Dieu sait que Sullivan connaissait l’enfer pour l’avoir frôlé d’extrêmement près lorsqu’il était encore soldat. Ne jamais dormir, être constamment sur ses gardes, manger à peine… sans compter les cauchemars qui s’empactaient les uns contre les autres pour ne faire rien de plus qu’un immonde marasme insupportable. En d’autres termes, le néo-zélandais avait l’impression d’être parfaitement taillé pour supporter une opération de la moelle épinière, surtout qu’il avait fait appel au meilleur chirurgien pour se faire : Wayne Swarovski. L’intervention en soi s’était déroulée à la perfection, mais l’après était assimilable à un gigantesque capharnaüm. L’anesthésie générale lui avait provoqué des hallucinations et il avait fini à hurler dans un ascenseur après avoir fuit en rampant à moitié. Mais il n’avait pas utilisé de fauteuil… certes, ce genre de réflexe était aussi ridicule que dangereux mais l’espace de trente secondes, il s’était légèrement hissé sur ses jambes. Bien évidemment, ses muscles atrophiés l’avaient rapidement abandonné, mais il n’empêche que ce petit épisode, si terrifiant soit-il, n’avait pas été inutile. Bien qu’il ne soit pas en train d’en mener large, actuellement, en attendant debout, se tenant à deux barres, que Victoria daigne venir l’honorer de sa présence. La pâleur du visage de Sullivan indiquait qu’il n’avait pas dormi depuis des lustres, mais aussi qu’il souhaitait brûler les étapes : il n’avait pas été opéré depuis quatre jours que déjà, il voulait entamer la rééducation sans pause ni répit. « Ne faites pas cette tête de trois pieds de long, avouez que vous adorez que je vienne vous emmerder… ça risque de devenir une passion chez moi vous savez ! »

Etre la meilleure amie d’un brillant chirurgien avait ses avantages. Victoria pouvait lui demander quelques services pour des patients, mais surtout elle avait eu la possibilité de lui soutirer des informations à propos de Sullivan. Elle avait essayé d’être subtile les trois premières fois, avant que Wayne ne lui demande pourquoi elle était aussi intéressée par le cas du jeune homme. Elle avait remit sur le tapis son professionnalisme. Mais, elle était inquiète pour le militaire. Elle savait qu’il faisait des efforts pour récupérer sa fille et elle voulait être sûre que tout se passerait bien. Evidemment, elle avait vu au regard de Wayne que ce dernier se doutait qu’il y avait anguille sous roche, mais ils n’en avaient pas parlés ouvertement. Après avoir apprit qu’il était en bonne santé après l’opération, elle avait été soulagée. Maintenant, il ne restait plus qu’à l’aider à retrouver l’usage de ses jambes. Elle savait que ça allait être un long parcours, mais elle avait bien vu sa détermination la dernière fois qu’ils avaient parlés. D’ailleurs, elle avait un rendez-vous avec lui pour le faire marcher. Seulement, avant lui, elle avait deux autres patients. Commençant par un petit garçon qui avait eu le coude dans le plâtre après être tombé d’un lit, elle l’aidait à retrouver la motricité de son bras. La première fois que le petit garçon était venu, sa mère avait suivit jusque dans la salle où elle s’occupait de son jeune patient. Seulement, elle n’avait pas arrêté de dire qu’elle avait dit et redit à son fils de ne pas sauter sur le lit et finalement, il avait chuté. D’où le fait que son coude avait été fracturé et qu’aujourd’hui, il était dans cet état. Elle avait laissé la mère faire tous ses reproches et la séance suivante Victoria lui avait demandé de rester en salle d’attente. Poliment, mais elle avait voulu être clair. Son travail, elle le faisait avec le patient, pas sa famille. Alors, elle pouvait être plus libre avec le petit garçon qui lui aussi était plus détendu. Son second patient était une jeune femme qui avait des problèmes articulaires. Là, c’était plus délicat, donc Victoria faisait toujours très attention. Puis, arriva le tour de Sullivan, mais avant cela, la kiné partit dans son bureau, pour vérifier le reste de son planning et boire un peu d’eau. Allant ensuite voir Sullivan, elle fut surprise de le voir déjà debout de cette façon et le remarque, au vu de sa remarque bien sentie. Croisant les bras sur sa poitrine en le regardant, elle leva les yeux au ciel.

Vous avez prit votre bonbon à l’entrée en arrivant ? Parce que vu votre comportement actuel, vous n’en aurez pas.

En décroisant les bras, elle sentit que ses mains étaient encore sales. Les approchant de son nez pour les sentir, elle soupira. Décidemment cette odeur était dure à enlever. Quand elle s’occupait de patient, come la jeune femme précédente, elle utilisait parfois du camphre. C’était une odeur qui restait, alors elle alla dans un coin de la pièce pour se laver les mains, avec plus de savon que précédemment.

Vous n’avez donc pas d’autre passion que venir ici pour gâcher mes journées si j’ai bien compris ? C’est dommage pour moi ça. Il va falloir que je vous cherche une autre activité, ça me permettra ainsi de me détendre et de ne plus vous voir.

Se séchant les mains, elle se retourna, voyant les bras de Sullivan tendu au possible.

Ne me dites pas que vous comptez en plus vous briser les bras pour réapprendre à marcher, parce que si c’est le cas, vous êtes bien partit.

Levant les yeux au ciel, elle avança vers le jeune homme. Se stoppant un peu avant, elle enleva sa blouse. Elle savait que cette dernière allait l’embêter pour aider le jeune homme. La déposant plus loin, elle revint vers Sullivan et se mit devant lui.

Oui, vous devez vous tenir aux barres, mais plus vos bras seront tendus de la sorte et moins vous parviendrez à avancer facilement.

Elle disait cela d’une voix calme sans moquerie. Cette fois-ci, elle était professionnelle et voulait l’aider.

Essayé de desserrer un peu vos bras. C’est vos jambes qui doivent devenir solides. Vos bras le sont déjà.

Parce que oui, elle avait bien vu la musculature du jeune homme et ses bras était déjà musclé, pas besoin d’en faire plus ici.

« Mais si vous m’empêchez de venir vous voir, comment je vais pouvoir vous emmerder moi du coup ? » Cette fois-ci, ce n’était plus vraiment l’enfoiré de première qui se tenait face à Victoria mais plutôt l’ancien gamin. Sullivan avait une très fâcheuse tendance à retomber en enfance dès qu’il se heurtait à quelque chose de foncièrement triste ou négatif. En l’occurrence, il préférait mille fois passer pour le pire des gamins plutôt que de se terrer dans un silence parfait, de bougonner ou pire, d’envoyer chier autrui comme il était si doué pour le faire. Comme quoi, Victoria avait une assez bonne influence sur lui à ce niveau là… « Quoi, je vous ai déjà dégoûtée ? Mais regardez-moi, je suis séduisant comme tout ! En prime, vous n’avez même pas eu besoin de me demander de lever mon séant… j’étais déjà près des barres à votre arrivée, alors si ce n’est pas de l’excellente bonne volonté, je ne sais pas ce que c’est ! » Diantre qu’il se trouvait ridicule, un vrai jeune premier… mais contre toute attente, l’envie de s’en sortir était là. Finis, ses caprices de gosse de riche, Sullivan voulait reprendre sa vie là où il l’avait laissée et récupérer sa fille. Il apprécia par conséquent le fait que sa nouvelle kiné enlève sa blouse –chose qui lui arracha un large sourire canaille– avant de suivre ses instructions à la lettre. Il tenta de moins se reposer sur ses bras, chose qu’il plus par habitude qu’autre chose, mais il grimaça légèrement de douleur en essayant. Ca ne risquait pas d’être une partie de plaisir… « Même si vous êtes cent fois plus sexy sans blouse je vais me casser les dents si je me repose encore davantage sur mes jambes… ce sont des poids mords c’est une horreur ! Même si j’arrive un tout petit peu à les bouger, regardez… »

Oh je n’ai aucun doute sur le fait que vous trouverez une solution à cela.

Elle fut amusée par ce qu’il avait dit et elle pensait vraiment qu’il trouverait un moyen de venir la voir pour l’embêter. Elle n’en doutait pas un seul instant. Il semblait être du genre à trouver des solutions à tout et à y avoir bien réfléchit avant, donc elle ne se faisait pas de souci sur le sujet. En écoutant ce qu’il disait, elle leva les yeux au ciel.

Je ne dirai pas que c’est de l’excellente bonne volonté. Disons que c’est l’envie de s’en sortir, ce qui est bien mieux à mon avis. Donc j’inscris ça dans les bons points et second bon point, oui vous êtes séduisant, mais ça ne veut pas dire que je vais vous laisser en profiter pour autant.

Fixant le jeune homme, elle voulait être claire sur ce point. Il avait beau être très agréable à regarder, elle resterait professionnelle et le traiterait comme tous les autres patients dont elle a la charge. Puis, à ses propos, elle pouffa de rire.

Je ne sais pas si c’était un compliment, mais c’est gentil. Seulement, ma blouse va m’empêcher de vous aider, alors, il valait mieux l’enlever.

Regardant le jeune homme bouger les pieds pour avancer, elle se rapprocha de lui, venant juste en face de Sullivan.

Vos jambes ont besoin de temps pour se refaire à tout ça. C’est comme un enfant qui apprend à marcher. Vous avez une fille, vous savez ce que s’est chez un enfant. Il a besoin de temps et il tombe avant d’arriver à marcher seul. Vous, ça sera la même chose et je vous aiderez à ce que vos jambes supportent votre poids et que vous puissiez marcher seul.

Fixant le jeune homme dans les yeux, elle était très sérieuse. Elle utilisait souvent cette image de l’enfant qui apprend à marcher.

Je vais vous porter à partir de la taille et vous aller essayer d’appuyer sur vos jambes pour faire deux pas.

Elle attendit son accord et se colla à lui, pour venir le porter à la taille. Une fois qu’elle le souleva, elle lui demanda de faire les deux pas demandé, au rythme qu’il voulait.

« Vous admettez quand même que je suis séduisant ! » Victoria ne savait pas à quoi elle devait s’attendre tant Sullivan allait s’amuser à être imprévisible en vérité. Quelque chose lui disait que cette femme n’était pas aussi froide et distante qu’elle voulait bien le laisser penser… il l’avait entraperçu alors qu’elle beuglait contre la mère du néo-zélandais, prenant un risque qu’elle n’était pas censée prendre pour aider une fillette n’ayant strictement aucun lien avec elle. Une personne froide et distante n’aurait jamais agit ainsi ! « A ceci près que si je me casse la gueule… qui va me soulever de ses petits bras musclés ? » Il n’avait pas l’intention de faire preuve de cynisme, surtout qu’il pourrait certainement se relever à la force de ses bras –question d’habitude– mais il aimait voir Victoria soit être désespérée par son arrogance, soit être à la limite de la colère. Appelez-le masochiste mais il avait une fâcheuse tendance à la trouver magnifique une fois en colère… surtout lorsqu’elle s’en prenait à sa mère ! « Je collectionne les points avec vous, c’est bon ça ! » ajouta-t-il avant d’être à la fois surpris et satisfait que Victoria ne se colle à lui pour l’aider. D’un côté, il ne pouvait s’empêcher de trouver cela extrêmement agréable et de l’autre, d’apprécier son aide à sa juste valeur car cela lui permettait de faire des pas ayant l’air de vrais pas, s’aidant davantage de ses jambes que de ses bras comme il avait tant l’habitude de le faire. L’aide de la kiné en était vraiment une, en somme. « Vous savez qu’avec un beusou, ce serait diablement plus efficace ? Et au passage, vous sentez super bon… »

Ne pas l'admettre serait une erreur de ma part. Et comme vous l'avez dit la dernière fois, je suis douée, donc je sais quand admettre la vérité.

Elle n'était pas du genre à être aussi franche sur un tel sujet. Etre franche d'accord, mais elle n'avait pas l'habitude de parler du physique d'un homme et encore moins d'un patient aussi directement. Cherchant à revenir dans le travail de la journée avec Sullivan, elle enleva sa blouse, pour être plus à l'aise. Ensuite, elle se dirigea vers le jeune homme pour lui expliquer de ne pas se reposer trop sur ses bras. Elle voulait le porter au niveau de la taille, pour qu'il puisse avancer et laisser ses bras reposer. Seulement, à sa remarque, elle haussa un sourcil.

Je fais ce travail depuis des années et contrairement à ce que vous pensez, je suis musclée.

Préférant ne pas montrer ses muscles, même si elle n'en avait pas autant que le jeune homme, elle savait qu'il pourrait s'en amuser encore plus. Finissant par le soulever à la taille, elle recula, pour le laisser marcher et en l'écoutant parler, elle esquissa un sourire.

Un beusou hein ? Ca n'est pas inscrit dans mon contrat et encore moins avec vous. Mais merci pour le compliment.

Elle fut assez mal à l'aise. Elle n'avait pas l'habitude de ce genre de compliment et se racla la gorge, fronçant les sourcils, pour reprendre contenance.

Au fait, votre fille veut venir chez moi prochainement. Ma fille a son anniversaire à la fin du mois et votre mère n'a pas encore donné de réponse, mais je compte bien lui faire dire oui. Donc, si vous voulez toujours voir votre fille à ce moment là, ça sera possible.

Sullivan n’aurait pas pu être plus satisfait à vrai dire. C’était littéralement jouissif de voir Victoria ne pas forcément être aussi à l’aise que d’habitude puisque pour une fois, elle n’avait pas besoin de lui hurler après, il y mettait du sien, voire même un poil trop… la néo-zélandais tirait sur la corde raide pour voir s’il lui plaisait ou si Victoria était simplement mal à l’aise à cause du fait qu’il mettait entre eux un climat n’ayant plus rien à voir avec celui devant être présent entre un professionnel de santé et son patient. Mais où serait le fun si jamais il perdait tout sens de son extraordinaire capacité à emmerder son monde ? « Musclée, hein… je ne crois que ce que je vois, moi, m’dame ! » En parler, c’était donner d’autant plus d’eau au moulin de Sullivan. Elle aurait dû y penser avant même que d’ouvrir la bouche, voyons ! A croire qu’il faille réellement peser absolument toutes les paroles que l’on énonçait sans quoi, c’était un coup à se créer d’autant plus de problèmes direct… c’est qu’il avait oublié d’être complètement couillon, ce petit. « Bah si ce n’est pas inscrit dans votre contrat, vous conviendrez qu’une entorse est possible non ? Vous avez confirmé être douée ! Mais pas en quoi… » Diable il charriait sérieusement, mais ça n’en n’était que plus délectable, surtout qu’elle le tenait par la taille, créant ainsi une proximité des plus extrêmes entre eux deux. Sullivan se surprit à aimer ça, d’ailleurs, même si le discours de Victoria sur la prochaine venue de Lou chez elle lui rendit illico presto son air sérieux des grands jours. « Faudrait m’expliquer pourquoi vous faites tout ça, que ce soit pour elle ou même pour moi puisque vous comptez m’inviter. Vous êtes extrêmement mystérieuse Victoria… votre fille aime quoi exactement ? » Cette question n’était pas innocente : si Sullivan venait, il n’était pas gougnafier au besoin de se pointer sans cadeau à un anniversaire !

Etre mal à l'aise avec un patient, ça n'était pas tous les jours que ça lui arrivait. En effet, il y avait eut ce genre de choses par le passé, mais être mal à l'aise à cause d'un drôle de sentiment qu'elle n'avait pas connu depuis longtemps était nouveau et assez dérangeant. Seulement, ce qu'elle avait dit sur les muscles ne tomba dans l'oreille d'un sourd. Sullivan en tira partit et la jeune femme tenta de ne pas répondre, pour ne pas tomber dans le panneau, même si ça la démangeait.

Certainement pas !

Cette fois-ci, elle n'avait pas pû s'en empêcher. En effet, les paroles du jeune homme la mettait vraiment très mal à l'aise et elle se devait de rester professionnelle.

Je ne fais aucune entorse pour qui que ce soit et c'est vous qui avez dit que je suis douée dans mon travail. Pour le reste ...

Que pouvait-elle répondre pour le reste ? C'est alors qu'elle pensa à rentrer dans son jeu. Ca n'était certainement pas une bonne idée, mais c'est la seule chose qui lui vint à l'esprit.

Pour le reste, il faudra d'abord m'inviter à dîner pour en savoir plus.

Elle avait un air décidé et très sérieux sur le visage. Elle ne comptait pas en dire plus pour l'instant, ça viendrait si dîner il y avait. Cependant, elle l'aida à marcher, le tenant par la taille et lui expliquant qu'elle invitait Lou pour l'anniversaire de Joana. En écoutant la réponse du jeune homme, elle se stoppa et le regarda dans les yeux.

Je fais cela parce que vous et votre fille, je vous ai vu l'un sans l'autre. Elle veut vous voir, je le sais et c'est pareil pour vous. Enlever un enfant à ses parents n'est pas quelque chose que j'apprécie.

En effet, elle n'aimait pas le fait que la mère de Sullivan veuille enlever Lou à son père.

Pour ma fille, elle aime tout. Mais, il y a une poupée en ce moment qui lui donne plus envie que les autres. Il faut que je retrouve son nom, je l'ai noté et c'est dans mon sac à main dans mon bureau. Mais je ne vois pas en quoi je suis mystérieuse.

Mais c’est qu’elle mordrait ! Enfin disons que son degré de défense avait soudainement connu une espèce d’envolée inexplicable qui ne déplut pas du tout à Sullivan, bien que celle-ci lui arracha une légère expression surprise. Il n’aimait pas les bénis oui oui et autant dire que découvrir de façon plus franche à quel point Victoria n’en n’était pas un le ravissait de façon toute aussi inexplicable. Il aimait simplement cette idée, au même titre qu’il adorait par avance et par principe le fait qu’elle ne soit soudainement rentrée dans son jeu, le provoquant ouvertement, le faisant par conséquent éclater subitement de rire. Elle voulait qu’il l’invite à dîner, vraiment ? Qu’à cela ne tienne, car si elle avait espéré que cela l’arrêterait, autant dire qu’elle s’était hautement fourvoyée car Sullivan n’était pas du tout du genre à faire machine arrière face à ce genre de petite difficulté. « Parfait ! Vous êtes libre ce soir ? » Haha quel enfoiré insolent ce bon néo-zélandais… mais cela pimentait sûrement le quotidien de Victoria et l’empêchait de ne se concentrer que sur ses succès et échecs en présence de ses patients. Sans doute voulait-elle plus… « Franchement, faudrait vous donner le bon dieu sans confession à vous… » reprit-il tout en continuant de mettre un pied devant l’autre, se tenant fermement à la jeune femme comme si elle constituait une véritable bouée de sauvetage pour lui. Quelque part, c’était exactement ce qui se passait… il avait simplement mis un temps fou à s’en apercevoir et pire, à accepter qu’elle ne le devienne de façon plus prononcée. « Une poupée ? Je suis sûr que la photo doit pouvoir se trouver sur internet. Vous allez me massacrer si je reviens bredouille et puis j’ai un standing à respecter… ne me regardez pas comme ça je plaisante ! Ca m’arrive d’avoir un peu de savoir vivre… un peu ! »

Elle n'était pas à l'aise et n'avait plus du tout le contrôle de la situation. Du coup, ça l'a gênait énormément, mais finalement elle décida de rentrer dans son jeu et pour cela lui expliqua qu'il fallait qu'il l'invite à dîner. Cependant, il la prit de cours en proposant le soir même, mais elle n'en laissa rien paraître, faisant plutôt mine de réfléchir.

Si je peux avoir une baby-sitter pour garder ma fille, ça sera faisable.

Il ne fallait pas qu'elle se défile, sinon il allait en profiter.

Pardon ?

Elle avait dit cela sur un ton très amusée. Alors comme ça on pouvait lui donner le bon dieu sans confession. Elle en était parfaitement amusée et aida le jeune homme à marcher, continuant tout de même de l'aider le plus possible

Oui, ça doit se trouver. Mais, vous n'êtes pas obligé de venir avec quelque chose. Si vous êtes invité, ça n'est pas pour qu'elle ait un cadeau. Pour votre savoir vivre, j'aimerai bien en savoir plus, parce que pour l'instant, ça n'a pas été flagrant.

Un nouveau sourire amusé aux lèvres l'a fit regarder le jeune homme dans les yeux. Seulement, elle recula un peu trop vite et sans réfléchir, elle contracta tous ses muscles pour rester en équilibre, ce qu'elle parvint à faire, vérifiant que tout allait bien pour le jeune homme.

Vous voyez, me déconcentrer va vous apporter des problèmes.

Ahaha, il obtenait doucement mais sûrement gain de cause ! Victoria mettait nettement moins de distance entre eux, faisant s’effondrer pierre après pierre la véritable Muraille de Chine qui autrefois s’était dressée entre eux. Dire qu’ils se détestaient cordialement il n’y avait pas une semaine… comme quoi, il avait suffit que le néo-zélandais cesse de se comporter comme une huître pour qu’elle voit qu’il n’était pas qu’un salopard sans cœur et sans aucune valeur. La preuve, elle l’invitait même au mariage de sa fille ! « Vous ne faites surtout pas péter votre blouse ce soir, vous mettez une jolie robe et à ce moment là je ferais sûrement péter le costard. » De toute façon, ils avaient dépassé le simple relationnel entre un médecin et un patient depuis de longues minutes maintenant et se voiler la face ne comporterait aucun intérêt à vrai dire. A quoi bon si ce n’est se mentir à eux-mêmes ? « Je ne suis pas obligé mais ma maman m’a dit d’être poli et d’amener un cadeau » la singea-t-il avant d’éclater de rire à sa remarque désobligeante. Bah, il ne l’avait pas volée très certainement, surtout pas alors qu’il s’était toujours montré odieux et si peu coopératif en sa présence. Vraiment, difficile d’en vouloir à Victoria dans ces conditions. « Mais vous êtes tellement jolie en mode déconcentrée ! Vous voyez, je fais preuve de savoir vivre et je sais même faire des compliments, goûtez un peu le côté unique de ce moment ! » D’accord, s’ils se cassaient la gueule cela risquait d’être nettement moins fun mais Sullivan prenait le pari. Après tout, on n’a rien sans rien et quelque part, il se rendait compte que l’envie que la séance ne se termine n’était pas mais alors pas du tout présente. « Vous n’aimez jamais ne pas avoir de contrôle, pas vrai ? »

Oh vraiment ? Si je décide de ne pas mettre de robe, ça veut dire quoi pour vous ? Jogging et vieux tee-shirt ?

Elle eut un sourire amusé. En même temps, s'il portait ce genre de choses, ça n'était pas elle qui irait s'en plaindre. Après tout, elle était sûre et certaine que son cerveau apprécierait le jeune homme dans n'importe quelle tenue.

Oh voilà une bonne chose de la part de votre mère.

Elle pensa d'ailleurs que c'était bien la chose de positive qu'il fallait retenir sur la mère du jeune homme. Quoi qu'elle ne doutait pas que dans d'autres circonstances, il aurait été gentil et agréable avec elle. En l'entendant rire, elle se mit à sourire encore plus. Elle ne s'était pas attendu à une telle chose et ça lui faisait plaisir de voir que le jeune homme était détendu.

Deux compliments en moins de cinq minutes, vous êtes sûr que tout va bien ?

Elle sourit encore plus, même si elle trouvait agréable les compliments qu'il lui faisait.

Je suis la kiné, c'est à moi d'avoir le contrôle.

Evidemment, il savait qu'il parlait de généralité, mais elle esquissa un sourire, lui faisant comprendre qu'en effet, elle n'aimait pas ça. Bon évidemment, si la personne avec qui elle était savait rendre les choses agréables, elle ne disait pas non pour laisser son contrôle de côté et laisser la main à la personne.

Vos bras ne vous font pas trop mal ? Je ne tiens pas à ce que vous deviez vous faire opérer de là également.

« Bah disons qu’une robe c’est plus sympa à effeuiller qu’un jogging et un vieux t-shirt ! Vous voulez absolument vous enlaidir ? » Sullivan s’en amusait par avance car il imaginait bien mal Victoria en vieux vêtements de sport… à moins qu’elle ne veuille réellement l’emmerder mais dans ce cas là, il ne mettrait certainement pas de costard ou serait capable d’aller se changer en quatrième vitesse histoire d’être définitivement raccord avec elle. « Si tout va bien ? Je ne sais pas j’ai un peu les jambes qui me picotent… j’ai le droit de dire que vous me faites des p’tits frissons ? » Autant que Victoria s’y fasse, Sullivan était en mode cabotin et il ne risquait pas de changer son fusil d’épaule de si tôt. Au contraire, leur conversation légère avait tendance à démystifier sa situation actuelle et la faiblesse qu’il sentait dans ses jambes. En d’autres circonstances, probablement aurait-il hurlé face à la vive douleur qu’il ressentait tout de même dans ses membres mais là, il était devant une demoiselle, il avait donc un certain standing à respecter… « C’est moi ou vous êtes inquiète ? Naaan aucune raison de vous prendre le citron, mes bras ont vu bien pire et pour l’instant ils tiennent le choc. A votre avis, ma progression pourra être lente ou plus rapide ? J’aimerais bien penser à mon avenir pro, aussi. C’est surtout avec cette carte là que je pourrais obtenir une audience devant le juge. Mais je suppose que je ne vous apprend rien… »

Pardon ?

Elle prit un air outrée, même si elle devait avouer que l'idée de Sullivan sur le fait de l'effeuiller lui donnait des envies.

Parce que vous pensez que m'effeuiller va être simple ? Je ne suis pas une fille facile moi monsieur.

Cependant le fait qu'il parle de la sorte l'amusait fortement. Elle n'aurait jamais imaginé parler de telles choses avec le jeune homme et encore moins avec un patient.

Oh je vous fais des petits frissons. Mais je peux en faire plus si ça peut vous rendre plus à l'aise Monsieur Novak.

Un sourire amusé aux lèvres, elle garda tout de même sa prise autour du jeune homme. C'était un jeu dangereux auquel elle jouait, mais pour une fois, elle se laissait aller à s'amuser pendant une séance.

Je suis toujours inquiète pour mes patients. Je veux qu'ils aillent mieux et c'est mon boulot. Si je ne peux pas les aider, c'est que je dois arrêter ce boulot et trouver autre chose.

Ce sujet là était sérieux pour la jeune femme. Elle avait fait médecine pour aider les autres, donc interdiction de s'en amuser, mais c'est vrai qu'elle se faisait du souci pour ses patients.

Tout dépend vers quel métier vous voulez aller. Si vous n'avez pas besoin de beaucoup marcher on ira doucement. Si vous vous devez marcher toute la journée, il va falloir qu'on prévoit un planning strict. Ca permettra de vous faire faire des efforts, tout en gardant un équilibre pour votre corps. Vous devez marcher, mais pas pour autant fatiguer le reste de votre corps. Tout est à prendre en compte. Alors dites-moi quel métier vous voulez faire et je vous direz comment nous allons procéder.

Victoria allait probablement bondir en sachant quel métier il comptait faire ou plutôt reprendre… mais autant que tout le monde s’y fasse, il n’avait pas l’intention de s’arrêter de vivre et surtout pas maintenant qu’il s’était fait opérer. Sans aller jusqu’à se mettre en danger bêtement, le néo-zélandais voulait croire en cette nouvelle chance lui étant offerte en vérité. « Je ne sais pas si vous connaissez mon métier de base mais je suis soldat… et plus précisément pilote. L’armée m’a récemment recontacté pour savoir si mon état de santé pouvait faire en sorte de me permettre de bosser à nouveau, et croyez-moi, je vais faire le nécessaire. Je ne suis pas dans le genre inactif, voyez-vous ! » Il ne restait plus qu’à espérer que Victoria lui dise que c’était tout à fait possible, qu’ils allaient pouvoir mettre en place une rééducation ayant de la gueule et que sous quelques temps, il pourrait reprendre son travail sans pour autant gambader comme une gazelle. Il voulait simplement pouvoir justifier d’un travail auprès du juge en charge du dossier ouvert par sa mère… « Je préfère les femmes difficiles de toute façon, Mademoiselle Gonzalez… et vous me faites des p’tits frissons où vous voulez quand vous voulez, vous le savez ça ? » Un sourire insolent prit place contre ses lèvres alors qu’ils avaient encore manqué de choir l’un contre l’autre, à ceci près que cette fois, Sullivan s’était tourné vers elle et avait manqué de l’embrasser sans faire exprès. Comme quoi, le destin avait une fâcheuse tendance à se jouer d’eux…

Oh le choc. En effet la jeune femme l'avait entendu dire qu'il était militaire, mais elle n'aurait pas imaginé qu'il veuille repartir aussi tôt sur pied. Elle resta vraiment surprise par cette annonce. Mais, elle se reprit, ça n'était pas à elle de juger la façon de vivre du jeune homme. Il faisait ses propres choix, il était un adulte après tout.

Alors, on va travailler pour que ça soit le cas.

Qui était-elle pour lui dire qu'il ne pouvait pas faire ce genre de métier à nouveau.

Si vous me donnez les coordonnés des personnes qui vous veulent sur pied, je pourrai voir avec eux, ce qu'il vous fait exactement comme rééducation. Ca sera plus simple et au moins, vous serez sûr de pouvoir y retourner.

Même si elle, personnellement, préfèrerait qu'il reste sur la terre ferme. L'ambiance fut un peu plus détendu par les propos du jeune homme. Mais, elle fut surprise par le mouvement du jeune homme. Etant à quelques centimètres de lui, elle ne réussit pas à retenir les paroles qui sortirent de sa bouche.

Si vous retournez à l'armée, qui va s'occuper de votre fille ? Vous pourriez mourir au combat et ça serait à nouveau votre mère qui en aurez la garde.

Elle le fixait dans les yeux, mais elle voulait surtout lui dire qu'il ne pouvait pas repartir comme ça. Comment pouvait-il faire ça ? Elle savait que ça n'était pas à elle de décider, seulement, elle ne voulait pas qu'il parte comme ça, du jour au lendemain.

Après la rééducation et avant votre départ, je veux un dîner avec vous. Ca sera votre façon de me remercier pour vous avoir remit sur pied et ça sera pour moi l'occasion de vous dire au revoir.

La jeune femme se sentait mal de dire ça. Elle ne voulait pas que ça sonne dramatique, mais c'était plus fort qu'elle.

Vous devriez vous asseoir pour ne pas trop vous essouffler et prendre quelques minutes avant de recommencer.

Ca serait une façon pour elle également de se remettre de ses émotions.

« Vous faites vraiment votre métier à fond, pas vrai ? » s’amusa-t-il tout en imaginant à quel point Victoria aimait se couper en quatre pour ses patients. Sullivan n’aurait jamais pu prédire qu’elle le ferait pour lui car en toute honnêteté, il s’était comporté comme un vulgaire connard avec elle et il n’y avait guère de quoi être fier à vrai dire. Même pour quelqu’un comme lui ayant davantage l’habitude de poursuivre son petit bonhomme de chemin sans se préoccuper d’autrui, il avait fini par se rendre compte de la connerie de ses actes. Chose qui n’était pas peu dire. « Vous entendez par là que vous voulez un deuxième dîner avec moi ? Un patient vous a tapé sur la tête ou… ? » Le jeune homme éclata de rire alors que Victoria semblait désormais prendre les choses de façon extrêmement forte et bien qu’il soit tenté de s’en moquer de prime abord, il afficha bientôt un air sérieux. Elle ne plaisantait pas s’il liait bien les wagons entre eux. Sans savoir pourquoi, cette réaction aussi vive qu’étonnante le poussa à se pencher, capturant un fébrile instant les lèvres de Victoria sans même préméditer la chose. Il le voulait, c’est tout. Sans doute était-ce franchir une ligne qu’il n’était ni en droit ni en position de franchir actuellement mais il s’en moquait bien : il en avait tout bêtement envie. « Je ne suis pas encore parti vous savez, et si c’est un au revoir, ce n’est pas un adieu. Quant à ma fille, je suis en train de réfléchir mûrement à la question pour la confier à quelqu’un de confiance avec qui elle se sente à l’aise. Je ne partirais pas sans avoir résolu cette question. »

Je suis professionnelle, rien de plus. Je prend soin de mes patients, parce que je veux qu'ils aillent mieux.

Elle était comme ça et rien ni personne ne pourrait changer ça. Victoria voulait toujours aider ses patients, peu importe jusqu'où elle devait aller. Cependant, après les paroles et surtout le rire du jeune homme, elle fut touché. Mais pas d'une bonne façon. Ce fut tout le contraire, elle n'apprécia pas son rire. Elle était sérieuse sur le fait qu'elle voulait un dîner avant qu'il ne reparte à l'armée. Cependant, elle fut surprise quand il l'embrassa. Pourquoi venait-il de faire ça ?

Un adieu ? Si ça l'est. Vous repartez à l'armée, vous n'allez pas rester dans un endroit sans guerre. Alors, si ça veut dire que c'est un adieu.

Cette fois-ci, elle était remontée après lui. Non seulement par le baiser qu'elle n'arrivait pas à comprendre, mais en plus par le fait qu'il ne semblait pas comprendre la situation. Alors, au lieu de parler, elle l'amena à s'asseoir dans son fauteuil.

Vous aurez la garde de votre fille et la première chose que vous ferez, c'est la laisser à quelqu'un d'autre. Je suis sûre qu'elle en sera ravie.

L'ironie était de sortie, parce qu'elle était remontée après lui.

Vous devriez penser à ceux qui tiennent à vous avant de penser uniquement à votre petite personne.

Sullivan ne venait-il pas de l’embrasser ou avait-il la berlue ? Pourtant, Victoria, plutôt que de prendre la chose de façon positive, le poussa à s’asseoir et se lança dans une diatribe qu’il n’accueillit ni avec le sourire, ni avec une émotion particulière. Il était juste… impassible. Il analysait le moindre de ses mots et de ses mouvements, se demandant s’il n’allait pas s’en prendre une dans cinq minutes. Elle en serait capable, il n’en doutait pas ! « C’est votre truc de vous transformer en harpie quand on vous embrasse ? » lâcha-t-il sans douceur. D’accord, quand il était attaqué, il ne pouvait pas s’empêcher de rétorquer d’autant plus fort histoire de faire un exemple. Mais Victoria exagérait, elle n’était pas à sa place et ne pouvait pas savoir à quel point la pression contre les épaules de Sullivan restait forte en permanence. Vraiment, elle ne voyait qu’un côté du tableau et ce jugement qu’elle portait constamment sur sa personne en devenait fatiguant. « Ma petite personne ? Oula, que les choses soient bien claires Mademoiselle Gonzalez, vous vivez sûrement dans votre petite vie sans autres tracas que ceux que les patients vous causent, votre fille est à votre garde et vous n’avez sûrement rien à prouver… mais ce n’est pas mon cas. Je suis encore coincé dans ce foutu fauteuil de merde et pourtant je fais enfin des efforts pour m’en sortir. J’ai l’intention de redécrocher un job parce qu’il n’y a que comme ça que je pourrais arracher ma fille aux griffes de ma mère et qu’est-ce que vous me balancez ? Que je ne pense qu’à ma petite personne ? Mais vous débloquez ! Obtenez d’abord tous les tenants et les aboutissants avant de juger parce que ça devient fatiguant à la longue. Surtout que je ne vois pas pourquoi ça vous touche autant, je ne suis qu’un patient insupportable parmi tant d’autres, pas vrai ? » Sullivan n’allait pas fuir. Il la regardait sans la lâcher des yeux et attendant qu’elle prenne à son tour ses responsabilités… si toutefois elle en était capable.

Fermant les yeux aux paroles du jeune homme, elle soupira. Non, en temps normal, elle l’aurait embrassé, seulement ce qu’il avait dit n’allait pas. Ouvrant les yeux, elle fixa le jeune homme, écoutant alors ce qu’il disait. Seulement plus il parlait et plus elle sentait la colère monter en elle. Pourquoi ? Elle n’en savait trop rien, c’était juste là, en elle et finalement, elle laissa tout échapper.

Mais non, justement vous n’êtes pas qu’un simple patient espèce d’idiot.

C’était sortit tout seul, elle n’avait pas pû retenir ses paroles.

Vous dites penser à votre fille en faisant tout pour la récupérer, ce qui est génial pour vous deux. Seulement, vous ne pensez pas à elle avec ce boulot. Prenez un travail qui vous fait rester à terre, auprès d’elle et en vie. Oui, ma fille est tout pour moi et je me suis battu face à son père pour en avoir la garde. Vous ne savez pas ce que j’ai vécu, alors on va en restez là sur ce sujet.

En effet, son ex était véritablement son pire cauchemar. Elle n’était pas du genre à avoir froid aux yeux, mais lui arrivait à la faire douter, sentiment qu’elle n’aimait pas du tout ressentir, surtout à cause de lui.

Vous êtes militaire, je comprend que vous vouliez servir votre pays, mais rester à terre. Restez près d’elle.

Ca avait faillit être dit, elle avait faillit lui dire qu’il devait aussi penser à elle. Il ne comprendrait sûrement pas pourquoi, alors elle décida d’agir cette fois-ci. Elle s’avança vers son patient, venant s’asseoir sur ses genoux, pour l’embrasser. Elle savait qu’il pouvait la repousser et il le comprendrait parfaitement après ce qui venait de se passer. Seulement, elle passa ses bras autour du cou du jeune homme et recula légèrement son visage.

Non, vous n’êtes pas qu’un simple patient à mes yeux.

C’était dit, seulement, elle attendait sa réaction. Victoria avait perdue une certaine confiance en elle à cause de son ex. Du coup, elle pensait que Sullivan allait la virer de ses genoux pour partir et ne plus jamais revenir. Elle attendit donc la sentence sans bouger, ne faisant que le fixer dans les yeux.

Sullivan ne fit que se renfrogner davantage alors que Victoria le traitait d’idiot. Il était presque prêt à lui rétorquer quelque chose de peu sympathique mais se retint à la dernière minute, conscient qu’il n’arrangerait sûrement pas son cas en faisant cela et qu’elle risquait de ne l’emmerder que d’autant plus derrière. Effectivement, le néo-zélandais ne connaissait pas le passé de la kiné mais elle l’avait cherché, elle l’avait trouvé. Sullivan ne tendait pas l’autre joue avec docilité une fois blessé, il répliquait au centuple pour bien assurer son adversaire de joute verbale qu’il ne se laisserait pas piétiner aussi facilement. C’était sa seule façon d’exister depuis qu’il avait perdu l’usage de ses jambes, hélas… avoir une grande gueule ! « Je suis pas du genre à tendre l’autre joue quand on m’agresse, surtout quand j’essaye de faire un effort ! » maugréa-t-il sans même imaginer une seconde que Victoria allait s’agenouiller soudainement pour mieux l’embrasser. Pendant quelques secondes, Sullivan demeura aussi impassible que du marbre, toujours bloqué par les précédentes paroles de la demoiselle qui tournait dans sa tête et ce n’est qu’à la touche fin du baiser qu’il émit un tout petit semblant de réaction. Mais en même temps, à quoi s’attendait-elle d’autre après avoir été odieuse ? « Je ne suis pas un patient alors je suis quoi, hein ? Tu dis qu’il faut que je prenne mes responsabilités mais tu éludes la question et tu souffles le chaud et le froid… je suis paumé ! Voilà ! »

Faire un effort ? La jeune femme soupira. Oui, il tentait de retrouver l’usage de ses jambes, il voulait bien faire pour récupérer sa fille. Seulement, pour la jeune femme ça n’était pas une bonne chose. Enfin, ce qui ne l’était pas était la partie de retourner à l’armée. Même s’il trouvait quelqu’un de confiance à qui confier sa fille. Il ne pouvait à nouveau l’abandonner. Parce qu’en effet, pour Victoria, ça serait abandonné la pauvre Lou. S’il voulait être un bon père, il devait rester en vie et sur terre. D’accord, être militaire est quelque chose qui ne s’oublie pas du jour au lendemain. Il voulait servir son pays d’accord, mais il devait penser autrement.

Donc si vous mourrez au combat, qui va s’occuper de Lou ? Votre mère ?

Il savait que dire une telle chose allait l’énerver, mais elle voulait juste lui faire comprendre son point de vue. Lou ne pouvait pas perdre son père si c’était pour retourner avec celle qui les avait séparés. Cependant, la jeune femme décida d’y aller plus en douceur et embrassa son patient.

Moi aussi je le suis. Je n’ai jamais été comme ça avec un patient. Tu en as de la chance hein ?

Soupirant, elle se passa une main sur le visage. Elle devait se calmer avant tout, mais elle était perdue, tout comme lui.

Je veux juste que ta fille et toi soyez enfin réunit, mais pas uniquement pour quelques jours.

Seulement, elle savait que ça ne répondait pas à ce que Sullivan avait dit juste avant.

Tu es pour moi plus qu’un patient. Je ressens des choses que je n’avais pas ressentit depuis très longtemps et je ne suis pas certaine de savoir comment les qualifier.

Haussant les épaules, elle regarda le jeune homme.

Si le dîner tient toujours, on pourra en discuter.

Elle savait que c’était beaucoup demandé après ce qui venait de se passer, seulement, elle ne voyait pas comment faire autrement.

Mais toi, pourquoi m’avoir embrassé ?

Est-ce qu’il ressentait vraiment la même chose qu’elle ?

La situation de Sullivan avait n’était pas simple, il ne fallait pas l’oublier. Victoria pouvait sûrement comprendre dans un sens puisqu’elle côtoyait des gens en difficulté à longueur d’année. Était-ce trop demander que d’ouvrir les yeux sans se mettre stupidement des œillères ? Il faut croire ! Voilà pourquoi le néo-zélandais enchaîna les soupirs jusqu’à ce que la jeune femme n’admette ce qui crevait pourtant aux yeux : manifestement, non seulement il la faisait sortir de ses gongs mais il lui évoquait autre chose qu’une simple sympathie logique entre patient et médecin. La donne lui fit légèrement pencher la tête sur le côté, sans qu’il n’ose bien évidemment en sourire : il attendait la suite. « Je n’ai qu’une parole, je pensais te l’avoir déjà prouvé. Lorsque ma parole est donnée, elle est donnée alors bien sûr que notre dîner tient toujours. C’est toi qui t’es mise en colère j’te signale, je n’ai fait que me défendre pour une fois ! » Cela ne l’excluait pas de ses autres accès de colère, ou même de son côté salopard sur le retour mais il ne voulait pas pour autant que la demoiselle le considère comme un bouffon. Il n’avait pas envie d’être moqué ou pris pour un con, au contraire. « Je t’ai embrassé parce que sur le moment, ça m’a parut être une idée » commença-t-il, sans pour autant la lâcher du regard. L’envie de lui faire payer son excès de caractère lui traversa l’esprit, mais contre toute attente, il se ravisa au dernier moment. « Je n’aurais pas fait en sorte que tu sois ma kiné si tu ne me plaisais pas. »

Je sais, mais tu aurais pû refuser de dîner avec moi après … tout ça.

Elle avait levé les bras, pour lui parler de tout ce qui venait d’être dit. Soupirant doucement, elle l’écouta parler du baiser et elle ne dit rien à ce sujet. Sur l’instant, il avait voulu le faire et il l’avait fait. Mais apparemment pour lui ça n’avait pas d’autre signification, ce qui la chagrina un peu, mais elle n’en dit rien. A ses propos suivants, elle leva la tête vivement vers lui. Ca, elle ne l’avait pas vu venir et elle devait avouer qu’elle était perturbée par la chose.

Oh !

Ce fut la seule chose qu’elle parvint à dire. Cependant, elle se sentit mal à l’aise et il devait le voir, mais elle se racla la gorge pour tenter de reprendre une certaine contenance.

Donc est-ce que le dîner se fera à une date précise ?

Elle le voulait ce soir, au vu de la conversation actuelle, mais elle savait aussi qu’il avait d’autres choses en tête, donc elle pouvait comprendre qu’il préfère attendre. De plus, peut-être qu’il préférait avant tout se consacrer à sa fille et elle comprendrait également.

Je ne veux rien imposer, mais au vu de mon lourd emploi du temps, je préfère prévoir.

Comme si Sullivan n’avait pas comprit qu’elle voulait dîner avec lui au plus tôt. Quoi qu’elle ne voulait pas lui dire par là qu’elle voulait aller plus loin. Pas pour l’instant. Enfin, peut-être que ça serait le cas si ça devait se passer. Mais elle voulait surtout dîner avec lui, pour pouvoir parler et savoir d’autres choses que ce qu’elle savait déjà de lui.