un masque de sérénité et de calme le temps qu'il était là pour qu'il ne mette pas inutilement sa vie en jeu. S'il venait à perdre son travail, cela serait dévastateur autant pour lui que pour moi. Je ne pourrais pas le supporter. Je n'étais qu'un poids pour lui. Voilà comment je me voyais en ce moment. Cette grossesse nous enfonçait petit à petit et je voulais qu'il garde pieds, pour nous deux. Seule, je me laissais aller. Je savais qu'une kinésithérapeute devait venir d'un moment à un autre mais je m'en fichais pas mal. Elle devait bien se douter que tout n'allait pas comme sur des roulettes dans ma petite vie. Il ne fallait pas avoir fait des études science politique pour savoir qu'un accouchement prématuré – plus que ça même – était mauvais pour le corps mais aussi pour l'esprit, surtout quand il fallait s'accrocher pour les deux autres bébés qui étaient toujours là. Je ne pouvais pas les abandonner, il fallait que je les emmène le plus loin possible, que je les sauve. Entendant la porte s'ouvrir, j'attrapai un mouchoir et m'essuya rapidement les joues. Mes yeux étaient rougis et légèrement gonflés mais ça, je ne pouvais pas le cacher en un claquement de doigt. « Bonjour. » Je tourne la tête vers la jeune femme, pince les lèvres pour ne pas éclater en sanglot et la salue d'un léger signe de tête dans sa direction. C'était tout ce dont j'étais capable à ce moment même. Je tentais de me calmer intérieurement, de reprendre un rythme cardiaque normal. Je savais qu'au premier débordement elle préviendrait mon médecin qui préviendrait Joshua et je n'en avais pas envie. J'avais envie de lui montrer que je pouvais essayer de m'en sortir, que je pouvais être calme et sympa, même si j'avais juste envie d'arracher la tête de tout le monde sur mon passage. « Je suis Victoria González. Je suis kiné et je suis là pour faire en sorte que votre corps se détende. Si lui y parvient, vous y parviendrez aussi. » Je glisse les yeux sur la jeune femme et un léger rire s'échappe de mes lèvres, un rire nerveux bien entendu. « Si vous arrivez à me détendre, vous êtes la femme la plus extraordinaire que la terre ait pu créer ! » Tout le monde essayait en vain. J'étais impossible à détendre, une vraie boule de nerf sur pattes. Il fallait dire que je ne leur rendait pas la vie facile non plus mais tout de même... La suivant du regard, je fronça les sourcils en la voyant s'arrêter au pied du lit. Oui, c'est sur que de là, elle va réussir à me détendre ! Elle va plus me stresser qu'autre chose. « Est-ce qu’il y a des endroits en particulier que vous aimeriez que je masse, parce que ça vous fait vraiment mal ? » Je la regarda et lance, léger sourire en coin, histoire de dédramatiser la scène, ou de la rendre encore plus intense, « Là en ce moment ? Le cœur. C'est fou ce que ce truc rouge peut endurer ! Mais je doute que vous puissiez y faire quelque chose. J'ai mal partout, absolument partout ; à commencer par la tête. Je ne dors pas des masses et, comme vous pouvez le voir, je chiale comme une gamine. Du coup, j'ai la tête qui va finir par exploser » J'hausse les épaules. Enfin, elle pouvait commencer par où elle voulait, j'étais cassée en mille morceaux et n'importe quel massage me ferait un bien fou, je n'en doutais pas une seule seconde.

Victoria avait bien vu que ça n’allait pas. Mais elle n’était pas là pour enfoncer le couteau dans la plaie. La jeune femme avait perdue un bébé et un autre était née, mais dans un état critique. Du coup, c’était à elle de faire en sorte qu’Ella aille mieux. En tout cas que son corps aille mieux. Se présentant, elle lui expliqua sa venue et esquissa un sourire à ses paroles. Visiblement la jeune femme savait qu’elle avait du mal à se détendre. Se postant au pied du lit, elle lui posa une simple question. Elle avait besoin de savoir d’abord si un endroit en particulier faisait mal à la jeune femme. Elle pouvait comprendre à ses paroles que la douleur n’était pas uniquement physique. De ce côté-là, elle n’y pourrait rien. Peut-être qu’un psy y parviendrait, même si elle n’était pas pour les psys. Apparemment, ils aidaient, mais elle, ça n’était pas son truc.

Pour votre cœur je n’y pourrai rien malheureusement. Sauf si vous voulez parler.

C’était dit de bon cœur. Elle n’était pas psy donc ça serait une conversation moins formelle et elle au moins ne prendrait pas de note. Attrapant ce qu’elle avait amené avec elle, elle vint prendre place à côté de la jeune femme. Elle posa ses affaires sur la table que la jeune femme devait utiliser pour son plateau repas. Puis, elle alla prendre le tabouret qui était dans la salle de bain. Elle préférait ça au fauteuil. Une fois de retour à sa place, près de la jeune femme, elle soupira doucement.

Pour votre tête j’y viendrai en dernier. Je vais commencer par le reste de votre corps. Votre médecin m’a dit qu’il valait mieux que vous restiez sur le dos, donc c’est moi qui vais bouger.

En effet, Ella n’aurait rien à faire, sauf peut-être se tourner un peu, mais vraiment pas grand-chose.

On va commencer par vos bras.

Elle sortit un flacon de nettoyant pour les mains. Elle attendit quelques secondes que ça sèche et choisit une crème qu’elle mit dans ses mains, pour venir masser le bras gauche de la jeune femme. Elle prit son temps, massant doucement. Elle voulait voir sur le visage de la jeune femme ou par des grimaces, si ça lui faisait du bien ou pas.

Votre médecin m’a montré votre dossier médical. J’ai vu que vous avez eu un bébé. Votre compagnon et vous avez choisit un prénom ?

Elle savait que ça pouvait crisper la jeune femme, mais elle voulait qu’elle parle, qu’elle se laisse aller, à ne pas penser au massage, quitte à pleurer. Qu’elle soit juste elle-même le temps qu’elle s’occuperait de la masser.

Parler de mes problèmes n'avait jamais été mon dada. Je n'étais pas quelqu'un de renfermée, loin de là même, mais je n'aimais pas parler de ma vie et de mes problèmes. J'avais appris, à mes dépends, qu'en dire trop pouvait briser une carrière ou une vie. Je n'avais jamais fais le frais de ce genre de pratique mais je n'étais pas dupe, cela pouvait très bien arriver maintenant que j'étais faible et au bord du gouffre. À peine avais-je réussi à remonter la pente qu'un événement venait me replonger la tête sous l'eau. Cette fois-ci, je me sentais encore plus vulnérable et rester dans cet hôpital, allongée dans ce lit, n'était pas franchement ce que j'avais prévu pour mes derniers mois de grossesse. Seulement, je n'avais plus le choix. Si je voulais avoir deux bébés en pleine santé, je devais rester là, allongée, légèrement inclinée vers le bas plusieurs heures par jour. Phoebe, quant à elle, devait se battre seule dans sa bulle. J'espérais que ma fille allait s'en sortir sans de trop grandes séquelles. Penser à elle me détruisait et me rendait heureuse en même temps. Je crevais d'envie de la prendre dans mes bras mais la voir si petite, si chétive, me donnait envie d'hurler. Elle était une battante, je n'en doutais pas une seule seconde ! J'avais donné mes envies à la jeune femme et je souris légèrement en l'entendant dire que je pouvais lui parler pour me soulager. Je lui fis un léger sourire avant de la laisser se positionner où elle le voulait. Parler à une inconnu pourrait me faire du bien mais je n'avais guère envie de parler, juste de pleurer ou d'hurler. Je la regarda faire quelques aller-retour entre la chambre et la salle de bain et soupira. Dieu que je l'enviais de pouvoir marcher sans problème. Et dire que j'étais loin, coincée dans ce lit, alors qu'elle était libre d'aller où elle voulait aller. Je l'enviais, il n'y avait pas à dire. « On va commencer par vos bras. » Je lui souris et lui tendis mon bras pour qu'elle commence son massage. J'avais l'impression d'être une grand mère mais le massage était agréable et reposant. Je sentais tous les muscles de mon avant bras, de mes mains et c'était plaisant, je devais bien l'avouer. Moi qui avait toujours négligé le travail des masseurs kinésithérapeutes, je ferai mieux de revoir mon jugement, cette jeune femme avait de l'or entre les mains ! Je me laissa aller et ferma les yeux quelques secondes. « Votre médecin m’a montré votre dossier médical. J’ai vu que vous avez eu un bébé. Votre compagnon et vous avez choisit un prénom ? » Instantanément, mon corps se raidit et je déglutis difficilement. Je préféra garder les yeux fermer pour que la jeune blonde ne voit rien sur mon visage. Je m'éclaircis la gorge et tenta de répondre le plus calmement et normalement possible. « Oui, j'ai accouché il y a quelques jours d'une petite Phoebe. C'est une grande prématurée alors je n'ai pas le droit de la voir. Je ne peux pas vraiment me déplacer dans mon état et elle non plus... » C'était tellement douloureux de ne pas pouvoir voir son enfant autrement qu'en photo. Je soupira légèrement et la laissa continuer de me masser. Un léger blanc prit possession de la pièce. Je tenta de reprendre la conversation. « Et je suis encore enceinte. Il en reste toujours deux et ceux-là, il faut que je les garde un maximum de temps pour qu'ils n'aient pas la même épreuve que leur sœur à traverser.. » Il ne manquait plus que ces deux là viennent au monde trop tôt. J'étais sous monotoring toute la journée pour les surveiller mais j'avais quand même peur... Ouvrant les yeux, je lui souris et dis « Et vous, vous avez des enfants ? » Question banal après tout. Une chose était sûre, j'espérais qu'elle n'avait pas vécu la même chose que moi...

Elle pouvait comprendre le mal être de sa patiente. Elle-même n’aurait pas supportée de devoir rester dans cette position jusqu’au terme de sa grossesse. Victoria était du genre à faire pleins de choses en même temps. Les seuls repos qu’elle prenait étaient lors de ses congés. Seulement, elle voulait lui faire la conversation. Tout en massant son bras, elle parla du bébé qui était né. Elle sentit la brunette se tendre, mais ne dit rien. Un sujet sensible venait d’être abordée, mais elle espérait que Ella se laisse aller à en parler malgré tout. Ecoutant sa réponse, elle massa doucement son bras, allant vers sa main qu’elle prit soin de masser également.

Phoebe est un très joli prénom.

Elle avait fait exprès de ne pas revenir sur le fait que la mère et la fille ne puissent pas se voir. Victoria avait toujours dit que même si un bébé ou leur mère était en mauvaise état de santé, il fallait qu’ils puissent se voir. Etant mère, elle comprenait l’angoisse de ne pas pouvoir voir son enfant. Attentive à ce que la jeune femme lui disait, elle hocha la tête.

Vous avez des prénoms pour eux également ? Sauf si vous ne voulez pas le dire pour le moment.

Elle comprenait parfaitement. Certains parents préféraient garder la chose secrète et si c’était le cas de la jeune femme et son petit ami, elle respecterait cela. Entendant la question de la jeune femme, elle se mit à sourire.

Oui, j’ai une fille de cinq ans. Elle s’appelle Joana.

Gardant son sourire, c’était le cas dès qu’elle parlait de sa fille. Finissant avec le premier bras, elle fit le tour du lit pour s’occuper du second.

J’ai également vu dans votre dossier que vous êtes actrice. Ca ne doit pas être facile tous les jours. Je n’aimerai pas être dirigé par qui que ce soit. Si c’était le cas, je risquerais vite de me faire virer.

Elle eut un sourire. Elle ne voulait pas trop parler bébés encore si ça faisait mal à la jeune femme. C’est pour cela qu’elle avait changé de sujet.