En ce samedi, le Rockefeller Center était bondé. Il y avait du monde partout, on se serait cru on peut comme dans une fourmilière. Sauf qu’en général, lorsque les fourmis s’agitaient c’était dans un quelconque but utile, alors qu’ici, ce n’était pas le cas de la plupart du gens. Enfin, Lena n’avait pas une grande connaissance à propos des fourmis, elle savait juste que dans 1001 pattes c’était comme ça et ça lui suffisait largement. Elle soupira en poussant une grosse dame qui bloquait tous le passage. Il fallait vraiment ne pas être logique pour choisir, parmi tous les jours de la semaine, celui où il y avait le plus dans le monde dans les magasins pour s’y rendre. Surtout quand en plus, comme Lena, on n’avait pas vraiment mieux à faire de sa semaine que ça. Enfin, maintenant qu’elle était, elle regrettait très largement d’avoir eut cette idée saugrenue en tête. Elle aurait même put faire demi-tour si la tentation de dépenser une petite somme d’argent n’avait pas été si importante. Parce qu’à ce moment-précis, Lena avait comme l’impression de renouer avec ses origines, celles qui faisaient qu’elle pouvait dépenser son argent sans but précis, juste pour se faire plaisir, ce qu’elle avait l’impression de ne plus avoir fait depuis longtemps. Elle pouvait bien dire ce qu’elle voulait, que si elle ne s’était plus rendue dans un centre commerciale depuis longtemps c’était parce qu’elle n’avait plus le temps te tout ça, la vérité c’était que la simple perspective de sortir de chez elle la fatiguait. Et puis, elle ne voyait pas vraiment l’intérêt de faire ça alors qu’il suffisait qu’elle prenne son téléphone pour obtenir tout ce qu’elle voulait. Fee était très douée pour réaliser tous ses caprices d’enfant gâté.

Elle avait l’impression de ne pas avancer. C’était le cas en fait. Les gens étaient tellement lents, on aurait pu croire qu’ils faisaient en concours et le but de ce concours aurait été d’énerver le plus de personne possible en marchant aussi rapidement qu’une tortue. Lena passa devant une autre madame en la poussant légèrement, celle-ci lui lança un regard noir et Lena secoua la tête. Ce n’était pas de sa faute si ses sacs pesaient lourds dans sa main. Elle était obligée de les porter toute seule c’était déjà bien assez difficile comme ça. Elle aurait du penser avant de venir ici qu’elle avait besoin de quelqu’un de l’accompagner. Quelqu’un de gentil qui porterait ses sacs sans broncher et qui en plus lui achèterait des cadeaux parce qu’elle était gentille, merveilleuse et qu’elle le méritait bien. Elle avait été tentée de sortir son téléphone d’ailleurs, mais elle ne voyait vraiment pas qui aurait accepte de la rejoindre comme ça, sans lui dire qu’elle était pénible te insupportable et d’autres trucs dans ce genre-là, tous aussi faux les uns que les autres. « Vous pourriez faire attention tout de même. » Lena se retourna et lança un regard noir à la personne qui venait de l’interpeller. « Oui bah excusez moi, mais si vous ne mettiez pas votre gigantesque arrière-train en plein dans le passage, vous n’auriez pas de problème. Je ne suis en rien responsable de ça. » C’était un comble quand même. Elle n’était pas sûr que rien de tout ce qu’elle avait acheté aujourd’hui valent réellement le coup de risquer sa vie comme ça. Parce que certaine personne ici devait vraiment être dangereuse, cela se voyait dans leur regard. Elle se pressa vers la sortie, elle n’avait plus qu’une hâte maintenant, quitter cet endroit au plus vite et rentrer chez elle.

Louis s'était réveillée de particulièrement bonne humeur ce matin, ayant sa journée de libre, il avait décidé de s'amuser à faire le touriste et il devait avouer être plutôt doué. En même temps, ce n'était pas vraiment si loin que ça de la vérité, il n'était pas issu de la Grosse Pomme, c'était un français pur et dure, et comme tout le monde, il connaissait New York de nom, mais voir de ses propres yeux la Statue de la Liberté, la Gare Centrale et ce genre de lieux typique qu'on voyait dans les séries ou les films le faisait agir comme une sorte de grand gamin. A vrai dire, il s'amusait à bousculer les chinois pour prendre de meilleurs photo qu'eux. Ou alors il se mettait devant eux, comme il était plus grand, il trouvait ça très drôle. Évidemment, il se faisait insulter en retour et il répondait avec beaucoup d'amusement à leur remarque injurieuse. Et leur tête surprise qu'il sache parler chinois valait le détour, ça le mettait même de bonne humeur.

Il continua son tour dans NYC, il y avait plein de truc à voir. C'était souvent grand et impersonnelle, l'architecture des new yorkais était vraiment imposante, Louis était persuadé que les créateurs avaient quelques complexes personnels avec une zone typiquement masculine mais il garda sa remarque pour lui. En même temps, il n'avait personne avec qui le partager. Finalement, ses pas le conduire au Rockfeller Center, en résumé, il était entouré de plein de magasins, pleins de foules, plein de gens, quoi de mieux pour se faire bousculer ? Il se fondit dans la masse, regardant les vitrines avec désinvolture, il se permit juste de rentrer dans un magasin de jouet pour enfant, il acheta un petit livre qui émettait de la musique, il avait envie de gâter son neveu et filleul, il n'y avait qu'avec lui que Louis se transformait en une sorte de papa poule trop gaga. En continuant d'avancer, il tomba sur un glacier et il fit un détour par là pour ressortir menu d'un cornet avec une boule banane, une fraise et une vanille, il était très classique dans ses goûts dans le fond.

Son goût prononcé des glaces dataient de l'époque où il avait connu Lena, elle en mangeait constamment et emporté dans sa gloutonnerie, il avait gardé ce petit pêché d'aimer presque tout autant qu'elle les glaces. Penser à Lena était étrange, il se demandait ce qu'elle était devenue. Sans doute grosse à force de manger n'importe comment. A dépendre de quelqu'un aussi, elle n'était franchement pas la fille la plus débrouillarde du monde. Ou alors elle était morte. Elle avait souvent la poisse et avait cette tendance à faire exactement ce qu'il ne fallait pas. Et alors qu'il marchait tranquillement en léchant sa glace, une voix le sortit un instant de ses pensées. Il venait d'entendre la voix de Lena... juste au moment où il pensait à elle... il pensa que c'était un effet de son imagination avant de se tourner pour apercevoir une rousse... qui continuait de parler. « Oui bah excusez moi, mais si vous ne mettiez pas votre gigantesque arrière-train en plein dans le passage, vous n’auriez pas de problème. Je ne suis en rien responsable de ça. » oui, c'était elle, toujours aussi chiante même quand c'est elle qui semblait en tord. Il prit la peine de la dévisager quelques secondes, elle n'était finalement ni grosse, ni morte. Et elle semblait avoir plein de paquets... Louis n'hésita plus et se dirigea vers elle avec un grand sourire. « Lena ! » l'appela-t-il avec son sourire crétin et une lueur amusée dans le regard. Quand il ne fut plus qu'à un pas d'elle il s'arrêta quelques secondes pour mieux l'observer, elle avait vieillit, c'était étrange « Gosh, que t'es vieille ! Mais t'as toujours d'aussi grosses fesses, je n'aurais pas su te manquer ! Et le son de ta voix si délicate ! » commença-t-il d'un air rêveur. C'était étrange, mais l'idée d'être gentil ou de lui faire des compliments étaient presque impossible pour Louis, sa relation avec Lena n'avait jamais été comme ça, ils passaient leur temps depuis qu'ils étaient petit à se lancer des piques, mais c'était ça qui prouvait l'affection qu'ils avaient l'un pour l'autre. « Qu'est-ce que tu fais à New York ? Je croyais que t'habitait... quelque part ailleurs. » finit-il par dire en faisant un vague geste de main, ne se souvenant plus d'où venait Lena, en même temps, il connaissait mal les États-Unis, c'était un français pur et dur, l'Europe était plus facile à géographier pour lui.

Une fois qu’elle avait réussi à commencer à se frayer un chemin parmi la foule, plus rien ne semblait pouvoir empêcher Lena de quitter l’endroit au plus vite. Enfin, presque rien. « Lena ! » Lena se retourna, surprise. Ce qui la surprenait, ce n’était pas que quelqu’un l’est appelé, après tout elle pouvait très bien croiser quelqu’un qu’elle connaissait ici. Non, ce qui le surprenait, c’est qu’elle avait cru reconnaître la voix de celui qui avait prononcé son prénom et qu’elle avait du mal à imaginer cette personne ici, à New-York, aux pays des bouffeurs d’hamburger comme il avait l’habitude de le d’appeler. Pourtant, c’est bien cette personne qui apparut bientôt dans son champ de vision, Louis. Cela faisait très longtemps que Lena n’avait plus vu Louis, depuis qu’elle avait quittée Paris en fait. Cela lui semblait vraiment remonter à une éternité à présent. Elle ne pensait vraiment pas que si elle le revoyait un jour ce serait ici. Non, ça aurait été en France puisque c’était le seul endroit sur la planète où elle l’imaginait pouvoir être. Elle le regarda quelques secondes, il n’avait pas vraiment changé. Il avait un peu vieilli certes, mais si elle l’avait croisé par hasard sans que celui-ci l’interpelle, elle l’aurait reconnu de suite.

Elle n’avait pas eu besoin qui l’ouvre la bouche pour voir qu’il était toujours aussi… arrogant, insupportable, pénible. C’était les premiers adjectifs qui lui venaient. Tout ça, elle le voyait sur son visage. Néanmoins, il prit la parole et Lena eut l’impression de se retrouver des années en arrière. « Gosh, que t'es vieille ! Mais t'as toujours d'aussi grosses fesses, je n'aurais pas su te manquer ! Et le son de ta voix si délicate ! » Oh oui, c’était un fait, il n’avait pas vraiment changé. Lena leva les yeux au ciel avant de lui faire le plus beau sourire qu’elle avait en réserve. Cela faisait longtemps que ce genre de remarque venant de lui ne lui faisait plus rien. Elle y était plus qu’habituée et elle n’avait pas souvenir de lui avoir entendu un jour lui dire quelque chose de gentil. Elle non plus ne lui disait pas d’ailleurs. C’était comme ça. « Je pourrais dire la même chose. Regarde-toi, on dirait un petit vieux. La maison de retraite c’est pour bientôt non ? » Elle le regarda l’air faussement interrogateur avant d’ajouter. « Et mes fesses ne sont pas grosses ! Elles sont très bien, parfaites. Comme moi quoi. » Il y avait fort à parier qu’il ne serait pas d’accord là-dessus mais ça lui était vraiment égal.

D’autres gens pressés forçaient le passage. Et Lena se sentit bousculer. Elle lança un regard noir à la personne qui était déjà loin et reposa son regard sur Louis. « Qu'est-ce que tu fais à New York ? Je croyais que t'habitait... quelque part ailleurs. » Quelque part ailleurs... Lena supposait que Louis devait parler de Phoenix vu que c’était là qu’elle habitait avant. Enfin, ça remontait quand même à quelques années. En même temps, vu qu’elle avait perdu tout contact avec Louis depuis longtemps. « Hum, c’était le cas. Mais j’ai déménagé. Il y a… Je ne sais plus combien ça fait de temps. Enfin je vis ici maintenant. Et toi, qu’est-ce que tu fais là ? » Oui parce que sa présence à elle à New-York s’expliquait très facilement. Après tout c’était encore dans son pays qu’elle était. Alors que Louis, c’était autre chose. Et elle se demandait vraiment ce qui pouvait l’avoir amener à traverser l’Atlantique comme ça.

Le monde était petit. Beaucoup de gens n'avaient cessé de le dire mais il avait toujours crû que c'était débile de dire ça. Mais pour une fois, il devait avouer qu'il avait eu tord... ce qui n'était pas facile à admettre surtout pour quelqu'un comme lui qui avait toujours raison. Louis pencha la tête sur le côté, observant Lena de haut en bas, comme pour enregistrer sa nouvelle "elle". C'était étrange de faire superposer ce visage sur celui qu'elle avait encore des années plus tôt. C'était étrange, mais quand il pensait à elle, il revoyait plus facilement son visage d'enfant que celui d'adulte. Parce que dans le fond, elle était une amie d'enfance, il avait vraiment passé du temps ensemble lorsqu'elle était à Paris. Ils n'étaient pas les gens les plus agréables ou même supportables du monde, mais ensemble, ils avaient toujours su s’accommoder. Évidemment, parfois ça pétait, ils avaient des propos déplacés et manquaient cruellement de tact. Mais leur affection était bien réelle. Et le départ définitif de Lena avait quand même touché Louis, il avait eu le sentiment de laisser s'envoler une partie de sa jeunesse avec elle.

Et là, elle était de nouveau dans son univers, dans son périmètre proche et comme au bon vieux temps, il avait repris leur habitude de se chercher, de se provoquer et il l'avait fait avec un tel plaisir... mais il savait pourtant qu'il avait changé, qu'il était plus responsable et qu'il avait fini par évoluer. Et il savait aussi qu'elle avait dû le faire.

En tout cas, pour une fois, derrière leur remarque il y avait des questions qu'il n'osait pas se poser directement, ils avaient toujours eu cette tendance à tout tourner à la dérision. « Je pourrais dire la même chose. Regarde-toi, on dirait un petit vieux. La maison de retraite c’est pour bientôt non ? » Louis roula des yeux et secoua la tête faussement exaspéré. « Je suis pas vieux, je suis classe, le costume, l'allure, tu sais, ce truc que t'as pas vraiment » sourit le français avec un grand sourire innocent. « Et mes fesses ne sont pas grosses ! Elles sont très bien, parfaites. Comme moi quoi. » le brun se mit à tousser et de cela ressortit un « Menteuse » tout à fait audible.

Ils continuaient de parler tout en étant bousculé par-ci et par-là, Louis grogna, apparemment, il pouvait aussi bien changer de ville, cela ne changeait pas tellement de ses habitudes lorsqu'il était encore à Paris. « Hum, c’était le cas. Mais j’ai déménagé. Il y a… Je ne sais plus combien ça fait de temps. Enfin je vis ici maintenant. Et toi, qu’est-ce que tu fais là ? » Louis l'écouta un peu plus attentivement, ainsi elle venait de Phoenix, il l'avait su en son temps mais ne cessait de l'oublier, en bon parisien, il avait du mal à se rappeler du nom des autres villes que la sienne. « Et bien les affaires. On a ouvert une succursale sur New York, je la gère avec ma sœur... » à ce moment-là, il vit du coin de l’œil, un homme qui fonçait droit sur eux, Louis dans un geste mesquin écrasa sa glace sur le costume du gars qui le regarda interloqué de son geste. « On bouge ! » s'exclama Louis en attrapant Lena par la manche et en prenant par la même occasion certains de ses paquets, cette fille avait dû dévaliser un marchand de brique pour avoir des trucs aussi lourd. Une fois perdu dans la foule, Louis tourna son regard brun vers Lena et lui fit un grand sourire avant de se passer la main dans les cheveux. « Désolé » s'excusa-t-il pas désolé du tout, ce sale con l'avait mérité. « T'as le temps pour un truc à manger ? A boire ? On pourra continuer de parler plus tranquillement... et... ouais... bon. Tu m'as un peu manqué je crois... » finit-il par avouer en se grattant la nuque un peu gêné. « Puis je voudrais aussi savoir depuis quand t'achètes des trucs aussi lourd. Y a quoi là-dedans, tout New York en miniature ? » ajouta-t-il afin de mettre derrière-lui son instant de faiblesse. Car il avait beau la taquiner et la faire chier le trois quart du temps. Elle avait été sa meilleure amie à une époque qui commençait à se faire un peu lointaine.

La première fois qu’elle avait rencontrée Louis, il avait commencé par dire qu’elle était complètement insignifiante. Bien qu’elle parlait très mal le français à cette époque, elle avait vite appris à repérée quand ce que ce dernier disait n’avait rien de gentil. A défaut de savoir réellement ce que signifiait ce qu’il disait, elle avait appris à reconnaître à son ton quand elle devait ou non réagir. Avec le temps, elle avait fini par tout comprendre parfaitement et de toute manière, c’était souvent les mêmes critiques qui revenaient. Elle avait cessé très vite de compter le nombre de fois où il lui disait que c’était une chieuse ou encore qu’elle n’était pas très belle ou qu’elle manquait cruellement de classe. Et l’entendre de nouveau évoquer cela, la fit sourire. « Je suis pas vieux, je suis classe, le costume, l'allure, tu sais, ce truc que t'as pas vraiment » Elle secoua la tête et retint un soupir. « Par pitié, regarde ta tête. Et tes cheveux. Ils sont… toujours pareils. Ne viens pas me dire que ça c’est classe. » Elle fit une petit grimace. Et n’ajouta rien à ça. Elle n’ajouta rien non plus quand lui laissa échapper un menteuse tout à fait audible de sa prétendue quinte de toux.

« Et bien les affaires. On a ouvert une succursale sur New York, je la gère avec ma sœur... » Lena fixa Louis pendant plusieurs secondes, sans vraiment comprendre. Enfin si, elle avait tout à fait compris ce qu’il veniat de dire mais dans son esprit, le fait qu’il soit ici n’était déjà pas normale, mais si il gérait une succursale ici, cela voulait dire que… « Alors tu n’es pas juste en vacances ou je ne sais quoi… Genre tu travaille ici ? » Pour le coup, il pouvait bien la prendre pour une imbécile ou une attardée. Tandis qu’elle avait encore du mal à prendre en compte ce qu’il avait dit, elle le vit interloquée écraser sa glace sur le costume d’un homme. « On bouge ! » Il la tira par la manche et Lena ne prit même pas la peine de protesté et le suivit sans rien dire. En plus, il avait pris certain de ses paquets, ça aurait été déplacé de dire quoique ce soit dans ce cas. Quoique, ce n’était pas le genre de choses dont elle se formalisait en générale. « Bah alors, les gens peuvent me regarder noir autant qu’ils veulent quand je les pousse, t’es encore plus chieur. Et en plus, c’était vraiment du gâchis. De la glace quoi ! » Ouais finalement, elle avait quand même eut quelques choses à redire. Elle avait pris un air faussement outrée mais avait bien du mal à cacher un sourire. Enfin il y avait très peu de chance qu’il trouve un endroit où être tranquille sans se faire bousculer de partout, à moins de sortir de cet endroit où d’aller s’assoir quelque part. « T'as le temps pour un truc à manger ? A boire ? On pourra continuer de parler plus tranquillement... et... ouais... bon. Tu m'as un peu manqué je crois... » Lena crut avoir mal entendu ce qu’il venait de dire d’abord. Entendre Louis lui dire qu’elle lui avait manqué ce n’était pas le genre de choses dont elle avait l’habitude. Bon, il avait dit un peu mais c’était déjà beaucoup. Il lui avait manqué aussi. Durant tout le temps qu’elle avait passé à Paris, elle l’avait pratiquement tous les jours et puis d’un coup, elle ne l’avait plus vu, du tout. Même avant, elle le voyait l’été au moins et là, pendant longtemps, ils n’avaient plus échangés de nouvelles. Elle savait qu’elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même, après tout c’était elle qui avait pris la décision de retourner vivre aux Etats-Unis et si elle avait voulu garder contact avec lui, elle aurait tout à fait pu le faire. Quand elle s’était rendue à Paris l’année précédente, elle avait beaucoup pensé à lui, elle s’était demandé ce qu’il avait bien pu devenir et tout mais elle n’avait rien fait pour se renseigner à ce sujet. « Puis je voudrais aussi savoir depuis quand t'achètes des trucs aussi lourd. Y a quoi là-dedans, tout New York en miniature ? » Il l’avait tiré de ces pensées et elle secoua la tête avant de lui répondre. « Ce n’est pas si lourd que ça. Juste un tout petit peu. » Beaucoup. Mais bon, pour sa défense, cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas dépensé elle-même son argent. Enfin ça, Louis ne pouvait vraiment pas le deviner. Il ignorait tellement de choses à propos d’elle et à propos de ce qu’elle était devenue. Elle le regarda songeuse avant de montrer un endroit pas loin. « Enfin, j’ai un peu de temps oui, allons-y. » Elle se tut avant d’ajouter plus bas. « Et toi aussi tu m’as un peu manqué. »

Il avait oublié à quel point cette fille pouvait être agaçante, il avait oublié à quel point elle arrivait à lui taper sur les nerfs par une seule phrase. Louis n'avait pas l'habitude qu'on lui réponde, d'ordinaire, les gens s'écrasaient sous ses paroles et il en était toujours satisfait. Mais Lena n'avait jamais su être comme les autres, non, Lena était différente, à la fois mordante et ennuyante, elle ne cédait pas, elle s'affirmait et contestait les choses quand elle s'estimait avoir raison... malheureusement, son arrogance la poussait à croire que c'était tout le temps le cas. Et tous les deux pouvaient argumenter longtemps juste afin d'avoir le dernier mot sans pour autant se souvenir d'où était parti le débat, l'important était d'être le plus déterminé. « Par pitié, regarde ta tête. Et tes cheveux. Ils sont… toujours pareils. Ne viens pas me dire que ça c’est classe. » Louis roula aussi tôt des yeux, elle ne changeait pas de refrains, dans le fond, elle était restée la même petite fille avec qui il avait partagé ses jeux d'enfants. Et quelque part, ça le rassurait quelque peu qu'elle ne soit pas une parfaite étrangère, qu'elle soit encore un peu cette Lena qu'il avait su autant apprécier (même si lui avoué était toujours prohibé, même encore aujourd'hui).

Ils se redécouvraient avec amusement et ils récupérèrent rapidement leur habitude de toujours se chercher, Lena se montrait curieuse mais pas trop non plus. « Alors tu n’es pas juste en vacances ou je ne sais quoi… Genre tu travaille ici ? » Louis eut un sourire avant de secouer la tête. « Ouep, je suis de corvée ici » dramatisa-t-il en se passant la main dans ses cheveux bouclés, il n'avait jamais trouvé intéressant un pays autre que la France... et être si loin de ses racines le perturbait tout de même quelque peu.

Puis ils durent s'éclipser à cause de l'épisode de la glace, Louis avait trouvé ça très drôle pour sa part... « Bah alors, les gens peuvent me regarder noir autant qu’ils veulent quand je les pousse, t’es encore plus chieur. Et en plus, c’était vraiment du gâchis. De la glace quoi ! » le français éclata de rire, Lena n'avait vraiment pas les mêmes priorités que tout le monde c'était bien elle ça. Il secoua la tête définitivement amusé avant de lui avouer plus calmement et timidement qu'elle lui avait manqué. Il savait qu'il aurait pu faire un effort pour tenter de garder le contact... mais le "loin des yeux loin du coeur" prenait tout son sens dans leur amitié. Cela dit, son affection était vraiment là, il tenait vraiment à elle, et c'était pour cette raison qu'il l'a invitée, dans le but d'encore profiter d'elle, de son humour, de sa personne, gosh, que le temps passait vite, il n'en avait jamais réellement eu conscience jusqu'à maintenant.

Elle accepta finalement et alors qu'il allait repartir à la recherche d'un endroit où s'asseoir, il l'entendit murmurer « Et toi aussi tu m’as un peu manqué. » Louis eut un petit sourire au coin des lèvres, il aurait pu répondre sur un ton moqueur mais il n'en avait pas l'envie, la remarque qu'elle venait de lui faire lui faisait vraiment plaisir et il ne pouvait s'empêcher d'être heureux, de se sentir plus léger, quelque part, il était heureux qu'elle le dise. S'ils avaient été tactiles, il l'aurait peut-être même pris dans ses bras... mais le souvenir de la dernière fois qu'ils avaient été proche physiquement le stoppa. Parfois, il se demandait ce qu'ils se seraient passés entre eux si, au lieu de le repousser le soir où ils s'étaient échangé un unique baiser, Lena avait répondu. Il chassa cette pensée parasite, c'était le passé, c'était loin après tout... il finit par trouver son bonheur, une sorte de café français, c'était plus fort que lui, il devait aller là où il se sentait chez lui.

Par automatisme, il prit la chaise de Lena afin de l'installer, c'était difficile de perdre ses bonnes manières. Et à vrai dire, il n'en avait pas l'intention. Il parcourut rapidement la carte avant de se remettre à parler. « Tu as une idée de ce que tu veux ? A boire, à manger, c'est toi qui décide, j'ai décidé d'être un parfait gentleman avec toi ! Donc profite de ma gentillesse inopinée » ricana Louis avant de reporter son attention sur le menu avant de lancer un regard en biais à Lena. « Tu sais, te revoir ça me donne l'impression d'être de retour en arrière, sauf que cette fois, c'est moi qui suis dans ton pays ! » soupira-t-il tout en se passant la main dans les cheveux, les mettant encore plus en bataille que d'ordinaire.

Il était de corvée ici. C’était ce qu’il venait de dire et Lena ne put s’empêcher de sourire. L’entendre dire ça ne l’étonnait guère. Elle avait toujours été persuadée que pour Louis, son pays était au centre du monde. C’était bien simple, il y avait le reste du monde et il y avait la France, le seul endroit un tant soit peu digne d’intérêt. Lena l’aurait volontiers démenti là-dessus, mais elle était consciente que ça n’aurait pas servi à grand-chose, même si pour une fois, elle aurait pu s’appuyer sur des arguments avec un peu plus de poids qu’un simple : « parce que je le dis. » Elle se contenta donc de secouer la tête, le sourire toujours aux lèvres avant de répondre. « Pauvre petit chou. »

Et puis, elle se retrouva à le suivre, il cherchait quelque part où ils pourraient s’installer, du moins elle le supposait et c’est ce qui aurait été logique étant donné qu’il l’avait invité. Il fallait vraiment qu’elle ait envie de passer un peu de temps avec lui pour le suivre parmi la foule qui était toujours aussi dense. Mais comme elle venait de le dire, il lui avait manqué. Et sûrement un peu plus qu’un peu, enfin ça, elle n’aurait pas pu le dire avec certitude. Ils arrivèrent bientôt à un endroit qui sembla convenir à Louis. Cela semblait être un café français ou tout du moins quelque chose qui y ressemblait fortement, c’est ce que constata presque immédiatement Lena. Elle allait s’assoir quand Louis prit sa chaise pour l’installer. Une moue amusée fit alors son apparition sur le visage de Lena. Elle avait toujours su que Louis devait avoir ce genre de bonnes manières, il était issu d’une très bonne famille française après tout. Mais elle n’avait jamais pu le constater par elle-même, ou très peu souvent. Avec elle, il se comportait très rarement en gentleman, et en même temps, elle aurait trouvé ça bien étrange. Comme elle trouvait ça étrange à ce moment-là. « Tu as une idée de ce que tu veux ? A boire, à manger, c'est toi qui décide, j'ai décidé d'être un parfait gentleman avec toi ! Donc profite de ma gentillesse inopinée » Lena eut un petit sourire et répondit aussitôt. « Vraiment ? J’ai du mal à te croire. Mais soit, je veux à boire et à manger et je prendrais comme toi. » Elle n’avait même pas pris la peine d’ouvrir le menu devant elle. Louis, lui, regardait le sien et cela suffisait bien pour eux deux.

« Tu sais, te revoir ça me donne l'impression d'être de retour en arrière, sauf que cette fois, c'est moi qui suis dans ton pays ! » Pour la énième fois, Louis termina sa parole en se passant la main dans les cheveux. Lena était certaine que si elle se mettait à compter le nombre de fois où il faisait ça, elle arriverait à vingt en a peine une heure. Cette observation l’amusa beaucoup et elle eut un petit rire qu’apparemment, il ne pouvait pas comprendre. Elle haussa simplement les épaules avant de lui dire. « Tu sais ça… » Elle imita Louis en passant sa main dans ses cheveux. « Et bah, c’est au moins la millième fois que tu le fais depuis tout à l’heure. C’est tellement ridicule. » Bon, elle exagérait un peu mais cela ne changeait pas vraiment de l’habitude. Et puis, ça lui permettait de mettre de côté ce qu’il avait dit. La revoir lui donnait l’impression d’être de retour en arrière, elle aussi. Mais quand elle pensait à ça, elle ne pouvait s’empêcher de penser à quel point le temps avaient passé et à quel point les choses avaient changées depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus, depuis qu’elle avait quittée Paris. Si elle avait tout de suite retrouvée sa bonne vieille habitude de le chercher, de le taquiner constamment, à présent, elle ne savait vraiment pas quoi dire. Pendant longtemps, ils avaient été éloignés l’un de l’autre sans se donner la moindre nouvelle et là, ils étaient face à face et elle ne pensait pas qu’ils puissent réellement parler des cheveux de Louis bien longtemps. Ce n’était pas comme si ça avait été un sujet digne d’intérêt. Elle soupira et finit par reprendre la parole. « Alors ? Qu’est-ce que tu deviens ? » Et elle fut surprise de constater au moment où elle posait la question que cela l’intéressait vraiment.

« Pauvre petit chou. » Louis roula des yeux et passa outre son ton condescendant, Lena était ainsi avec lui, et ce n'était pas des retrouvailles après autant d'années qui allaient changer ce point. Il se contenta donc de lui tirer la langue dans un geste très mâture. En un sens, ça faisait du bien à Louis de pouvoir se détendre, lui qui était sérieux de façon permanente, avec la blonde, il pouvait... être simple, être lui sans aucune soucis, sans avoir peur qu'elle le juge.

De toute façon, soyons honnête, Lena le connaissait depuis assez longtemps pour connaître ses défauts, elle savait exactement comment il marchait, alors que peu de personne pouvait se féliciter d'un tel exploit. Quand il lui proposa de manger, la blonde répondit sur un faux air interrogatif. « Vraiment ? J’ai du mal à te croire. Mais soit, je veux à boire et à manger et je prendrais comme toi. » Du coin des lèvres, Louis se pencha en avant, d'un air mauvais. « Cool, j'avais justement envie de cuisses de grenouilles ! » en voyant la tête que Lena aborda, il éclata de rire avant de secouer la tête, le serveur arriva alors, les sourcils un peu froncé et l'air légèrement hautain, en voyant son air, Louis se redressa, en une fraction de seconde, il avait récupéré un air plus noble et digne de son rang, il avait presque oublié qu'il était dans un lieu publique et qu'il devait se tenir le mieux qu'il le pouvait, question de principe et d'honneur. « J'aimerais une pizza hawaïenne, enfin, deux. Et comme boisson, un ice tea, et Lena, une envie ? » demanda simplement Louis en prenant la commande. Le français avait finalement opté pour de la bouffe italienne, en toute logique, il aurait dû prendre quelque chose de français, mais il était à chaque fois déçu des plats qu'on préparait et qui à son goût n'avait rien de français.

Louis se passa la main dans les cheveux avant de brusquement arrêter son geste quand Lena parla et l'imita. « Tu sais ça… Et bah, c’est au moins la millième fois que tu le fais depuis tout à l’heure. C’est tellement ridicule. » Louis émit un sifflement et sa langue claqua, il n'aimait pas qu'on touche à ses petites manies, même les plus bizarres. « C'est parce que ta beauté me rend nerveux » lui sourit-il de façon mièvre tout en haussant un sourcil de façon... ridicule. Il avait vraiment du mal à être sérieux avec la blonde, c'était presque mission impossible, depuis qu'ils se connaissaient, ils se cherchaient et se taquinaient. La seule fois où ils avaient été relativement sérieux, ils avaient dérapé et ils n'en avaient jamais vraiment reparlé. Louis se demandait parfois si le baiser était un jeu de son inconscient ou si ça c'était vraiment passé. Il secoua la tête, il n'avait jamais vraiment su quoi penser de cet épisode, et il n'avait pas vraiment envie d'y repenser plus qu'il ne le devait parce que... ce n'était pas le moment.

« Alors ? Qu’est-ce que tu deviens ? » Louis fut pris au dépourvu par cette question, il ne savait pas réellement déterminé si elle posait ça afin d'éloigner la conversation sur leur passé commun ou si c'était par réel intérêt. Il haussa les épaules avec indifférence avant de répondre. « Je bosse pour l'entreprise Garnier, je suis venu ici pour me faire la main je suppose, mon père va devoir choisir entre ma soeur et moi pour le poste principal à Paris, donc tout dépendra de nos résultat ici... il y a beaucoup de boulot dans ma nouvelle vie, et j'avoue que parfois... c'est un peu éreintant, j'aimerais prendre le temps de plus profiter de ma jeunesse et pas juste me crever à la tâche. Tu es tombée sur une de mes seules journées de repos, je crois que tu as de la chance dans le fond » sourit calmement Louis. Le serveur revint avec leurs boissons, Louis prit sa boisson et tendit son verre vers Lena afin de trinquer avec elle.

« Et toi Lena, en quoi consiste tes journées hormis acheter des pierres ? » se moqua-t-il gentiment en faisant référence au poids de ses sachets de course.

Bien sûr, Louis crut bon de se moquer un peu d’elle après qu’elle lui ai dit de commander pour eux deux. « Cool, j'avais justement envie de cuisses de grenouilles ! » C’était ce qu’il avait dis, et elle avait plusieurs minutes a tenté de discerner si oui ou non il était sérieux. Au vu de l’air mauvais qu’il abordait, elle aurait été tentée de dire qu’il ne l’était pas mais les français mangeaient parfois des trucs très étranges et Louis était très étrange. Même elle qui mangeait de tout, n’aurait jamais pu manger une cuisse de grenouilles, c’était comme les escargots où ces autres plats étranges. Néanmoins, ce dernier éclata bientôt de rire et Lena fit une moue boudeuse. Elle ne voyait pas ce qu’il y avait de drôle là-dedans. Avant qu’elle ait le temps de répondre quoique ce soit, le serveur était arrivé à leur table et Lena remarqua aussitôt Louis qui changeait un peu de comportement, voulant sûrement donner meilleur impression au serveur et lui donner un meilleur aperçu de sa condition. Lena pinça les lèvres pour contenir son agacement. Quand elle voyait Louis agir comme ça, même si c’était de manière presque imperceptible, elle avait l’impression de revenir très longtemps en arrière lorsqu’elle prenait encore le temps de déjeuner avec son père parce qu’elle n’était qu’une gamine et qu’elle n’avait pas le choix. Savoir se tenir, montrer aux gens autour qu’elle avait réussi une excellente éducation – même si ce n’était pas réellement le cas – c’est ce qu’elle devait faire dans ces moments-là et elle avait toujours détesté ça. Elle chassa ces pensées tandis que Louis était en train de passer sa commande au serveur. « J'aimerais une pizza hawaïenne, enfin, deux. Et comme boisson, un ice tea, et Lena, une envie ? » Choisir un café français pour commander une pizza hawaïenne, ce n’était pas la chose la plus logique au monde. Comme quoi, quand elle disait que Louis était étrange, elle n’avait pas totalement tord, loin de là. « Un coca. » dit-elle simplement.

La manière dont il réagit, lorsque Lena se moqua de sa manie de se passer la main dans ses cheveux sans arrêt amusa beaucoup cette dernière. Elle eut un petit rire moqueur, pour une fois que c’était dans ce sens là et pas l’inverse. Parce que d’après elle, c’était toujours les autres qui se moquaient d’elle ou la cherchait en premier, elle ne faisait jamais que se défendre évidemment. Et même si c’était en grande partie faux, elle ne l’aurait avoué pour rien au monde. Louis reprit bientôt la parole d’un air peu sérieux et Lena secoua la tête la mine faussement désespérée. Elle fit un petit sourire supérieur et répondit bientôt. « Je comprends bien. Moi aussi je serais nerveuse face à quelqu’un comme moi, ça ne doit pas être facile tous les jours quand on parle à quelqu’un de parfait. » Elle éclata de rire. Même si elle le disait comme ça, assez souvent, elle n’avait jamais eu l’impression ne serait-ce qu’une seconde d’être parfaite ou encore supérieure à n’importe qui d’autres. Mais soit.

Lena n’écouta Louis qu’à moitié répondre à sa question, soit celle de savoir ce qu’il devenait maintenant. Ce qu’il disait ne la surprenait pas vraiment, il en avait toujours était ainsi pour lui et apparemment, ça n’avait pas changé. Non, le seul changement qu’elle voyait à ce moment précis c’est qu’au lieu de travailler à Paris, il était maintenant à New-York. Plus il parlait, plus Lena était tendue, elle n’aurait su dire pour quoi exactement. En tout cas, ça n’avait aucun rapport avec ce qu’il disait à cet instant-là. « Tu es tombée sur une de mes seules journées de repos, je crois que tu as de la chance dans le fond. » Lena fit un vague sourire tandis qu’elle prenait à son tour le verre que venait d’amener le serveur. Oui, elle avait de la chance. Elle tendit son verre comme lui pour trinquer et but une gorgée de son coca. « Et toi Lena, en quoi consiste tes journées hormis acheter des pierres ? » Elle aurait pu sourire de ce qu’il venait de dire mais elle n’en fit rien. Parce qu’elle savait que si elle voulait répondre à sa question, elle serait obligée de lui dire ce qu’elle avait un fils et tout ce qu’il allait avec. C’était ce qu’elle avait cherché à retarder en le faisant d’abord parler de lui et c’était ce à cause de quoi elle était devenu de plus en plus tendue lorsqu’elle avait sentit qu’il avait presque fini d’en parler. Elle ne savait pas pourquoi au juste cela la dérangeait. Louis et elle était amis depuis longtemps et elle n’avait jamais eu peur de lui dire quelque chose avant aujourd’hui. Mais la distance et le temps semblait avoir agi là-dessus. Enfin ça et le baiser, ce qui s’était passé peu avant qu’elle quitte Paris, tout ce qu’elle avait toujours essayé de chasser de ses souvenirs à ce propos. Elle posa son verre sur la table et joua nerveusement avec la petite nappe. « Hum, pas grand-chose tu vois… La routine. Je mange, je range, j’achète des pierres, je m’occupe de mon fils… » Elle pinça de nouveau les lèvres, tendue, elle aurait voulu réussir à glisser cette information comme ça, normalement mais elle n’y était pas parvenue.

Ces retrouvailles s'annonçaient tellement... naturelles. Il fallait bien qu'à un moment où un autre quelque chose se passe. Que quelque chose... arrive. Il n'y avait jamais eu de fausses notes, même dans leurs disputes ça sonnait justes, ils restaient sur la même longueur, ils avaient toujours nagé ensemble dans les mêmes courant et pas l'un à l'opposer de l'autre. Avant aujourd'hui. Avant l'aveu de Lena. « Hum, pas grand-chose tu vois… La routine. Je mange, je range, j’achète des pierres, je m’occupe de mon fils… » un fils... Louis cligna des yeux et pencha la tête.

Imaginer Lena avec un enfant était plus facile à se représenter qu'il ne l'aurait crû à priori. Sauf qu'il avait en tête un bébé... sans doute différent de la réalité. Car ce fils qu'il imaginait sans problème leur ressemblait à tous les deux, il parvenait à voir le sourire de Lena sur un petit gars avec ses cheveux à lui, avec ses yeux à elle, avec... Il baissa le regard, ce petit gars, aussi parfait soit-il n'allait jamais exister. Il devait sans doute dire quelque chose, tenter de briser le silence, apaiser la tension qui parcourait chaque minuscule partie de son corps. « Tu as eu un fils avec un autre. » fut tout ce qu'il parvint de dire. Pas brillant mais c'était tout ce que son coeur et sa tête lui soufflait.

Il releva la tête pour l'observer, il savait que ce n'était pas la chose la plus maligne ou intelligente à dire. Il savait que sa phrase sous-entendait tellement plus... mais leurs gestes ne le faisaient déjà pas avant ? Ils n'étaient pas arrivé à s'embrasser... comme ça. Deux meilleurs amis ne s'embrassent jamais comme ça. Soudain, il eut la désagréable impression d'être le seul à avoir imaginé qu'un jour peut-être, ils pourraient reprendre leur histoire là où ils l'avaient laissé et construire quelque chose ensemble. Mais peut-être que ce n'était que lui, que dans sa tête, que dans son cœur... et qu'elle ne l'avait jamais vu comme un homme avec qui elle pourrait construire un futur. Il eut un sourire amer, ça faisait mal quand même, pas affreusement mal mais ça remettait en cause beaucoup de choses. Cela dit, il savait qu'il n'était pas non plus... innocent dans cette affaire. S'il avait voulu, vraiment voulu, il aurait été la chercher plus tôt, il aurait entrepris ce voyage beaucoup plus tôt. Il avait raté sa chance et elle ne l'avait pas attendu.

Le serveur arriva avec les plats à ce moment-là, il n'avait plus faim, mais sans la regarder il découpa méthodiquement sa pizza et il découpa un carré avant de finalement arrêter son geste. Il y avait une chose qui comptait, une chose qu'il voulait savoir, qu'il devait savoir. « Est-ce que tu es heureuse ? Avec le père de ton fils je veux dire. Avec cette vie que tu mènes ? » demanda-t-il sans détour, il devait savoir si au moins ce type la rendait heureuse. Si ce type méritait Lena, sa si précieuse meilleure amie. Il réalisa qu'il n'avait jamais eu l'occasion de lui dire qu'il l'aimait, pas une fois et qu'il allait devoir garder ce sentiment enfui en lui à tout jamais. Il se passa la main dans les cheveux, tant pis pour la sale manie, c'était le seul geste qui pouvait le rassurer à l'instant.

Lena venait à peine de parler qu’elle regrettait déjà d’avoir dis à Louis qu’elle avait un fils, et surtout de lui avoir dis de cette manière là. Elle n’avait jamais été très diplomate ni très douée pour annoncer les choses. Elle se souvenait quand elle était encore ado et qu’elle faisait de son mieux pour ménager son père lorsqu’elle devait lui annoncer une de ses bêtises, elle s’y prenait toujours très mal. Et cela n’avait pas changé avec le temps, elle avait même parfois l’impression que c’était de pire en pire. Elle n’osait pas regarder vers lui alors elle posa son regard sur la carte posée devant elle et qu’elle n’avait pas daignée prendre toute à l’heure. Elle le regrettait d’ailleurs maintenant parce qu’elle aurait au moins pu faire semblant de lire ce qu’il y avait dessus. « Tu as eu un fils avec un autre. » C’était ce qu’il avait dis, Lena leva les yeux. Elle avait eu un fils avec un autre oui, avec un autre que lui. C’était ce qu’il entendait par là et elle ne savait absolument pas quoi penser de ça. Le soir où il s’était embrassé lui revint alors en mémoire, c’était la seule fois où il s’était comporté autrement que comme deux amis et dire qu’elle n’avait jamais rien ressenti pour lui aurait été mentir. Mais jamais, elle n’avait envisagé qu’il puisse se passer quelque chose entre eux parce qu’il était Louis, qu’il vivait de l’autre côté de l’Atlantique et que c’était son meilleur ami rien de plus. Bien sûr, si elle y avait mis un peu du sien, les choses auraient sûrement pu être différentes mais à ce moment-là, elle n’était pas du tout dans de bonnes dispositions pour y mettre du sien et bien qu’elle ne l’ait jamais avoué, son départ de Paris l’avait plus arrangée qu’autre chose.

Elle faisait de son mieux pour trouver quelque chose à répondre mais elle ne trouvait rien à dire. Elle aurait pu simplement dire oui mais elle n’en voyait pas l’intérêt. Elle avait aussi été tentée de s’excuser mais elle avait chassé cette idée. Elle n’avait pas à s’excuser d’avoir vécu sa vie pendant que lui vivait la sienne à Paris, et puis elle n’était absolument pas désolée. Elle était tellement perturbée à cause de ce qu’il venait de dire. Le serveur arriva et la tira de son embarras en apportant leur commande. Quelques minutes plus tôt, elle se serait jeté dessus et aurait mangé comme si elle n’avait plus rien eu dans son assiette depuis au moins une semaine mais maintenant, elle n’avait absolument plus faim du tout. Elle voulait juste rentrer chez elle et pour pas, planter Louis ici ? Ca aurait été tellement simple. Elle fixait vaguement sa pizza essayant de mettre de l’ordre dans ses pensées quand Louis prit la parole. Quelque part, elle était soulagée que ce soit lui qui reprenne la parole le premier mais d’un autre côté, cela la dérangeait, elle n’aurait su dire exactement pourquoi. « Est-ce que tu es heureuse ? Avec le père de ton fils je veux dire. Avec cette vie que tu mènes ? » Elle releva la tête et le regarda longuement. Elle savait parfaitement ce qu’elle allait répondre à ça bien sûr. « Bien sûr que oui je le suis. » Elle se tut quelques secondes avant de reprendre. « Ecoutes Louis… On était… juste ami. Et tu ne m’as pas donné signe de vie pendant tout ce temps. » Elle ne savait pas pourquoi elle cherchait à se justifier à présent, c’était tellement ridicule. Elle voulut reprendre et ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose mais changea d’avis. C’était inutile d’en rajouter.

Louis avait fait une erreur, il aurait dû se taire à jamais, garder pour lui ses pensées, il avait été trop loin à un moment où tout était déjà trop tard. Elle avait un fils et sûrement un petit-ami. Et lui... la place de meilleur ami lui avait toujours convenu. Il tapota sur la table avec ses mains, tentant d'émettre une mélodie. Les sons étaient juste affreux. Lui & la musique, une longue histoire d'incompréhension mutuelle.

Il secoua négligemment la tête, Louis Victor Garnier, meilleur homme sur Terre pour plomber une ambiance, il émit un petit rire amer en s'en rendant compte. Lui qui faisait d'habitude rire par ses maladresse. Celle-ci avait eu pour effet de tout gâcher. « Bien sûr que oui je le suis. » Évidemment, Lena était tellement égoïste qu'elle n'aurait laissé personne gâcher son bonheur. En soit, lui-même avait toujours été heureux, son boulot le rendait fier, il avait toujours tout eu. Sauf plein d'amis, sauf pleins de petites-amies, de façon général, il s'était toujours contenté de sa famille et vu comme les choses partaient... au pire, il pouvait toujours se taper une bimbo blonde refaite des seins comme son père, ça avait au moins le mérite de le garder en forme. Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres de façon inconsciente. C'était une de ses qualités, il ne les avait pas en grand nombre par rapport à ses défauts mais il savait relativiser et faire preuve d'un humeur assez condescendant avec lui-même.

« Ecoutes Louis… On était… juste ami. Et tu ne m’as pas donné signe de vie pendant tout ce temps. » Louis secoua négativement la tête. « On n'était pas amis. On était meilleurs amis. Mais c'était y a longtemps. A un autre endroit, à une autre époque. » Louis prit son verre et le sirota, il savait qu'il devait retomber sur ses pieds d'une façon quelconque, il savait qu'il devait dire quelque chose où Lena allait partir, elle allait fuit, elle fuyait toujours quand elle n'était pas à l'aise. Elle était à l'aise dans leur relation... qui naviguait entre insulte et geste parfois vaguement tendre. Si c'était ce qu'elle voulait. « Puis ta grossi. Ta pensée au régime post-grossesse ? » sourit-il simplement en se mettant au fond de sa chaise, pas tout à fait à l'aise. Il n'osait pas réellement poser d'autres questions, il ne voulait... le forcer à rester plus si elle ne le voulait plus, il ne voulait pas lui donner l'impression qu'il s'accrochait, elle était libre de lui répondre puis de partir. Mais... il voulait tout de même qu'elle soit consciente qu'il était tout à fait capable de reprendre leur ancienne relation.

Lena n’aurait vraiment pas du dire ça. Elle ne voulait en aucun cas qu’ils poursuivent cette discussion et pour ça, il n’y avait pas trente six milles solutions. La première, elle l’avait déjà envisagée, c’était de partir maintenant mais elle n’avait pas vraiment envie de ça. Elle été égoïste sûrement, mais la seule chose qu’elle voulait c’était être avec Louis comme ils avaient toujours été en dehors du baiser. Faire comme si cette chose n’était jamais arrivée et comme s’il n’avait pas dis ce qu’il avait dis un tout petit peu plus tôt. Et pour ça, la seule chose à faire aurait été de changer de sujet. Pourtant, elle ne l’avait pas fais, elle était encore sous le choc et incapable de remettre ses idées en place. « On n'était pas amis. On était meilleurs amis. Mais c'était y a longtemps. A un autre endroit, à une autre époque. » A un autre endroit, à une autre époque… Lena leva les yeux qu’elle avait gardés fixé sur ses mains depuis qu’elle s’était tut. Elle ne voulait pas que les choses soient ainsi, ils pouvaient redevenir meilleurs amis comme ils l’étaient avant. Ou du moins elle avait vraiment envie de le croire. Elle ne rajouta rien à ça, ne dit de ce qu’elle pensait. Elle ne voulait pas prendre le risque que Louis la contredise, parce qu’elle aurait vraiment eu du mal à l’encaisser.

Son regard s’était de nouveau posé sur ses mains, ou plutôt dans le cas présent sur les aiguilles de sa montre. Elle trouvait celle des secondes beaucoup trop rapide à son goût à moins que sa montre ne soit déréglée. C’était le plus probable parce que le temps qui s’étaient écoulés entre le moment où elle avait évoquée Muwgli et maintenant lui avait semblait interminable et pourtant, si on en croyait sa montre, cela se comptait en minutes. « Puis ta grossi. Ta pensée au régime post-grossesse ? » Lorsqu’il prononça ces quelques mots, Lena se sentit très reconnaissante envers Louis. Certes, ce qu’il avait dit n’avait rien de sympathique et en temps normal elle s’en serait avant tout offusquée mais là, il lui offrait une occasion inespérée de laisser la gêne et le malaise derrière elle et elle ne comptait pas la laissait passer. Elle se moquait pas mal de ce que lui pouvait penser et si ça lui convenait. Ca lui convenait à elle et c’est tout ce qui comptait. Et puis, elle faisait moins preuve d'égoïsme de cette manière-là plutôt que si elle s'était mise à lui parler de Muwgli et de sa vie de maintenant. Elle aurait voulu pouvoir le faire pourtant mais pas maintenant. Elle fronça les sourcils et laissa échapper un profond soupir. « Je ne suis pas grosse okay . Et je n’ai pas grossi. » Elle prit bien soin de détacher chacun de ses mots histoire qu’il comprenne bien avant d’ajouter. « Je suis juste… parfaite. Et je ne t’autorise pas à prétendre autre chose à ce propos. »