La musique n’était pas vraiment ce qui faisait vivre Pablo mais plutôt une passion qu’il avait la chance d’exercer dans les plus grands clubs de la ville. D’ailleurs, il ne savait pas exactement si toutes les demandes qu’il recevait étaient dues à son talent ou au simple fait qu’il soit connu en tant que pilote de F1. Mais il s’en fichait pas mal ! Ce qui lui importait, c’était de mixer, quelles qu’en soient les raisons. Et aux vues des sommes qu’il récoltait pour ses prestations, il ne devait pas être si mauvais que ça… Il y quelques temps déjà, une importante entreprise de production de musique l’avait d’ailleurs contacté pour qu’il collabore avec d’autres DJ sur un de leurs albums. Trouvant l’idée amusante, le latino avait accepté cette offre un peu hors du commun pour lui. Mais son emploi du temps pour le moins chargé ne lui permettait pas de travailler sur ce projet aussi rapidement qu’il l’aurait voulu, et même si ce délai était dans les termes du contrat, Pablo aurait aimé être plus efficace. En fait, il adorait travailler en partenariat avec cette boîte-là, et espérait bien pouvoir réitérer l’opération dans le futur.

Aujourd’hui, le jeune pilote avait profité de son planning un peu plus light pour passer déposer quelques petits arrangements dans le bureau du directeur. Il y resta d’ailleurs de longues minutes, discutant avec ce dernier autant de sa saison sur les circuits que de cet album en préparation. Mais en sortant de la pièce, Pablo ne quitta pas l’immeuble tout de suite : il avait une chose bien plus importante à faire avant ça. Puisqu’il était dans les parages, il DEVAIT aller voir Madison. Le jeune homme l’avait rencontrée ici même et depuis les quelques mois pendant lesquels il avait fréquenté cet étage, ils s’étaient pour ainsi dire liés d’amitié. Lorsqu’ils étaient dans les bureaux tous les deux, ils avaient tendance à s’amuser comme des gamins, redoublant d’inventivité pour tester de nouvelles bêtises chaque jour.

Le sourire aux lèvres, Pablo se dirigea donc vers le couloir dans lequel travaillait Madie, un endroit qu’il commençait à particulièrement bien connaître. En arrivant à la hauteur de la porte du bureau, il nota que celle-ci était à peine entrouverte. A l’heure qu’il était, et comme à peu près tout le monde autour de lui, Madison devait être en pause. C’est donc sans la moindre hésitation qu’il ouvrit la porte, toujours en souriant. Mais son expression changea instantanément lorsqu’il vit que la jeune femme avait déjà de la compagnie, et quelle compagnie… !

Au moment même où Pablo poussa la porte, il découvrit Madison pendue à la cravate d’un de ces hommes d’affaire grisonnants qu’elle affectionnait tant. Et l’expression que son visage arborait ne faisait aucun doute : il lui plaisait, lui aussi. En fait, cette attitude n’aurait pas du surprendre le latino puisqu’il connaissait à bien connaître la jeune femme. Il connaissait aussi son penchant pour ce genre d’hommes beaucoup plus vieux qu’elle mais malgré ça, il n’était jamais parvenu à la comprendre. « Oh Pablo, quelle surprise ! Tu as le droit d'entrer, t'es pas obligé de tirer cette tête, on avait justement terminé. » Que venaient-ils de terminer exactement, Pablo ne voulait même pas le savoir. Il se contenta de braquer un regard assassin sur l’homme en question, et ne le lâcha pas des yeux jusqu’à ce que ce dernier quitte la pièce.

En réalité, Pablo aurait très bien pu s’en foutre et ne rien avoir à faire de la vie que voulait bien mener Madison. Mais c’tait plus fort que lui. Malgré son caractère particulier et ses mœurs bizarres, il s’était attaché à elle, petit à petit. A l’époque où i était amené à passer plus de temps dans ce bâtiment, les deux jeunes gens s’étaient beaucoup amusé et la première image négative qu’il avait eut d’elle s’était bien vite envolée. Désormais, il pensait pouvoir la considérer comme une amie, et il était d’ailleurs ravi à chaque fois que leurs chemins pouvaient se croiser. Mais c’était encore mieux quand personne ne venait se mettre au milieu… « Quel beau sourire, tu pourrais montrer un peu plus d'enthousiasme à l'idée de me voir ! » Bien sûr qu’il était enthousiaste ! Il y a encore quelques minutes de cela le jeune pilote était tout sourire, mais la vision de cet homme et du regard pervers qu’il portait sur Madison avaient suffit à tout effacer. Pablo secoua la tête sans pour autant parvenir à se détacher de cet air grave dessiné sur son visage. « Sérieusement Madison ? Encore ?! J’aurai vu quoi si j’étais arrivé cinq minutes plus tôt ? » Mais avant qu’elle n’ait eu le temps de répondre, le latino leva l’index pour lui signaler de se taire. A bien y réfléchir il ne tenait pas à entendre le récit de leurs ébats sur le bureau, ni même la photocopieuse.

Le fait qu’elle gâche sa vie avec des vieux pervers alors qu’elle aurait pu avoir tous les hommes de son âge qu’elle voulait dans son lit le dépassait. La plupart du temps, ceux avec qui elle couchait devaient tromper leur femme pour elle, et rentrer chez eux pour s’occuper de leurs enfants comme si de rien n’était. Madison avait tout d’une briseuse de ménage, mais ce qui agaçait le plus Pablo, c’est que LUI, il la connaissait sous un tout autre jour. Il savait qu’elle pouvait être bien mieux que ça, et qu’elle méritait beaucoup plus que ces gars-là. « Pourquoi tu t’entêtes à gâcher ta vie avec des gars comme lui bon sang ?! »

Bon, je l'ai pas encore fait péter un câble finalement...
J'attends un peu

Pablo aimait beaucoup Madie, mais l’attitude qu’elle adoptait face à lui à ce moment précis avait tendance à amplifier davantage son agacement déjà conséquent. Ce petit sourire innocent alors qu’elle savait très bien que quelque chose n’allait pas… Ce comportement déplacé qui le faisait plutôt rire d’habitude… Mais cette fois ce n’était pas le cas. Pas du tout même. Et la goutte d’eau qui fit déborder le vase fut ce ton amusé qu’elle employa en lui répondant : « Je ne vois pas en quoi je gâche ma vie, je profite au contraire. Je fais toujours attention à être bien protégée... et à m'éloigner de leur femme s'ils en ont. Et puis sache qu'entre lui et moi c'est purement professionnel. Alors c'est quoi ton problème au juste ? Son petit sourire satisfait de première de la classe était tout simplement insupportable, et Pablo du fermer les yeux et prendre une longue inspiration pour tenter de se calmer et de ne pas dire des choses qu’il regretterait.

Cependant, il avait bien du mal à effacer le regard plein d’envie de l’homme qui venait de quitter la pièce, et une vague de dégout l’envahit tout à coup. L’expression de Madison qui faisait semblant de ne pas comprendre quoi il s’agissait s’ajoutant à ça, le latino ne put se retenir plus longtemps. Il releva un regard noir vers la jeune femme et serra les dents, comme pour mieux retarder l’échéance. Il était en train de bouillir intérieurement, et toute sa colère ne demandait qu’à sortir. Et sans vraiment le vouloir, c’est précisément ce qui arriva. « Mais putain Madison ! Tu vois pas que ces vieux pervers ne couchent avec toi que parce que tu es jeune, et que ça fait bien de pouvoir se taper une jeunette ?!! C’est dégoûtant ! » La porte étant ouverte, tout le monde pouvait bien sûr l’entendre clairement dans le couloir, mais à ce moment-là il n’en avait strictement rien à faire. « T’es qu’un jeu pour eux ! La seule chose qu’ils veulent, c’est pouvoir raconter à leurs collègues qu’ils ont couché avec toi, et se faire passer pour des héros alors qu’ils ne sont que des porcs ! » Sentant clairement qu’il s’emportait et que ses propos devenaient blessants, il tenta de se calmer une nouvelle fois. Respirant profondément, sans parvenir à retrouver un rythme normal, il secoua la tête. Le comportement de Madison le décevait, tout simplement. Il l’appréciait, énormément. Et la voir être le jouet de ces pervers en costume était juste insoutenable pour Pablo.

Tentant du mieux qu’il pouvait de retrouver un ton plus calme, le latino braqua une nouvelle fois ses yeux dans ceux de Madie. « Tu ne crois pas que tu mérites mieux que ça ? Mieux qu’eux ?! T’es pas une trainée Madie, t’as rien à foutre dans leurs lits ! »

Elle ne comprenait pas… Elle ne comprenait pas du tout où il voulait en venir. Pablo sentait bien que ses paroles l’avaient agacée, et il fut contraint d’admirer le calme avec lequel elle alla fermer la porte avant de se replacer face à lui, comme si rien ne c’était passé. Mais lorsqu’elle se décida enfin à lui répondre, sa voix s’éleva néanmoins sans qu’elle ne semble s’en rendre compte. Les sourcils froncés et le regard toujours aussi dur, Pablo ne la lâcha pas des yeux, se contentant d’écouter ce qu’elle avait à dire pour sa défense. Et Madison se débrouilla plutôt bien ! Mettant immédiatement sur le tapis les nombreuses histoires sans lendemain de Pablo, elle l’énerva encore plus que ce qu’il n’était déjà. Comment osait-elle dévier sur un tel sujet alors qu’il n’avait rien à voir ?! Peste ! Le jeune pilote ouvrit la bouche pour protester mais elle ne lui laissa pas le temps, et continua sans même se soucier de ce qu’il avait à dire. Cette fois, elle ne riait plus. Elle avait l’air tout à fait sérieuse, et même s’il avait été dur, le latino avait cette fois la certitude de l’avoir atteinte avec ses paroles.

« C’est pas pareil Madie ! Tu ne comprends pas ! » Tout à coup ses arguments lui parurent horriblement difficiles à défendre et à expliquer. Pourquoi est-ce qu’il se mêlait de ça ? Qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire ? A vrai dire, il n’était même pas certain d’avoir les réponses. La seule chose qu’il savait, c’est qu’il tenait à elle, énormément. Et à cause de ça, il ne tolérait pas que ces vieux pervers la salissent en couchant avec elle alors qu’ils n’en avaient absolument rien à faire. Mais comment lui expliquer tout ça pour qu’elle comprenne ? « Et puis ne me fais pas dire ce que j’ai pas dit, je ne t’ai jamais traitée de traînée ! Mais… regarde-toi ! » L’air que prenait Pablo se rapprochait du désespoir, et il baissa les yeux avant de continuer. Il ne savait pas exactement pourquoi d’ailleurs… Peut-être une pointe de timidité, et pourtant c’était loin d’être son genre. Mais quoi qu’il en soit, il continua sur un ton un peu plus bas. « Madie… Tu pourrais avoir absolument tous les garçons que tu veux et au lieu de ça, tu préfères t’envoyer en l’air avec des vieux pervers… J’peux pas te laisser faire ça sans rien dire parce que… parce que ça me fais chier ! Et ne me demande pas pourquoi ! » ajouta-t-il d’un ton menaçant, comme pour se défendre. « Je peux juste pas supporter que tu fasses ça alors qu’ils te prennent pour une moins que rien. T’as pas le droit. Tu ne peux pas aimer ça, c’est juste une impression, tu vaux bien mieux que ça bordel ! » Une fois de plus, le latino s’était emporté sur la fin de son discours, et ce sans pouvoir se contrôler. Jamais il n’avait parlé de cette façon à son amie, et il savait qu’il mettait en danger leur relation en faisant ça. Mais il ne pouvait plus se retenir. Elle ne méritait pas ça, elle n’avait pas à subir ça, et même si elle lui assurait aimer ça, il restait persuadé qu’elle se trompait. Ca ne pouvait pas en être autrement .

Quoi qu’il dise, Pablo semblait se heurter à l’esprit de contradiction de Madison. Elle lui assurait qu’elle avait ses raisons pour agir comme elle le faisait, mais il ne voulait pas se résoudre à la croire. Il ne la voyait définitivement pas comme une trainée, et même si c’est cette opinion qu’elle avait d’elle-même, Pablo entendait bien tout faire pour que ça change. « Des gens de ton âge pourraient t’apprécier pour ce que tu es vraiment, et pas pour ce que tu veux bien montrer ! » Tout en parlant, le latino réalisa que c’était en fait son cas. Si Madison avait vraiment été une peste à longueur de journée et qu’elle l’avait manipulé, il ne serait certainement pas resté aussi proche d’elle. Seulement voilà, il savait qu’il y avait autre chose, qu’elle n’était pas QUE la Madie que les gens voyaient. Il savait qu’ils s’étaient beaucoup amusé pendant qu’il avait travaillé ici, et à ce moment-là il avait eut l’impression de fréquenter une autre personne. Mais en entrant dans ce bureau et en la trouvant avec cet homme, Pablo avait eut la désagréable sensation de tomber sur la Madison qu’il ne voulait pas connaître. A vrai dire, le jeune homme se considérait un peu comme un privilégié. En effet, il avait la chance de connaître Madison autrement, pas comme elle voulait bien se montrer aux yeux des autres gens. Quand il était avec elle, il n’avait pas l’impression qu’elle soit plus peste qu’une autre. Et pourtant…

« Sous prétexte que mes partenaires sont vieux ce sont forcément des pervers ? Et si ça me dérangeait pas qu'ils le soient ? Ça t'es pas venu à l'esprit que je faisais peut-être ça pour une raison » En entendant ça, Pablo secoua frénétiquement la tête, contrarié. Elle était en train de dresser un autoportrait qu’il ne voulait pas écouter, et certainement pas se mettre en tête. « Non, Madie, arrête ! Pas avec moi ! Je… Comment tu peux… » Pablo avait tellement de mal à s’imaginer qu’elle pouvait réellement être ce genre de personne qu’il n’en trouvait plus les mots justes pour le lui faire comprendre. « Je suis peut-être une traînée finalement et si ça te plaît pas, et bien tu n'as qu'à partir. » Le regard que le jeune homme porta alors sur son interlocutrice changea en quelques fractions de seconde seulement. Et l’agressivité s’envola pour laisser place à une certaine peine, comme si les paroles de la jeune femme venaient de le blesser. Il n’avait aucune envie de partir, et ce parce qu’il savait que s’il le faisait maintenant, il ne reverrait certainement plus jamais Madison. La quitter sur une telle discussion était comme la perdre pour toujours.

Comme pour lui signifier qu’il ne partirait pas aussi facilement, Pablo tira une des chaises jusqu’à lui et s’installa sur le dossier. « Je ne vais pas partir Madie. Parce que je veux que tu comprennes… Que tu comprennes que j’en ai quelque chose à faire de ce que tu fais avec eux parce que… » Le jeune homme marqua une pause, un peu gêné et ne sachant pas comment s’expliquer. « Parce que je ne veux pas qu’ils te blessent, ou qu’ils profitent de toi… Et je sais que c’est ce qu’ils font. Même si tu es trop fière pour dire la vérité Madison, tu n’as rien à faire avec eux, et tu n’aimes pas ça. Tu mérites quelqu’un qui sache prendre soin de toi, pas eux. ».

En voyant le sourire presque condescendant qu’afficha Madison, Pablo ne sut pas s’il devait être rassuré ou l’inverse. Il n’aimait pas vraiment son expression… Comme si elle savait pertinemment qu’elle avait tort, mais qu’elle se refusait à faire quoi que ce soit pour que ça change. Toujours assis sur le dossier de la chaise en face d’elle, Pablo croisa les bras et se reconcentra sur elle, attendant sa réponse avec une pointe d’appréhension. Et les doutes qu’il avait s’avérèrent fondés puisqu’elle répliqua aussitôt qu’il n’avait pas de raison de s’inquiéter pour elle. Le latino commença par froncer les sourcils et ouvrit la bouche pour se défendre, mais aussitôt, Madison se planta devant lui avec les mains sur ses hanches, lui affirmant qu’elle savait se défendre même si elle était petite. Décontenancé, le jeune homme baissa la tête en étouffant un petit rire qui selon lui, lui aurait fait perdre toute crédibilité dans ce moment où il parlait sérieusement.

« Je ne sais pas si je mérite quelqu'un comme tu dis, vraiment Pablo je ne suis pas... » Pablo releva les yeux pendant que la jeune femme marquait un silence. Elle paraissait chercher ses mots alors que le latino avait déjà compris où elle voulait en venir. Il secoua la tête presque désespérément en la laissant finir. « Avec moi tu es quelqu’un de bien ! Cette autre facette c’est… c’est juste une image que tu te donnes ! Et je ne comprends pas pourquoi tu fais ça… Ca me tue que tu te fasses passer pour ce genre de filles alors que MOI, je sais que tu peux être quelqu’un d’autre ! » Encore une fois, Pablo aurait été bien incapable de s’expliquer quant à ce qu’il venait de dire. Il s’était contenté d’être sincère, et de lui dire ce qu’il pensait vraiment sans chercher à se justifier. Et plus il y pensait, moins il trouvait d’arguments valables pour cela. La seule raison qu’il voyait pour expliquer tout ça était le fait qu’il appréciait Madie, et qu’il la considérait finalement comme une très, très bonne amie. D’ailleurs, il ne savait même pas si ce sentiment était réciproque ou pas, mais le latino avait l’intime conviction que c’était le cas.

« Mais n'empêche que oublies un tout petit truc. Je suis fiancée. Et il a mon âge. Je ne sors pas qu'avec « des vieux porcs » comme tu sembles le penser » Presque amusé qu’elle se rabatte sur un tel arguments pour appuyer ses dires, Pablo ne put s’empêcher de sourire. Croyait-elle vraiment qu’il allait gober ça ? Bien sûr il ne connaissait pas personnellement le garçon avec lequel Madison était fiancée, mais tout dans son comportement lui laissait soupçonner la véritable nature de leur relation. Sans se dépeindre de son petit sourire entendu, Pablo répondit : « Madie… franchement. Je ne t’ai jamais vue avec lui, je ne sais même pas comment il s’appelle, et tu le trompes dès que tu en as l’occasion… Je n’appelle pas ça « sortir avec lui »… » Pablo n’était pas totalement stupide et il avait compris son petit jeu sans aucun effort. L’argument de la jeune femme n’était pas satisfaisant et il grimaça légèrement en ajoutant : « Si t’en as rien à faire de lui, jette-le ! » Dans l’esprit du latino, il n’y avait rien de plus simple. Pourquoi devait-elle s’encombrer avec un garçon dont elle n’était pas amoureuse, alors qu’elle se permettait même d’aller voir ailleurs quasiment sous son nez ? Le fait que le garçon en question soit totalement stupide traversa l’esprit de Pablo qui se mit à sourire de plus belle, en l’imaginant en train d’attendre Madie alors qu’elle arpentait les bars de la ville en compagnie d’autres que lui.

Le fatalisme avec lequel elle parlait désolait un peu Pablo, mais il savait pertinemment qu’il ne pourrait pas la changer en un claquement de doigts. Madison était ce qu’elle était. Le latino avait parfois bien du mal à l’accepter et à le concevoir, mais il n’était visiblement pas en mesure d’y faire grand-chose. Alors qu’elle lui répondait il se contenta donc de baisser la tête et d’attendre qu’elle ait fini. Il haussa ensuite les épaules et reprit : « Je sais pas… J’aimerai que tout le monde puisse te voir comme moi je te vois… T’es tellement mieux comme ça ! » Et c’était vrai. Pablo avait rarement eut l’occasion de s’amuser avec quelqu’un d’autre comme il l’avait fait avec elle. Alors quand il avait fini par découvrir sa double personnalité, autant dire qu’il était tombé de haut. Fort heureusement pour lui, il faisait effectivement partie des gens avec qui Madie semblait se comporter normalement. Mais si l’avait connue sous son autre jour, le jeune homme était quasiment certain qu’ils n’auraient jamais sympathisé. Et finalement, les choses auraient peut-être été plus simples comme ça. Au moins, il n’aurait pas eu cette impression de gâchis et ce sentiment bizarre qui le persuadait qu’il devait faire quelque chose.

Au moment où Madison tenta de s’en sortir avec l’argument de son fiancé, Pablo retrouva le sourire. Paradoxalement. Comment pouvait-il croire que leur histoire était sincère alors qu’il voyait la jeune femme draguer tous ses associés ouvertement ? Et le sourire malicieux qu’elle afficha lui confirma bien qu’elle n’avait que peu d’espoir de lui faire gober toute cette histoire. Décidément… Elle était terrible. « Je ne peux pas. » En entendant ça, le jeune pilote arqua un sourcil. Il se releva alors et enfonça ses mains dans les poches de son jean en marchant nonchalamment vers la fenêtre du bureau. Lorsqu’il passa juste à côté d’elle, il lui accorda quand même un regard en la questionnant : « Pourquoi pas ? Il t’encombre plus qu’autre chose non ? Enfin j’veux dire… Tu l’aimes pas, pourquoi tu le garderais ? » Certainement encore une subtilité que Pablo de pouvait pas comprendre… Mais qu’importe, il tenait à essayer quand même.

Le latino se tenait désormais devant la fenêtre, et regardait l’agitation de la rue d’en bas d’un air las. Après quelques minutes de silence, il se retourna finalement vers Madison et braqua ses yeux clairs en direction des siens. « Pourquoi tu t’es fiancée avec lui d’ailleurs ? « Il savait que sa question était complètement indiscrète, mais il s’en fichait. D’ailleurs, même s’il avait pu paraitre agressif un peu plus tôt, il parlait maintenant sur le ton de la confidence. La tension et la colère qui l’avaient emporté s’apaisaient peu à peu, et même s’il n’oubliait rien de ce qu’il venait de voir, Pablo pouvait à présent parler plus calmement avec Madie. De toute façon, et même s’il l’avait voulu, il n’aurait pas pu rester fâché bien longtemps avec elle…

Soudain plus détendu sans vraiment savoir pourquoi (après tout, Madison n’avait rien fait pour ça), Pablo s’autorisa à poser plus de questions. Notamment sur son « fiancé » qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam mais qu’il devinait niais et naïf à souhait. Le pauvre garçon ne semblait pas se rendre compte du petit jeu que menait sa compagne, et le latino éprouvait presque de la pitié pour cet inconnu. Mais en même temps, il le comprenait. Si Madison était avec lui comme elle était avec Pablo, ce dernier concevait qu’il veuille rester avec elle, parce que quand elle voulait : elle était adorable. Mais le hic, c’était ça. Il fallait que la demoiselle soit décidée, et surtout qu’elle vous ait dans ses petits papiers pour se comporter « normalement » avec vous. « Parce que je l'aime voyons. » En entendant ça au beau milieu de ses rêveries, Pablo n’eut d’autre choix que de lever les yeux au ciel. Même en gardant son sérieux quelques secondes, Madison était terriblement nulle en comédie. Et il ne lui fallut d’ailleurs pas longtemps pour se mettre à rire devant un Pablo qui ne savait pas si la suivre ou s’indigner. Dans le doute, il esquissa seulement un petit sourire mitigé. « Pas du tout… tu crains. »

Finalement, Pablo ne savait plus s’il trouvait l’attitude de Madie choquante ou amusante. Il savait que tout ce qu’elle faisait n’était pas correct, mais comment ne pas craquer devant ses grands yeux pleins de malice ? Parfois, le pilote avait un peu l’impression de se retrouver devant une enfant… Sentiment qui disparaissait bien vite lorsque la jeune femme se décidait à reprendre la parole sérieusement. Une des seules qualités qu’elle trouvait donc à son fiancé était de ne pas trop oser de questions… Soit. Pour quelqu’un comme elle, Pablo pouvait comprendre que ce point-là soit important. Mais soudain il la sentit un peu plus hésitante. « Il est quoi ? Attends… tu ne crois quand même pas qu’il ne remarquera jamais rien ! Si ? » Si c’était le cas, cela signifiait presque qu’elle était aussi naïve que lui. Tout en fronçant les sourcils d’un air intrigué, Pablo se rapprocha de la jeune femme. « Si tu ne vas pas jusqu’au mariage, tu seras bien obligée de le jeter à un moment ou à un autre… »

Décidément, le latino avait l’impression de ne plus comprendre rien à rien. Il secoua finalement la tête, et conclut : « Tu vois comme tu rends les choses beaucoup trop compliquées avec tes histoires ? Même toi tu t’y perds… » Cette fois, son ton était plus résigné qu’autre chose. Si elle voulait agir comme ça après tout, il ne pourrait pas l’en empêcher. Il avait simplement l’impression qu’elle perdait quelque chose, qu’elle se compliquait la vie et la gâchait en devant toujours se cacher derrière un monticule de mensonges. Pablo sentait bien qu’une discussion supplémentaire serait inutile, et qu’il finirait toujours par être déçu alors il préféra s’en tenir à ça. Esquissant une petit grimace, il regarda Madie et déclara « Enfin… c’est toi qui voit. Je devrais y aller moi, j’ai du boulot. » Il tourna alors les talons et se dirigea vers la porte en lançant un dernier : « Salut.. » sans grande conviction.

C’est donc en baissant la tête et avec une mine dépitée que Pablo tourna le dos à son amie. Aujourd’hui, il avait osé lui dire ce qu’il pensait de tout ça. De son comportement, de ses habitudes et des manipulations qui rythmaient son quotidien. A bien y réfléchir, le latino ne savait même pas exactement pourquoi il avait tout déballé là, comme ça. Mais il l’avait fait, et le retour qu’il en avait eu de la part de Madison ne l’avait pas spécialement satisfait. Au contraire, il s’était heurté à un mur qui se disait incapable de changer quoi que ce soit, que ça lui plaise ou non. Se sentant complètement inutile t réalisant l’agacement de la jeune femme, Pablo avait fini par céder. Il avait baissé les bras, mais n’en restait pas moins déçu. Lui qui connaissait Madi d’une façon un peu différente savait qu’elle était quelqu’un de bien. Et même si elle essayait de se (et de le) persuader du contraire, rien ne ferait dévier l’avis du jeune pilote. Elle avait un bon fond, quelque chose qui faisait qu’il tenait énormément à elle et qu’il ne voulait pas la voir salie par ces vieux pervers d’hommes d’affaires qui lui servaient d’amants.

Le jeune homme eut à peine le temps de s’approcher de la porte qu’il sentit la main de Madi se refermer sur son bras, l’obligeant à se retourner vers elle. « Pablo attends. »[/color] Le latino braqua alors immédiatement ses yeux en direction de ceux de Madi et attendit. Secrètement, c’est exactement le genre de situation qu’il avait espérée, mais beaucoup trop déçu par ce qui était arrivé un peu plus tôt, il n’en montra rien. [b]« J'ai conscience que ce n'est pas bien ce que je fais mais c'est ma manière à moi de m'amuser, tu n'es pas obligé de comprendre. Je ne m'attends pas à ce que t'approuves tout ce que je fais... Mais je ne m'amuse pas comme ça avec toi. Du moins pas de la même manière. Je ne peux pas te promettre que je vais changer, mais je peux te promettre que je suis toujours la vraie Madison avec toi, Pablo. Ça devrait compter quand même un peu non ? » Un peu surpris par ces aveux, Pablo commença par soupirer en baissant la tête pour masquer le début de sourire qui naissait au coin de ses lèvres. Puis il hocha la tête en signe d’acquiescement et remonta les yeux vers Madi. « Je sais… Et ça compte… beaucoup pour moi. Ca ne doit pas changer… Jamais. » Pablo avait quasiment finit sa phrase en murmurant. Comme noyé dans les yeux de la jeune femme, il s’était approché d’elle sans vraiment s’en apercevoir, si bien qu’il pouvait à présent sentir son souffle sur sa peau. Il avait été attiré tel un aimant et ne le réalisait que maintenant que le silence s’installait. Instinctivement, il remonta une de ses mains jusqu’au visage de Madi et effleura sa joue du bout des doigts, rapprochant de plus en plus leurs lèvres. Mais au moment où elles allaient entrer en contact, Pablo marqua un temps d’arrêt, puis recula brusquement. « Je… il faut vraiment que j’y aille. Excuse-moi » Et sans dire un mot de plus, il marcha rapidement jusqu’à la porte qu’il referma derrière lui, avant de quitter l’immeuble sans pour autant avoir compris ce qui venait de se passer.