« Ecoutez, je paierai ce qu’il faudra. Je vous demande juste de vous rapprocher de mon ex-femme et de vous renseigner sur sa vie » plaida une nouvelle fois mon client tout en faisant les cents pas dans mon bureau. Je le regardais faire, essayant de le sonder pour voir si je n’avais pas à faire à un quelconque mari jaloux ou violent. Au cours de ma carrière au sein de la section criminelle de New York, j’en avais vu des affaires de meurtres passionnels. Je m’étais alors juré de ne jamais commettre l’erreur même pour tout l’argent du monde, de mettre un psychopathe sur la route d’une femme. Appelez ça un instinct chevaleresque ou juste du bon sens mais quoi qu’il en soit, je préférais me renseigner au préalable avant d’accepter toute affaire de ce genre. Bien sûr, j’avais cruellement besoin de cet argent. J’avais un loyer pour l’agence à payer ainsi que mon propre appartement. Heureusement pour moi, je le partageais avec une femme aussi étrange que sympathique. Xinthia. Ma colocataire. « Je peux vous donner trois milles dollars ! » me pressa-t-il. D’un signe de la main, je l’invitais à se rasseoir. « Ecoutez monsieur, ce n’est pas une question d’argent. J’ai des principes. Je ne refuse pas l’affaire mais je veux savoir par moi-même ce qu’il en retourne » lui expliquais-je le plus calmement possible. Ce dernier s’agita sur son siège avant de baisser la tête. « Je veux simplement reconquérir ma femme. Rien de plus, rien de moins. » Je le toisais alors, essayant de voir s’il me mentait ou pas. « Laissez moi mener une enquête de routine et je vous dirais si oui ou non, j’accepte cette affaire. » Ce dernier hocha la tête et sembla presque rassuré. S’attendait-il à un privé dénué de bon sens et de scrupule ? Je ne me cachais pas de mes clients. J’avais inscrit que j’étais un ancien flic et pour moi c’était à la fois un gage d’efficacité qu’une sureté. Les quelques clients que j’ai eu depuis l’ouverture de mon agence m’avait informé que c’était une des raisons qui les avaient poussé à venir dans mon agence. Et bêtement, j’en étais fier. Grâce à cette agence, j’allais pouvoir avoir un emploi moins dangereux et plus libre au niveau des horaires. Deux points qui seraient un atout pour mon combat pour la garde Connor.

Une heure plus tard, je me retrouvais à filer cette femme. Alice. D’après ce que j’avais réussi à récolter d’elle durant ce court laps de temps, elle était maman d’une petite fille de trois ans, éditrice. C’était maigre. Apparemment, elle avait conservé avec son ex-mari une relation que je pouvais qualifié d’amical, ce qui me rassura grandement quant à ce dernier. La seule chose que je n’avais pas prévu, c’était qu’au détour d’une rue, je me retrouvais en face de cette femme. Avait-elle vu que je la filais ? Je ne m’étais pas montré des plus discrets, je devais bien l’avouer.

Mon divorce était inéluctable. Au bout de 3 ans, l’amour des premiers jours n’existait plus et entre Lennon et moi, la routine s’était installée. D’ailleurs, je ne ressentais plus rien pour lui qu’une tendre amitié et une grande reconnaissance pour m’avoir offert le plus beau cadeau qui peut être donné à une femme : être mère. C’est parce que je voulais autre chose, je cherchais le grand amour et je ne voulais pas nous enfermer dans une relation qui s’effilochait, c’est pourquoi j’ai demandé le divorce. On a trouvé un terrain d’entente pour tout même pour la garde de Charlotte – même si ce fut plus compliqué – qui vivait avec moi et allait la plupart des vacances chez son père, mais c’était en ami que tout c’était passé. Aujourd’hui, nous vivions à New York et mon ex-mari à Londres. Ici, nous avions retrouvé une vie de famille même si Charlie ne vivait pas avec son père, elle avait une figure masculine. Aaron vivait avec nous depuis août et c’était un réel plaisir. Comme aujourd’hui, nous étions au début novembre. En cette fin d’après-midi, il faisait assez doux pour la saison. Je sortais du travail. La journée était passée plutôt rapidement. Je sortis mon portable de mon sac pour appeler Aaron. Il décrocha assez rapidement. « J’ai pensé qu’on pourrait se retrouver au parc comme le temps le permet. C’est une bonne idée, non ? » A l’autre bout du fil, mon meilleur ami acquiesça. « Habille bien la petite et on se retrouve là-bas d’ici une dizaine de minutes alors ? » Autre acquiescement. « A tout de suite alors. » Je raccrochai. Je rangeai le téléphone portatif et me mis en marche vers le lieu où j’avais rendez-vous avec les deux personnes les plus importantes de ma vie. J’avais le sourire aux lèvres. Cependant, j’avais un mauvais pressentiment comme si quelqu’un me suivait. Je me retournai. Aucune trace de quelqu’un. Sur le chemin, je pris le temps de m’arrêter pour acheter un jouet pour ma fille. Maman gâteau ? Pas du tout ! Je lui offrais juste des cadeaux assez souvent. Seulement cinq petites minutes et je repris mon chemin avec toujours cette mauvaise impression que quelqu’un marchait dans mon ombre. C’est à ce moment-là que je remarquai un homme qui avait le même trajet que moi. Bizarre…ce n’est pas ce que je me dis tout de suite, mais quand nous nous retrouvions face-à-face, je n’eus plus aucun doute. Je fronçai les sourcils. Croisant les bras sur ma poitrine au milieu de cette rue new-yorkaise, je toisai l’homme et le détaillai de haut en bas. « Vous me suiviez ? », dis-je d’une voix blanche en fixant l’homme dans les yeux.

S’il y avait bien une chose qui me manquait de mon ancien travail, c’était l’action. Je n’imaginais pas que cela me manquerait à ce point-là mais j’étais forcé de reconnaitre qu’il en allait ainsi. Etre détective privé n’était pas réellement ma vocation. J’avais toujours eu envie d’être agent du FBI, un profiler reconnu par ses pairs. Malheureusement, l’arrivée de Connor dans ma vie m’avait forcé à revoir mes rêves de toujours. Bien sûr, j’étais heureux d’avoir un fils, je chérissais même le jour de sa venue au monde. Une famille était tout ce que j’avais toujours voulu avoir dans la vie mais je n’imaginais pas en père célibataire et divorcé. Quelque part, j’avais échoué dans ma vie mais j’étais du genre à me reprendre rapidement en main. D’ailleurs, j’avais également repris mes études à l’Université de New York, en cours du soir pour obtenir enfin les unités qui me manquait. Non, la vie n’avait peut-être pas suivi le plan initial mais je pouvais me réjouir de tout donner pour atteindre mes objectifs. Tout ça pour en revenir au fait que je suivais une femme divorcée dans l’unique but que son ex puisse lui mettre à nouveau le grappin dessus. Et franchement, cet aspect-là de ma profession ne me réjouissait pas le moins du monde.

J’avais envie de résoudre des enquêtes, de coffrer des meurtriers, pas de jouer au cupidon pour adultes divorcés. Malheureusement, si je voulais obtenir la garde de mon fils, il fallait que j’en passe par-là. Qui sait, un jour, je serais peut-être appelé pour faire la lumière sur un meurtre ou une affaire de ce même acabit. Ma mère me taquinait souvent sur le fait que finalement, j’avais épousé la même carrière que mon héros fétiche : Sherlock Holmes. Dans un sens, c’était vrai. Seulement, lui au moins, traitait des affaires uniquement importante ou qu’il jugeait dans ce sens. Enfin bref, j’étais tellement perdu dans mes pensées que je ne faisais pas du tout attention à ce que je faisais. En même temps, j’étais payé pour me rapprocher d’elle et ce n’est pas en la filant de loin que je pourrais réaliser cet objectif. Toutefois, il y avait mieux comme première approche que : Bonjour, oui je suis le type louche qui vous file depuis quelques minutes. On va se prendre un café ? Non il y avait vraiment d’autres moyens pour faire connaissance et à en juger par son regard, elle semblait avoir peur de moi. Bien joué McDouglas. Bien joué.

« Excusez-moi, je ne voulais pas faire peur » commençais-je en ayant l’air d’être gêné. C’était un peu le cas mais bref passons. « Vous allez trouver ça bizarre peut-être mais j’ai l’impression de vous connaitre. Vous ne seriez pas Alice? Nous suivions les mêmes cours au lycée » lui expliquais-je. Heureusement que j’avais fait des recherches sur elle pour savoir toute sa vie ou presque. « Je suis désolé de vous avoir fait peur mais j’avais peur que vous me preniez pour un idiot si je me trompais » mentis-je tout en jouant parfaitement le rôle de l’ancien camarade de classe. Merci à ma seule et unique enquête en infiltration qui m’avait formé sur le tas à mentir et me faire passer pour un autre.