« Ce serait une véritable punition pour toi … vraiment vraiment … Donc je pense que tu ferais mieux de ne pas tenter le diable. Petit conseil de petit ami. » lui répondais-je avant de la rejoindre dans son rire. Mais bon, je préférerais qu’elle soit sage, même si l’idée de me mettre torse nu et de lui attacher les mains pour qu’elle ne puisse pas me toucher serait une bonne punition. J’eus un éclat de rire en imaginant la scène. Oui, ça pour une punition, ce serait une punition. Je repensais tout de même à ce dont j’avais parlé avec le Père O’Neil. Il fallait bien avouer que j’avais été soulagé de pouvoir enfin parler de mon amante à une personne, et l’église m’avait semblé être une bonne solution pour moi. Après tout, j’avais reçu une éducation catholique, et elle ne m’avait jamais lâchée. Le Père O’Neil était d’accord avec moi sur le fait qu’il fallait que j’attende la majorité de ma fille avant de demander, puisqu’elle avait été la raison de mon mariage en premier lieu. D’après lui, même si j’avais fait la bonne chose en épousant Melissa après la naissance de ma fille – c’était d’ailleurs lui qui nous avait mariés – je n’aurais probablement pas dû le faire, pour ne pas avoir à divorcer par la suite. J’espérais tout de même qu’il accepterait de nous marier, Kaylena et moi, dans quelques années et cela même si j’avais déjà été marié – l’Eglise ne cautionnant pas le divorce, nous n’avions donc pas le droit de nous marier religieusement à nouveau – tout simplement parce que je voulais que notre union soit bénie. « Tu sais que là, maintenant, je suis en train d’imaginer notre mariage ? » lui demandais-je, avant de faire une pause. « Mais jamais je n’aurais pu te demander de rompre tes fiançailles, tout simplement parce que je n’ai pas à te le demander. » commençais-je, reprenant mon sérieux. « Donc oui, je suis vraiment heureux que tu rompes avec lui, mais je n’ai pas le droit de sauter de joie. »

Je savais que mon amante avait été vexée par mon manque d’enthousiaste, cela se sentait par la froideur du ton qu’elle avait utilisé pour me répondre. Mais pour moi, je n’avais tout simplement pas le droit de me sentir heureux de cette nouvelle, tout simplement parce qu’elle allait devoir attendre encore une longue année avant que je ne demande le divorce. J’avais tellement envie de demander le divorce là, tout de suite, maintenant – et même depuis plusieurs années d’ailleurs – mais je savais très bien que les juges des familles risquaient de me séparer de ma fille, et il était hors de question que je ne la laisse avec sa mère. Donc je devais attendre, même si je n’attendais que cela. Je n’avais donc pas le droit de m’enthousiasmer au sujet de sa rupture, tout simplement. Je n’avais absolument pas peur qu’elle commence à me coller ou autres, mais c’était justement parce que je la respectais bien trop pour cela. « Bah oui, notre mariage … Enfin, c’est pas vraiment une surprise le fait que j’ai envie de t’épouser et de fonder une nouvelle famille avec toi, non ? » lui demandais-je, sérieux. Après tout, pourquoi demanderais-je le divorce sinon ? J’écoutais son monologue avec attention, prenant mon temps pour trouver mes mots. « Tu es dans ma tête je pense, parce que justement, cela aurait été, pour moi, un manque de respect de sauter de joie en apprenant ta rupture. » commençais-je, lentement. « De mon côté, tu sais que je ne couche plus avec Melissa depuis des années, et cela bien avant de te rencontrer. Et notre lit est immense, donc tu peux être sûre qu’on dort chacun à l’opposé de l’autre. » dis-je dans un petit rire, avant de prendre une pause. « Et je serais toujours honnête avec toi, d’ailleurs tu sais tout de moi, et je ne te cacherais jamais rien. »

« Bien sûr que j’envisage de t’épouser ! » m’exclamais-je, avant de prendre une petite pause, tachant de bien trouver mes mots. « Crois-tu que je suis le type d’homme à tromper sa femme et à vouloir divorcer, tout cela pour une relation que je n’estimerais pas sérieuse ? » lui demandais-je, sérieux. Après tout, si cela avait été le cas, je ne penserais même pas au divorce, et continuerais de tromper ma femme effrontément, sans aucune culpabilité, ce qui était loin d’être mon cas. Je n’aimais pas, n’avais jamais aimé, et n’aimerais jamais ma femme – je ne l’appréciais même pas – et pourtant, je culpabilisais de la tromper avec celle que je considérais comme étant la femme de ma vie et donc celle que j’avais envie d’épouser. Autant dire que jamais je ne pourrais la tromper effrontément, sans penser aux conséquences. Parce que malgré tout, même si je ne ressentais aucun sentiment envers elle, il n’empêchait pas que je ne voulais pas la voir humiliée, ni la faire souffrir – même si je savais qu’elle non plus ne ressentait strictement rien pour moi. Je répondais passionnément à son baiser, comme pour acquiescer et lui montrer comme je pouvais célébrer cette bonne nouvelle. Je posais mes mains sur ses hanches, tentant de supprimer les quelques centimètres qui osaient encore nous séparer, avant de ressentir sa crispation. Que se passait-il ? Je la connaissais, et je savais que quelque chose se passait. Qu’y avait-il avec le fait d’être honnête ? Je lui fis un petit signe, comme pour l’encourager à continuer, avant de l’écouter silencieusement. Je fronçais les sourcils, tentant de comprendre ce qu’elle me disait. « Comment ça ? » lui demandais-je, confus. « Tu t’appelles comment alors ? Et qui sont tes véritables parents ? » la questionnais-je, de la voix la plus douce possible, comme pour lui montrer que je ne comptais pas la juger. « Et on a encore plus de deux heures, donc je ne vais nulle part … » terminais-je dans un petit sourire, tentant de détendre l’atmosphère, et de la faire se confier.

« Tu sais, j’ai toujours rêvé d’un mariage d’amour justement. Un mariage comme celui de mes parents en fait. Mais voilà, Melissa est tombée enceinte, et je pensais que l’épouser était la bonne chose à faire, même s’il faut bien l’avouer, mes parents n’étaient pas vraiment d’accord avec mon choix. Justement parce qu’eux ont toujours été amoureux l’un de l’autre je pense. Mais à l’époque, je pensais que nous finirions par tomber amoureux l’un de l’autre. Bref, tu me connais, je suis un peu trop idéaliste pour mon propre bien … » commençais-je dans un petit sourire. Mais forcément, dans ma tête, jamais je n’aurais été infidèle – l’infidélité étant tout de même un pêché reconnu – si je n’avais pas pensé que cela vaudrait le coup et que Dieu pourrait me pardonner. La discussion avec mon prêtre m’avait tout de même rassuré, il fallait bien l’avouer. Bien sûr, ce que je faisais n’était pas ‘bien’, mais il m’avait rassuré sur le fait que je serais pardonné. Je n’avais jamais été une personne croyant au divorce. J’avais toujours pensé que si le mariage battait un peu de l’aile, il fallait que les deux partenaires y mettent du leur et règlent leurs problèmes. Mais en même temps, ce mariage n’avait jamais été un véritable mariage, et avait plus été une erreur qu’autre chose. En divorçant, je ne faisais donc que réparer cette erreur, et rien d’autre, non ? C’était en tout cas ce que mon prêtre semblait penser, et c’était l’essentiel – même si j’aurais tout de même demandé le divorce sans sa bénédiction, puisque j’avais envie d’épouser mon amante. Même si, apparemment, je ne l’avais jamais réellement connue. J’étais un peu sous le choc de sa révélation, il fallait bien l’avouer. Mais pouvais-je vraiment la blâmer de m’avoir caché la vérité ? Oui, j’étais contre le mensonge et pensais que l’honnêteté était essentiel dans une relation, mais elle venait justement d’être honnête avec moi non ? Mieux vaut tard que jamais, comme le disait l’expression. « Enchanté mademoiselle McAlister »  lui dis-je dans un sourire, en lui tendant la main comme pour faire les premières présentations, avant de l’embrasser tendrement. Bien sûr, c’était bien peu, et je le savais, mais j’espérai qu’elle verrait dans ma phrase que j’acceptais parfaitement ce qu’elle m’avait dit et que j’étais heureux qu’elle se soit confiée à moi. « Tu es saine et sauve, et c’est l’essentiel. Bien sûr, je ne sais pas s’il est toujours après toi, mais je compte bien faire en sorte que rien ne puisse jamais plus t’arriver … »

Il était vrai que son aveu m’avait grandement pris de court, mais je ne pouvais pas lui en vouloir, ça c’était sûr. Oui, elle m’avait menti, et cela pendant toute notre relation, mais je la comprenais. Comment pouvait-elle accorder sa confiance alors que des personnes malintentionnées lui couraient toujours après pour faire main basse pour sa fortune ? Et puis, on disait bien ‘qui n’a jamais pêché jette la première pierre’, et autant dire que ce n’était pas mon cas – après tout, je trompais bien ma femme en ce moment-même, et même si cela me faisait culpabiliser, je ne regrettais absolument pas. J’étais donc tiraillé par deux envies : l’envie de la questionner pour tout connaître d’elle, et l’envie de dîner tranquillement avec elle et de faire comme si tout était normal – après tout, c’était bien le cas, puisque je me moquais que son nom soit Barrow, McAlister ou autres, et que peut-être avait-elle envie de passer à autre chose, tout simplement, et de laisser ce passé derrière elle. J’étais heureux qu’elle ait compris que je l’acceptais comme elle était, avec son passé et tentais de faire passer ce sentiment dans notre baiser. « Je suis heureux que tu te sois confiée à moi, et tu sais que tu peux tout me dire et que tu peux me faire confiance. Vraiment. » lui confessais-je, la regardant amoureusement, avant de boire une gorgée de vin. « Et s’il te retrouve, on avisera à ce moment-là. Tu as pensé à en parler à la police ? » lui demandais-je, timidement. Je savais bien que ma question était idiote, mais je me disais quand même qu’avoir un ordre de restriction, empêchant son ancien geôlier de l’approcher, me rassurerais – même si ce n’était pas de moi dont il s’agissait, et que je le savais.

J’aurais pu avoir peur que son ancien geôlier veuille s’en prendre à moi pour pouvoir atteindre mon amante, mais je pensais à tout sauf à cela. Peut-être devrais-je y penser, et justement être effrayé par sa révélation, mais ce n’était pas le cas. La seule chose pour laquelle je m’inquiétais, c’était pour sa sécurité à elle, et à personne d’autre. Je n’arrivais pas à comprendre comment l’on pouvait être autant matérialiste et intéressé par l’argent, au point de vouloir assassiner une innocente pour lui voler son argent. Cela me semblait totalement inconcevable. Okay, je n’avais jamais connu la misère, au contraire puisque je venais d’une famille plutôt aisée, mais apparemment, ce n’était pas le cas de cette personne non plus, puisqu’elle avait été l’associé du père de Kaleyna, et devait donc gagner déjà pas mal d’argent. Et même si ça n’avait pas été le cas, je ne comprenais toujours pas comment cela pourrait être possible d’être ainsi. « Peut-être que tu pourrais prendre un garde du corps dans ce cas-là ? » lui demandais-je, tout en sachant que cette proposition n’était pas plus pertinente que la précédente. « Je sais que ce n’est pas une bonne solution, mais au moins tu serais sauve non ? » continuais-je dans ma lancée. Je savais pertinemment qu’il était égoïste de ma part de ne penser qu’à sa sécurité à elle, et d’occulter tout le reste, mais cela n’empêchait pas le fait que c’était la seule chose à laquelle je pensais : sa sécurité. « Et pourquoi ne peux-tu pas prendre la tête de l’entreprise directement ? Ce serait probablement de la provocation, mais que pourrait-il faire ? Il suffirait qu’il sache qu’il est clairement indiqué dans ton testament que la société irait à une autre personne si quelque chose t’arrivait, et il ne pourrait rien y faire. Et s’en prendre à toi n’y changerait alors rien … » répondais-je, avant d’être piqué un peu à vif par sa réflexion sur notre relation. « Notre amour n’est pas un mensonge justement. C’est l'une des seules choses de vraies dans ma vie. C’est le reste qui me semble être un mensonge. »

J’eus un petit rire nerveux. Je savais bien que mes propositions étaient totalement inutiles, et qu’elles aggraveraient plus la situation qu’autre chose, mais je ne voulais – ne pouvais – pas rester sans rien faire après ce qu’elle m’avait dit non ? « Oui, je n’y avais pas pensé … Un garde du corps attirerait en effet l’attention sur toi … » abdiquais-je, non sans regret – après tout, je voulais la savoir saine et sauve. Je n’arrivais pas à trouver de solution, et cela me perturbait, il fallait bien l’avouer. J’étais fou amoureux de la jeune femme, et rien que l’idée de la perdre me mettait dans tous mes états. Avant elle, je n’avais jamais connu l’amour, et ma rencontre avec mon amante fût l’un des plus beaux jours de ma vie – et je n’exagérais pas. Il était vrai que j’étais probablement naïf, et cela se ressentait dans mes propositions. En même temps, je n’avais jamais eu à penser à de telles choses auparavant, donc forcément, c’était tout nouveau pour moi, et je ne pouvais donc pas trouver de solution en claquant des doigts – surtout qu’elle avait eu beaucoup de temps à tourner tout cela dans son esprit. Mais dans ce cas-là, que pouvais-je bien faire ? Ce n’était pas comme si je pourrais rester là sans rien faire, avec la crainte de la perdre dès que je ne serais pas en sa compagnie, non ? « On va trouver une solution … Je ne sais pas quand, je ne sais pas comment, mais on finira bien par trouver ! » m’exclamais-je, sérieux. « Tu as raison, pour le moment, on va juste profiter de notre soirée ensemble, et on y réfléchira le moment voulu. » Je n’aimais pas être dans le déni – d’ailleurs mon métier ne me l’avait jamais permis – mais juste pour cette soirée, j’avais envie de penser qu’elle était Kaleyna Barrow, et que je n’aurais pas à vivre dans la crainte.

J’éclatais de rire. D’un rire franc. « J’ai juste pas envie de te perdre. Je t'aime, c’est tout. Et c’est beaucoup en même temps. Mais oui, en effet, je vais tenter de calmer mes angoisses … » capitulais-je dans un petit sourire. « Très bien. On va manger, sinon ça va être froid ! » répétais-je, même si la boule que j’avais au ventre ne semblait pas vouloir me quitter. C’était d’ailleurs plutôt étrange de ma part que je parte au quart de tour de cette façon. Après tout, j’étais chirurgien et pire que tout, j’étais chirurgien en trauma. Autant dire que je n’avais pas la place pour stresser, et que la vie de mes patients en dépendait. Pour stressais-je donc ainsi après sa révélation, alors que je ne stressais pas un seul instant lorsque j’avais la vie d’êtres humains dans les mains ? On aurait donc pu croire que je pouvais garder mon calme à toute occasion – et même moi, je l’avais toujours cru. Jusqu’à présent. Le plus surprenant étant que je ne stressais pas le moins du monde lorsque ma fille sortait en soirée – alors que j’en avais opérés des adolescents qui avaient pris leur voiture alors que leur taux d’alcoolémie était important – mais que je le faisais avec ma petite amie qui, comme elle le disait elle-même, ne s’était pas faite repérée depuis ces neuf années à vivre à New York. Un nouveau rire m’échappa tandis qu’elle me disait penser me garder simplement pour mes talents culinaires. Je pris un air offusqué. « Simplement pour ça ? Même pas pour ton dessert préféré ? » la taquinais-je à mon tour, faisant bien sûr référence à nos ‘parties de scrabble dans la chambre’. « Bien sûr voyons, ça ne me serait même pas venu à l’esprit de t’appeler autrement. »