J’étais stressé. Kaleyna arriverait d’une minute à l’autre pour rencontrer Alexis, et cela me rendait nerveux. Et étrangement, c’était ma fille qui tentait de me rassurer et de me dire que tout se passerait bien. Je ne lui en avais parlé que la veille. En réalité, je ne lui avais pas tout raconté, mais seulement l’essentiel. Que j’étais amoureux d’une autre femme que sa mère, et que c’était elle la femme de ma vie. Quelle ne fût pas ma surprise en apprenant qu’Alexis était au courant depuis près de six mois ! J’avais vraiment été choqué ! Elle m’avait même avoué que la seule raison pour laquelle elle était partie en vacances avec sa mère, c’était parce qu’elle voulait que je puisse passer du temps avec elle ! Et moi qui m’étais inquiété, pendant toute notre relation, de la réaction qu’elle pourrait avoir en apprenant que j’étais un mari infidèle. En fait, elle n’attendait qu’une seule chose, que je me confisse à elle. Bon, bien sûr, le divorce devait toujours attendre, car si je ne l’avais toujours pas demandé, ce n’était pas par peur de la réaction de ma fille, mais parce que je savais pertinemment que les juges avaient tendance à donner la garde des enfants à la mère et cela même si c’était moi qui travaillais et subvenais à tous les besoins. Mais même si le divorce attendrait toujours la majorité de ma fille, elles allaient se rencontrer aujourd’hui. C’était d’ailleurs Alexis qui avait presque tout organisé. Elle avait offert à sa mère deux jours dans un spa – et dans un autre Etat, carrément ! – et avait même prévu quelques gâteaux pour le thé. Entendant la sonnette retentir à l’entrée, je soufflais longuement, tentant d’évacuer mon stress. Je n’avais pas à stresser, Alexis était de mon côté, et c’était l’essentiel non ? J’espérais juste qu’elles s’entendraient … « Salut … » répondais-je un peu intimidé, ne sachant pas quoi faire. Je l’embrassais rapidement sur la bouche. « Entre je t’en prie, que je te fasse visiter quand même ! »

L’objectif aujourd’hui était de faire en sorte que les deux femmes de ma vie, celles qui – avec ma maman – étaient les femmes les plus importantes dans ma vie, s’entendent. Je savais bien que je devrais déjà me sentir béni de Dieu que ma fille accepte sans aucun problème ma relation avec mon amante, et qu’elle n’attendait finalement seulement que je me confie à elle. J’imaginais que sauver des vies était un métier qu’Il devait apprécier là-haut. J’espérais que je ne Lui en demandais pas trop et qu’Il se concentrerait plus sur le fait que je n’hésitais pas à tout laisser en plan dès que mon biper sonnait. Et puis, j’avais toujours été honnête envers Dieu, et n’avais cessé de me confesser depuis le début de mon aventure avec Kaleyna. Peut-être apprécierait-il cela aussi, et m’accorderait la faveur de faire en sorte que les personnes les plus importantes dans ma vie s’entendent ? Et Dieu mit à part, je ne voyais aucune raison qui ferait qu’elles ne s’entendent. Bien sûr, elles avaient toutes les deux leur caractère, et il était vrai que Kaleyna ne se laissait pas marcher sur les pieds. Mais bon, je connaissais assez ma fille pour savoir qu’elle serait de toute façon polie. Je l’avais bien éduquée après tout et elle n’était pas ma plus grande fierté pour rien. « Oh merci, c’est surtout moi qui m’en suis occupé. » répondais-je un peu gêné, espérant que nous n’en viendrons pas à nous mettre à parler de la météo, et que nous parlerions d’autre chose que de tout et de rien. Je guettais la réaction d’Alexis tandis que nous la rejoignions dans le salon. Cette dernière se leva du canapé pour venir à notre encontre. « Bonjour Kaleyna. Enchantée de faire votre rencontre. » répondit ma fille avant de prendre rapidement mon amante dans ses bras. Etrange situation, mais je ne pouvais pas me plaindre. « J’ai beaucoup de questions à vous poser. Je ne peux tout de même pas laisser mon père avec n’importe qui. » dit-elle poliment avant de faire un petit sourire malicieux.

« Merci. » répondais-je un peu gêné, avant de la diriger vers le salon où se trouvait ma fille. J’étais tout de même heureux qu’elle aime ma décoration. Après tout, je voulais vivre un jour prochain avec elle, et même si ce ne serait pas avant au minimum un an, c’était tout de même bien de savoir que l’on s’entendrait aussi à ce sujet. Bon, bien sûr, je devrais dire adieu à ma maison. Après tout, en imaginant que je la garde après le divorce, je nous imaginais mal vivre dans la maison où j’avais vécu avec ma femme pendant un peu plus de cinq ans maintenant. Donc même si c’était moi qui avais fait tous les travaux pendant mes temps libres et que je l’avais donc en quelque sorte fabriquée, je la voyais mal dormir dans le lit que je partageais à présent avec ma femme – même si les activités qui s’y passeraient ne seraient pas les mêmes. Mais bon, la maison m’importait peu. Après tout, nous en trouverions une toute aussi belle, sauf que cette fois-ci, ce serait la nôtre, et qu’en plus je n’aurais pas à tout faire tout seul. Elle serait donc à notre goût à tous les deux. Ce qui importait donc réellement, c’était que les deux femmes de ma vie – ma fille qui venait de s’assoir sur le fauteuil en face de moi, et Kaleyna que j’invitais à s’assoir à côté de moi sur le canapé – s’entendent. Je sentais que j’allais peu parler aujourd’hui. Mais en même temps, pour qu’elles s’entendent, il fallait qu’elles fassent connaissance. J’espérais réellement que mon amante lâcherait son masque et serait au naturel.   « Oui je pense qu’on peut en effet se tutoyer. Donc de ce que j’ai compris, tu es substitut du procureur. Qu’est-ce qui t’as poussée à choisir cette voie ? » commença ma fille.

Le chirurgien jeta un coup d’œil à son amante, avant de lui lancer un sourire. Kaleyna s’en sortait bien. Il était vrai qu’Alexis n’était pas non plus particulièrement intimidante et qu’au contraire, elle essayait d’apprendre à connaître sa probable future belle-mère. Bien sûr, la jeune fille ne voulait pas passer la charrue avant les bœufs, mais elle sentait bien que son père était réellement amoureux de la substitut du procureur. Et après tout, tout ce qu’elle avait toujours voulu c’était que son père soit heureux, et si la femme assise à côté de lui pouvait faire ça, elle ne pouvait que l’apprécier. Il était de notoriété quasi publique que Jayden et Melissa ne s’étaient jamais aimés. Peut-être qu’avec le temps, ils avaient appris à s’apprécier, mais dire que l’ambiance lorsqu’ils étaient ensemble à la maison n’était pas la plus chaleureuse qui soit, était un véritable euphémisme. Alexis savait parfaitement que si ses parents s’étaient mariés, et l’étaient toujours, ce n’était que pour elle. Ils avaient voulu le meilleur pour elle, et si son père voulait attendre avant de demander le divorce, ce n’était que pour ne pas être éloigné d’elle. Cette dernière non plus ne voulait pas être séparée de lui, celui qu’elle allait jusqu’à considérer comme son ami, son confident. Et donc si elle-même voulait qu’il attende sa majorité pour demander le divorce, il lui était hors de question qu’il soit malheureux à cause de cela. Elle se faisait donc comme mission d’intégrer Kaleyna, de lui donner une place dans leur famille. « C’est vraiment bien de faire un métier qui nous passionne. C’est un peu mon rêve. Je ne sais pas encore ce que je veux faire. Je sais bien qu’il va falloir que je me décide bientôt, puisque je vais rapidement devoir choisir une université et tout … Mais il y a bien trop de choses que j’aime faire. » répondit-elle dans un grand sourire, avant de reprendre. « Oui, j’ai plein d’autres questions ! On ne se débarrasse pas de moi comme ça. Vous êtes proches de vos parents ? C’est important d’être proche de sa famille, surtout si on veut en construire une. » termina-t-elle, sans savoir que c’était une question plutôt délicate. Jayden se crispa quelque peu à l’entente de cette interrogation, et prit la main de son amante dans la sienne, avant de la serrer doucement, comme pour lui montrer qu’il était là pour elle, et qu’il ne la lâcherait jamais. Leur rupture l’avait bien trop fait souffert pour qu’il ne prenne le risque d’être un jour à nouveau séparé d’elle, et il ferait tout pour que cela n’arrive plus.

D’une certaine façon, Jayden était gêné que Kaleyna mente à sa fille. Après tout, il lui avait toujours tout dit, et ne lui avait jamais menti. Sauf pendant ces deux dernières années. Il lui avait caché sa relation extraconjugale, et avait énormément culpabilisé à cause de cela. En plus d’avoir peur de baisser dans son estime à cause de cette relation, lui mentir avait été très difficile pour lui. Et voir son amante lui mentir à nouveau, alors qu’Alexis avait été si compréhensive à propos des deux, lui pinçait le cœur. Bien sûr, il savait bien que Kaleyna ne pouvait pas se permettre de dire la vérité, et que pire, cela pouvait même aller jusqu’à mettre la vie d’Alexis en danger. C’était donc pour cette raison que sa gêne était bien moindre, et qu’il serrait fortement la main de son amante, pour lui montrer son soutien et lui faire sentir que qu’il était là pour elle, quoiqu’il n’advienne. Il sursauta tandis qu’elle proposait à sa fille de rencontrer ses parents adoptifs – enfin, en quelque sorte. Etaient-il au courant pour eux deux ? Et surtout, qu’en pensaient-ils ? Allaient-ils l’accepter ? Après tout, il était un mari infidèle, non ? Ce n’était pas ce que des parents – même s’ils ne l’étaient pas vraiment – souhaitaient pour leur enfant. Si Alexis avait un petit ami qui était déjà en couple, il n’était pas sûr qu’il le prendrait bien. « Tu veux que je rencontre tes parents ? » osa-t-il demander, sans quitter sa main de la sienne, tout en passant celle de libre dans ses cheveux, pour se donner consistance et masquer sa gêne. Bien sûr, ce n’était pas à lui que Kaleyna avait proposé – tout du moins entre les lignes – de rencontrer ses parents, mais à sa fille. Sauf que dans la tête du chirurgien, les deux étaient liés, et qu’il ne voyait pas comment Alexis pourrait rencontrer Carol et Harold si lui-même ne l’avait pas fait. « C’est un peu comme les Hamilton en fait ! Tout mon côté paternel est dans la médecine. Et il y a de tout : chirurgiens, médecins généralistes, médecins spécialistes, … Je ne crois pas qu’il y en ai un seul qui ne soit pas dans cette branche … » répondit-elle, pensive, avant de demander la confirmation à son père. « De mon côté ? Non, je ne vois pas une personne qui n’est pas dans cette branche. Après du côté de ta mère, personne n’est en médecine … » confirma-t-il en hochant de la tête. Le sujet passa sur un terrain un peu plus glissant. Kaleyna posa LA question. Elle demanda si Alexis accepterait réellement leur relation, malgré la position dans laquelle cela la mettrait vis-à-vis de sa mère. « Pour être totalement honnête avec toi, j’ai toujours su que mes parents ne s’aimaient pas. Je me rappelle même que lorsque j’étais plus jeune, j’avais été déçue en lisant des romans d’amour, tout simplement parce que je pensais que ces livres étaient des mensonges, et que l’amour ne ressemblait pas à ça, mais à ce que vivaient mes parents. Autant dire que j’ai été rassurée lorsque je me suis rendu compte que si, c’était dans les livres qu’était la vérité, et non chez moi. J’aime ma mère. Vraiment. Je ne suis pas proche d’elle et il est vrai qu’on se parle peu. Mais je l’aime quand même. Cela ne m’empêche pas de vouloir que mon père soit heureux et qu’il vive lui aussi, surtout lui d’ailleurs, l’amour que j’ai pu tant aimer dans mes livres. Donc oui, j’accepterais vraiment que mon père et toi entreteniez une relation.  »

Malgré les presque trois mois qui s’étaient passé depuis que Kaleyna m’avait parlé de son histoire, de son passé et de sa famille, je n’étais toujours pas la personne la plus à l’aise qui soit. « Si, bien sûr que j’ai envie de rencontrer tes parents. Mais je ne pense pas qu’eux aient spécialement envie de me rencontrer … » répondais-je, gêné. Bien sûr, je l’acceptais et ne lui en voulais pas de m’avoir caché la vérité pendant ces deux dernières années, mais j’avais toujours peur que quelque chose ne lui arrive. Et c’était d’ailleurs arrivé. Son ex "fiancé" l’avait tabassée, la laissant pour morte parce qu’il avait en fait été engagé par cet Edgar. A la base, il avait voulu l’épouser pour ensuite être lui-même héritier – héritage qu’il aurait donné à cet Edgar. Mais lorsqu’elle avait rompu avec lui en apprenant qu’elle était enceinte de moi, il avait décidé de changer de plan. Et j’avais dû lui sauver la vie, lui coupant une de ses trompes, ce qui l’avait fait rompre avec moi. J’avais donc bien eu raison de m’être tout de suite inquiété pour cette histoire. L’idée de la perdre me terrifiait. Je n’avais tout simplement pas envie d’y penser. Je comprenais que son père l’ait enfermée dans une prison dorée, parce que même si jamais je ne lui avouerais, je n’avais qu’une envie, c’était de faire la même chose. L’enfermer pour que personne ne puisse jamais la retrouver et qu’elle soit à jamais saine et sauve. Mais bien sûr, jamais je ne le lui dirais parce que la connaissant, il n’était pas sûr qu’elle apprécie le simple fait que j’ose y penser. « Je pense que c’est normal que tu veuilles me rencontrer. Tu aimes mon père et mon père m’aime, donc forcément tu as envie de rencontrer les personnes qui comptent dans la vie de mon père. Et j’avais très envie de te rencontrer aussi. Ça fait six mois que je suis au courant pour vous deux, et même si au début je ne l’ai pas très bien pris, c’est vrai, depuis je n’ai eu qu’une envie, que mon père m’en parle. Et je suis d’accord pour qu’on commence par être amies. Peut-être qu’on pourrait se faire un ciné un de ces jours ? » proposa ma fille dans un sourire. Elle me surprenait de jour en jour. Et dire que je m’étais inquiété pour sa réaction. J’aurais dû lui faire confiance dès le début. « Ça tombe bien, il faut que j’aille m’occuper du thé ! Donc je vous laisse tous les deux ! » accepta ma fille avant de se diriger vers la cuisine. « Qu’est-ce qui se passe ? » lui demandais-je, un peu inquiet.

« S’ils en ont envie, alors je me ferais une joie de les rencontrer. » répondais-je en lui caressant doucement les cheveux, avant de lui replacer une mèche derrière l’oreille. Bien sûr, j’avais énormément peur qu’ils ne me jugent. Après tout, j’étais un mari infidèle et le simple fait qu’ils aient envie de me rencontrer me surprenait réellement. Je n’arrivais pas à comprendre qu’ils puissent vouloir d’une personne infidèle pour la personne qu’ils considéraient comme leur fille. Bien sûr, jamais je ne tromperais Kaleyna. D’ailleurs, avant elle, je n’avais jamais trompé ma femme alors que je n’avais jamais ressenti la moindre chose pour elle. Autant dire que tromper Kaleyna était tout simplement inconcevable. Mais comment est-ce que ses parents adoptifs pouvaient le savoir ? Comment pouvaient-ils savoir que jamais je ne la tromperais ? Après tout, ils devaient bien savoir que j’étais marié non ? Je ne les avais pas encore rencontrés que le stress commençait doucement à se faire une place au creux de mes entrailles. J’expirais discrètement, tentant de me remettre les idées en place. Son ex-fiancé l’avait tabassée et laissée pour morte. Pour Harold et Carol, je devais probablement être un sain en comparaison. Et je l’aimais. Je l’aimais elle, pour sa personnalité. Par pour son argent, pas pour son héritage. Oui, j’étais marié pour encore une année. Mais ce n’était que pour une année, et ensuite nous formerions notre propre famille. Nous vivrons ensemble, nous marierons, et aurons beaucoup d’enfants. Cela pouvait étrangement ressembler à une fin d’un conte de fée, mais en même temps, Kaleyna était ma princesse – en plus, je pensais même à l’enfermer dans un donjon pour qu’elle soit en sécurité, cela devait être un signe non ? – et j’espérais être un jour son prince. Donc oui, j’imaginais notre future vie ainsi. « Je vais nous rechercher un film dans ce cas-là ! » répondit ma fille, me faisait sursauter par la même occasion en me sortant de mes pensées romantiques. Tandis que ma fille se dirigeais vers la cuisine, je regardais mon amante, l’inquiétude pouvant se lire dans mes yeux, avant d’éclater de rire à son explication. Je répondais à son baiser, avant de caresser son visage, comme pour en imprégner chaque millimètre. « Je t’aime Kaleyna. Tu es la femme de ma vie. Tu es la femme avec qui je veux passer le rester de ma vie. Et si je ne me retenais, si ma fille n’était pas dans la pièce à côté, je ne sais pas ce qui me retiendrait de te faire l’amour, là maintenant. De te montrer que je serais toujours là pour toi et que je t’appartiens, rien qu’à toi. » lui avouais-je, mes joues rougissantes, avant de répondre tendrement à son baiser. Et je pensais ce que je disais. Je ne savais même pas comment je faisais pour garder mon calme alors que je la rapprochais de moi pour l’embrasser plus intensément. Je m’écartais pour lui répondre, le souffle court. « Vendredi ? » lui proposais-je dans un sourire en coin. Après tout, le vendredi était notre soirée à nous, et cela depuis plus de deux ans maintenant.

Dire que j’avais été stressé tout au long de cette journée était un euphémisme. Je n’avais eu cesse de me faire tout un tas de scénarios et d’imaginer à quoi ressemblerait cette soirée. Parce que ce n’était pas n’importe quelle soirée. Ce soir, si tout se passait bien, Kaleyna et moi ferions l’amour. En soi, ce n’était pas exceptionnel puisque cela faisait un peu plus de deux ans que nous étions ensemble. Mais pourtant, je me sentais comme un adolescent qui allait vivre sa première fois. Kaleyna et moi n’avions pas eu de rapport sexuel depuis environ deux mois et ce soir serait la première fois que nous le referions depuis que j’avais dû lui ligaturer une trompe pour lui sauver la vie. De par mon métier, je savais pertinemment ce que ressentaient les femmes lorsqu’une partie intégrante de ce qui faisait d’elles des femmes leur était enlevé : elles se sentaient moins femmes. Et j’avais peur que ce soit ce que ressente mon amante. Je voulais donc lui montrer que, pour moi, elle était la même et que rien n’avait changé. Qu’elle était toujours celle qui me faisait chavirer, celle qui me faisait rêver, celle que j’aimais. Mais, et si je n’y arrivais pas ? Et si quelque chose s’était réellement brisé entre nous ? J’étais la personne responsable de sa ligaturation après tout. C’était même moi qui avais donné le coup de scalpel. En soi, ce n’était pas tant le fait de plus pouvoir avoir de rapports avec elle qui m’inquiétait, mais bien plus le fait qu’elle ne me tienne encore responsable de cela et qu’elle me repousse de nouveau. J’avais extrêmement mal vécu la première fois, venant à me laisser mourir à petit feu, sans même le réaliser. En cours de catéchisme, le prêtre nous avait souvent parlé de l’enfer. Je n’avais jamais cru que je m’y retrouverais. Et pourtant, si je devais à présent définir l’enfer, je dirais que c’était la vie sans Kaleyna. J’expirais lentement et longuement, avant de prendre mon courage à deux mains et de tapoter sur la porte. « Bonsoir mon ange. » répondais-je avant de lui rendre son baiser. « Oui, c’était une plutôt bonne journée. Et la tienne ? » lui demandais-je dans un sourire. Je posais le sac que je tenais sur la table basse. En plus du dîner que j’avais préparé la veille au soir – je n’avais pas spécialement envie de cuisiner ce soir, ou tout du moins, j’avais plutôt envie de faire autre chose – se trouvaient quelques bougies. Un adolescent, je l’avais bien dit ! Mais je n’avais qu’une envie, que Kaleyna passe la soirée de sa vie.

Heureusement, ma journée avait été bonne. Très bonne même. Je ne revenais d’ailleurs toujours pas de n’avoir perdu aucun patient aujourd’hui, et d’avoir pu en sauver trois. Le dernier était celui qui m’avait fait le plus de frayeurs. Il n’avait pas arrêté de mourir et donc moi de le réanimer. L’opération avait duré plus de cinq heures et je n’avais eu aucune idée de quand elle se serait terminée. Égoïstement, j’avais même pensé à demander à ce qu’on appelle Dolce – la seule à l’hôpital au courant pour Kaleyna et moi – pour qu’elle annule notre rendez-vous de ce soir. Mais avais préféré me concentrer sur mon patient. Je n’étais vraiment pas du genre à penser à ma vie personnelle pendant que j’opérais, mais apparemment, Kaleyna faisait rompre toutes mes chaînes, puisque je n’avais pas pu m’empêcher de regarder l’horloge à plusieurs reprises. D’un côté, je m’en voulais d’avoir pensé à elle à cet instant, trouvant cela totalement inapproprié. Mais en même temps, mon collègue me parlait bien de sa femme pendant toute l’opération, donc pourquoi est-ce que je n’aurais pas le droit de penser à celle qui le deviendrait ? Je fus coupé net dans mes pensées par le baiser passionné de Kaleyna auquel je répondis tout aussi passionnément. « Du shopping ? Tu as intérêt à me montrer tout ça …» répondais-je avant d’être à nouveau coupé court par sa passion qui semblait encore plus dévorante que d’habitude. Je n’allais pas tenir bien longtemps si elle continuait ainsi. L’endurance n’avait jamais réellement été un problème pour moi, ayant toujours préféré m’occuper d’elle plutôt que de penser à moi. Mais je me demandais s’il en serait de même ce soir. Après tout, si elle ne me repoussait pas, et que tout était comme avant – chose que j’espérais de tout mon cœur – comment ne pas oublier le fait que nous n’avions pas été intimes pendant plus de deux mois ? Encore une fois, je soufflais pour tenter d’arrêter d’y penser et enfin me comporter comme le gentleman que j’espérais être. Un gentleman ne pensait pas de cette façon, et je m’efforcerais donc de n’y penser que le moment voulu. « Je t’ai cuisiné un bœuf bourguignon avec un écrasé de pomme de terre. » répondais-je penaud qu’elle m’ait lâché pour regarder dans les sacs. C’était probablement pour le mieux finalement. « Je savais que tu aimais mes petits plats. Avoue-le, tu n’es avec moi que pour mes talents culinaires … » répondais-je dans un petit sourire malicieux, avant de regarder avec attention sa nouvelle robe, puis de l’admirer elle tout simplement. Comment je trouvais sa robe ? La phrase « je te préfère sans » traversa mon esprit. Gentleman on a dit ! « Tu es magnifique. » la complimentais-je, sincère et pensant chacun de mes mots.

Je ne savais pas à quoi pouvait bien ressembler ma tête à cet instant précis, mais j’imaginais parfaitement qu’elle ressemblait à un poisson hors de l’eau. Comment voulait-elle que je me comporte en gentleman si elle me parlait de cette façon ? Un petit rire sortit de ma bouche tandis que je secouais lentement la tête en levant les yeux au ciel. « J’espère que je pourrais voir tous ces achats après manger alors. » répondais-je sans que mon rire ne s’arrête. Elle allait finir par m’achever. Je ne savais même pas comment j’arrivais à la regarder tout en restant serein. En même temps, je me doutais bien de la raison. Malgré le fait que j’aie envie de n’être plus qu’un avec elle à nouveau, je voulais que l’initiative parte d’elle. Je ne voulais pas être celui qui ferait le premier pas, tout simplement parce que pour moi, c’était à elle de le faire et que je ne voulais pas la brusquer. Malgré mes envies, cette soirée était la sienne et je ferais tout pour qu’elle ait tout ce qu’elle veuille. Mais seulement cela. « J’ai compris, en fait je suis ton cuisinier personnel et tu me payes en nature … Très malin de ta part ! » riais-je avant de regretter mes paroles aussitôt. J’avais peur qu’elle prenne mal mes paroles. Après tout, est-ce que rire du fait que nous ayons eu des rapports intimes, alors que je ne savais pas du tout si nous continuerions à en avoir, était bien ? Il fallait que je déstresse et que j’arrête de penser à chacun de mes mots. Naturel, voilà ce qu’il fallait que je sois. Je ne voulais pas qu’il y ait de la gêne entre nous. Tout ce que je voulais, c’était que tout redevienne comme avant. Et ce n’était pas en réfléchissant à chacune de mes paroles que nous y arriverions. Je me raclais la gorge tandis qu’elle me mordillait le lobe de mon oreille, avant de reprendre ma respiration, que j’avais apparemment perdue. « Ce soir, c’est ta soirée mon ange. Et je dois avouer que te voir à la seule lumière des bougies me tente énormément. Tu dois être encore plus magnifique sous cette lumière, si c’est possible.  » acceptais-je tout en lui caressant les cheveux. J’espérais simplement que ce n’était pas parce qu’elle avait peur d’être nue à la lumière vive qu’elle me proposait cela mais bien parce que c’était ce dont elle avait réellement envie. Ses paroles suivantes me firent monter les larmes aux yeux. Repenser à notre rupture n’était pas chose facile, mais en même temps, je savais bien qu’il faudrait un jour que nous en parlions à cœur ouvert. Répondant à sa première demande, je posais mes lèvres sur les siennes avant de la ramener plus près de moi afin d’accentuer notre baiser auquel je donnais tout l’amour, toute la passion que je ressentais pour elle, et la détresse aussi. A contre cœur, je la relâchais, pour pouvoir lui répondre. « Bien sûr que je te pardonne. Si je ne t’avais pas pardonnée, je ne serais pas là ce soir. Si je ne t’avais pas pardonnée, tu n’aurais pas rencontré ma fille hier. Et surtout, si je ne t’avais pas pardonnée, jamais je ne t’aurais supplié de me reprendre. Parce qu’il n’y a rien à pardonner finalement et que je ne t’en ai jamais voulu. »

Un rire m'échappa lorsque j'entendais sa réponse. Un rire franc, où enfin toute gêne semblait avoir disparu. Je répondais à son baiser avant de poser mes mains sur ses hanches pour la rapprocher de moi. Bien sûr, j'étais toujours autant stressé et me faisais toujours autant penser à un adolescent qui allait vivre sa première fois. En même temps, si nous le faisions ce soir, ne serait-ce pas une première fois en quelque sorte ? Première fois depuis notre rupture, première fois depuis qu'elle était arrivée ce jour-là aux urgences et que j'avais dû lui voler une partie de sa féminité pour lui sauver la vie, première fois depuis que notre couple avait été rendu un peu plus officiel dû à sa rencontre avec ma fille. Oui, il était finalement normal que je ressemble un peu à un adolescent ce soir, tout simplement parce que ce soir ressemblait à une première fois. « Tu veux dire que je n'avais même pas besoin de te cuisiner un bon plat pour être payé en nature ? » riais-je de nouveau, même si cela cachait plus mon émotion qu'autre chose. J'étais réellement ému qu'elle me fasse de nouveau confiance. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle veuille que je la pardonne, tout simplement parce que pour moi, il n'y avait rien à pardonner. Même si j'avais réellement eu le cœur brisé me faisant sombrer petit à petit dans une dépression, je ne lui en avais jamais voulu. J'avais toujours compris sa décision, et la comprenais encore aujourd'hui. J'étais simplement heureux qu'elle, elle ait trouvé le moyen de me pardonner et de vouloir tenter ce soir. Bien sûr, je ne savais pas si elle arriverait à s'abandonner totalement à moi, mais elle essayait, et c'était tout ce qui m'importait. Je me laissais faire, la laissant m'enlever ma chemise, n'osant pas bouger d'un millimètre, frémissant à chacune de ses caresses sur mon torse nu, avant d'émettre un petit râlement tandis qu'elle s'éloignait de moi. « Cela fait deux ans que je n'appartiens qu'à toi, et seulement à toi.  » répondais-je d'une voix plus rauque que je ne l'aurais cru. Puis je compris que si elle s'était éloignée de moi, c'était pour lui permettre de se déshabiller également. Je regardais chacun de ses gestes, ne voulant rien manquer et voulant les imprimer à jamais dans mon esprit. Puis, sans le vouloir, mon regard se posa sur sa longue cicatrice. Ma main rejoignit mon regard et se posa dessus pour la caresser doucement. Je m'agenouillais alors pour y déposer des petits baisers, comme pour lui faire comprendre que cela ne changeait rien et qu'elle était toujours aussi belle, aussi désirable, aussi femme.

« Oh, je suis désolé, je ne savais pas qu’on avait signé un contrat et qu’arrêter de cuisiner en échange de nos moments ensemble serait le rompre et que tu pourrais donc me poursuivre. Je suis désolé. D’ailleurs, avoue-le, tu m’as drogué pour que je le signe ? C’est la seule explication logique au fait que je ne sache pas où se trouve ce contrat. » la taquinais-je dans un sourire, avant de l’embrasser de nouveau. Puis je m’étais laissé guider par mes émotions en la voyant à moitié nue devant moi. En voyant la cicatrice que j’avais dû lui faire pour lui sauver la vie et qui parcourait son ventre jusqu’à rejoindre son intimité. Je n’avais pas pu m’empêcher de la toucher et ce n’était absolument pas pour une raison médicale. Je m’étais alors agenouillé devant elle pour y déposer des baisers. Baisers qui s’accentuèrent tandis qu’elle passait ses mains dans mes cheveux. J’avais eu peur qu’elle prenne mal mon intrusion et me repousse. Mais ce n’était absolument pas le cas, ce qui suffit à m’enlever une bonne fois pour toute la boule que j’avais alors dans l’estomac. Je ne m’arrêtais que lorsqu’elle se pencha pour m’embrasser. Je passais mes mains dans ses cheveux pour la rapprocher de moi et répondre à ce baiser avec toute la passion et l’amour que je ressentais pour elle. Je hochai la tête après qu’elle m’ait remercié et me laissai entrainer vers la salle de bain où je la laissais me déshabiller. J’étais maintenant entièrement nu devant elle, devant son regard, et le désir que j’éprouvais envers devait probablement se voir maintenant. Mais je n’étais pas gêné le moins du monde. Cela m’étonnait d’ailleurs. Vu que depuis le début de cette soirée je m’étais senti en adolescent, il était étrange que cela ne soit plus le cas alors que j’étais mis à nu – dans tous les sens du terme – devant elle. « Donc que je récapitule. Tu es avec moi pour mes talents culinaires et pour mon p’tit cul. C’est bien ça ? » riais-je avant de me rapprocher d’elle pour l’embrasser tendrement. « Moi aussi je suis accro à toi. Je ne pense qu’à toi, tout le temps. Je n’aurais jamais cru que j’aurais la chance d’aimer un jour, puis je t’ai rencontrée. Et ce fut probablement l’un des plus beaux jours de ma vie. » lui avouais-je avant de commencer à lui retirer ses derniers vêtements à mon tour. Je caressais son visage d’une main, avant que celle-ci ne descende pour visiter le reste de son corps. Le baiser que je lui donnais alors n’eut plus rien à voir avec le précédent. Posa mes mains sur ses hanches pour la coller à moi, je mettais toute ma passion dans ce baiser. Puis, même si c’était à contre cœur, je m’éloignais pour rentrer dans le bain. Je n’avais pas non plus envie de brusquer les choses et je comptais toujours la laisser faire les premiers pas. « La température est parfaite mon ange. » lui dis-je dans un sourire, avant de l’inviter à me rejoindre.