Dure journée pour Hadès. Il avait dû courir partout dans New York, presque sans argent, pour les rendez-vous qu'il avait donnés dans vraiment regarder où il allait. Et son handicap ne l'aidait pas vraiment à être à l'heure. Il se pressait, souffrait le martyre, mais faisait le plus vite possible. Arrivé en général avec une quinzaine de minutes de retard chez chacun de ses clients, le traducteur s'était excusé le plus platement et sincèrement possible auprès de ceux qui le payaient. La plupart avaient compris et ne lui en tenaient pas rigueur, comprenant une telle difficulté à traverser la ville, ou n'en serait-ce qu'un quartier, avec des jambes aussi mortes. Il maudissait ces foutues jambes qui ne le menaient nulle part et refusaient de se rétablir correctement alors qu'il travaillait comme un fou pour recouvrer une marche normale. Mais peu importait désormais. Hadès avait fini sa journée, très tard ce soir-là. Il était vingt-deux heures quand il quitta le dernier client qu'il devait servir pour la journée. Russe, français, allemand, finnois, suédois, tout y était passé. Si bien que désormais, Hadès avait quelque petits problèmes pour penser dans sa langue natale, sa langue qui lui paraissait si simple désormais, l'anglais. Tobias n'arriverait sûrement pas à se vider la tête en rentrant dans son vide appartement, sombre et... Si impersonnel.

C'est sur cette triste pensée que le trentenaire s'engagea dans une rue du Bronx, puis une autre. Il était au courant que ce quartier était mal famé, mais sincèrement il se moquait d'être attaqué, agressé, tué. Ca lui importait peu, maintenant qu'il n'avait plus rien, ni personne à contenter, pour qui rentrer le soir, de qui s'occuper, pour qui compter. Même pas un chien. Il aurait pu en adopter un, mais il était conscient que son compte en banque l'aurait obligé à le faire euthanasier si l'animal avait eu un quelconque problème de santé, et Hadès refusait une éventualité pareille. Alors il errait le long des rues du Bronx, comme un gamin détesté de tous qui porterait une cible sur le dos, sous laquelle serait inscrit "Shoot me". Fou, peut-être. Inconscient, certainement pas. Tobias savait très bien ce qu'il faisait, lorsqu'il s'engagea dans une petite ruelle mal éclairée, dont l'odeur était tout sauf agréable. Il entendait des aboiements au loin, des hommes parler trop haut pour l'heure qu'il était. Un article de vaisselle se briser puis une femme hurler à la mort. Mais ça ne touchait plus le britannique désormais, trop habitué à ses propres problèmes, les souffrances qu'il avait dû endurer et la mort qui le guettait à chaque coin de rue. Un bruit de pas se fit entendre derrière lui, comme quelqu'un cherchant à se tapir derrière son dos, mais la pénombre de la nuit bien entamée, il devait être plus de minuit désormais, l'empêcha de discerner autre chose que des ombres informes. Sans exprimer un quelconque sentiment d'inquiétude, Hadès continua sur ses pas poussifs et las, comme quémandant un peu d'action.

'cause deep down inside, there's something that waits to be broken.