Love me if you dare

Gracieusement assise sur le canapé du salon, les jambes repliées sous elle, Serena affichait un adorable sourire tout en mordillant le bout de son crayon. Une fois n’est pas coutume, la jeune femme était en train de terminer la correction d’un manuscrit et semblait totalement absorbée par son travail. Quand elle lisait, le monde environnant n’avait plus aucune espèce d’importance, un peu comme si elle parvenait à créer une sorte de bulle infranchissable autour d’elle. C’était un paradis artificiel auquel elle était particulièrement attachée depuis toujours. En l’espace de deux heures, elle avait relu cet ouvrage qu’elle commençait à bien connaitre et y avait apporté de très légères modifications, principalement d’ordre syntaxique. L’histoire était fascinante, pour ne pas dire poignante et incroyablement bien rédigée. Concrètement, Serena était savait qu’elle tenait entre ses mains le prochain best-seller de sa maison d’édition et elle ne s’y trompait jamais. Quand enfin elle termina la dernière ligne, elle demeura un court instant plongée dans ses pensées. Elle aimait ce temps de flottement entre la fin d’un livre et le retour à la réalité. Délicatement, elle déposa le tas de feuilles dactylographiées à côté d’elle, effleurant du bout des doigts la première page et le nom de l’auteur. Vitaly James-O’Neil.

Ils avaient rendez-vous le soir-même afin de discuter de quelques détails avant la parution de son roman. Face à cette rencontre, Serena ne pouvait s’empêcher d’éprouver une certaine forme d’appréhension probablement liée à la peur d’apprendre quelque chose d’inattendu au sujet de Vitaly. Et si elle apprenait qu’il avait rencontré quelqu’un ? Embarrassée, la jeune femme secoua la tête comme pour chasser ces idées navrantes de son esprit. Sans compter qu’en y réfléchissant bien, sa peur n’était rien à côté de son désir de passer encore un peu de temps avec lui. Serena avait clairement affirmé ne plus vouloir le revoir… ce qui était faux, bien entendu. Et puis, il ne fallait pas négliger l’aspect professionnel de leur relation qui était tout de même d’une importance capitale. A e sujet, Serena n’avait pas pu faire autrement que de le convier à un rendez-vous à son bureau afin de discuter des derniers détails avant la parution de son livre. Or, Kathy avait appelé Serena en urgence le matin-même pour lui signaler qu’une inondation avait eu lieu au rez-de-chaussée de la maison d’édition et que par conséquent, Clifford avait décidé d’interdire les locaux aux visiteurs pour la journée. Serena n’avait donc pas eu d’autre choix que celui de contacter Vit’ pour lui proposer de maintenir le rendez-vous à son domicile. En effet, son emploi du temps ne lui aurait pas permis de lui soumettre une nouvelle date avant au moins deux semaines. Autant parler d’une éternité cumulée à ces interminables dernières semaines. Elle avait eu tort ; elle pensait savoir combien il lui manquerait alors qu’en fait, elle n’en avait aucune idée. Elle songeait à tout cela à l’instant où elle l’entendit frapper à sa porte. Instantanément, elle se sentit chamboulée jusqu’au plus profond de son être. Quel était donc ce bruit étrange ? Merde !! C’est son cœur qu’elle entendait battre aussi fort ? Prenant une profonde inspiration, la jeune femme s’observa rapidement dans le miroir avant de dompter une mèche rebelle qui finalement, lui retomba sur le côté du visage. Tant pis. Nouvelle inspiration et elle ouvrit. « Bonsoir. » Ses craintes ne furent plus que chimères à l’instant même où son regard se posa sur son visage. Comment pouvait-on le croiser dans la rue sans s’émerveiller ? Elle ne put s’empêcher de sourire, constatant que toutes ces rêveries des dernières semaines ne lui rendaient pas hommage. Il était encore plus fascinant en réalité. Serena ouvrit plus grandement la porte afin de l’inviter à entrer. C’était bizarre de l’inviter lui, ici. Chez elle et non chez eux. « Fais comme chez toi, je t’en prie. Est-ce que je peux te proposer quelque chose à boire ou à manger ? J’ai passé l’après-midi à tester une nouvelle recette de muffin. » Elle affichait toujours un sourire timide, maladroit, à son image.

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Nerveusement, Serena se mordit la lèvre inférieure en attendant une réponse de sa part. Même si elle tâchait de ne rien laisser paraitre, Vitaly l’intimidait beaucoup. C’était une étrange sensation dont elle ne parvenait à se défaire en dépit de toutes ces années de vie commune. Durant une fraction de seconde, elle eut peur qu’il refuse sa proposition en lui rappelant qu’il était ici pour travailler. Ca, elle en avait pleinement conscience. « On va goûter ça alors. Et je veux bien un café oui, merci. » C’était la première fois qu’elle entendait le son de sa voix depuis des semaines et autant dire que c’était … exaltant. La jeune femme acquiesça légèrement avant de désigner son salon. « Installe-toi, j’en ai pour une minute. » Serena ne s’absenta pas véritablement puisque la cuisine était ouverte sur le salon, les deux étant séparés par un bar. Elle servit une tasse de café à Vitaly et déposa quelques muffins dans une assiette. Ils étaient encore chauds puisqu’elle avait pris le temps de les préparer juste avant son arrivée. Il n’était pas rare de voir Serena cuisiner tout en lisant. C’était l’un de ses passe-temps favoris. Contournant le bar, elle vint déposer le tout sur la table basse du salon avant de revenir sur ses pas. Elle s’empara d’une seconde tasse et y versa de l’eau chaude dans lequel elle plongea un sachet de thé. Habitude londonienne, sans nul doute. Suite à cela, elle revint près de Vitaly et s’installa sur le canapé tout en désignant le manuscrit avec un nouveau sourire. « J’ai pris le temps de le lire à nouveau afin de faire quelques remaniements syntaxiques. A mon sens, tout le reste est absolument parfait. Ton premier ouvrage était excellent mais celui-ci le surpasse largement. Je pense que tes lecteurs ne seront pas déçus. » Pour sa part, Serena ne l’avait pas été. Elle connaissait le potentiel littéraire de son mari et ne doutait pas de son aptitude à séduire une seconde fois son public. Serena avait assuré devant Clifford que l’ouvrage de Vitaly serait leur best-seller de l’année et maintenant que les choses prenaient forme, l’éditrice était plus confiante que jamais. Semblant soudainement se souvenir d’un détail, la jeune femme se leva du canapé et se dirigea vers son ordinateur portable près duquel se trouvait un dossier dont elle s’empara. Elle l’ouvrit pour en dévoiler le contenu à Vitaly et le lui tendit. « J’ai demandé à l’un de nos meilleurs graphistes de travailler sur la mise en page ainsi que sur la couverture. Il m'a fait plusieurs propositions toutes plus intéressantes les unes que les autres. J’ai pensé que tu aimerais y jeter un œil et en effectuer toi-même le choix.» A l’instant-même où Vitaly s’empara du dossier, Serena eut l’impression de recevoir une décharge électrique ; leurs mains venaient de s’effleurer et étrangement, ce contact fit naitre en elle une horde d’émotions sur laquelle elle n’avait aucun pouvoir. En une fraction de seconde, elle lâcha le dossier qui s’échoua au sol. Confuse, elle replaça une mèche de ses cheveux derrière son oreille et se baissa pour tout ramasser. « Je suis désolée, je me sens un peu nerveuse.» Elle se pinça les lèvres, regrettant presque aussitôt cette incroyable franchise dont elle faisait souvent preuve. Il allait la trouver ridicule, c’était certain. En un rien de temps, elle rassembla tous les feuillets. Cette scène n’était pas sans rappeler leur toute première rencontre : quand elle était entrée dans son bureau en trébuchant et en faisant voler en l’air tous les papiers qu’elle tenait en main. Pourquoi sa mémoire s’évertuait-elle à se souvenir de cet instant cauchemardesque ? La jolie blonde esquissa un sourire timide et osa un contact visuel on ne peut plus doux avec Vitaly avant qu’elle ne se décide à se redresser légèrement sur le canapé contre lequel ils étaient assis. Elle lui retendit le dossier. « Hum… donc comme je te le disais, il va falloir faire un choix. Plusieurs traducteurs travaillent sur ton ouvrage afin qu’il soit en vente en Europe d’ici le mois de novembre. Notre chiffre d’affaire devrait exploser à l’approche des fêtes de fin d’année.»

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« Tu n'as pas de raison de l'être. Je ne suis que ... Vitaly ... » Justement. L’espace d’un instant, Serena osa croiser son regard et son trouble n’en fut que plus intense encore. Personne n’avait jamais exercé une telle influence sur elle auparavant et sa présence avait toujours eu le don de la déstabiliser en une fraction de seconde. On aurait pu croire qu’avec le temps, la jeune femme se serait habituée et lassée de toutes ces sensations exquises mais il n’en était rien. Elle savait pourtant qu’elle n’avait plus le droit de ressentir tout cela et qu’elle devait se résoudre à laisser le passé derrière elle si elle souhaitait reprendre sa vie en main. Mais sa présence … son odeur … son regard … c’était trop de stimulations externes d’un seul coup. « Justement…» Diable, elle n’allait tout de même pas se laisser déstabiliser dès les premières minutes ! Hélas, c’était beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Serena n’avait pas le moindre contrôle sur ses émotions.  Se sentant rougir, elle reporta son attention sur les feuillets qui se trouvaient à terre et les remit dans l’ordre pour les lui tendre et reprendre la conversation où elle l’avait laissée. « Beaucoup de choses explosent pendant les fêtes de fin d'année. » Comprenant l’allusion, elle ne fut pas capable de réprimer un sourire ironique tout en songeant à son propre goût un peu trop prononcé pour les chocolats et le pain d’épices. Tous les ans, elle se jurait de ne pas céder à la tentation mais finissait toujours par faire preuve de faiblesse. Elle songea alors que les fêtes allaient lui sembler bien mornes cette année. Ses parents allaient probablement insister pour que Vitaly assiste au traditionnel repas familial, faisant fi de ce divorce qui l’accablait tant. « Connaissant maman, elle va tout de même insister pour que tu viennes dîner le soir du réveillon. Son infernale dinde aux marrons a toujours raison des mois de privation et de footings endiablés qui précèdent les fêtes.» Serena pencha la tête sur le côté en souriant légèrement. Son regard se reporta sur le dossier que tenait Vitaly et elle attendit patiemment qu’il lui donne son avis concernant la future couverture de son ouvrage. Le graphiste avait effectué un travail vraiment remarquable. Tout en s’emparant de sa tasse de thé, Serena observa les deux feuillets choisis par Vitaly. Les deux propositions étaient intéressantes bien que radicalement différentes l’une de l’autre. « Lequel te semble le plus représentatif de l'histoire et me correspondre aussi, par le même coup ? » Même si ses prunelles étaient concentrées sur les deux projets, Serena sentit le regard de Vitaly s’attarder sur elle et son cœur fit un bond dans sa poitrine, lui rappelant instantanément à quel point elle était ivre d’amour pour cet homme. Tentant de rassembler ses pensées, elle prit le temps de réfléchir sérieusement à sa demande. Son sourire ne tarda pas à se faire plus doux et elle reprit la parole avec une certaine tendresse dans la voix: « A vrai dire, les deux projets me semblent convaincants et parfaitement adaptés à nos attentes du point de vue du marketing. Le premier à une connotation sombre et explosive. Cela pourrait te correspondre mais j’ai tendance à préférer le second. Mystérieux, rayonnant et intriguant … c’est l’image que je me fais de toi depuis toujours. » Serena osa enfin relever son regard en direction de Vitaly. Pendant quelques instants, elle eut l’impression d’être totalement déconnectée de la réalité. Elle était troublée. C'était malheureusement difficile pour elle de l'admettre mais c'était pourtant bien le cas. Afin de se redonner contenance, elle passa une main dans ses cheveux, faisant mine de remettre une mèche convenablement en place. « Bien, hum… est-ce que tu as des questions ou besoin d'un renseignement quelconque ? Au sujet de la publication, je veux dire.» Aussitôt, elle se sentit stupide de l’avoir précisé. Comme s’il y avait un risque pour que la conversation dérive sur autre chose ! Non mais franchement, Serena !!

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L’amertume des dernières semaines avait laissé place à des sentiments plus nobles et plus profonds. Des sentiments dont Serena ne parvenait pas à se défaire et qui en fin de compte, reflétaient à la perfection ce qu’elle éprouvait à l’égard de Vitaly. Elle avait pourtant essayé de tirer un trait sur le passé afin de s’octroyer le droit de tout recommencer mais le fait est que sans lui, la vie semblait n’avoir aucune saveur. « En tout cas, je préfère cet assemblage d'adjectifs pour me qualifier, que ... Explosif et sombre. Explosif et sombre, moi ? » La lueur mutine de son regard accompagna un sourire angélique tandis qu'elle faisait mine de réfléchir à la demande de Vitaly. Il y avait effectivement une part ombrageuse de sa personnalité qu’elle avait toujours eu beaucoup de mal à cerner mais qui l’attirait inéluctablement. Clairement, elle avait toujours trouvé qu’il était un homme fascinant et complexe. Là où elle était sensible, délicate, timide et posée, Vitaly semblait être con parfait contraire : imprévisible, spontané, semblant toujours à l’aise et sûr de lui. Serena l’admirait beaucoup pour cela tout comme elle aimait ce contraste saisissant entre leurs deux personnalités et la façon dont ils parvenaient mutuellement à se tempérer. Explosif ? Oui il l’était, d’où le fait qu’elle acquiesça avec amusement. « As-tu besoin que je te rafraichisse la mémoire ? » Son regard pétillant témoignait aisément de son envie de se mettre à rire. Naturellement, elle faisait implicitement allusion à toutes ces disputes auxquelles ils s’étaient adonnés durant des années. Mais bien au-delà du caractère explosif de leurs querelles, il y avait également toutes ces retrouvailles éprouvantes et mouvementées. «" L’ange fut séduit par les ombres et irrémédiablement attiré par les ténèbres sans savoir qu’elles allaient s’emparer de son âme à tout jamais. Douce torpeur qui avant de se transformer en cauchemar donna aux enfers des allures de jardin d’Eden. " C’est ainsi que De Quincey décrivit l’héroïne de son dernier roman. Anna se laisse séduire par un homme qui à ses yeux représente la fièvre et la plus pure des obsessions.» » Précisément ce que Vit’ représentait pour elle. Elle, l’ange séduit par les ombres… Par son côté sombre et explosif. « Il l’attire très précisément car il n’est pas doté du même tempérament lisse et sage qu’elle. Il est explosif lui aussi ... mais il lui apprend à voir la vie autrement. J’aime beaucoup ce livre. » On se demande bien pourquoi…

Préférant changer de conversation un instant, Serena l’interrogea maladroitement afin de savoir s’il avait des questions concernant la publication de son ouvrage. « Non. Je pense que tout est très clair. » Immobile, Serena le fixa calmement. Il n’était pas difficile de comprendre qu’elle n’était pas la seule à se poser des questions. Son regard suivit celui de Vitaly, se perdant dans cet appartement qu’elle avait pris le temps de décorer avec goût. On aurait facilement pu croire que tout allait bien pour elle. Tout ceci n’était qu’une vaste mascarade mais Serena était très douée pour jouer avec les apparences. Du moins, jusqu’à un certain point. « Tu es sûr ? Non parce que je veux dire … les choses sont parfois beaucoup plus compliquées qu’il n’y parait. Il arrive même qu’elles soient sensiblement différentes. » Parlait-elle toujours de littérature et d’édition ? Hmm… pas sûr. Naturellement, Serena aurait pu feindre l’indifférence face à ce futur ex-époux avec qui elle traitait affaires mais ce n’était pas dans sa nature d’agir ainsi. Déglutissant avec difficulté, elle insista : « Il ne faut pas se fier aux apparences. Ce ne sont justement que des apparences. » Sous-entendu évident : ne pense pas que tout va bien pour moi, car c’est faux. Ne pense pas que je parviens à reprendre ma vie en main, car je ne peux pas vivre sans toi. Ne pense pas que je ne t’aime plus car tu es mon unique raison d'exister.

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C’est souvent au travers de douces métaphores que Serena parvenait à faire comprendre le fond de ses pensées sans pour autant prendre le risque de les dévoiler de vive-voix. Se mettre à nu lui paraissait extrêmement dangereux, surtout face à Vitaly et au regard de tout ce qu’ils avaient vécu ces dernières semaines. Mais l’idée était là ; il représentait un aspect dangereux de son existence, la fièvre et la passion déraisonnée au sein de laquelle elle aimait se perdre. « J'ignorais que j'étais sombre à ce point ... » Le sourire de la jeune femme s’accentua tandis qu’elle le dévisageait tendrement. C’était pourtant à ce point. Il n’était cependant pas utile de s’attarder sur cette conversation qui n’était pas raisonnable. Serena essayait de ne pas perdre de vue la raison pour laquelle ils étaient tous deux réunis aujourd’hui. Il s’agissait d’un simple rendez-vous professionnel et il était hors de question d’aborder des détails plus … intimes. Seulement voilà : c’est toujours beaucoup plus facile à dire qu’à faire. C’est ainsi qu’une simple question engendra un florilège de sous-entendus auxquels Serena ne s’était nullement préparée. La jeune femme savait qu’elle était en train de s’aventurer sur un terrain glissant mais c’était plus fort qu’elle : elle ne voulait pas que Vitaly s’imagine des choses totalement absurdes au sujet de sa nouvelle vie. Serena était particulièrement douée pour jouer avec les apparences mais il ne fallait pourtant pas s’y fier. La réalité était beaucoup moins reluisante. « Tu as toujours su donner le change ... Je crois que je suis bien placé pour savoir que les apparences sont souvent trompeuses. » Interloquée, Serena le dévisagea de nouveau tout en se demandant ce qu’il entendait par là. Mille et une questions lui brûlaient les lèvres mais elle n’osait pas les lui poser ouvertement. Elle était pourtant curieuse de savoir comment il parvenait à gérer les évènements de ces dernières semaines, si tout lui paraissait aussi compliqué qu’à elle ou bien s’il avait réussi à trouver un nouvel équilibre. Le sien était précaire en tout cas. « Tu es un écrivain. Tu sais te cacher derrière de belles paroles et de magnifiques tournures de phrases. Quant à moi et bien … j’ai tellement peur de mes émotions que je préfère les dissimuler derrière un masque plutôt que de les affronter librement. » Elle baissa le regard un court instant sans pour autant perdre une once de sa bonne humeur. Loin d’elle l’idée de plomber l’ambiance, elle voulait juste qu’il comprenne qu’elle n’avait pas refait sa vie et qu’affronter le quotidien était toujours aussi compliqué qu’au jour de leur séparation. Les choses ne se faisaient pas en un claquement de doigts, mais tout doucement. « Tu sais comment je fonctionne : plutôt que de ruminer des heures durant, je préfère m’adonner à une activité qui va m’occuper l’esprit et me permettre de me changer les idées. Alors après avoir relu trois fois l’ensemble des livres de ma bibliothèque personnelle, j’ai écumé les magasins de déco et intégralement retapé l’appartement. » Elle se mit à rire légèrement. Elle exagérait le trait même si c’était partiellement vrai. Serena s’était occupée l’esprit afin de ne surtout pas penser à Vitaly ni même à la façon terrifiante dont il lui manquait. « Mais je ne vis pas seule…» Tournant la situation en dérision, Serena se pencha pour attraper une boule de poils qui s’était logée sous le canapé à l’arrivée de Vitaly. Il s’agissait d’un tout jeune chat noir qu’elle avait trouvé devant sa porte quelques jours plus tôt. Elle n’avait pas pu résister à l’océan d’amour qu’il avait à lui offrir et inversement, il s’était rapidement accommodé des caresses de Serena et du confort de son appartement douillet. « Je te présente monsieur Valmont ! N’est-il pas trop mignon ? » Valmont … rien d’étonnant en sachant que Serena avait lu au moins cent fois Les liaisons dangereuses quand elle avait quinze ans.

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Gérer ses émotions était probablement le seul apprentissage qui lui faisait défaut. Serena avait toujours eu beaucoup de mal à composer avec, et les dissimuler derrière un masque était bien plus facile que de les affronter une bonne fois pour toutes. Pour la maniaque du contrôle qu’elle était, n’avoir aucun pouvoir sur ce qu’elle ressentait était une véritable torture. Surtout lorsque ses émotions étaient totalement démesurées, comme l’amour qu’elle éprouvait à l’égard de Vit’. Mais ça aussi, elle se devait de le cacher. Il n’avait pourtant pas tort, bien au contraire. Confuse, la jeune femme joua nerveusement avec l’un de ses bracelets avant de lever le regard vers Vitaly. « Je n’ai jamais appris à faire ça ou alors, j’ai tendance à le faire dans un élan incommensurablement maladroit. Je préfère donc m’abstenir.» Sans compter que mettre ses conseils en application dans l’instant ne serait pas une bonne idée. Si Serena se mettait à laisser parler ses émotions, elle risquait fort d’agir en dépit du bon sens et elle n’était pas certaine que Vitaly puisse apprécier la chose. De ce fait, Serena ne tarda pas à endosser de nouveau ce masque qui lui convenait si bien et tenta même d’ironiser leur situation en lui expliquant comment elle s’était occupée l’esprit ces derniers temps. « J'espère vraiment que tu n'as pas lu tes livres trois fois. Les lire tous au moins une fois, relève déjà du don surnaturel tant tu en as. Alors trois fois ? Pour ça il faudrait que tu lises H-24, sans manger, sans dormir, sans aller au petit coin et en sautant également la case "hygiène". » Serena fronça le nez, à la fois dégoutée et foncièrement amusée. Elle n’avait pas envisagé les choses sous cet angle-là. Il est pourtant vrai qu’elle avait tout fait pour s’occuper et ainsi s’éviter de ruminer durant des heures. Elle faisait partie de ces personnes ayant tendance à toujours beaucoup trop réfléchir et se torturer les méninges pour trois fois rien.

L’expression de Vitaly apercevant le chat valait tout de même son pesant de cacahuètes. Combien de fois avait-elle tenté de le convaincre d’adopter un chien ou ne serait-ce qu’un lapin ? Elle connaissait sa réticence à l’idée d’avoir un animal et en dépit de cet énième point de désaccord entre eux, elle n’avait jamais cherché à le contredire. « C'est mignon tant que ça n'urine pas sur ton joli tapis pour marquer son territoire, que ça ne fait pas ses griffes sur ton canapé en cuir et que ça ne vient pas te réveiller de bon matin parce que tu n'as pas remplis sa gamelle. » Serena arqua un sourcil très lourd de sens tant son argumentation lui rappelait ce qu’il aurait pu dire au sujet d’un éventuel bébé. Mignon mais qui pleure tout le temps, qui porte des couches, qui bave, qui renifle et qui se réveille en pleine nuit pour réclamer un biberon. « Vit’, ce n’est qu’un chat qui demande quelques caresses en échange d’un amour inconditionnel. Et contrairement à ce que tu imagines, je sais parfaitement ce que ce petit regard signifie…» Elle se pinça les lèvres pour ne pas rire. Serena savait parfaitement ce qu’il pensait de sa situation, de ce chat et de tout le reste. « N’essaie pas de nier, tu viens de m’imaginer dans vingt-cinq ans, totalement folle, exclue du monde moderne et discutant avec une horde de chats qui auront choisi d’élire domicile chez moi.» Cette perspective la fit rire de bon cœur. D’accord, Serena était légèrement hors-norme mais certainement pas désespérée à ce point. « Remarque, il devrait pouvoir chasser les araignées. » Un rire franc et spontané s’échappa de ses lèvres en entendant sa remarque. Bizarrement, elle n’avait pas encore été confrontée à ce problème depuis son déménagement. Mais si Valmont pouvait se charger des araignées, alors ce serait une excellente chose. « Possible. Quoi que les araignées s’en sortaient tout de même mieux entre tes mains. » Entre tes mains … pourquoi ces trois petits mots la troublaient à ce point, surtout qu’ils étaient totalement hors de contexte ? Peu à peu, le sourire de Serena s’estompa et elle sembla redevenir un peu plus sérieuse tout en demeurant extrêmement tendre. « Et toi ? Est-ce que ça va ? » Elle reprit sa tasse entre ses deux mains et observa ensuite Vitaly attentivement. Elle voulait connaitre la vérité, sans détour et sans mensonge. Mais ça, elle n’était pas certaine de l’obtenir.

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Serena n’était peut-être pas la personne la plus sociable de la terre mais il était totalement hors de question qu’elle se déconnecte de la réalité à un moment donné. Au contraire, elle n’avait jamais vu autant de monde que depuis qu’elle était séparée de Vitaly. Non pas pour son plaisir personnel mais bel et bien pour tenter de se changer les idées et penser à autre chose qu’à cette douleur lancinante qui la rendait folle. Elle prenait donc le temps de rencontrer ses auteurs, les collaborateurs de la maison d’édition, de discuter avec ses confrères, se rendre à des congrès littéraires etc… bref, tout ce qui lui permettait de ne pas songer à Vitaly. « Les cheveux crépus, la robe de paysanne, les sabots en bois, le dos voûté à t'être trop penchée pour discuter avec tes cinquante six chats. Et à leur faire la lecture pour les endormir le soir, dans ton lit. » Volontairement, Serena adopta une mine offusquée. Elle était tout de même franchement plus sexy que ça, non ? D’autant qu’elle était toujours tirée à quatre épingles, élégante et extrêmement raffinée. Elle tenait à cette image de femme parfaite et n’était pas prête de s’en détacher. « Tu réalises quand même que tu t’adresses à une femme qui faisait du jardinage en talons aiguilles et qui ne peut pas se passer de son tube de rouge à lèvres ? J’ose espérer que ce ne sont pas des chats qui s’endormiront dans mon lit chaque soir …» Oh non, pitié !! Elle avait vraiment osé dire ça ? Préférant ignorer sa propre remarque, Serena plongea son nez dans sa tasse de thé encore fumante et en bu une gorgée. Bon dans le fond, il y avait tout de même une part de vérité : légitimement, elle espérait ne pas finir ses jours en étant une vieille fille, seule, désespérée et déprimée. Sans compter que ce ne sont pas les rencontres qui manquaient dans sa vie. Seulement voilà : Vitaly était son seul et unique point de comparaison et à côté de lui, les autres hommes semblaient tellement … fades et dénués d’intérêt !

Sourire aux lèvres, elle l’observa tendre la main vers la chaton qui, comme il fallait s’y attendre, réclama de nouvelles caresses. La scène la fit sourire, elle était attendrie. A tel point qu’elle osa même adresser à Vitaly une question pour le moins inattendue. Serena s’était pourtant jurée de s’en tenir à un rendez-vous purement professionnel mais il faut croire que c’était impossible. Elle avait véritablement besoin de savoir comment il allait, pas seulement si elle lui manquait mais avant tout si cette nouvelle vie ne le perturbait pas trop.   « En dehors du fait que je sois obligé de commander les courses sur Internet parce que je déteste toujours autant les grandes surfaces, que je ne trouve pas le temps de cuisiner alors je passe tous les jours chez le traiteur, que j'ai mélangé les couleurs dans la machine à laver ... On peut dire que ça va pas trop mal. » Là, elle le reconnaissait totalement. Une fois encore, elle ne pu s’empêcher de rire de bon cœur. Alors c’est pour ça qu’elle était indispensable ? Pour tenir la maison en ordre, laver le linge et faire la cuisine ? Il était vraiment incorrigible ! Amusée, elle se pencha vers lui et huma l’odeur de ses vêtements avec une lueur mutine dans le regard. « Bon ça va, je vois que t’as trouvé le bon bouton sur la machine à laver.» Son visage remonta jusqu’à son cou, à quelques centimètres seulement de sa peau … elle avait envie d’y poser ses lèvres … de la caresser avec sa langue … de l’embrasser … Un murmure s'échappa de ses lèvres: « J’aime ton odeur …» Elle en était même totalement accro si on tient compte du fait qu’elle dormait toujours avec l’une de ses chemises … bon deux … elle lui en avait volé deux avant de partir, dont sa préférée. C’était pourtant absurde, elle le savait. Lentement, elle se recula sans quitter son regard … elle se perdait littéralement dans ses yeux… d’ailleurs, ne l’avait-il pas séduite d’un simple regard le jour de leur rencontre ? « Je suis ravie que tout aille bien. Tu sais … ce n’est pas parce qu’on est dans cette situation étrange que tu ne peux pas compter sur moi en cas de besoin. Je veux dire … si t’oublie sur quelle température régler la machine à laver par exemple.» Elle esquissa un nouveau sourire même si sa proposition n’avait rien d’une moquerie. Elle était très sérieuse. S’il avait besoin de quoi que ce soit, elle saurait toujours se montrer disponible.

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«"Etrange" n'est pas vraiment le mot que j'aurais employé ... » Serena haussa une épaule avec une petite moue innocente et amusée. C’était pourtant le seul adjectif qui lui venait à l’esprit quand elle tentait d’analyser la situation dans laquelle ils se trouvaient. Ils se déchiraient sans pour autant être capables de s’éloigner totalement l’un de l’autre. En tout cas, Serena n’en était pas capable. S’il s’agissait bel et bien d’un rendez-vous professionnel, Vitaly aurait certainement quitté les lieux depuis longtemps et elle ne l’aurait pas retenu. Or, elle voulait qu’il reste. Pourquoi ? Elle ne savait pas. « Ah non ? Tu aurais choisi quel mot ? » Elle esquissa un nouveau sourire et l’observa attentivement en attendant sa réponse. Elle était vraiment curieuse de savoir comment il analysait la situation et tentait de cerner chacune de ses pensées. La jeune femme le connaissait suffisamment bien pour savoir qu’il ne les exprimait que rarement et qu’elle se devait donc d’être attentive au moindre détail. « Mais plus sérieusement ... Je ne peux pas t'appeler à l'aide à chaque fois que j'aurais un petit pépin. Ne faut-il pas que j'apprenne à me débrouiller seul, comme un grand ?» Silencieusement, elle le fixa durant plusieurs secondes sans ciller. Elle aurait presque pu se perdre dans la profondeur vertigineuse de ses yeux.  Serena aurait certainement mieux fait de détourner la conversation au plus vite mais malheureusement, une réponse d’une évidence incroyable lui brûlait les lèvres. Si elle hésita une fraction de seconde à lui en faire part, les mots finirent toutefois par franchir la barrière de ses lèvres avec une franchise presque touchante. « Peut-être ai-je simplement envie que tu m’appelles, peu importe le motif. » Sa voix était devenue plus faible, plus douce également. Elle savait qu’elle était en train de s’engager sur un terrain sinueux et extrêmement dangereux. Faire preuve d’une telle audace n’était pourtant pas dans son tempérament. Elle se sentait tel Icare volant trop près du soleil et même si elle s’y était déjà brûlé les ailes, elle était toujours là.

« Bon, alors tu es certain de ton choix concernant la couverture ? J’envoie tout à l’impression demain dans la matinée.» Changer de conversation était plus efficace que de continuer sur sa lancée. Serena se redressa en prenant un muffin d’une main et le dossier de l’autre. Elle avait vraiment hâte de découvrir les réactions des premiers lecteurs qui auront la chance de dévorer l’ouvrage de Vitaly. Elle était certaine qu’il allait cartonner. « Par contre, il faudra vraiment que tu te montres disponible dans les semaines à venir. Il y aura certainement plusieurs séances de dédicaces, une ou deux rencontres littéraires et tout le baratin qui concerne la promotion du livre. Je sais que tu n’aimes pas forcément t’adonner à ce genre d’activités mais tu n’y échapperas pas.» Elle afficha un sourire triomphant, véritablement heureuse. Elle avait cette réaction chaque fois que l’ouvrage de l’un de ses auteurs préférés était lancé sur le marché. Vitaly était son numéro un mais ça … elle n’allait pas le reconnaitre. Elle retourna s’asseoir près de lui et prit un morceau de muffin entre son pouce et son index pour le porter à ses lèvres. « T’as même pas goûté à mes muffins … j’ai besoin de ton avis. Ma mère m’a demandé d’en faire une cinquantaine pour la réception qu’elle organise samedi prochain. Pour l’instant je teste et comme t’es mon avis le plus fiable … » Oui car il était habitué à sa façon de cuisiner et savait si elle pouvait faire mieux, si elle était au top ou au contraire, si c’était carrément immonde et indigne d’elle. Elle prit donc un nouveau morceau de muffin entre ses doigts et le porta aux lèvres de Vit’ pour qu’il y goûte à son tour. Comme un baiser à distance, elle reporta ses doigts à sa propre bouche, léchant son index pour y ôter les quelques miettes restantes. « Alors ?» L’espace d’un instant, elle fixa sa bouche… elle se la rappela sur son corps. Partout. Serena se sentit soudainement rougir au même rythme que sa peau était en train de s’embraser. Elle se sentit brulante et agitée, soudainement traversée de désirs obscurs. Merde, elle ne pensait pas que ça pouvait être si sensuel de manger un morceau de muffin.

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Douloureuse… Serena demeura pantoise face à cette réponse totalement inattendue. Elle ne pouvait pas nier qu’en un sens, elle était rassurée de savoir qu’il avait également du mal à faire le deuil de leur relation. Certes Vitaly ne partageait probablement pas sa vision des choses, mais elle se sentait satisfaite qu’il ne l’ait pas encore véritablement rayé de sa vie. Elle espérait d’ailleurs qu’il ne le fasse pas. Serena avait longuement réfléchi à leur toute dernière conversation. Le fait est qu’elle avait eu tort de lui dire qu’elle ne souhaitait plus le revoir alors que paradoxalement, elle n’avait pas le courage d’avancer sans lui.  Elle n’était plus sure de rien désormais…

Détourner la conversation quand elle devenait trop gênante était sa spécialité. Ainsi, il fut rapidement question de boulot une fois encore. Elle savait que Vitaly aurait beaucoup de mal à lâcher du lest au sein de sa boite et à déléguer des tâches importantes à ses employés, mais il était pourtant indispensable qu’il le fasse. La promotion du livre ne pouvait pas attendre, d’autant qu’elle tenait à moucher son patron qui avait clairement fait entendre qu’il n’appréciait pas l’ouvrage de Vit’. Quel crétin alors !! Toujours est-il que le rendez-vous « professionnel » auquel ils s’adonnaient aurait pu s’achever là. Il n’en fut pourtant rien car bien vite, la conversation dévia de nouveau et Serena partit sur quelque chose de plus personnel. A priori, rien de grave puisqu’il s’agissait de ses muffins. Elle voulait juste connaitre l’avis de Vitaly concernant cette nouvelle recette. « Alors je pense que ta mère sera très contente de tes muffins. Mais il manque un peu de ... Peps. L'explosion de bonheur ressenti quand on y goûte et qui nous pousse à penser que la personne qui les a fait, rayonnait elle même de bonheur. » C’était donc ça l’ingrédient manquant ? Un sourire en coin se dessina sur son visage tandis qu’elle se repenchait dangereusement vers lui  pour lui murmurer quelques mots à l’oreille d'une voix douce et diablement sensuelle. « Alors aide-moi à les refaire et ils seront parfaits. » Un étrange sourire, tendre et énigmatique ne tarda pas à peupler ses lèvres. Serena était décidément quelqu’un de magnifique et de surprenant … à sa façon. Elle se recula en se mordillant légèrement la lèvre inférieure puis se redressa du canapé en prenant la main de Vitaly dans la sienne. A son contact, elle eut l’impression d’être traversée par un courant électrique d’une puissante incroyable. Une fois encore, elle réalisa qu’elle avait envie de sentir ses mains parcourir son corps, l’explorer, la caresser … l’empoigner plus brusquement aussi. Et tout ça à cause d’un muffin ? Revenant à la réalité, Serena l’entraina jusque dans la cuisine. Elle lâcha sa main pour ressortir les ingrédients nécessaires à la préparation d’une nouvelle fournée et se remit à sourire avec amusement. « Tu ne réalises pas ta chance, je suis en train de te dévoiler mes secrets de cuisine. Comme ça, tu pourras épater tes futures conquêtes avec de délicieux muffins faits maison. Evite juste de leur dire que la recette provient de ton ex-femme.» Son sourire s’accentua aussitôt. Il n’y avait rien d’amusant là-dedans hormis la façon dont elle préférait tourner en dérision une situation qui la minait au plus haut point. « Tu veux bien faire fondre le beurre avec le chocolat pendant que je m’occupe du reste ? » Passant près de lui, elle lui mit le chocolat entre les mains et s’occupa de mélanger la farine avec le reste des ingrédients. Non seulement elle connaissait la recette sur le bout des doigts, mais elle en maitrisait également toutes les déclinaisons possibles et imaginables. Serena aimait mettre du cœur dans tout ce qu’elle entreprenait et plus particulièrement la cuisine. S’investir autant dans tout ce qui lui tenait à cœur était probablement une façon de rendre son existence moins sombre, plus colorée au contraire. « Bien. Maintenant, il faut que tu mélanges le chocolat et le beurre avec ma préparation. » Se tournant vers lui, elle lui tendit une cuillère en bois et l’invita à verser le chocolat dans le plat qu’elle venait de préparer. Elle le laissa remuer la pâte, constatant que faire de la pâtisserie n’avait jamais été aussi sexy, puis plongea son doigt dans la préparation avant de la porter à ses lèvres. « Parfait. Qu’en dis-tu  ?» Oh là, elle retombait dans la dangerosité. Sans le quitter des yeux, elle replongea son doigt dans le plat et le porta aux lèvres de Vitaly, en profitant pour se rapprocher de lui. Subtilement, elle était de nouveau en train de le provoquer.

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Dès lors que ses lèvres se refermèrent sur son doigt, une intense sensation de bien-être s’insuffla dans tout son corps. Serena n’avait pas provoquée cette situation dans le but de se prouver quoi que ce soit, mais bel et bien car elle éprouvait un besoin presque vital de rétablir ce contact entre eux. Autant dire qu’il était divin. Déstabilisée, choquée et charmée à la fois, elle ne savait plus ce qu’elle était en train ou même en droit de penser à cette minute précise. Les baisers qu’il déposa sur sa paume et sur son poignet auraient aisément pu la faire défaillir. N’étant plus en mesure de réfléchir avec discernement, Serena se fia uniquement aux réactions de son corps qui aurait volontiers réclamé bien plus que tout ce qu’elle était en droit d’espérer. Il était le seul capable de lui procurer cette sensation : celle d’être enfin vivante. Quand il mit un terme à cet acte proprement merveilleux, elle lui offrit un sourire à la fois doux et intimidé, tout en demeurant à quelques millimètres seulement de son corps. « Très aphrodisiaques, non ? » Décidément, elle ne se lassait pas de le regarder tandis qu’il distillait cette sensualité grisante qui n’appartenait qu’à lui. Sa remarque ne manqua cependant pas de la faire rire, chose qui effectivement, n’était plus arrivée depuis une éternité. Pourtant ce soir, elle passait un vrai bon moment en sa compagnie. Elle avait l’impression de retrouver l’homme dont elle était tombée amoureuse bien des années plus tôt, avant qu’elle ne perde de vue la chance qu’elle avait de partager sa vie. Elle acquiesça donc à ses propos, se mordillant doucement la lèvre inférieure. « Beaucoup trop …» Le désir, épais et violent traversa soudainement son sang, brouillant sa raison. Elle n’avait besoin que de quelques minutes, temps durant lequel elle souhaitait se sentir seule au monde en sa compagnie. Seulement quelques minutes auxquelles elle n’avait jamais osé prétendre depuis leur séparation. A la fois fiévreuse et tendre, elle leva une main et vint frôler sa joue, redessinant le contour de ses lèvres du bout des doigts. « Pourquoi sommes-nous aussi francs l’un envers l’autre dans des moments pareils ?» Ou plutôt, pourquoi n’avaient-ils pas été capables de l’être alors qu’ils formaient encore un couple ? La jeune femme poussa un délicat soupir, résistant autant qu’elle le pouvait à l’appel de ses lèvres. Il la troublait, c’était indéniable. Paradoxalement, Serena avait parfaitement conscience d’être en train de commettre une lamentable erreur. Comment allait-elle pouvoir gérer ce dérapage par la suite ?

Ces pensées ne perdurèrent qu’un court instant dans son esprit. L’éditrice souhaitait simplement se concentrer sur l’instant présent et profiter pleinement de tout ce qu’ils avaient à s’offrir mutuellement. Sourire aux lèvres, elle tira doucement sur sa chemise pour qu’il franchisse le dernier pas qui les séparait d’un corps à corps des plus exquis. Son regard s’attarda quelques secondes sur ses lèvres et finalement, elle finit par venir les frôler avec les siennes avant de lui donner un baiser des plus tendres. Et comme tendresse et provocation vont de pair chez Serena, son baiser gagna en intensité en l’espace de quelques secondes. Sa langue vint chercher celle de Vitaly, transformant un innocent baiser en une langoureuse approche. Un faible gémissement s’échappa de ses lèvres et elle éloigna très légèrement son visage de celui de Vit’. L’une de ses mains s’échoua sur sa nuque qu’elle caressa doucement. « Reste avec moi ce soir …» Ses paroles prononcées d’une voix douce et étonnamment suave parvinrent à la surprendre. Ce n’était sans doute pas une bonne idée mais Serena n’avait nullement envie de rationnaliser ses actes pour le moment. Perdue dans son regard, elle entrelaça les doigts de sa main libre avec les siens en un geste tendre. « Tu pourrais goûter à des choses bien plus alléchantes qu’une simple préparation pour muffins.» Une fois encore, elle se mit à sourire avec amusement. Non vraiment, cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas montrée si … complice envers lui.

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L’espace d’un instant, Serena scruta son visage en quête du moindre signe qui viendrait à l’encontre de tout ce qu’elle venait de dire. Elle se sentait à la fois nerveuse et excitée de faire preuve d’une telle audace mais le laisser partir maintenant était tout bonnement impossible. C’est à ce moment-là que Vitaly se pencha vers elle, venant mordiller sa lèvre inférieure. En une fraction de seconde, Serena sentit ses pensées et sa raison s’engourdir en même temps. A quoi bon réfléchir ? « Il va falloir que tu me donnes des exemples de ce à quoi je vais pouvoir goûter. Parce que je ne vois vraiment pas ... » Un sourire lascif se dessina lentement sur ses lèvres et sans le quitter des yeux, elle adopta à son tour une petite moue innocente. « Ah non ? » En même temps que Vit’, Serena baissa le regard en direction de la boule de poils qui était en quête d’un minimum d’attention. « Et à condition que ton charmant animal de compagnie demeure sagement loin de nous ... » Aucun problème, elle allait faire en sorte que le chaton reste loin d’eux si tel était son désir. Toutefois, Serena ne fut pas en mesure de formuler distinctement cette réponse puisque déjà, Vit’ venait déposer ses lèvres contre son cou. Oh bordel de … Aussitôt, son cœur eut un raté avant de se mettre à battre la chamade, faisant pulser son sang brulant dans tout son corps. Instinctivement, elle rejeta légèrement sa tête en arrière afin qu’il accède plus facilement à sa gorge. Ses doigts se refermèrent dans ses cheveux tandis qu’elle savourait ce contact, divine sensation qui était en train de la consumer. Sa respiration s’était soudainement accélérée et elle laissa échapper un soupir très significatif tant la douce torture qu’il lui infligeait était plaisante. « Le chat nous observe …» Un sourire mutin se dessina sur ses lèvres. Etait-elle en train de se moquer de lui ? Oui, gentiment. A son tour, elle approcha ses lèvres afin de déposer un baiser derrière son oreille dont elle mordilla doucement le lobe. « Viens avec moi …»murmura-t-elle. Se saisissant de sa main, Serena l’entraina jusque dans sa chambre, seul endroit de l’appartement qu’il n’avait pas encore eu l’occasion de visiter et elle referma la porte derrière eux afin de s’assurer que Valmont n’aurait pas l’indélicate idée de les déranger.

Il n’existait pas de mot pour décrire ce qu’elle ressentait à cet instant précis. Une foule de sentiments inavouables prenaient possession de son être tandis que l’atmosphère devenait presque électrique. En ce doux mélange d’ardeur et de douceur, elle s’empara de nouveau ses lèvres tout en l’incitant à reculer jusqu’à ce qu’il se retrouve prisonnier entre son corps et le lit. D’un geste assuré, elle le repoussa en arrière pour qu’il s’échoue sur le matelas et vint prendre place au-dessus de lui. Serena se mordit la lèvre lorsque son désir pour cet homme vint à l’envahir de plus belle, devenant plus ardent, embrasant son sang, écourtant son souffle et la liquéfiant totalement.  « Voilà un rendez-vous professionnel fort intéressant …» ironisa-t-elle tout en se penchant pour venir déposer de délicats baisers dans son cou. Hum, elle avait presque oublié à quel point son odeur pouvait être enivrante … le contact de sa peau chaude sous sa langue était divin. Un sourire s’épanouit lentement sur ses lèvres et d’un geste délicat, elle commença à déboutonner sa chemise. Ses doigts agiles en vinrent à bout rapidement et elle put alors reprendre son chemin de baisers. De son cou, elle passa lentement à son torse, embrassant, léchant, mordillant doucement sa peau jusqu’à son nombril. De temps à autre, elle l’observait, ses yeux se nourrissant de ses réactions. Elle adorait ça. Continuant sa divine torture, Serena embrassa son ventre et descendit avec une lenteur insoutenable jusqu’à son bas ventre, langue contre peau. Si elle prit la peine de défaire le bouton de son pantalon, Serena emprunta pourtant le chemin inverse, remontant jusqu’à ses lèvres, sa bouche revendiquant la sienne. « Est-ce que tout va bien mon ange ?» Elle caressa délicatement ses cheveux tout en redéposant un baiser sur ses lèvres parfaitement dessinées.

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Peu importe ce que lui dictaient sa raison et son bon sens, Serena ne les écoutait plus. Seules comptaient toutes ces sensations magiques qu’elle ne devait qu’à Vit’. Le temps semblait soudainement avoir cessé de s’écouler et rien n’avait davantage d’importance que leur étreinte, déferlante infinie et douce. Lorsqu’il glissa ses mains autour de son visage, réclamant de sa bouche de nouveaux baisers, elle eut l’impression de défaillir. Chaque fois que leurs lèvres et leurs peaux se rencontraient, Serena sentait l’insolence de ses émotions se raviver de plus belle. Bon sang, ce qu’elle aimait ça ! Elle le laissa la débarrasser de son haut avant de reprendre possession de ses lèvres dans un élan passionné. Jamais de sa vie elle ne s’était sentie dans un état aussi effroyable, si on entendait par là, merveilleusement bien. Ses doigts s’attardèrent un long moment sur ses épaules puissantes avant de redessiner le contour de ses muscles saillants dont elle redécouvrait les moindres contours. Tout en lui était démesurément parfait et attirant. Hâte et désir se lisaient dans les prunelles intensément troublantes de la belle, dans chacune de ses attitudes, dans le moindre de ses baisers et dans l’étau délicieux façonné par ses cuisses fermes et souples autour de sa taille. La sensation de ses lèvres tout contre son cou la rendait fiévreuse d’une passion étrange, mystérieuse, fascinante et délicieuse. Son plus grand désir à cet instant précis ? Figer le temps, oublier le monde, oublier tout ce qui n’est pas Vitaly et vivre sans fin cette passion impérieuse. Ses lèvres glissèrent le long de la courbe de sa mâchoire, le long de son cou et de ses épaules qu’elle mordilla doucement. Délicatement, elle fit descendre ses mains en une douce caresse jusqu’à son ventre et entreprit ensuite de terminer de lui ôter ses vêtements, non sans continuer à déposer de délicats baisers sur son corps. Elle aimait sentir la chair de Vitaly se mettre à frissonner sur son passage. C’était exaltant. Voilà pourquoi elle mettait malicieusement des pauses entre chaque attaque de lèvres sur sa peau, s’amusant à tester ses réactions face à ses caresses. La chaleur qui émanait du corps de Vit’ était en train de la faire fondre totalement. A mesure que le temps passait, Serena n’avait de cesse de découvrir chaque parcelle de son corps, comme si elle voulait en mémoriser chaque détail jusqu’à la fin de ses jours. Toujours dans la même position, une jambe de chaque côté du corps de Vit’, Serena redressa légèrement son buste et sans le quitter des yeux une seule seconde, ôta son soutien-gorge, laissant ses longs cheveux blonds retomber en cascade sur sa poitrine. Délicatement, elle s’empara de ses mains et les posa sur ses hanches pour qu’il continue à la caresser comme il le faisait jusque-là.  « Touche-moi encore …» murmura-t-elle tout en s’empressant de dévorer ses lèvres avec douceur et passion mêlées. Elle avait envie que leurs sens fusionnent, qu’ils ne fassent plus qu’un au même titre que leurs corps. Jouant la carte de la provocation, Serena adopta une posture des plus langoureuse, son entre-jambe provocant ouvertement celui de Vit’. Le désir qu’elle éprouvait pour cet homme n’était pas seulement charnel. Ca allait bien au-delà de tout ça. Il n’y a que pour lui qu’elle était capable de ressentir des sentiments aussi intenses. La fièvre de son désir était telle qu’elle ne parvenait plus à penser avec cohérence et discernement. Entre deux baisers, son index se posa doucement sur ses lèvres entre-ouvertes, prenant la mesure de son souffle, en dessinant les contours avant que ses baisers ne viennent prendre la relève. Inutile d’espérer faire demi-tour après ça. Le plaisir charnel s’était mêlé à un amour incroyable qui ne demandait qu’à s’épanouir, toujours davantage. « Je te veux tellement Vit’ …» Soupirant contre ses lèvres, elle esquissa un léger sourire avant de lui mordiller la lèvre inférieure en un mélange de fougue et de tendresse. Ce qui allait se passer le lendemain et les jours suivants importait peu. Serena vivait l’instant présent. Elle allait sans doute le regretter, s’en vouloir, pleurer … mais pour l’instant, il n’appartenait qu’à elle et elle n’appartenait qu’à lui. Seuls au monde, dans une bulle que rien ni personne ne pouvait atteindre.

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Impossible de le nier, ils étaient probablement en train de commettre la pire des folies. Mais cette folie était si délectable que Serena préférait de loin se laisser emporter sans retenue par son ardent tourbillon, plutôt que de songer aux conséquences de ses actes. Inutile de préciser à quel point elle aimait ces longs préludes qui les conduisaient inexorablement aux confins de leur volonté. Elle aimait tout autant leurs étreintes passionnées, celles qui pouvaient les embraser dans l’instant pour mieux les laisser haletants, enivrés. Comment avaient-ils pu s’oublier à ce point ? Les rôles soudainement inversés, la jeune femme n’hésita pas à s’abandonner en toute confiance au savoir-faire sensuel et affolant de son bel amant. Captive de son regard, elle s’humecta les lèvres avant de fermer les yeux pour focaliser toute son attention sur cette déferlante de sensations exquises. Plus ses doigts descendaient et plus Serena se sentait défaillir. Frémissante, elle se cambra légèrement, se donnant totalement aux mains de Vitaly dont les caresses lui coupaient délicieusement le souffle. Chaque parcelle de sa peau en demandait encore et toujours plus. C’était exquis. Serena était en train de s’abîmer dans l’océan de tendresse qui la submergeait, l’engloutissant tel un navire perdu dans la tempête des sentiments passionnés qui n’avaient de cesse de l’étreindre. Lorsque les lèvres de Vitaly suivirent le chemin tracé par ses mains, elle sentit la passion se tordre au creux de son ventre. Envolée la raison et les incertitudes ! Rien d’autre ne semblait exister en dehors de cette étreinte enfiévrée qu’ils s’offraient mutuellement. Tandis qu’il parsemait son corps de délicats baisers, elle sentit la chaleur monter en elle, enflammant ses veines d’une passion peu commune. Serena vibrait et frissonnait sous ses baisers qui l’emplissaient d’une passion sauvage. A trop jouer avec le feu, il allait finir par lui faire perdre la raison.

Le désir était tel, que Serena ne tarda pas à susurrer le prénom de Vitaly sans même s’en apercevoir. Quelques secondes plus tard, l’éditrice se retrouva nue sous les yeux de son amant. Un léger sourire suspendu à ses lèvres, elle l’observa retirer sa chemise tandis que son corps tout entier semblait le réclamer à nouveau : quelques secondes de séparation, c’était déjà beaucoup trop. Son regard plongea dans les prunelles turquoises de Vit’, captif de leur éclat intense. Les mots ne franchirent pas ses lèvres puisqu’elle tâcha de les retenir mais ses yeux, fenêtres ouvertes sur son âme profondément émue ne mentaient pas. « Je t’aime » … voilà ce qu’elle voulait lui dire et qui la rongeait littéralement. Leurs lèvres possessives ne tardèrent pas à se réclamer mutuellement de nouveaux baisers, ainsi qu’une nouvelle étreinte plus passionnée encore. Sa main glissa dans ses cheveux soyeux, descendant jusqu’à sa nuque sur laquelle elle dessina des arabesques du bout des doigts. Le désir qu’il faisait naitre en elle était proprement indescriptible. Continuant leur chemin, ses mains cheminèrent dans le dos de Vitaly avec lenteur, caressant avidement sa peau tiède jusqu’à la courbe de ses fesses, vagabondant de ses hanches à son aine. Leurs corps intimement enlacés semblaient emportés par une passion dévorante, noyés sous des déferlantes de sensations exquises et enivrantes qui allaient indéniablement les mener vers les merveilleux tourbillons sensuels de l’extase. Serena avait véritablement l’impression de le découvrir pour la première fois et autant dire qu’elle adorait ça. L’odeur de sa peau l’enivrait peu à peu et bientôt, la passion qui s’éveillait en elle ne tarda pas à la submerger. Elle le voulait, maintenant. Audacieuse, elle se cambra davantage afin de guider Vit’ en elle. Une immense vague de plénitude la submergea comme jamais, lui arrachant un gémissement de plaisir qu’elle n’essaya même pas de retenir, délivrée de ses hésitations. Elle voulait se donner à lui et elle le faisait désormais sans la moindre retenue.