Un AMANT. Sullivan ne s’en remettait toujours pas. Dillon avait eut beau lui faire la leçon, lui expliquer qu’il était en train de passer à côté de sa femme et qu’il ferait mieux de remuer son cul, le néo-zélandais ne parvenait pas à passer outre la colère sourde qui bouillait dans ses veines. Il avait hautement préféré ne pas s’exprimer sur le sujet – du moins pour l’instant – s’enterrant ainsi dans un silence quasi parfait dont il ne sortait pas, surtout devant Seraphina. Il lui fallait du temps pour digérer l’information et ainsi être capable de tenir une conversation adulte avec sa femme, sans cri ni mots qui dépasseraient sa pensée. Mais ce jour là, alors qu’il avait l’impression que cela faisait une éternité qu’elle avait quitté le domicile conjugal, il finit par passer purement et simplement outre sa colère pour la chercher, elle, la femme de ses rêves qui hantait la moindre de ses pensées et qui lui manquait atrocement… oui, elle lui manquait. Il lui fallait la confronter au plus vite pour savoir de quoi il en retournait exactement, tant et si bien qu’une fois encore, c’est de Dillon qu’il eut l’information : salle de danse. Logique. Sans plus réfléchir, Sullivan s’élança au devant de sa destinée, n’hésitant pas à apparaître torse et pieds nus devant sa femme qui peinait manifestement à s’entraîner. Il la trouvait amaigrie, fatiguée, et ce fut sûrement ce qui le retint d’engager immédiatement la conversation. A la place, il tendit la main une fois extrêmement proche d’elle, jusqu’à être en mesure d’humer son odeur si enivrante… « M’accorderais-tu cette danse ? » lança-t-il, prêt à essuyer un refus. Il avait même mis de la musique dans la salle, celle d’une valse à trois temps, danse qu’ils n’avaient jamais encore expérimentée ensemble. C’était l’occasion… « Fais-moi cet honneur » renchérit-il tout en sachant qu’ensuite, il tâcherait de museler sa connerie et sa colère en récompense, afin qu’ils puissent se parler… à cœur ouvert.

Par chance, Seraphina ne repoussa pas sa proposition et alla même jusqu’à accepter cette fameuse danse, cette valse salvatrice qui réchauffait autant le cœur de la rouquine que celui du néo-zélandais. Ce moment fut hélas de courte durée, et il n’était qu’à peine nécessaire de dire à quel point voir Sera pleurer lui fendait le palpitant. Il essuya sa larme d’un revers du pouce, s’éloignant de quelques millimètres face à la question qu’elle venait juste de lui poser. Finalement, leur discussion n’aurait pas tarder à venir sur le devant de la scène, contrastant avec la légèreté de cette valse à laquelle ils s’étaient mutuellement adonnés de tout leur cœur. « Je n’ai jamais dit que je ne t’aimais plus Sera. J’ai gardé le silence pour éviter de m’énerver contre toi et de dire des choses qui auraient dépassé assurément ma pensée. Je suis resté distant, dans mon coin, car il fallait que je réfléchisse, que je pense à cette situation la tête froide sans me laisser parasiter par cette colère qui grondait en moi. » Ses explications seraient sûrement une bien maigre consolation pour l’américaine mais c’était en soi un début qu’il fallait accueillir en attendant la suite. Sullivan n’avait plus l’intention de la laisser sans explication aucune, ou même de la laisser tout court. « Ton départ de la maison m’a fait réfléchir sur ma connerie. Je ne me détache pas de mes responsabilités mais du fond de mon cœur j’ai réellement cru que tu avais un amant. Tu sais, ce type avec qui tu danses, dont tu me parles continuellement, j’ai vu le regard qu’il posait sur toi, cette façon qu’il avait de remettre en place une mèche de tes cheveux, cette manière qu’il avait de te faire rire. Je me suis mis à bouillir et je n’ai pas eu la force de te confronter. Je ne veux pas te perdre et pourtant, je me rends bien compte que j’ai tout fait pour te repousser afin de me protéger… j’espère que tu vas me pardonner ma question par avance, mais il faut que je la pose : se passe-t-il quelque chose entre ce type et toi ? » Son ton était teinté d’émotion, à l’image de la souffrance insupportable qu’il avait infligé autant à Sera qu’à lui-même… un lamentable gâchis.

C’était la première fois que l’on giflait Sullivan. Une première fois douloureuse, à la fois pour son cœur mais aussi pour son égo, bigre… toutefois il se garda bien d’en faire mention, n’ayant aucune espèce d’envie que Seraphina n’ait l’envie de recommencer. Surtout qu’il n’estimait pas ne pas l’avoir mérité, bien au contraire, il avait pleinement conscience de s’être comporté comme un con, au même titre que son meilleur pote, d’ailleurs. Aucun pour relever l’autre ! « Avoir un amant n’est pas forcément aimer quelqu’un d’autre, Sera ! Mais je suis très bien placé pour savoir que les hommes sont des animaux et qu’une jolie fille, c’est attrayant… et franchement, ce type ne te regardait pas avec les yeux d’un ami ! Je t’avais déjà dit que j’étais quelqu’un de jaloux, au même titre que tu aurais dézingué la première fille qui aurait joué du cil devant moi et je ne t’en aurais pas blâmée pour ça vu que je suis pareil ! Ceci dit ça ne m’absout pas de mes autres erreurs, notamment vis-à-vis de mon silence » reprit-il avec autant de calme qu’il le pouvait, tout en mettant en avant que malgré sa bourde, son silence n’était pas fondé que sur du vent et bien qu’il l’ait malheureusement punie elle, ce n’était pas fondamentalement après elle qu’il en avait mais ce sale type. Diable qu’il avait envie de lui refaire le portrait façon puzzle… « Apparemment j’ai pensé à tort et je t’en demande pardon » siffla-t-il entre ses dents même si demander pardon lui coûtait, lui, le militaire sans peur et sans reproche, plein de fierté et d’orgueil. Il n’avait été qu’un con et il n’osait pas vraiment fait un pas vers Sera pour la prendre dans ses bras. « Je peux approcher ou tu vas me casser la tête ? »

« Je ne t’ai pas dit de ne plus le fréquenter » reprit-il aussitôt car malgré son tempérament de merde, Sullivan savait raison garder. Il ne voulait pas la pousser à ne plus le fréquenter du tout, juste à être plus prudente, à ouvrir constamment les yeux et les oreilles pour se rendre compte du comportement des gens. Il n’avait aucune envie qu’un jour quelque chose de grave n’arrive ou qu’un homme vienne à abuser d’elle sous le fallacieux prétexte qu’elle le considérait comme un ami. « Je veux juste que tu sois plus vigilante Sera, et je ne plaisante pas. Vu que c’est ton partenaire de danse et que tu t’entends bien avec lui je n’y vois pas d’inconvénient, mais compte sur moi pour aller lui expliquer soigneusement la vie avant votre prochaine répétition. Ne t’inquiètes pas, je n’userai que de mots, je ne m’appelle pas Sergeï ou Gabriel ! » Mais Sullivan, sans être parano, était habitué à regarder le comportement des gens et pour cause, il n’était pas pour rien au poste étant le sien, et surtout au service du Président des USA. Mais là n’était pas la question, pas alors qu’il la voyait lever sur lui un petit regard nettement plus étincelant, tandis qu’il la serrait contre lui en caressant délicatement ses cheveux. « Tu n’as pas d’expérience et moi, j’avais perdu l’habitude d’être jaloux. Il ne faut pas croire, j’ai pas mal à réapprendre et ce qu’il faut savoir, c’est que je me renferme souvent sur moi-même pour éviter d’être blessant… je n’avais pas envie que ça fasse comme avec ma sœur, et qu’on se fasse la gueule pendant des mois. » Ce n’était pas la méthode du siècle mais il n’avait jamais prétendu être parfait non plus ! « Tu peux parler à des hommes ça va, sinon tu risques d’avoir du mal à saluer les maris de tes potesses chérie ! » se permit-il d’ironiser histoire de relâcher un brin la pression.

Même s’il ne le dévoilait pas à voix haute, Sullivan se sentait à nouveau entier maintenant que Sera se trouvait à nouveau dans ses bras et qu’elle l’embrassait comme elle l’avait fait tant de fois auparavant. « Je n’ai jamais dit que j’avais un tempérament facile mais soit, j’oublierai de passer par la case silence et j’opterai pour l’affrontement mais j’ose espérer que tu ne te formaliseras pas trop de ma colère, car celle-ci peut être extrêmement blessante. Je ne contrôle pas toujours mes mots, à l’image du fait que je dois sans arrêt me contrôler à l’état major, même face à des trous du cul comme Fraser. Je me relâche dans mon environnement personnel et à force de ne pas vouloir blesser autrui, je fais l’inverse de ce que j’escomptais au départ. » Sullivan se passa machinalement une main dans sa chevelure, non pas parce qu’il voulait la remettre en place mais bien parce qu’il était nerveux. Toute cette situation lui avait apporté un degré de nervosité encore jamais égalé, tant et si bien qu’il sentait l’épuisement le gagner à son tour, au même titre que Sera. Comment fermer l’œil alors que vous savez la femme de vos rêves en dehors du domicile conjugal ? Impossible ! « En même temps je pense que tes amies ne seraient pas d’accord, et moi non plus, du reste ! » protesta-t-il juste avant que sa rouquine unique et préférée ne lui fasse une proposition des plus alléchantes, à laquelle il ne pouvait évidemment pas apporter une réponse négative et qui l’étonnait tout en même temps. « Je me doute bien que ça coince, tu n’es pas quelqu’un qui s’épanche facilement avec n’importe qui… je me vois mal te refuser la chose mais tu ne verras pas d’inconvénient à ce que je pose une petite condition : reviens à la maison Sera. Je suis fatigué de mes nuits blanches à t’imaginer ailleurs que dans mes bras. »