Cela faisait un très long moment que C’ian s’entraînait avec son futur partenaire pour le match d’exhibition de la semaine prochaine et, machinalement, la fatigue commençait à se faire sentir. D’autant plus que son traitement contre sa maladie faisait de moins en moins effet et que d’après son médecin, pratiquer son sport de façon aussi intensive risquait de la tuer aussi assurément que la pathologie en elle-même. Mais comme à son habitude, la jolie japonaise n’en faisait qu’à sa tête, se contentant de se défouler de la seule façon qu’elle connaissait, et qui en plus s’avérait être seine pour le corps et l’esprit. Les remarques blessantes de sa sœur d’adoption Cixi pesaient de plus en plus sur son moral, mais si C’ian aurait bien voulu se défouler encore un peu, son corps dit tout simplement stop. Hélas, au loin, alors qu’elle s’était dirigée vers son sac en bandoulière pour en extirper sa serviette et ainsi s’essuyer le visage, elle vit la silhouette d’Ashley. Il était venu et hélas, elle ne pouvait même pas jouer ne serait-ce qu’un set supplémentaire d’entraînement ! Elle lui fit donc signe d’approcher, lui montrant du doigt Io qui dormait du sommeil du juste contre une autre serviette à l’intérieur de son sac ouvert. Il n’avait pas bougé d’un pouce et semblait tellement à l’aise que même C’ian en était ravie. « Il a trouvé son petit coin comme ça il ne me quitte pas du tout ! Je suis désolée vous arrivez à la fin de mon match d’entraînement. Il ne vaut mieux pas que je force au-delà de mes limites sinon ça pourrait être dangereux » fit-elle juste histoire de dire sans bien évidemment préciser qu’en forçant trop, elle pourrait avoir tout bonnement un arrêt respiratoire. « Vous allez bien ? »

« Vous savez je m’entraîne tous les jours, juste que mon partenaire a dû venir plus tôt que je ne l’avais prévu » répondit-elle tout en haussant les épaules car la chose était on ne peut plus vraie : Billy ramassait actuellement ses affaires à l’autre bout du cour et lui faisait un grand signe, qu’elle lui rendit non sans lui sourire de façon éclatante et sincère. Mais la vérité, c’est que la jolie japonaise peinait de plus en plus à faire des entraînements extrêmement poussés, comme en attestait sa pâleur ainsi que ce toussotement qui devenait de plus en plus vif. Bah, tant qu’il n’y avait pas de trace de sang dans sa main, il n’y avait aucune raison de s’inquiéter à première vue. « Tout se passe bien ! Je lui ai trouvé un bon vétérinaire près de chez moi qui m’a conseillé de le nourrir quelques temps au lait et il s’y est très bien habitué. Il a exploré mon appartement en long, en large et en travers mais il s’était mis dans mon sac ce matin alors je n’ai pas eu le cœur de l’en déloger. » Le sourire de C’ian ne la quittait pas, surtout pas alors que l’un des deux chiens venait lui renifler la main qu’elle venait de lui tendre pour mieux se laisser caresser docilement, sans crainte. « Je ne savais pas que vous aviez deux chiens ! Dites donc ils sont bien dressés… comment s’appellent-ils ? » C’ian n’avait jamais pu avoir le moindre animal de compagnie avant de ne sauver son chaton des griffes de quelques idiots mais sans savoir pourquoi, les animaux lui faisaient confiance. Peut-être sentaient-ils qu’elle était gentille, douce et digne de confiance ? « Vous avez quelques minutes ? Vous accepteriez un café ? »

« Libre à vous de venir en début de matinée, si vous le pouvez, l’un des jours de cette semaine. Nous nous entraînons constamment… vous pouvez aussi essayer de venir au match d’exhibition de la semaine prochaine mais je ne suis pas certaine que toutes les places n’aient pas déjà été vendues. » C’ian ne quittait pas son sourire, surtout pas alors que l’un des deux chiens d’Ashley semblait s’être pris d’affection pour elle. La donne lui fit un tel plaisir qu’elle mit un bon moment à se relever afin de ne prendre précautionneusement son sac pour le mettre sur son épaule avec délicatesse, ne quittant pas des yeux Io qui ne bougeait pourtant pas d’un pouce. « Vous avez choisi de faire une sorte de petite arche de Noé chez vous ? J’adore ! Je le ferai volontiers si j’avais suffisamment de temps mais pour l’instant, comme mon emploi du temps est extrêmement chargé, je préfère me concentrer sur ce petit bonhomme. Histoire de ne pas m’éparpiller ! » C’ian ne croisa à nouveau son regard qu’après sa nouvelle réplique, l’incitant ainsi à la suivre. « J’ai un café qui a une excellente réputation dans le coin et qui est à deux pas d’ici, comme ça, si vous avez besoin de partir, vous pourrez le faire sans problème ! » La jolie japonaise n’était pas dupe, elle voyait d’ici la gêne évidente d’Ashley et pourtant, elle n’y fit aucunement référence, bien au contraire. Durant le tout petit trajet, elle peupla la conversation avec plaisir, démontrant par a+b à quel point elle savait être bavarde quand elle s’y mettait, avant de ne demander une table en terrasse au serveur qui les accueillit au café. En somme, elle donnait de nombreuses portes de sorties à son interlocuteur, au cas où… « J’adore être ici. C’est à deux pas de la nature, on ne se croirait même pas en pleine ville… si je pouvais, je vivrais en pleine forêt loin de la pollution ! Je pourrai faire tous les jogging que je veux, au moins. »

« Heum… je ne connaissais pas cette partie de l’histoire, on ne me l’avait jamais racontée » énonça-t-elle avec sincérité, sans aller jusqu’à dire que n’ayant que son diplôme de fin de lycée, elle n’avait aucune connaissance littéraire particulière. « Je préfère le début de l’histoire alors disons que… je ne faisais référence qu’à cette partie » reprit-elle tout en le gratifiant d’un sourire et en commandant un café bien serré au serveur, revenu pour prendre leurs commandes. « En gros, vous vivez chez vos chats ? C’est drôle ça ! Mais au moins ça vous fait une compagnie, ils ne sont pas mal tombés avec vous bien au contraire, et je suppose qu’ils le sentent. » Mais C’ian était plus amusée qu’autre chose de voir à quel point il préférait la compagnie animale et en prime à quel point il semblait être un fervent défenseur de la planète. C’est ce que ses paroles suivantes lui laissait entendre en tout cas, et bien que la jolie japonaise ne se présente pas comme l’écologiste la plus extraordinaire qui soit, elle tentait, autant que possible, de conserver un comportement responsable. « A vrai dire… je ne sais pas, je n’ai pas le permis de conduire, je ne me déplace qu’en vélo. Meilleur pour la santé et puis je ne peux pas me permettre de n’avoir aucun entraînement en dehors du tennis… alors quand je ne peux pas faire de jogging, je me balade en vélo. C’est un coup à se faire renverser par les automobilistes mais c’est idéal pour renforcer ses jambes ! » C’ian s’ouvrait de façon si aisée qu’elle s’en surprenait elle-même. Mais autant dire que dès lors que son café lui fut servir, elle plongea aussitôt ses lèvres dedans. « Dites-moi surtout si je suis trop bavarde ! »

C’ian émit une très légère grimace. La religion n’était absolument pas son dada et elle avait bien trop supporté les bondieuseries de sa famille pour se lancer dans une conversation qui risquait à coup sûr de lui déplaire. « Tu sais, au Japon, on ne lit pas la Bible… je ne dis pas que c’est inintéressant, mais je ne suis pas à l’aise avec ce genre de conversation » avoua-t-elle, encore marquée au fer rouge de sa dernière visite au temple juste à côté de la gigantesque baraque des Maeda. C’ian y avait tellement peu mis du sien qu’elle s’était pris la rouste de sa vie et mécaniquement, elle porta sa main à sa joue avant de ne la baisser à nouveau et de sourire pour dissimuler le tout. Inutile de se trahir maintenant ! « Vous avez un chauffeur ? » s’étonna-t-elle avant de se raviser et de comprendre son extraordinaire stupidité. « C’est logique vous me direz… ne répondez pas à ma question j’ai parlé trop vite » s’excusa-t-elle maladroitement. La jolie japonaise ne côtoyait évidemment pas les mêmes luxes puisque son père adoptif la haïssait. Elle ne s’en plaignait pas, surtout pas alors qu’ici, à New York, elle bénéficiait enfin de cette liberté lui ayant toujours été volée jusqu’à lors. « Vous devriez essayer de devenir bavard dans votre glace… ne rigolez pas, c’est un excellent exercice ! Avant, j’étais tellement timide que je ne parvenais pas à aligner trois mots. Je me suis entraînée dans ma glace suite à un exercice de théâtre et cela fonctionne plutôt bien ! » Chaque mot énoncé par C’ian respirait la joie de vivre, c’en était presque choquant, mais ladite joie prit un fameux plomb dans l’aile face à la fumée de cigarette qu’elle se prit en pleine figure à cause du vent. D’ordinaire, cela ne la dérangeait pas outre mesure, mais sa quinte de toux se vit renforcée dès lors qu’elle eut respiré ladite fumée. La jeune femme fut incapable de lancer le moindre mot et se figea un instant en voyant du sang contre sa main. « Merde… »

« Un garde du corps ? Bah, ce n’est pas forcément une mauvaise chose mais après, avant même que d’être en confiance avec ladite personne, peut-être pourriez-vous faire la connaissance de plusieurs gardes du corps potentiels ? J’ai entendu dire que ça se faisait… » C’ian n’alla pas jusqu’à dire que sa propre sœur adoptive, Cixi, s’y connaissait pas mal en sport de combat et inspirait de fait le plus grand respect de sa cadette car cela lui paraissait totalement hors de propos. Et puis, le domaine de prédilection de la seconde sœur Maeda restait la chanson, en aucun cas les sports de combat ou le fait d’être payé pour protéger quelqu’un. De toute évidence, le sujet allait vite tourner court puisque la quinte de toux de la jolie brune ne fit que s’aggraver de seconde en seconde, la forçant à prendre le mouchoir en tissu qu’on lui avait offert quelques jours plus tôt pour cacher le fait qu’elle crachait pas mal de sang. C’était toujours le cas dès que sa toux s’intensifiait, et sûrement que la fumée de cigarette n’y était pas étrangère… mais de toute évidence, C’ian allait de plus en plus mal et sans cette fichue greffe, elle n’avait guère d’espoir d’aller mieux, même en allant à Lourdes. « Pas votre faute » commença-t-elle en ayant grande peine à articuler, tentant de conserver une respiration aussi calme que possible même si ce genre d’épisode la paniquait toujours au-delà des mots. A vrai dire, elle finit par sortir un billet pour payer sa consommation et prit son sac en vue de partir. « Je suis désolée je ne… je ne peux pas rester » s’excusa-t-elle simplement avant de prendre ses jambes à son cou, commençant à longer la longue route sur laquelle elle se trouvait quitte à aller se perdre un instant dans la nature où l’air serait plus pur. D’ailleurs, elle ne s’arrêta que de longues minutes plus tard, s’asseyant à l’ombre d’un arbre, attendant patiemment que sa quinte de toux ne s’apaise enfin. Mais lorsqu’elle regarda son mouchoir… la vision l’horrifia : il était couvert de sang.

« Heum… parce que cela voudrait dire que vous voyez vraiment le mal partout et qu’ils pourraient vous surprendre ? » tenta C’ian en cherchant à lui faire comprendre que tout être humain n’est pas nécessairement à jeter aux ordures ou digne uniquement de méfiance. Mais le regard attendri qu’elle lui lança prouvait qu’elle ne lui jetait pas la pierre, bien au contraire, et qu’elle comprenait qu’il puisse hésiter à mettre sa vie entre les mains de gens particulièrement doués et qui pourraient de fait la détruire en un rien de temps. Mais si cette conversation n’avait rien de terrifiante puisqu’elle n’avait rien de concret, la crise que se paya C’ian fut bien loin de rêves ou même de cauchemars qu’elle pouvait avoir lors de ses nuits toujours si agitées. La jolie japonaise n’avait pas vu d’autres solutions que celle de partir, loin, de tenter de calmer et les battements effrénés de son cœur, mais aussi sa respiration qui ne se faisait que plus saccadée de seconde en seconde. « Ne vous excusez… pas » articula-t-elle avec difficulté tout en serrant subitement son mouchoir dans sa main, les deux coudes contre ses genoux, le dos vouté pour qu’elle regarde surtout le sol et ne croise pas le regard d’Ashley. Il n’y avait pas de fierté dans ce geste, juste un désir profond de protection. Sa faiblesse physique ne pouvait pas être plus évidente à ce moment précis. « Vous n’êtes pas à l’origine de ma maladie, je n’ai donc pas de raison d’être en colère contre vous » tenta-t-elle d’une voix douce, afin de lui ôter d’emblée toute inquiétude à ce sujet.

Pourquoi avoir fuit ? Excellente question. C’ian pourrait effectivement donner dix raisons valables mais si elle s’adonnait à ce genre de choseries, pour sûr, Ashley allait fuir en sens inverse et elle ne pourrait même pas lui en vouloir. Pire, elle trouverait même qu’il aurait raison. « A cause de ça » fit-elle d’une voix ayant repris un semblant d’humanité tandis qu’elle ouvrait sa main contenant son mouchoir plein de sang. Ce n’était ni ragoutant ni paradisiaque comme vision, aussi la referma-t-elle aussitôt pour qu’il n’ait pas de vision trop marquée du calvaire que vivait quotidiennement la jolie japonaise. « Ce n’est pas seulement la gêne ou la quinte de toux qui en général me fait partir en sens inverse… c’est ce qu’il peut venir avec. Généralement, cela effraie mon interlocuteur ou provoque une telle compassion que c’en est étouffant. Une fois, je me suis retrouvée aux urgences en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire alors que les médecins ne pouvaient rien pour moi. Ce n’était qu’une quinte de toux comme j’en ai eu tant d’autres dans mon existence » expliqua-t-elle sans pour autant le regarder dans les yeux, se contentant plutôt de fixer le sol pour garder une certaine contenance. « J’ai une dégénérescence pulmonaire. Je ne pourrais même pas vous donner le terme scientifique, tout ce que je sais c’est qu’il me faut une greffe ou bientôt, tout ce que je connais actuellement n’aura plus d’importance. Voilà pourquoi vos excuses sont inutiles. Je pense surtout que mes entraînements à répétition sont les premières causes de mes quintes de toux. »

« Je ne suis pas du genre à comparer les problèmes à vrai dire… nos deux soucis sont handicapant à leur manière. Vous avez du mal dans certaines situations, au même titre que je suis embêtée dans certaines situations. Dites-vous que cracher ses poumons devant son père adoptif qui ne supporte pas les taches… cela m’a valut quelques uns des moments les plus humiliants de ma vie » ironisa-t-elle sans l’ombre d’une hésitation même si c’était davantage la maladie qui parlait que le tempérament profond de C’ian. Il lui arrivait d’être déçue par la race humaine, de la détester même, mais ces moments ne duraient pas heureusement. Elle finissait par reprendre le dessus, bien qu’à l’heure actuelle, vu le poids et la douleur qu’elle sentait au sein de sa poitrine, cela lui paraissait être une mission impossible. « J’ai un traitement mais qui est inefficace la plupart du temps car ma pathologie est très avancée. Normal, je n’ai pas l’âge de votre fils je suppose ! Je crois juste que j’en viens à me dire que si je ne trouve pas de donneur, c’est tant pis… votre enfant a toute sa vie devant elle, et je lui souhaite de tout cœur d’aller mieux, mais moi… je crois que je n’ai jamais fait autant de choses depuis que je suis au courant de ma dead line, si je peux m’exprimer ainsi. Les choses me paraissent d’autant plus belles parce qu’elles sont éphémères. J’évite de me bercer d’illusions, je vis juste de telle façon que je suis certaine de ne jamais avoir de regret. Vous voyez ce que je veux dire ? »

C’ian se contenta de hausser les épaules à son tour, prenant conscience plus encore qu’effectivement aucun concours ne se jouait entre eux et qu’il n’était pas utile d’en parler. Ashley souffrait d’un problème de confiance pour des raisons objectives, et l’horreur que vivait actuellement la jolie japonaise ne minimalisait pas pour autant l’enfer que devait certainement vivre son interlocuteur. Chacun sa part de malheur, comme dit l’autre… ceci étant, il parvint au miracle de la faire rire lorsqu’il lâcha sa remarque sur son père. D’ordinaire, C’ian se serait conduite en fille de bonne éducation et l’aurait peut-être défendu, mais là… elle n’avait aucune espèce d’obligation que de le défendre en vérité. C’était même tout le contraire : il n’était plus rien pour lui. « Disons que c’est mon père adoptif et qu’il n’a jamais aimé un autre être humain que lui-même alors forcément… je crois que c’est vital pour moi que d’utiliser jusqu’à la dernier once d’énergie qui me reste à devenir l’exact inverse de sa personne. Sincèrement. » Vraiment, C’ian était surprise de cette sorte d’assurance qu’il dégageait au travers de ses phrases et de ses questions, assurance dont elle venait presque à l’envier. Ashley possédait manifestement bien plus de ressources qu’il ne le laissait penser de prime abord, c’était une certitude. « Ce n’est pas par manque de volonté si c’est votre question, c’est juste qu’à force d’être désillusionnée je suppose que je n’arrive plus à voir mon existence autrement que comme une gigantesque fin qui se rapproche lentement… vous voyez ce que je veux dire ? Vous devez me prendre pour une folle… »

C’ian émit un petit sourire presque moqueur. « En théorie vous avez raison et je pense même que dans quatre-vingt dix neuf pour cent des cas, vous avez effectivement raison. Mais il se trouve que ma mère adoptive me voulait mais pas mon père, et que celle-ci s’est « amusée » - bien que le mot ne soit pas forcément bien choisi – à le faire dans son dos. Résultat, puisque celui-ci ne m’a ni voulue ni désirée une seconde, il n’estime pas avoir besoin de faire d’efforts. Pour vous donner un ordre d’idée de son extraordinaire clémence, je ne suis pas partie du Japon, j’ai été poussée à partir. Techniquement parlant je n’attendais que ça, mais il y a manière et manière de faire… » La jolie japonaise haussa les épaules, comme si rien de ce qu’elle venait de confier n’avait d’importance ou ne la touchait véritablement. « Vous semblez avoir une famille aimante derrière vous, du moins je vous le souhaite mais moi ce n’est pas le cas du tout. Vous savez, pour continuer à désirer sa vie, c’est bien d’avoir un but auquel se raccrocher. Moi, je m’interroge : ai-je réellement un but ? » C’ian ne cherchait pas à lui faire prendre pitié, bien au contraire, mais plutôt à lui faire entendre que dans certains cas il y avait encore de l’espoir mais pas dans d’autres. « Je comprends mieux votre manque de confiance… je suis désolée qu’une telle chose vous soit arrivée » fit-elle avec sincérité tout en serrant davantage sa main, lui offrant d’un même temps un sourire rassurant comme pour lui jurer implicitement qu’elle ne lui voulait pas de mal. Ce qu’elle ne contrôla pas, ce fut les quelques larmes qui s’écoulèrent contre ses joues, car elle était touchée par son histoire, mais qu’elle ne manqua pas d’effacer rapidement pour ne surtout pas créer davantage de malaise entre eux. « Je ne vous connais pas très bien mais je pense que vous êtes une belle personne tout de même, Ashley. »

« Vous savez, le divorce est contre les traditions ancestrales dans lesquelles mon père a baigné depuis sa naissance. On ne se sépare pas de sa femme et on endure tout ce qui a un rapport avec. Vous savez, vous ne connaissez pas mon père mais fondamentalement, moi non plus. Je pensais le connaître mais avec le recul… je ne serais jamais capable de faire tout ce que lui fait, ne serait-ce qu’à ses filles. Si vous saviez combien j’ai bataillé pour qu’il ne cherche pas à me marier à quelqu’un de vingt ans mon aîné… » C’ian haussa les épaules, sans pour autant lâcher la main d’Ashley, lui fournissant à la fois l’impression d’être toujours ancrée dans la réalité mais aussi la possibilité de se dire qu’elle n’était pas toute seule à souffrir en ce bas monde, et que quelqu’un pouvait donc la comprendre d’une certaine façon. « Vous pouvez aussi vous battre pour votre petite garçon, non ? » crut-elle bon de noter car les animaux avaient certes besoin de lui mais le jeune homme les aidait déjà avec amour et persévérance, tandis que son fils… il ne le connaissait pas depuis longtemps. « Votre cause est louable mais je pense qu’elle est double à vrai dire, si vous me permettez cet avis. Les animaux ont besoin d’un défenseur tel que vous, au même titre que votre garçon a besoin de vous parce que vous êtes son père. On en a qu’un, vous savez. Personnellement, j’ai commencé à chercher le mien mais avec le recul, je me demande si c’est une bonne idée. D’un côté, s’il veut me voir cela me donnerait une raison de continuer la lutte, mais d’un autre… s’il me rejette, je ne sais pas si j’aurais la force de le supporter. »

C’ian n’hésita pas à éclater de rire face aux propos d’Ashley, non pas parce que la situation ou même la discussion s’avérait drôle, mais plutôt parce qu’elle avait besoin de décompresser et que dans le fond, il avait ô combien raison. Les mariages arrangés étaient passés de mode depuis longtemps et la jolie japonaise espérait sincèrement que son père adoptif allait perdre définitivement l’idée de vouloir la marier avec qui que ce soit. Non pas que C’ian soit contre le mariage ou n’ait pas déjà rêvé d’un grand mariage en robe blanche, mais elle ne voulait pas faire des projets sur le long terme à cause de sa maladie. Elle ne souhaitait surtout pas décevoir qui que ce soit, à commencer par son mari. « Les traditions japonaises sont assez strictes à vrai dire. Mais personnellement, même si j’ai baigné dans la culture depuis ma plus tendre enfance, je ne me suis jamais sentie chez moi à Tokyo et j’ai toujours voulu savoir où était ma vraie culture. Si j’ai bien fait mes recherches, je crois que mon père est néo-zélandais. Je crois… mais il faudrait que je puisse le rencontrer pour en être certaine. Tout ce que je veux, c’est avoir le choix, c’est tout ce que je demande. » Le simple fait qu’Ashley ne caresse légèrement le dos de sa main lui arracha un sourire, sans pour autant qu’elle ne soit choquée par ses propos suivants. Comment diable le pourrait-elle ? Elle n’était personne pour lui jeter la pierre et nul ne le savait mieux qu’elle. « Je ne sais pas si mon père biologique serait stupide mais je suis sûre que vous pourriez apprendre beaucoup de votre fils. Et puis en général, les enfants adorent les animaux. »