Depuis qu’elle était enceinte, Lula redécouvrait tous les petits maux de la grossesse : les nausées matinales – nom parfaitement ridicule étant donné qu’elles pouvaient survenir à n’importe quel moment de la journée – fatigue intense, grignotage intempestif et sautes d’humeur assez impressionnantes dont ses enfants étaient bien souvent les principaux spectateurs voire parfois les pauvres victimes... Physiquement parlant, son ventre s’était sensiblement arrondi pour ne laissait deviner qu’une petite bosse toute mignonne qui l’attendrissait un peu chaque jour mais qu’elle camouflait jalousement sous ses tuniques amples. Dans son entourage, personne n’était au courant. Pas même le père de l’enfant à naître et pourtant, Dieu seul sait combien Lula avait besoin de soutien ces temps-ci. En effet, sa situation actuelle était catastrophique. Non seulement la jeune femme avait été licenciée de son poste de restauratrice d’œuvres d’art au sein du Musée de Greenwich Village, mais son visa avait expiré et elle se retrouvait avec le service de l’immigration sur le dos. Dans l’urgence, et faute de mieux, Lula avait accepté de travailler dans un café et de faire quelques « extras » en tant que femme de ménage pour différents bureaux dans les environs. La proximité était devenue une nécessité, en particulier après avoir vendu son véhicule pour alléger les dépenses et arrondir ses fins de mois en expliquant à ses enfants qu’il était plus rapide et rentable pour eux d’emprunter les transports en commun comme la majeure partie des habitants de New York. En vérité, ces deux emplois cumulés ne suffisaient à se maintenir à son niveau de vie précédent et Lula envisageait même de déménager en bordure de la ville, là où les loyers étaient les moins onéreux.

La philippine songea à demander un avis d’expert – autrement dit celui de Kina – mais leur relation n’était plus du tout ce qu’elle était depuis son mariage avec Julian Alvarez, l’ex-mafieux. Son union avec un dangereux criminel – aussi repenti soit-il – n’avait pas été le seul sujet de leur discorde puisqu’elle avait décidé d’inviter Francis à ses noces. Et ça, Matthew & Lulani ne l’avaient pas cautionné. C’était tout de même lui, avec l’aide de Nikolas, qui avait orchestré le kidnapping de Toyiah en envoyant justement un groupe de mafieux, peut-être de la même « famille » que Julian, pour faire le sale travail à sa place. La jeune femme était partagée. D’un côté, elle comprenait parfaitement ce qui avait poussé Kina à agir ainsi, mais de l’autre Lula ne pouvait s’empêcher d’en éprouver de la colère et une pointe de trahison qui allait mettre un certain temps à s’estomper. Pourtant, la philippine était incapable de rester fâchée avec Kina très longtemps. L’américano-grecque faisait partie des piliers de sa vie. L’un des seuls qui restaient encore debout et qu’elle ne voulait pas voir s’effriter davantage alors lorsqu’elle avait reçu le message de celle-ci l’invitant à la rejoindre dans un Starbucks, Lula avait accepté.

Cependant, à cette heure de la journée où le trafic était loin d’être fluide – encore plus pour les transports en commun - il lui fut donc particulièrement difficile d’arrivée à l’heure du rendez-vous indiqué dans le message de Kina. Lula détestait être en retard, même si les pannes d’oreillers étaient de plus en plus fréquentes à cause de la fatigue qui l’assaillait un peu plus chaque jour. Elle descendit bien vite du bus et se mit à courir jusqu’au lieu du rendez-vous où elle fit une entrée pour le moins fracassante.

Le souffle court, Lula chercha sa meilleure amie du regard et la trouva attablée dans un coin à l’abri des oreilles indiscrètes, ce qui présageait une discussion des plus sérieuses et sûrement des plus déplaisantes. Un sourire étira néanmoins ses lèvres à la vue de la belle blonde et elle cn’attendit pas plus longtemps avant de s’élancer dans sa direction. Comme à son habitude, elle se pencha pour l’embrasser sur la joue. « Hi. » lança-t-elle timidement, gênée par avance de ce que Kina allait sûrement lui reprocher. « Désolée pour le retard, j’ai fait aussi vite que j’ai pu… Comment vas-tu ? » s’enquit-elle aussitôt en prenant place face à sa meilleure amie. « Dans ton message, tu disais que c’était important. J’espère que ce n’est rien de grave… » ajouta-t-elle. Au fond, Lula savait pertinemment que c’était le seul prétexte que Kina avait trouvé pour la forcer à venir ici, mais elle jouait le jeu.

Julian n’était pas si tôt rentré de la salle de sport que son épouse lui faussait déjà compagnie. « Je suis désolée mon amour, mais j’ai donné rendez-vous à Lula au Starbuck’s dans une vingtaine de minutes –et si je ne pars pas maintenant, je vais être en retard » expliqua-t-elle tout en enfilant sa veste. « T’en fais pas pour moi, je vais en profiter pour prendre une bonne douche et mettre un peu d’ordre dans l’appartement » lui répondit-il en lui tendant son trousseau de clefs, qu’elle avait une fois de plus égaré. « Ah… Que ferais-je sans toi ? » Un sourire étira les lèvres de l’italien. « On se le demande... » plaisanta-t-il avant de l’embrasser tendrement. « Allez, files ! » Après lui avoir adressé un énième sourire, Kina quitta l’appartement. A la fois impatiente et paniquée à l’idée de retrouver sa meilleure amie, elle essaya de réfléchir à la manière dont elles allaient pouvoir régler leurs différends. Ce n’était un secret pour personne, son mariage avec Julian avait irrité ses proches et plus particulièrement Lulani et Matthew, qui en plus de s’inquiéter pour la sécurité de la jolie blonde, avaient mal digérés le fait qu’elle ait invité Francis à la réception. Depuis, elle n’avait revu ni son frère aîné, ni sa meilleure amie. Certes, il y avait eu le déménagement et son voyage de noces qui s’était étendu sur quinze jours, mais aucun d’eux n’avaient essayé de la joindre pour autant. Kina vivait plutôt mal cette mise à l’écart et c’était en partie pour cette raison qu’elle avait proposé à Lulani de la rejoindre aujourd’hui. Bien sûr, elle avait dû faire preuve de ruse et d’imagination pour convaincre la jeune maman d’accepter ce rendez-vous, mais elle n’était pas mécontente d’avoir sauté le pas –car il fallait absolument qu’elles mettent les choses au point. Un fossé s’était creusé entre les deux jeunes femmes, au point que Kina était désormais terrifiée à l’idée de perdre sa meilleure amie. Pourtant, malgré tout ce qui avait pu se passer, la jolie brune avait toujours occupé une place importante dans son existence et il était hors-de-question que Kina la laisse lui tourner le dos. En tout cas, pas sans avoir essayé de recoller les morceaux.

Un peu plus tard.
« Bonjour. Je voudrais un cappuccino et un muffin à la myrtille, s’il vous plaît. » La vendeuse s’éloigna quelques secondes pour répondre à la commande de Kina et revint vers elle, tout sourire. « Ce sera tout ? » « Non… » répondit la jeune femme, avant de commander une boisson et une pâtisserie supplémentaires pour sa meilleure amie. « Sur place ou à emporter ? » A l’aide d’un large sourire, Kina fit comprendre à la petite rousse qu’elle comptait rester dans l’établissement et alla s’installer à une table reculée, là où elle serait tranquille pour discuter avec Lulani. D’ailleurs, celle-ci ne tarda pas à arriver.
« Hi » lâcha-t-elle, gênée, après s’être penchée pour saluer Kina. « Désolée pour le retard, j’ai fait aussi vite que j’ai pu… Comment vas-tu ? Dans ton message, tu disais que c’était important. J’espère que ce n’est rien de grave… » Pour toute réponse, elle se contenta d’abord de sourire. « Je suis sur un petit nuage. Notre lune de miel était vraiment… incroyable ! J’ai dû mal à m’en remettre... » répondit-elle ensuite, encore sous le charme de cette escapade romantique. « Mais ce n’est pas pour te raconter tout ça que je t’ai fait venir » se rattrapa-t-elle, consciente que ce n’est pas ce que Lula voulait entendre. « Pour tout te dire, j’aurais bien aimé qu’on parle de nous et de notre amitié. Je sais que j’ai fait certaines choses qui t’ont contrariée et j’en suis sincèrement désolée… » A peine avait-elle terminé sa phrase qu’elle ajouta « Tiens ! Je me suis permise de passer commande pour toi, en espérant que tes goûts en matière de café n’aient pas changé… » C'était bien la première fois que l'américano-grecque était aussi mal à l'aise en présence de celle qu'elle avait toujours considérée comme sa soeur -et ce constat l'a fit grimacer. « Et toi, ça va ? Tu as l'air épuisée... » conclut-elle, consciente qu'elle parlait beaucoup trop.

Installée face à sa meilleure amie, la philippine réalisait qu’une telle chose ne s’était pas produite depuis des années. Des années qui avaient fini par creuser un fossé entre les deux amies de toujours, car même si Kina semblait être toujours la même, ses derniers choix en date avaient laissé son entourage perplexe et Lula ne savait pas quelle position adoptée face à cela. Silencieuse, elle se surprit pourtant à détailler les traits de Kina ; celle-ci semblait plus épanouie que jamais et même si la raison ne l’enchantait pas vraiment, Lula devait bien admettre qu’elle faisait plaisir à voir. « Je suis sur un petit nuage. Notre lune de miel était vraiment… incroyable ! J’ai du mal à m’en remettre… » expliqua-t-elle avec cet air rêveur qui l’a caractérisait. Lula ne put s’empêcher d’esquisser un sourire. Sa propre lune de miel avait eu lieu dix années plus tôt, mais le souvenir de l’euphorie du moment ne  l’avait jamais quitté. En fait, lorsqu’elle y repensait, la philippine se surprenait même à ressentir de petits papillons dans le ventre. Peu de choses avaient changé depuis : malgré tout ce qui avait pu se passer entre eux, Matthew l’attirait toujours autant, sans quoi, elle ne porterait pas son troisième enfant. « Mais ce n’est pas pour te raconter tout ça que je t’ai fait venir. » reprit Kina, forçant Lula à redescendre sur terre à son tour. Elle sentait que sa meilleure amie n’était pas entièrement à l’aise quant au fait de livrer les détails de sa lune de miel, et pourtant, cela avait été une chose tout à fait naturelle lorsqu’elle-même était devenue une Vryzakis. Kina avait été la première à qui Lula avait conté le récit de leur premier voyage en tant que jeunes mariés et à vanter le côté romantique de Matthew que sa sœur n’aurait jamais soupçonné. Maintenant que c’était au tour de sa meilleure amie, la philippine était incapable de l’écouter et elle se surprenait à culpabiliser énormément pour cela. Kina ne cherchait même pas à lui en dire plus, comme si elle savait par instinct que le sujet était tabou, tout comme celui de Nikolas ou d’Elijah, d’ailleurs… «  La Lune de Miel, c’est ce qui a de plus magique : ce moment où vous n’êtes qu’à deux… Je suis contente que ça se soit bien passé pour toi. ». Et Lula était des plus sincères ; même si elle n’approuvait pas à 100% l’union de sa meilleure amie avec un mafieux – elle avait un problème avec eux depuis qu’ils avaient contribué à l’enlèvement de sa fille – la philippine essayait de n’y voir que l’intérêt de la principale concernée parce qu’il n’était pas question d’elle. « Pour tout te dire, j’aurais bien aimé qu’on parle de nous et de notre amitié. Je sais que j’ai fait certaines choses qui t’ont contrariée et j’en suis sincèrement désolée… » commença-t-elle. Lula esquissa d’un nouveau sourire. Elle s’était doutée que le message n’était qu’un fin stratège pour attirer la philippine dans ses filets, mais Kina semblait oublier que Lula connaissait toutes ces ficelles depuis belle lurette. Sur ce, l’américano-grecque  poussa gentiment vers sa meilleure amie ce qu’elle avait commandé pour elle. Bien que touchée par cette délicate attention, l’odeur – pourtant alléchante – du café et des viennoiseries ne fit que réveiller ses fameuses nausées. « Tiens ! Je me suis permise de passer commande pour toi, en espérant que tes goûts en matière de café n’aient pas changé… ». Lula fit mine d’inspecter le tout de son regard inquisiteur à la manière d’un juge s’apprêtant à noter une prestation, puis leva le nez vers Kina qu’elle sentait tendue. « Mh. Ca mérite un A+, vous vous en sortez plutôt bien Madame Vryzakis-Alvarez. » dit-elle, cherchant à détendre l’atmosphère en ponctuant le tout d’un petit clin d’œil. « Mais je suis d’accord avec toi, il est temps que l’on remette les choses à plat pour repartir sur de bonnes bases. ». Elle ponctua ses propos par un petit mouvement de tête. Lula était totalement ouverte au dialogue, il devenait même urgent d’en établir un. « Et toi, ça va ? Tu as l’air épuisée… » s’enquit-elle aussitôt. Pour toute réponse, Lula pinça les lèvres. Elle mourrait d’envie d’expliquer à Kina tout ce qui se passait dans sa vie actuellement et de lui demander conseil, mais ce n’était pas le but premier de la conversation. « Ca va, c’est juste qu’entre le travail et les enfants, je n’ai pas vraiment le temps de me reposer. Matthew devait les prendre le week-end dernier, mais il s’est décommandé et il ne répond pas à mes appels ce qui ne lui ressemble pas… » expliqua-t-elle, cherchant à savoir si Kina en savait un peu plus à ce sujet, mais au vue de leur dernière discussion, Lula en doutait sincèrement. La philippine tâchait de garder un air parfaitement détaché, mais les traits de son visage trahissait l'inquiétude qu'elle éprouvait à l'idée que Matthew soit en mauvaise posture.

Lulani n’était pas très à l’aise lorsqu’il s’agissait de parler du mariage de sa meilleure amie et Kina ne lui en tenait pas rigueur. Comme n’importe quelle maman dans une telle situation, elle avait été profondément marquée par l’enlèvement de Toyiah et exécrait depuis toute personne liée de près ou de loin à la grande famille que composaient les mafieux. Ce comportement pouvait sembler injuste envers Julian qui n’avait strictement rien à se reprocher, mais la jeune mariée se mettait à la place de la philippine et elle la comprenait. Elle fut d’ailleurs touchée d’entendre sa meilleure amie se ravir du fait que sa lune de miel se soit bien passée. Si ses propos étaient sincères ? Evidemment. Lula n’avait jamais été quelqu’un d’hypocrite. Pourquoi commencerait-elle à l’être aujourd’hui ? Qui plus est, elle ne s’était pas priver pour dire à Kina tout le mal qu’elle pouvait bien penser de son époux –alors si elle avait voulu en rajouter une couche, elle ne se serait pas gênée pour le faire.

Inquiète à l’idée de provoquer une énième dispute, l’américano-grecque changea précipitamment de sujet, orientant la conversation sur ce qui avait provoqué cette rencontre. Comme pour enterrer la hache de guerre, elle tendit à Lula la commande qu’elle avait passée pour elle, plus anxieuse que jamais. La tension était à son paroxysme entre les deux jeunes femmes, mais Lula parvint à détendre l’atmosphère grâce à une petite boutade. « Mh. Ça mérite un A+, vous vous en sortez plutôt bien Madame Vryzakis-Alvarez. » Un sourire étira les lèvres de Kina. Elle était soulagée. A tel point que cela se ressentit sur sa posture. Visiblement plus détendue, elle se laissa tomber dans son siège alors qu’elle se tenait jusqu’alors : droite comme un piquet. « Mais je suis d’accord avec toi, il est temps que l’on remette les choses à plat pour repartir sur de bonnes bases. » Lulani cherchait vraisemblablement à encourager son amie, mais cette dernière savait qu’elle aurait du mal à regagner « sa confiance ». Ces derniers temps, Kina s’était montrée très maladroite et elle avait blessé les membres de sa famille. Ils allaient surement avoir du mal à passer l’éponge, mais Kina était déterminée à réparer ses erreurs et elle allait s’en donner les moyens. En attendant, elle préféra s’intéresser au sort de sa meilleure amie qui donnait l’impression de ne pas avoir dormi depuis des jours. Ses traits tirés et son teint pâle inquiétèrent légèrement Kina qui ne put alors s’empêcher de lui faire remarquer qu’elle avait l’air épuisée. « Ça va, c’est juste qu’entre le travail et les enfants, je n’ai pas vraiment le temps de me reposer » s’empressa-t-elle de la rassurer. Pour toute réponse, Kina se pinça les lèvres. Même si son neveu et sa nièce étaient adorables, elle savait qu’élever des enfants n’était pas chose aisée, tout particulièrement lorsqu’on était un parent divorcé. « Matthew devait les prendre le week-end dernier, mais il s’est décommandé et il ne répond pas à mes appels ce qui ne lui ressemble pas… » Cette fois, la jeune femme détourna le regard, réalisant avec tristesse qu’elle n’était pas la seule à s’être heurtée à une boîte vocale. Elle aurait sans doute pu s’en réjouir, car quelque part, cela prouvait qu’il ne cherchait pas à l’éviter tout particulièrement, mais les révélations de sa meilleure amie eurent un effet totalement différent sur Kina qui était désormais morte d’inquiétude. « C’est vrai que ce n’est pas son genre… » Elle saisit son gobelet et but une gorgée du liquide encore brûlant. « Au départ, j'ai pensé qu'il m'en voulait encore pour le mariage et que c'était pour ça qu'il refusait de me prendre au téléphone... » expliqua-t-elle, à nouveau mal à l’aise. « Mais pour être tout à fait franche, je me fais beaucoup de soucis pour lui. Il est vraiment obnubilé par ses recherches et j'en sais rien, j'ai un mauvais pressentiment... » Elle s'interrompit brusquement, consciente que ce n'était pas la chose à dire à la mère de ses enfants. « C’était quand la dernière fois que vous vous êtes parlés ? »

Spoiler:

Toute cette histoire avec Nikolas n’avait vraiment rien amené de bon. Dès lors qu’un problème était résolu, un autre apparaissait aussi vite et Lula ne pouvait que comprendre pourquoi son ex-mari avait l’air aussi accablé. A croire que, même depuis sa prison, le patriarche de Vryzakis était encore capable de leur pourrir l’existence et de semer le doute dans leurs esprits déjà perturbés par ses précédentes attaques. En prenant un peu de recul, Lula s’en voulait d’avoir été aussi dure avec Matthew pendant que ce dernier avait déployé des moyens inimaginables pour veiller à la sécurité de tous. Et lui, qui le protégeait ? Sûrement pas la C.I.A. Où Diable était-il passé ? Pourquoi n’avait-il laissé aucun message ? Ce n’était vraiment pas faute d’avoir essayé pourtant ! Lula avait même cherché à le contacter en utilisant le téléphone portable qu’il avait offert à Mason pour son anniversaire, sans succès. En abordant le sujet, Lula s’attendait à ce que Kina en sache un peu plus, mais au vue des derniers évènements, elle doutait que Matthew lui ait fait part de quoi que ce soit. « C’est vrai que ce n’est pas son genre… Au départ, j’ai pensé qu’il m’en voulait encore pour le mariage et que c’était pour ça qu’il refusait de me prendre au téléphone. Mais pour être tout à fait franche, je me fais beaucoup de soucis pour lui. Il est vraiment obnubilé par ses recherches et j’en sais rien, j’ai un mauvais pressentiment… ». Soudain, le cœur de Lula se serra un peu plus dans sa poitrine pour venir déterrer de vieux souvenirs si désagréables qu’ils lui arrachèrent un frisson. La philippine revivait tous ces moments où elle avait eu peur pour la vie de son meilleur ami/petit-ami/fiancé/mari/ex-mari et pour tous ces cas de figure, la peur et la tristesse étaient pareilles puisque, malgré les épreuves traversées et la tension palpable qui subsistait entre eux, son amour pour Matthew était toujours aussi fort. Encore plus depuis que Lula avait appris qu’ils allaient avoir un 3ième enfant. « Je suis inquiète aussi… Ton frère a toujours été obstiné de nature, je ne pense pas que l’on puisse faire quoi que ce soit pour le raisonner. Pire, je crois même qu’il se jette à corps perdu dans ses recherches pour tenter de retrouver un semblant de famille et comme il est archéologue de profession, on ne peut pas dire que c’est la patience qui lui manque. Je ne prétends pas avoir fait une fac de psycho, mais je le comprends, il essaye de réparer toutes les erreurs qui ont été commises par la faute de Nikolas. Il a décidé de porter tout ce poids sur ses épaules... » expliqua-t-elle, les sourcils froncés d’inquiétude. Lula appréhendait le résultat. Et si, au final, Matthew ne retrouvait jamais Jenny ? Que deviendrait-il ? Cette simple pensée suffit à lui rappeler le moment où ils avaient cru l’avoir perdu. L’attitude de Matthew l’avait énormément touchée. « C’était quand la dernière fois que vous vous êtes parlés ? ». Lula redressa la tête et mit un certain temps avant de lui répondre ; non pas qu’elle l’ignorait – il était même facile pour elle de lui donner la date exacte de leur dernière « conversation » – mais ce souvenir ne cessait de la mettre un tantinet mal à l’aise. « Depuis ton mariage. » avoua-t-elle en rougissant, trahissant ainsi son sentiment comme à chaque fois qu’elle repensait à la fameuse nuit qu’ils avaient passé ensemble. « Tu n’es pas la seule à qui il en veut… ». Lula esquissa une grimace qui ressemblait plus à un triste sourire et se laissa tentée par le délicieux café que Kina avait commandé pour elle. « Tu pense qui lui est arrivé quelque chose ? » demanda-t-elle, anxieuse. « Tu sais, je l’ai repoussé parce qu’il m’avait blessé mais dans un moment comme celui-ci, je m’en veux terriblement. S’il lui est arrivé quelque chose, je… je ne sais pas si je pourrais le supporter, Kina. Et les enfants… » commença-t-elle. Difficile de ne pas s’imaginer le pire dans de pareilles situations. Lula n’eut pas le temps de terminer sa phrase ; son visage se figea de douleur et elle passa une main tremblante sur son visage pour tenter de maitriser l'angoisse qui la tenaillait. Elle était à présent incapable de se calmer tant ses hormones mettaient ses nerfs sans dessus-dessous.

Kina avait toujours beaucoup admiré Matthew. Sa force de caractère et sa persévérance la laissaient sans voix, mais d’un autre côté : elle ne pouvait s’empêcher de se faire du souci pour lui. Son frère aîné avait toujours mis un point d’honneur à protéger sa famille et il avait fait énormément de sacrifices pour atteindre son but. Aujourd’hui, Kina se désolait que son mariage avec Lulani ait volé en éclat, mais ce n’était rien comparé à l’inquiétude qu’elle ressentait en ce moment. Ne pas avoir de nouvelles du grand brun était une chose, mais apprendre que la femme de sa vie n’en savait pas plus à son sujet l’avait totalement paniquée. Bien qu’elle s’efforçât d’être rationnelle, Kina ne put s’empêcher d’imaginer le pire. Et s’il lui était arrivé quelque chose de grave ? « Je suis inquiète aussi… Ton frère a toujours été obstiné de nature, je ne pense pas que l’on puisse faire quoi que ce soit pour le raisonner. » Elle n’allait surement pas la contredire. « Pire, je crois même qu’il se jette à corps perdu dans ses recherches pour tenter de retrouver un semblant de famille et comme il est archéologue de profession, on ne peut pas dire que c’est la patience qui lui manque. Je ne prétends pas avoir fait une fac de psycho, mais je le comprends, il essaye de réparer toutes les erreurs qui ont été commises par la faute de Nikolas. Il a décidé de porter tout ce poids sur ses épaules... » Kina en avait conscience, mais elle se sentait tellement impuissante. Pour elle, sa réaction était inconcevable. Matthew s’était toujours battu pour veiller au bonheur des siens et ça lui brisait le cœur qu’il puisse se sentir responsable des erreurs commises par leur géniteur. Si Nikolas croupissait derrière les barreaux, c’était avant tout grâce au jeune homme et bien que ça puisse sembler horrible à entendre, à ses yeux, c’était le plus beau cadeau qu’il lui ait jamais fait. « Et bien il a tort » rétorqua-t-elle en serrant les poings. « Je ne sais pas d’où lui vient cette idée saugrenue, mais il n’a pas à se sentir coupable ! Ce que Nikolas a fait était horrible, mais il n’aurait pas pu le prévoir, ni même faire quoi que ce soit pour empêcher ça ! Je l’aime, crois-moi - mais parfois, je te jure que je lui collerais bien une paire de baffes » continua-t-elle sur sa lancée, avant de mordre de colère dans son muffin. Tout de même plus alarmée qu’en colère contre lui, elle demanda à sa meilleure amie à quand remontait la dernière fois qu’ils s’étaient parlés. « Depuis ton mariage. » Kina fronça les sourcils lorsque les joues de sa meilleure amie s’empourprèrent, mais elle la laissa poursuivre quand bien même. « Tu n’es pas la seule à qui il en veut… » Cette fois, le visage de la philippine s’assombrit. « Tu penses qui lui est arrivé quelque chose ? » Pour toute réponse, Kina haussa les épaules. « Tu sais, je l’ai repoussé parce qu’il m’avait blessé mais dans un moment comme celui-ci, je m’en veux terriblement. S’il lui est arrivé quelque chose, je… je ne sais pas si je pourrais le supporter, Kina. Et les enfants… » Le cœur de l’américano-grecque se resserra dans sa poitrine. Elle aurait tellement voulu rassurer la jeune femme et lui promettre que le père de ses enfants reviendrait en un seul morceau, mais elle en était incapable. A défaut de pouvoir faire autre chose, elle serra la main de sa meilleure amie dans un geste maladroit. « Ça ne sert à rien d’envisager le pire… Je suis sûre qu’il y a une explication rationnelle à tout ça et… s’il a vraiment de gros problèmes, Matthew trouvera un moyen de s’en sortir. Il s’en sort toujours…. » Son discours n’était pas très inspiré, mais comment aurait-elle pu rassurer pleinement sa meilleure amie, en n’étant pas elle-même convaincue de ce qu’elle avançait? « Tu es sûre que ça va toi ? Je te trouve vraiment très pâle et puis… tu as fait une drôle de tête en évoquant Matthew. Qu’est-ce qui s’est passé au juste ? » Sur le coup, elle n’avait pas réagi, mais Kina n’avait strictement rien compris au discours de sa meilleure amie.

Si Lulani ne prétendait pas être psychologue, elle était devenue experte pour tout ce qui touchait la cellule familiale de son ex-mari. En effet, la philippine côtoyait les américano-grecs depuis son plus jeune âge, avait grandi avec l’une, s’était unie à l’autre et était finalement devenue maman de deux d’entre eux. Bientôt trois. Enfin, au vue de sa situation financière, l’avenir du petit dernier était encore incertain…

Pendant ses deux grossesses, Matthew avait été présent pour elle et, bien qu’elle ait élevé leurs deux enfants pratiquement seule, Lula angoissait à l’idée de devoir gérer un troisième enfant alors qu’elle peinait déjà à boucler ses fins de mois. Le simple fait d’être enceinte finirait par devenir handicapant pour tous ces petits jobs qu’elle cumulait afin de subvenir aux besoins de sa petite famille. Ce n’était peut-être pas la première fois que la jeune femme était confrontée à des soucis d’ordre financier, mais c’était la première fois qu’elle les affrontait seule. C’était un fait : l’absence de Matthew l’angoissait. Encore plus depuis l’enlèvement de Toyiah. « Et bien il a tort. Je ne sais pas d’où lui vient cette idée saugrenue, mais il n’a pas à se sentir coupable ! Ce que Nikolas a fait était horrible, mais il n’aurait pas pu le prévoir, ni même faire quoi que ce soit pour empêcher ça ! Je l’aime, crois-moi – mais parfois, je te jure que je lui collerais bien une paire de baffes. ». Lula garda les lèvres scellées. Bien que parfaitement d’accord avec Kina, la jeune femme comprenait néanmoins la position de Matthew. Il n’avait pas seulement été l’aîné de la fratrie. Il avait surtout été l’homme de la maison durant des années, et tellement plus encore. Dès l'instant où Matthew l’avait mise enceinte, Lula avait su qu’il ferait un excellent père : il n’y avait qu’à le regarder prendre soin de Kina, Francis, de sa mère ou d'elle-même. Il avait renié son père et abandonner ses études afin de s'enrôler dans l'armée. Un sacrifice qui l'avait profondément touchée. C'est ce pourquoi, après sa démission, Lula le poussa à renouer avec sa passion pour le remercier à sa manière de toutes les concessions qu’il avait dû faire pour Toyiah et elle.

Bien que Lula ait tenté de contrôler ses émotions, Kina n’avait eu aucun mal à ressentir sa détresse et s’était empressée de lui remonter le moral. « Ca ne sert à rien d’envisager le pire… Je suis sûre qu’il y a une explication rationnelle à tout ça et… s’il a vraiment de gros problèmes, Matthew trouvera un moyen de s’en sortir. Il s’en sort toujours… ». La simple pression que sa meilleure amie exerça sur sa main suffit à lui mettre du baume et, par réflexe, Lula la serra à son tour. « Je le sais bien, mais c’est juste qu’avec le métier qu’il exerce et tout ce qui s’est passé récemment, j’ai un peu de mal à ne pas envisager le pire des scénarios et tu l’as vu comme moi : il est épuisé autant physiquement que psychiquement. J’ai pourtant essayé de lui faire ouvrir les yeux et lui changer les idées avec les enfants, mais quoi qu’on fasse la discussion se termine toujours en dispute. » expliqua-t-elle. Il était évident que, malgré leurs désaccords perpétuels, les deux ex-époux étaient toujours liés par un sentiment très fort. « Enfin, je ne devrais pas te parler de tout ça alors que tu reviens tout juste de ta Lune de Miel. »

Cependant, alors qu'elle tentait de dévier la conversation à son avantage, Kina souligna la mine épouvantable de la philippine. « Tu es sûre que ça va toi ? Je te trouve vraiment très pâle et puis… tu as fait une drôle de tête en évoquant Matthew. Qu’est-ce qui s’est passé au juste ? ». Sa meilleure amie venait tout juste de la mettre au pied du mur et Lula ne se voyait pas lui annoncer de but en blanc qu’ils avaient passé une nuit ensemble à Hawaï, mais d’un autre côté, elle serait bientôt dans l’incapacité de cacher la petite bosse naissante. « Rien. Il ne s'est rien passé. Enfin si, mais c'est compliqué... Et je vais bien. Vraiment. Je te l’ai dit, c’est juste de la fatigue et je n’ai pris le temps de consulter un spécialiste. » balbutia-t-elle maladroitement avant d’esquisser demi-sourire éprouvé. Ne sachant pas comment l’annoncer, Lula se mit à tortiller nerveusement ses doigts. « Est-ce qu’on pourrait… changer de sujet, s’il te plait ? ». Ne lui laissant pas vraiment le temps de donner son avis, la philippine enchaîna aussitôt. « Tu ne m'as pas encore dit où tu habitais. Et comment se passe ta vie de couple post-maritale ? ». L’asiatique fut presque tentée de lui demander s’ils avaient d’autres projets comme avoir des enfants, mais se retint de lui poser une question qui ne ferait que lui rappeler l’état dans lequel elle se trouvait aujourd’hui.

Lula s’accrochait à la conversation comme un naufragé à sa bouée de sauvetage. Tout était bon à prendre pour lui changer les idées et quoi de mieux qu’une discussion avec sa meilleure amie autour d’un café ? Depuis quand n’avaient-elles pas eu ce genre de moment ? Lula était incapable de dater avec exactitude le jour voire l’année de leur précédente séances de papotages, mais ça lui semblait si loin déjà. Tellement lointain que la philippine en avait oublié tous les bienfaits que cela lui apportait. C’était de l’apaisement à l’état pur. Elle avait presque l’impression de retrouver un bout de son adolescence dont elle n’avait pas profité pleinement. « En toute franchise, tout se passe anormalement bien entre Julian et moi. Comme tous les couples, on avait pris l’habitude de se disputer pour des broutilles, mais depuis qu’on s’est « oui », j’ai comme l’impression de vivre un bonheur sans nuage. ». Nouveau sourire chez Lula malgré une gêne perceptible. Ce n’était ni plus, ni moins que l’euphorie du mariage et la jeune femme espérait, du plus profond de son âme, que les jeunes mariés seraient entretenir la flamme du bonheur. La sienne ne ressemblait plus qu’à des braises encore rougies qui n’attendaient qu’un souffle pour être ravivé ; c’était en partie ce qui s’était produit à Hawaï, d’ailleurs. « On a emménagé dans un appartement sur Turtle Bay, à deux pas du restaurant où travaille Julian. Et comme tu le sais sûrement, je suis devenue mon propre patron. J’ai ma propre agence immobilière... ». L’asiatique connaissait plutôt bien Turtle Bay ; elle s’y rendait pratiquement tous les jours pour faire le ménage dans quelques entreprises et elle fut comme piquée au vif. Parmi la clientèle de l’entreprise de nettoyage qui l’embauchait se trouvait justement un restaurateur de Turtle Bay et l’idée de croiser Julian l’angoissait. Kina venait de se vanter de la communication parfaite entre mari et femme ; il s’empresserait sûrement de tout lui rapporter et Lula se retrouverait dans l’obligation de lui avouer son licenciement voire pis encore, son défaut de carte verte. D’un point de vue légal, la philippine n’était plus autorisée à séjourner sur le sol américain contrairement à ses enfants. Elle fut tenter de lui demander le nom du restaurant où Julian travaillait, mais elle préféra s’abstenir en se souvenant de ce que Matthew lui avait rapporté à son sujet. J’espère que tu sais ce que tu fais, Kina pensa-t-elle en regardant son amie. « C’est bon à savoir, je viendrais te voir à l’occasion puisque j’envisage de déménager. » dit-elle pour relancer la conversation. Effectivement, elle envisageait de déménager. Pas parce que la vie à Greenwich Village était déplaisante mais parce que l’appartement allait devenir un peu trop étroit d’ici quelques mois. « Ecoutes Lula, je suis vraiment désolée d’insister, mais je vois bien qu’il y a quelque chose qui cloche chez toi. Alors, je sais bien que je n’ai pas été une meilleure amie exemplaire ces derniers temps, mais je veux que tu saches que si tu as besoin de te confier ou quoi que ce soit d’autre d’ailleurs, tu peux compter sur moi… ». Lula sentit son cœur se serrer. Non seulement elle n’avait pas entendu ces mots depuis longtemps mais en plus, cela lui faisait beaucoup de bien de les entendre. Depuis des mois, la jeune femme s’enfermait dans le silence ; elle n’osait pas trop en dire à ses amies qui ne comprenaient pas toujours sa vie et ne pouvait plus parler à Matthew sans que la discussion ne parte en vrille. « Ca va. Je ne pourrais jamais t’en vouloir de quoi que ce soit. , dit-elle en balayant ses excuses d’un geste de la main ponctué d’un sourire qui se voulait rassurant, tu n’as pas à t’excuser ; j’ai manqué à mon devoir le jour de ton mariage et j’en suis vraiment désolée. Je n’aurais pas dû critiquer tes choix. ». Elle se sentait toujours aussi mal vis-à-vis de ça. Certes, cela partait d’une bonne intention mais Kina n’avait jamais remis en doute les décisions qu’elle avait pu faire tout au long de sa vie et Lula venait à se demander si elle-même l’aurait toléré. Elle n’avait déjà pas supporter de voir Nikolas critiquer ouvertement la relation qu’elle entretenait avec son fils.... Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas que l’on vous fasse, n’est-ce pas ?

Bien sûr, elle en venait toujours à se demander si avouer sa grossesse était une bonne idée sans en avoir informé Matthew au préalable mais il n’avait pas daigné répondre à ses appels, textos et autres messages en tout genre qu’elle avait pu lui laisser. Et plus le temps passait, plus Lula ressentait le besoin de se confier. Pour l’instant, seul Kellen était au courant mais c’était uniquement parce qu’il l’avait vu pleurer après qu’elle eut appris la nouvelle. Elle soupira, relâchant les épaules comme si elle se libérait déjà du poids qui pesait sur ses épaules. « Tu as raison. Il y a certaines choses que l’on ne peut pas garder pour soit et, dans mon cas ça risque d’être de plus en plus difficile à cacher. » commença-t-elle timidement. Lula marqua un temps d’arrêt en espérant que Kina ferait la relation de cause à effet toute seule, comme une grande mais celle-ci continuait de la regarder, suspendue à ses lèvres. « Kina, je suis enceinte. » souffla-t-elle avant d’afficher une grimace. Et tout ça n'était que le sommet de l'iceberg.

« Ça va. Je ne pourrais jamais t’en vouloir de quoi que ce soit. Tu n’as pas à t’excuser ; j’ai manqué à mon devoir le jour de ton mariage et j’en suis vraiment désolée. Je n’aurais pas dû critiquer tes choix. ». Kina haussa les épaules. Elle savait à quoi s’attendre en épousant Julian. Bien sûr, elle aurait aimé avoir le soutien de sa meilleure amie le jour de ses noces, mais elle comprenait parfaitement sa réaction. Et puis de toute manière, quelle importance ? Elle était heureuse, pleinement épanouie dans son couple et c’était tout ce qui comptait à ses yeux. Kina avait décidé de faire table rase du passé et maintenant qu’elle vivait à New-York, elle comptait bien profiter de cette proximité géographique pour renouer avec ses proches. « Dans ce cas, disons qu’on est quitte ! » A quoi bon épiloguer ? Lula avait cru bien faire. Au même titre que Matthew, elle était inquiète pour l’avenir de l’américano-grecque et même si leurs reproches l’avaient agacé sur le coup, Kina n’en demeurait pas moins touchée par l’attention qu’ils lui portaient. L’espace d’un instant, elle aurait même voulu ajouter qu’ils se trompaient tous au sujet de Julian, qu’il avait changé et se donnait beaucoup de mal pour mener une vie normale –mais elle se ravisa. Etait-ce vraiment nécessaire ? Lulani avait une opinion bien arrêtée sur la question et Kina aurait fini par avoir l’impression de brasser du vent. Un sourire attristé assombrit son visage lorsqu’elle comprit qu’elle ne pourrait jamais vraiment réunir les personnes qui comptaient le plus à ses yeux sans déclencher un conflit d’intérêt, mais la jeune femme s’efforça de ne rien laisser paraître. Elle était là pour passer un bon moment avec Lulani, en aucun cas pour lui imposer ses choix.

Inquiétée par l’extrême pâleur de la jeune femme, Kina ne put s’empêcher d’insister et lui répéta que si jamais elle ressentait le besoin de se confier, elle serait toujours là. Lulani accueillit cette remarque avec beaucoup d’émotion, mais resta néanmoins sur sa réserve. Il lui fallut quelques minutes pour se détendre et se résoudre à lâcher le morceau. « Tu as raison. Il y a certaines choses que l’on ne peut pas garder pour soi et, dans mon cas ça risque d’être de plus en plus difficile à cacher. » Kina fronça les sourcils. Était-elle censée comprendre quelque chose ? Elle avait bien une petite idée en tête, mais ça lui paraissait tellement improbable qu’elle osait à peine la mettre en voix. « Kina, je suis enceinte. » Elle écarquilla les yeux tous ronds. « De Matthew ?! » Lulani opina. Évidemment qu’elle attendait l’enfant de Matt ! Lulani n’avait jamais aimé que lui. « Mais… Comment s’est arrivé ? » La brunette leva les yeux au ciel. « Enfin, non… je sais comment s’est arrivé… Mais je veux dire… vous vous êtes remis ensemble ? Est-ce qu’il est au courant ? » Kina aurait voulu la féliciter. Du plus profond de son cœur, elle voulait se ravir de cette nouvelle, mais la situation était telle qu’elle n’osait pas s’en réjouir.

Spoiler:

La discussion avait pris une tournure un peu plus confortable, mais il subsistait toujours une certaine gêne parfaitement décelable chez la philippine. Depuis leur plus tendre enfance, Kina était sa meilleure amie et malgré les obstacles qu’elles avaient pu rencontrer, Lula plaçait en elle une confiance aveugle, ne pouvait s’empêcher de vouloir conserver une certaine réserve. Pourquoi ? Elle n’en savait fichtrement rien. L’asiatique se décida néanmoins à lui apprendre sa grossesse. Et la réaction de Kina ne se fit pas attendre. « De Matthew ?! » demanda-t-elle en écarquillant les yeux. Lula fut légèrement vexée que sa meilleure amie puisse songer un instant à l’éventualité que le bébé qu’elle attendait n’était pas ceux de son frère ; c’était plutôt évident. Pour toute réponse, elle se contenta de l’affirmer en acquiesçant d’un simple signe de tête. « Mais… Comment s’est arrivé ? ». Lula roula des yeux. Elle n’allait tout de même pas donner un cours d’éducation sexuelle à une jeune mariée ! « Enfin, non… je sais comme s’est arrivé… Mais je veux dire… vous vous êtes remis ensemble ? Est-ce qu’il est au courant ? ». Cette fois-ci, elle dû admettre que ces dernières questions étaient plus pertinentes que les deux autres. Tellement pertinentes que Lula ne su trop comment lui répondre ; elle-même n’était pas très sûre de réussir à définir sa relation avec Matthew. C’était tellement… imprévisible.

« C’était… le jour de ton mariage. » avoua-t-elle, gênée. Une partie de Kina allait s’en doute se réjouir parce que c’était elle qui avait insisté pour que Lula y accompagne son frère, c’était elle qui les avaient poussé dans les bras l’un de l’autre. « J’aimerais te répondre, mais le fait est que je ne sais pas où nous en sommes tous les deux. Il… Il est partie le lendemain sans même m’adresser la parole, me dire où il allait, comme si je n’étais qu’un one night stand  - souffla-t-elle tristement. Et pourtant, la veille, ils avaient été tellement complices… - « alors non, il ne sait pas qu’il va être papa une troisième fois. Comme je te l’ai dit, je n’ai pas réussi à le joindre depuis... ».

Lula passa de nouveau une main sur son visage où on pouvait facilement lire son désespoir. Bien que cela ne soit pas sa toute première grossesse, les circonstances étaient différentes. Lula était tellement démunie ! Elle se sentait seule, dépassée par les évènements et complètement paumée. Tout ce qu’elle voulait, c’était parler avec Matthew et faire le point sur leur situation. S’étaient-ils effectivement accordé une deuxième chance cette nuit-là ou tout ceci n’avait été que pour la bagatelle ? Non. Lula refusait d’y croire ; il y a des signes qui ne trompent pas. Particulièrement lorsqu’il s’agit de son ex-mari et cette façon qu’il avait eu de la traiter ne laissaient aucun doute sur la véracité de ses sentiments. « Je ne sais plus vraiment où j’en suis. Notre situation était déjà compliquée… Et si… Et s’il n’en voulait pas ? » dit-elle en baissant les yeux sur son ventre encore plat. Et voilà que le doute la reprenait de nouveau et les hormones n’amélioraient en rien la situation.

Kina avait encore du mal à réaliser ce qu’elle venait d’entendre. Lulani, à nouveau enceinte de Matthew ?! Comment diable était-ce possible ? Elle qui commençait à désespérer de les voir se rabibocher un jour, il faut croire qu’elle avait eu tort. Kina soupira. Elle aurait tellement aimé se réjouir de la situation et serrer sa meilleure dans ses bras. Elle aurait tellement voulu élaborer avec elle tout un tas de projets et planifier l’arrivée du petit. Pour une fois, elle aurait aimé être une tante digne de ce nom et remplir pleinement son rôle –mais l’univers en avait décidé autrement. « C’était… le jour de ton mariage. » Kina écarquilla les yeux tout ronds. Le jour de son mariage ? Même si elle savait que ce n’était pas le moment, l’américano-grecque sourit en coin heureuse d’avoir contribué, même indirectement, à ce retour de flamme. « J’aimerais te répondre, mais le fait est que je ne sais pas où nous en sommes tous les deux » répondit Lulani lorsque sa meilleure amie lui demanda si le père était au courant. « Il… Il est partie le lendemain sans même m’adresser la parole, me dire où il allait, comme si je n’étais qu’un one night stand » Kina grimaça lorsqu’elle l’entendit prononcer ces mots. Même si elle comprenait parfaitement l’état d’esprit dans lequel se trouvait la Philippine, elle ne pouvait pas la laisser dire une chose pareille, car c’était injuste : pour elle, comme pour Matthew ou pour tout ce qu’ils avaient vécu ensemble. Matthew l’aimait profondément, il l’avait toujours aimé et quelque part, il ne cesserait jamais de l’aimer parce qu’ils étaient fait l’un pour l’autre. Peu importe les épreuves qu’ils avaient pu surmonter ou toutes celles à venir, au fond rien ni personne ne pourrait jamais les séparer. C’était peut-être difficile en ce moment, mais Lula devait absolument se raccrocher à cette idée –car elle aussi elle l’aimait. « Alors non, il ne sait pas qu’il va être papa une troisième fois. Comme je te l’ai dit, je n’ai pas réussi à le joindre depuis... » Un long silence s’installa ensuite entre les deux jeunes femmes. La jolie blonde en profita alors pour réfléchir à ce qu’elle allait bien pouvoir dire à sa meilleure amie pour la réconforter. Au bout de quelques minutes, elle en arriva à la conclusion que rien de ce qu’elle pourrait dire n’y parviendrait, pour la simple et bonne raison que le retour de Matthew était la seule et unique chose qui la rassurerait. Mais comment le retrouver ? Kina n’avait pas la moindre idée de l’endroit où il se trouvait –elle était totalement impuissante.

« Je ne sais plus vraiment où j’en suis. Notre situation était déjà compliquée… Et si… Et s’il n’en voulait pas ? » Tout en prononçant ces mots, Lulani baissa les yeux sur son abdomen. Touchée par sa détresse, Kina décala légèrement sa chaise de façon à être plus proche d’elle. Une fois chose faite, elle passa son bras derrière ses épaules et la serra dans ses bras. « Je sais que c’est compliquée, mais tu connais suffisamment bien Matthew pour savoir qu’il ne te tournera pas le dos. Je sais qu’en ce moment ce n’est pas flagrant, car il n’a qu’une idée en tête : retrouver notre mère, mais toi et les enfants vous êtes ce qu’il a de plus cher au monde –et vous serez toujours sa priorité… » Ses propos étaient quelques peu contradictoires, Kina s’en rendait bien compte, mais la jeune maman savait parfaitement où elle voulait en venir. « Il sera très heureux d’apprendre la nouvelle, il faut juste que tu lui laisses le temps de régler toute cette histoire, d’accord ? » Elle opina. « J’te promets que ça va aller…et en attendant, si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésites pas à m’en parler ! Il serait plus que temps que je remplisse mes fonctions de tatie et de meilleure amie, tu ne crois pas ? »