Si aujourd'hui Zoé n'avait pas été aussi efficace que d'habitude à l'hôpital, c'était sans doute parce que son moral ne suivait pas. Elle était plus que perturbée, sentimentalement parlant. Et l'objet de la bataille nucléaire qui se produisait avait pour prénom Lukaël. Lui était plus jeune qu’elle, d’un peu plus de deux ans, même si mentalement cela ne se voyait pas du tout. Zoé le trouverait d’ailleurs très mature, bien plus que ceux de son âge qu’elle côtoyait, si ce n'est son jumeau et son meilleur ami, évidemment. Grande fut donc sa surprise quand elle apprit son âge. Depuis, Zoé était butée et n’aimait pas vraiment l’idée d’être avec un homme plus jeune qu’elle, si bien qu’elle refusait difficilement mais catégoriquement ses avances, qui se faisaient de plus en plus insistantes. Insistantes en ce sens que son prétendant ne lâchait pas prise, il s’accrochait et secrètement, Zoé en était terriblement flattée. Elle s’était terriblement intéressée à lui depuis leur rencontre mais les choses ne pouvaient plus durer, cette situation commençait à la rendre dingue, au point d’influer négativement sur sa carrière professionnelle, et cela était intolérable pour la chirurgienne en herbe. Mais voilà, un attachement plus ou moins important s'était installé au détriment du côté fleur bleue de la belle britannique. Elle n'avait pas vraiment eu énormément de chance en amour, puisque cela n'avait jamais vécu que de furtives passions, et aimerait vraiment passer à un stade supérieur. Chose que Nathan semblait parfaitement comprendre, au regard de sa propre situation. Evidemment qu'il comprenait, qu'il la comprenait : ils se connaissaient depuis tellement longtemps qu'à n'importe quel moment important de sa vie, Zoé ressentait en elle un besoin inévitable d'avoir l'avis, le conseil de son meilleur ami. Bien sûr, ils ne se voyaient pas autant qu'ils le souhaiteraient -vies professionnelles obligent- mais cela ne changeait rien à leur relation. Une relation vouait à un long avenir, parsemée de petites soirées comme celle qui se préparait actuellement.

Dissipée et l'esprit ailleurs, Zoé avait eu l'autorisation -ou plutôt la recommandation- de rentrer plus tôt chez elle. Quittant lentement l'hôpital, toujours perdue dans ses pensées, elle s'était même perdue dans un quartier parallèle au sien, sans s'en rendre compte. Il était temps, vraiment, de mettre au clair certains points de sa vie. Et comme s'il l'avait ressenti, Nathan lui demanda des nouvelles par message, auxquelles elle répondit aussitôt en y joignant une invitation à passer la soirée dans son cocon d'appartement. Une soirée des plus simples, à boire un verre de vin les pieds sur un tapis moderne et moelleux devant la cheminée ; c'était presque un rituel, quand ils se voyaient, d'avoir une bonne bouteille de vin. Pour son pouvoir désinhibant ? Même pas, ils n'avaient pas besoin de ça entre eux pour parler de tout et de rien. Il s'agissait simplement ici d'un petit plaisir nostalgique des vignes européennes et plus précisément, des cépages français dont ils raffolaient. C'est donc tout naturellement que Zoé déposa sur sa table basse deux grands verres à vin, quelques amuse-bouche et pria Oscar de ne pas y toucher (grand défi). Alors qu'elle allumait quelques bougies pour apporter à son appartement un côté d'autant plus chaleureux, son meilleur ami toqua à la porte. Elle jeta un regard aussi menaçant que drôle à Oscar, en le pointant du doigt : « Pas de bêtises. » dit-elle avant de se diriger vers la porte, qu'elle ouvrit. « Tu ne peux pas imaginer comme ça me fait plaisir de te voir. » avoua-t-elle en le prenant dans ses bras, avant de l'inviter à entrer. La soirée s'annonçait bien meilleure qu'elle ne l'aurait imaginé en sortant de son lieu de travail, quelques heures auparavant.

« Wow…je suis accueilli comme un prince ! » dit-il avant d'ajouter d'un air ironiquement dédaigneux que c'était normal, puisqu'il en était un. Zoé laissa échapper de sa gorge un rire des plus sincères : elle n'avait pas éprouvé de joie depuis bien trop longtemps, pour l'éternelle optimiste qu'elle avait l'habitude d'être. Excepté son frère jumeau, Zoé avait beaucoup d'amis mais peu à qui elle vouait une confiance absolument aveugle. A vrai dire, il y avait Nathan, celui qu'elle connaissait presque depuis ses premières années scolaires. Par chance, elle n'avait jamais perdu cette amitié si chère à ses yeux, au contraire de celle qu'elle avait noué avec une certaine Ophélie, française de souche. Rencontrée à l'époque du lycée, elle l'avait aidée à sortir d'une période noire dans laquelle elle s'était tristement engouffrée. Nouant entre elles une complicité sans failles, la déception fut terriblement grande quand la vie -et une broutille- les sépara. Quelques années avaient passées sans qu'elles ne s'adressent aucun mot, chacune de son côté regrettant amèrement que la situation ait dérivé à ce point. Puis, récemment, alors que la nostalgie avait gagné Zoé, elle eut enfin le courage de lui avouer tout ce qui lui pesait sur le coeur. Un aveu qui fut aussi encore mieux accueilli qu'elle n'aurait pu l'imaginer, car Ophélie ressentait le même regret dans son intensité la plus profonde. L'amitié et la complicité d'antan était en passe de se reformer, comme au bon vieux temps ; elle débarquerait dans sa ville d'ici peu et les retrouvailles promettaient d'être formidablement épiques. Le duo se reformerait ! Et question duo, celui que Zoé formait solidement avec son meilleur ami Nathan ne vacillait jamais. Une fois de plus, chacun d'eux avait répondu présent à l'invitation de l'autre : une façon de se prouver que malgré leurs vies privées et professionnelles respectives, leur amitié tenait bon. « Pas de manières chez moi, Petit Prince de Lux ! » Zoé faisait ici référence à une blague puérile qu'elle lui avait fait au moment de Noël, dans un rayon de jouets, et qui l'avait plutôt mis mal à l'aise. Le voir gêné l'a faisait toujours autant rire, car elle savait que c'était une manie qu'il avait malgré lui acquis de par son statut princier. Un statut particulier dont il ne prenait évidemment jamais compte lorsqu'il était avec la belle blonde. Elle ne l'avait jamais choisi en tant que "prince de" et qu'il soit de ce rang ou d'un autre lui importait peu. Tant qu'il appréciait le bon vin !

C'est donc tout naturellement que Zoé lui fit signe en direction du salon, et plus précisément du canapé. Elle accrocha sa veste sur un porte manteau prévu à cet effet, et s'assit sur les coussins moelleux de son sofa, les jambes croisées. Elle adoptait fréquemment cette position du tailleur et cela lui donnait malgré elle, une attitude assez enfantine et particulièrement avare de potins en tous genre. Impatiente d'entamer la discussion avec Nathan, elle poussa Oscar qui s'approchait dangereusement des quelques toasts qu'elle avait soigneusement préparé et prit la bouteille de vin rouge. « Tu verras, il est excellent. » Elle fit couler quelques centilitres de l'élixir des rois dans deux grands verres à pied. « Bien et toi ?! » dit-elle machinalement, comme pour couper court à toute conversation. Mais son meilleur ami n'était pas dupe et il ne croierait pas une seule seconde à ce manège. « Enfin, pas vraiment non. En fait c'est même vraiment le bordel dans ma vie en ce moment. » reprit-elle aussitôt d'un air dépassé, avant de tendre son verre à Nathan et de lever le sien dans le but de trinquer à leur petite soirée. « À la notre. » Cela paraissait, de par les circonstances, sans grande conviction - mais cela résonnait dans la tête de Zoé comme le meilleur souhait qu'on aurait pu lui accorder.

Avouer que c'était le bordel dans sa tête était peu dire. Cela faisait des semaines que le flou l'avait envahie, hésitant pertinemment entre se laisser faire et accepter des avances insistantes d'un homme plus jeune qu'elle, ou remballer ce côté irresponsable pour revenir à la fougue qu'elle éprouvait pour un beau Neo-zélandais, qu'elle était en passe de retrouver. C'était quelque chose de bien compliqué pour la belle britannique, actuellement frappée d'un romantisme exacerbé, de prendre une décision des plus sages. Alors si opter pour l'harmonie que Zoé avait toujours ressenti, du moins depuis cet été deux mille dix, pour Aeden était la meilleure solution... Il fallait qu'elle pèse le pour et le contre. Comment avouer à cet homme, ami de longue date, qu'elle ressentait plus que cela ? Peu aisée était la chose et pour faciliter leur relation ; elle s'était promis de garder tout cela pour elle, de lui cacher. Puisqu'entre le mensonge et la vérité absolue, il y a le sens des convenances. Devenir adulte est savoir en faire la distinction, et il était ainsi plus convenable que la jeune femme renonce à une chose à laquelle elle tenait vraiment, en espérant que la vie la remerciera d'avoir fait un choix aussi altruiste. Choix qui n'avait toutefois pas encore été mis en oeuvre, étant donné qu'un petit jeune de Pretoria lui avait mis le grappin dessus.
« Bon allez, raconte-moi…qu’est-ce qui se passe ? » Nathan me regardait avec insistance. De toute évidence, il ne bougerait pas d'ici avant d'avoir compris ce qui taraudait sa meilleure amie. Cela était tout à fait compréhensible, étant donné le comportement bien moins optimiste qu'elle avait face à lui. « Ta vie est un bordel à quel niveau ? Boulot ? Amour… ? » Quelque chose clochait dans la vie de son amie, il le savait, elle ne pourrait plus y échapper. Autant briser la glace et vider son sac, surtout qu'au final, elle en serait très certainement soulagée et ne pouvait que gagner au change. « Amour, sans la moindre hésitation. Et le pire, c'est que ça empiète sur mon boulot. C'est compliqué, mais tu m'as demandé, alors ne t'étonne pas si j'entame un monologue, tu l'auras voulu ! Voilà : quand j'étais en vacances en Nouvelle Zélande, j'ai rencontré un mec. Je ne sais plus si je t'en avais parlé.. on a passé tout l'été ensemble, et .. enfin je te passe les détails. On s'entendait vraiment à merveille, si bien que je lui ai lancé le défi débile de traverser le monde pour me raccompagner à New York. Il l'a relevé ce fou ! » à cet instant, Zoé roula des yeux et rigola devant ce souvenir. « Enfin bref. Il est reparti il y a plusieurs semaines, à Wellington, pour formaliser son déménagement en Amérique. Il devrait revenir d'ici quelques jours, j'en ai le coeur qui palpite.. Mais c'est là qu'arrive le problème. Un problème portant le nom de Lukaël. Ce mec est un petit jeune, il me veut à ses côtés et se montre particulièrement déterminé. Jusqu'ici, je n'aurais jamais craqué, mais.. tu sais comme au fond je suis fleur bleue et.. il est vraiment adorable avec moi. Maintenant, est-ce que je mise sur Lukaël malgré mes réticences et en me basant sur la stabilité qu'il semble pouvoir être en mesure de m'offrir ? Ou est-ce que je garde mon mal en patience, et je risque de faire un aveu à un amour de vacances, qui ne sera peut-être pas partagé ? » Zoé prit une profonde respiration et regarda Nathan. Le pauvre, il l'avait écouté attentivement, pendant tout ce temps, sans broncher. C'était vraiment un ami en or, qui, malgré la situation teintée d'une certaine futilité, le conseillerait sérieusement. Et pourtant, Zoé savait pertinemment que ses soucis étaient réellement dérisoires à côté de l'histoire d'amour que vivait Nathan avec Apollinaria depuis des années. Seulement voilà, Zoé était tiraillée entre deux hommes et la seule personne digne de confiance à laquelle elle pouvait se confier était un troisième homme, et pas n'importe qui : un Prince ! Il devait bien maîtriser le sujet !

Zoé prit un petit toast et le porta à sa bouche, avant de reprendre une gorgée du vin rouge. L'espace d'un quart de seconde, elle imagina que ce liquide était un élixir d'amour qui lui apporterait toutes les réponses possibles. Elle prononcerait ses quelques mots : « ô toi Vénus, déesse de l’amour, guide moi vers l’homme qui me correspondra et m'aimera pour toujours. Et fais en sorte qu'il soit canon ! », boirait l'élixir et hop! Son esprit serait aussi limpide que de l'eau claire, et elle connaitrait enfin qui des deux hommes serait le bon, encore faut-il qu'il y en ait un. Mais trêve de plaisanterie, pour une fois, Zoé voulait obtenir l'aide de Nathan pour une histoire amoureuse, et il remplirait très bien le contrat. Elle en était persuadée, après tout, il devait maître dans le jeu de l'amour et du hasard.

Voilà. Elle avait tout avouer à son meilleur ami, tout ce qui lui pesait sur le coeur depuis des semaines. Elle n'avait trouvé personne à qui réellement se confier. Quelques années auparavant, son choix se serait sans nul doute penché sur la petite française chez elle avait l'habitude d'aller quelques week ends par-ci, par là. Elle s'appelait Alizée et elle avait le don de réfléchir un peu trop à tout ce qu'elle entreprenait. Cependant, tandis que Zoé lui apportait, à l'image également de son petit ami, de l'impulsivité et un côté extraverti qu'elle n'avait qu'avec eux, elle conseillait la belle britannique de passage à Paris dans ses choix sentimentaux. Elle s'était révélée être une psychologue avertie, elle qui ne cessait de recevoir des appels de sa meilleure amie, en proie aux doutes et aux demandes particulièrement incessantes de nombreux garçons. Une chose était sûre : Alizée savait comment porter une oreille attentive à ses amis, et ils lui rendaient aussi bien, si ce n'est mieux, qu'elle n'aurait jamais osé l'espérer.
Toujours est-il qu'en ce jour, elle avait une autre personne à ses côtés qui avait la grande qualité d'être digne de confiance. Lui, Nathan, qui se tenait là à l'écouter raconter ses problèmes de coeur. Zoé avait la désagréable sensation d'avoir passé des jours entiers à ne faire que se plaindre. Une chose qu'elle avait en horreur. Habituellement, elle disait à ces personnes aux mines déconfites qu'il y avait bien trop de choses avec lesquelles nous pouvions nous réjouir dans la vie pour avoir de la peine. Mais aujourd'hui, l'affirmation n'était plus aussi vraie. Aussi, quand elle termina son monologue, elle fut heureuse de voir que son ami lui porte l'attention dont elle avait réellement besoin. « On peut dire que tu es vraiment dans une situation compliquée ! » Ou peut-être pas ! Zoé laissa néanmoins s'échapper un petit sourire. Une situation compliquée ? C'était, à peu de choses près, exactement ça. Zoé esquissa de nouveau un rictus lorsque Nathan la prévint qu'il allait lui donner son avis, mais que ce n'était pas forcément le bon étant donné l'acharnement du destin dont il avait déjà été victime dans le domaine. La Britannique roula des yeux, et refronça les sourcils, sérieuse et attentive à ce qu'il s'apprêtait à répondre. « Si j’étais toi, je prenais l’amour de vacances. Je ne connais pas toute l’histoire, mais d’après ce que tu m’as dit, il est venu jusqu’en Amérique, c’est une belle preuve d’amour non ? Surtout qu’il veut venir vivre ici ! Et tu as l’air d’être beaucoup plus attachée à lui qu’à Lukaël. » C'était vrai. « Si tu choisis Lukaël, c’est pour la « sécurité » de sa stabilité et la stabilité ne veut pas forcément dire que tu te sentiras mieux avec lui… ce qui compte, c’est que tu choisisses celui qui te fait te sentir le mieux… et vu comment tu m’as raconté les choses, tu avais l’air beaucoup mieux avec ton « amour de vacances » qui pourrait très bien devenir un amour de tous les jours… en général, les amours de vacances sont des coups de foudre, et je pense qu’il n’y a rien de mieux dans une relation que d’avoir eu le coup de foudre pour son partenaire… » Une fois encore, c'était vrai. Nathan connaissait si bien sa meilleure amie qu'il savait mieux qu'elle ce qu'elle ressentait, au fond d'elle, mais qu'elle se refusait peut-être à s'avouer. Gênée qu'il ait aussi vite lu en elle, Zoé prit son verre et but une gorgée pour détourner un peu l'attention. Evidemment, c'était peine perdue. « Quoique tu en penses, avec moi, tu es toujours de très bon conseil. » finit-elle simplement par avouer, avant qu'il enchaine sur une proposition étonnante. « Ferme les yeux, et réfléchis un instant. A qui penses-tu le premier quand tu te réveilles le matin ? » Zoé, agréablement surprise, se prêta au jeu. « Toi, évidemment. » Léger rire, histoire de se détendre un peu. Sérieusement, Zoé n'eut pas à réfléchir longtemps avant de le regarder dans les yeux, un sourire radieux aux lèvres. « Je pense que tu as deviné. » avoua-t-elle d'un air malicieux, avant de sentir quelque chose de froid sur son pied. Ce n'était que la truffe d'Oscar, qui venait sûrement lui prouver son soutien ! Elle mit tendrement ses mains de part et d'autre de sa tête, l'ébouriffa en souriant. « Oh mon Oscar tu sais quoi ? Parrain Nanath m'a soulagé la conscience ! » Nanath, elle savait qu'il détestait ce surnom et ce, même si c'était une blague de Zoé qui ne sortirait jamais autre part que devant son adorable chiot. Zoé semblait avoir, en une simple et courte discussion, retrouvé son éternel optimisme. Certes, elle ne ferait plus du tout la fière devant ses deux prétendants, mais au moins, elle se sentait mieux et cela se constatait au premier regard. « Je pense vraiment qu'Aeden est un mec bien, tu sais. J'aimerais tellement que ça fonctionne et.. que tu le rencontres aussi ! Parce que, c'est pas une déclaration mais.. Oscar, Edwin et toi êtes les seuls hommes de ma vie pour le moment. » Cela pourrait sonner d'une manière ironique, mais au fond, même si l'énumération n'était pas forcément dans l'ordre des choses, c'était vrai. Et si elle-même se sentait prête à accueillir un nouvel homme dans sa vie, ce serait vraiment génial qu'il plaise notamment à son meilleur ami. Ce serait vraiment, vraiment le comble.

L'air d'une gogole ? Comment ça une gogole ? Si Zoé avait été de nature susceptible à l'extrême et que ce n'était les paroles que d'une vieille folle hautaine, elle n'aurait pas hésité une seule seconde à lui faire comprendre qu'effectivement, elle pouvait être bien plus que gogole. Mais venant de son meilleur ami, cela résonnait comme une vérité vraie. Zoé roula des yeux en riant, c'était véridique : elle venait de parler à ce petit chiot d'une manière quelque peu.. attardée. La situation se révélait d'autant plus comique qu'elle avait même pris l'habitude de lui parler de cette façon, en l'absence de toute autre personne éventuelle.

Prenant d'une main une olive farcie au piment, Zoé écoutait religieusement ce que « Je n’en doute pas une seule seconde ! Et Oscar et moi, nous le cuisinerons pour être sûr qu’il ne veut pas se jouer de toi ! » sur ces quelques mots, la britannique de souche fixa son regard sur son meilleur ami. Elle s'apprêtait à lui répondre poliment lorsqu'elle sentit en elle monter une chaleur intense, incontrôlable. Elle dirigea son regard vitreux qui retenait une cascade de larmes vers le bol dans lequel elle venait de piocher. Une olive au piment ?! Zoé porta sa main sur sa bouche et dans un « Mmmh ! », elle courut vers la cuisine pour s'en débarrasser. C'est donc toute gênée qu'elle revint quelques secondes plus tard et après un grand verre d'eau glacée. « Je suppose que tu te souviens que je déteste tout ce qui est pimenté.. Ma gorge est en feu ! » plaisanta la jolie blonde, avant de se replonger au fond de ce canapé des plus moelleux.
« Trêve de plaisanterie ! Sinon, par rapport à ce que tu disais.. c'est vraiment adorable Nathan. Et je sais bien qu'il devra passer un double test. Mon frère est aussi sur le coup pour ces choses-là.. Vous faites vraiment la paire ! Au moins, je suis sûre d'être bien entourée si besoin est. Et puis, comme tu le dis si bien, tu n'es pas n'importe qui ! » Un nouveau rire s'échappa de la gorge de Zoé, qui se remettait peu à peu du feu de joie qu'elle venait de subir. Elle avait vraiment, vraiment hâte de lui présenter Aeden quand il reviendrait. Et ce, même si aucune relation plus sérieuse -ce qu'elle espérait de tout coeur- ne venait à éclore. Car malgré cela, il resterait une personne proche d'elle, et qui devait donc être obligatoirement appréciée par son meilleur ami. Sans quoi, les choses se révèleraient bien plus compliquées que prévu. Mais passons, cela n'arriverait que lors de son retour, planifié pour cette semaine. En attendant, Zoé cessait de parler uniquement de sa petite personne pour s'intéresser au déroulement de la surprise qu'avait jadis prévu Nathan pour Apollinaria, en vue du réveillon. Selon Zoé, c'était une surprise phénoménale et par dessus-tout, magique. Il avait amené la neige au sein d'une pièce soigneusement ornée d'audiovisuel. Une prouesse artistique auxquels de nombreux esthètes auraient souhaité penser. Mais la femme dont il était éperdument amoureux n'était pas comme toutes les autres : c'était une femme de haut rang habituée aux grandes mondanités et qui était, de surcroît, l'ex femme de son défunt frère. Pour une chose compliqué, cela en était une. Et c'était notamment pour cela que Zoé mettait autant d'engouement à découvrir comment cette fabuleuse surprise s'était déroulé : « Arrêtons de parler de moi.. Ta surprise pour Apo ?! Elle a aimé ? Le quartier ne l'a finalement pas trop dérangé ? Et la neige, oui la neige, elle a du adoré, ce n'est pas possible autrement ! » Oui, Zoé en était toute excitée. Il fallait que sa surprise ait fonctionné, il avait tellement placé d'espoir en elle que cela ne pouvait raisonnablement avoir échoué aux yeux de l'amour de sa vie, et par dessus tout, à ses yeux. Zoé attendait plus qu'impatiemment la réponse de Nathan, en buvant une gorgée de cet excellent cru.

Reprenant doucement ses esprits et calmant petit à petit sa gorge en feu, Zoé faillit s'étrangler de nouveau avec son olive. Elle porta sa main devant sa bouche comme pour cacher sa courte quinte de toux. Malade ? Absolument pas. Elle venait juste d'entendre les derniers propos de son meilleur ami.« Eh bien…ça a complètement foiré » Pardon ?! La surprise que n'importe quelle fille normalement constituée aurait rêvé d'avoir un jour n'avait apparemment pas plu à sa dulcinée. Devant tant d'aberration, Zoé fixait son meilleur ami, en l'écoutant attentivement. « Au départ tout se passait super bien, elle était…vraiment sous le charme de la surprise. J’veux dire, la neige, les projections sur le mur… » Jusque là, pas d'obstacle, et c'était tout à fait normal. Zoé attendait réellement la chute, la raison pour laquelle « tout avait foiré », selon ses dires. « Sauf que…je sais pas…on a fini par s’engueuler et j’suis parti… » Elle vit la déception dans les yeux de Nathan, mais aussi autre chose, qu'elle ne parvenait pas à déceler. « Elle n’arrive pas à admettre qu’il se passe quelque chose entre nous, je crois qu’elle n’est pas encore prête pour qu’il se passe quelque chose et moi j’en ai marre de lui courir après alors…j’abandonne. » La surprise démesurée qu'avait ressenti Zoé devait se lire dans ses yeux comme de l'eau de roche. Nathan abandonner ? Jamais elle n'aurait pu l'imaginer, et pourtant, Dieu seul sait combien de fois elle l'avait espéré quand il lui racontait ses tristes mésaventures sentimentales avec Apollinaria. Une chose était certaine : cela n'avait pas du être évident pour lui de prendre une telle décision, et il ne lui aurait jamais avoué s'il n'était pas sûr de lui. « Tu abandonnes ?! Je veux dire, vraiment ? » Zoé reposa son verre sur la table, ramena ses genoux près de sa poitrine et prit un air sérieux plus adapté à la situation. « Je suis désolée Nate.. j'espère que tu tiens le coup et puis .. » Pour une fois, la britannique qui se voulait assez réconfortante et qui trouvait habituellement plutôt bien ses mots peinait à dire quoi que ce soit à son meilleur ami. Evidemment, elle voudrait lui avouer qu'elle voyait plutôt cela d'un bon oeil compte tenu de la tournure qu'avait pris cette fabuleuse soirée.. Mais elle ne voulait pas paraître trop intrusive et encore moins qu'il prenne mal sa prise de position. Aussi, elle garda ce qu'elle pensait pour elle.. l'espace d'un instant. Après tout, ils se connaissaient depuis toujours et quand bien même il n'approuverait pas les propos de la jolie blonde, il ne lui en tiendrait sûrement pas rigueur. « Tu sais, je pense que tu n'as aucun regret à avoir, tu as vraiment fait de fabuleuses choses pour elle. » Et c'était peu dire. Car si Zoé avait toujours été la meilleure amie de Nathan, elle jalousait presque les merveilleuses attentions qu'ils déployaient envers Apollinaria, en vain. A la place de cette belle brune, Zoé aurait craqué depuis longtemps ! « Comme tu dis, elle ne doit pas être prête encore.. Et tu mérites d'aller de l'avant. » Evidemment ici, la britannique modérait ses propos ; elle qui aurait voulu dire qu'il méritait mieux qu'une jeune femme qui ne l'avait que trop fait souffert, se contenta d'une phrase plus générale.
Oscar, qui devait avoir senti le malaise s'approcha du canapé et d'une démarche trépidante, se colla aux jambes de Nathan, la langue pendante. Il réclamait une caresse ou deux, et c'était peut-être même là un signe d'affection et de compassion du meilleur ami de l'homme. Zoé sourit sincèrement devant cette tendre situation : il méritait vraiment de partager sa vie avec une âme aussi belle que la sienne, et il était vraiment dommage qu'Apollinaria ne parvienne pas à ouvrir les yeux.

Zoé n'en revenait pas. Il semblait bien décider à abandonner, à tenter tant bien que mal de tourner la page. Mais la britannique savait pertinemment que ce serait loin d'être évident. Et si elle comprenait son intention, elle ne croyait pas à cent pour cent à son revirement : Nathan avait toujours eu un lien particulier avec Apollinaria, malgré toutes les épreuves qu'ils avaient ensemble vécu, aussi terribles soient-elles. « Je devrais m’acheter un animal de compagnie… au moins lui il appréciera ce que j’ai à lui offrir… » Oscar réagit à ces quelques mots en relevant vivement les oreilles, comme s'il avait compris sur quoi la discussion avait bifurqué. Zoé sourit devant cette scène irréelle, et comprit que son petit chiot n'avait en réalité pas de sixième sens faisant de lui un martien mais qu'il avait senti l'odeur de quelques toasts qui se baladaient encore sur la table du salon. Ouf. « ça c'est certain, il t'en redemandera même ! » dit-elle en riant légèrement en direction de son petit être de compagnie. Une compagnie indéniablement nécessaire ces derniers mois : avec son jumeau, ça commençait à rentrer dans l'ordre mais à l'époque, Zoé se sentait bien seule. Seul Nathan avait toujours répondu présent, mais elle ne voulait pas trop l'accaparer pour sa petite personne, il avait bien d'autres choses à faire. Alors autant dire que l'animal de compagnie, Zoé connaissait. Et loin de paraître déprimée, elle ne le vivait que mieux. « Bon allez on change de sujet, je veux pas péter l’ambiance… » enchaina rapidement son meilleur ami. A l'évidence, il ne souhaitait pas s'attarder sur le sujet. Il n'avait pas tord, mais Zoé espérait juste qu'il ne rentrait pas dans un déni, ou une quelconque autre situation visant à le mettre dans une position d'échec ou du moins, de tristesse. Il ne méritait pas cela. « Tu ne pètes pas l'ambiance, c'est aussi fait pour ça les amis. Enfin, la meilleure amie. Enfin la meilleure quoi ! Qui d'autre que moi pour te supporter depuis tant d'années ?! » répondit-elle enjouée. Changer de sujet n'était peut-être pas la meilleure solution, mais entre ses problèmes de coeur et ceux de Zoé, ce n'était pas plus mal de prendre une bouffée d'air frais. Une bouffée et un verre de vin ... quand il en reste. La jolie blonde se trouva bien dépourvue quand elle empoigna ce flacon d'ivresse vide. « Déjà finie ?! Mais nous sommes de vrais ivrognes ... » Zoé fit une moue ironiquement étonnée, avant de se lever. « Tu as toute la nuit ? Parce que soit j'ouvre une deuxième bouteille, soit je commande japonais ou chinois, soit je te fais des lasagnes made in home.. C'est un QCM hein. » Question à choix multiples, évidemment, elle ne serait que plus heureuse s'il décidait de boire un verre et de profiter d'un petit repas ensemble. Pour une fois qu'ils avaient du temps libre, sans aucune contrainte, à se consacrer l'un à l'autre, il ne fallait pas louper ça !

Spoiler:

« C’est vrai… et j’espère que tu sais que moi aussi, je serais toujours là pour t’écouter… » Zoé n'en doutait pas une seule seconde, car malgré leurs emplois du temps chargés et la vie particulièrement trépidante de Nathan en sa qualité de prince du Luxembourg, il avait toujours répondu présent quand elle avait besoin de lui. Pourquoi cela changerait-il soudainement ? La seule menace, si nous puissions l'appeler comme cela sans une once péjorative, eut été l'appel du trône de son pays ou aussi, une belle histoire avec celle qu'il avait tant convoité. Zoé aurait été plus que ravie qu'il ait enfin le droit à l'idylle dont il rêvait depuis des lustres, mais cela signifierait qu'ils auraient sans doute moins de temps pour se voir, et ce serait normal. Autant que si la vie de la britannique changeait brutalement, notamment avec le retour d'un homme particulièrement charmant avec elle : Aedan, son beau Neo-zélandais rencontré en vacances. Inconsciemment, Zoé semblait se rendre compte que, peut-être ... elle n'arrivait pas à se poser en couple parce qu'elle attendait trop d'un homme, qu'elle le comparait trop à son meilleur ami qu'elle connaissait par coeur et auquel elle pardonnait tout défaut qui lui accordait d'ailleurs d'autant plus de charme. Il en faisait tomber des demoiselles ! Cette pensée fit sourire Zoé, qui préféra garder ce long et beau compliment pour elle, histoire sans doute d'éviter tout quiproquo et surtout.. qu'il ne prenne pas la grosse tête le petit ! « Des ivrognes ? Pas du tout ! Je dirais que...nous savons apprécier les bonnes choses, nuance ! » Il n'avait pas perdu le Nord ! Effectivement, ils savaient apprécier les bonnes choses, et même si celles-ci ont une fin, ils décidèrent de la repousser autant que possible en ouvrant une seconde bouteille de vin. Raisonnablement, Nathan opta pour accompagner cet elixir d'un plat de lasagnes maison. Zoé applaudit rapidement de ses mains, un grand sourire s'élargissement vivement sur ses joues ; « Ouiiiiiii ! ». Elle était plus que ravie d'avoir toute la nuit pour discuter avec son ami de longue date, qui auprès de Zoé, quittait automatiquement son costume princier pour redevenir simplement lui-même. Mais au point de se prendre pour un animateur de télévision, présentant l'émission culinaire de Zoé. Le vin y était sans doute pour quelque chose, mais cette deshinibition fit rire aux éclats la belle blonde. Elle se leva en faisant virevolter ses cheveux bouclés et en sautillant sur elle-même, avant de prendre la bouteille qui faisait office de micro factice. « Bonjour et bienvenue dans ma cuisine ! » Elle ria de vive voix, en se dirigeant vers la cuisine et levant les bras pour la présenter avant de revenir face aux fourneaux. Dans cette cuisine américaine ouverte, Nathan se tenait de l'autre côté du bar, face à Zoé. « Eh bien ce soir, nous allons cuisiner de FABULEUSES lasagnes. Des lasagnes MAGIQUES ! » Elle sortit quelques feuilles de lasagnes et les disposa dans un plat. Elle se dirigea vers le frigo et Nathan la suivit. « BOLOGNAISE ! Importée directement d'Italie ce matin-même ! ... RICOTTA ! Fraiche d'une heure ou quinze ! CAVIAR D'AUBERGINES ! Soigneusement préparé par notre ami Oscar ! » plaisanta-t-elle en sortant une partie des ingrédients fièrement, un par un. « Et pour entamer notre recette, tonight, veuillez applaudir mon apprenti Nathaaan ! » Ils étaient bien en forme ; le vin ne ferait qu'accentuer la chose et c'était tant mieux ! Cette soirée était une réelle bouffée d'air frais pour Zoé.

La situation était assez ... lunaire ! Personne ne pourrait prédire qu'un homme tel que le prince du Luxembourg ait autant de sens de l'humour. Mais Zoé le connaissait parfaitement, et ça ne l'étonnait pas qu'il se lâche autant avec quelques gorgées de vin dans le corps et la tête. Nathan trouvait toujours le moyen de faire rire, ou sourire, sa meilleure amie, même dans les moments les plus difficiles. Cela ne s'expliquait pas, mais il exerçait sur elle une bienveillance hors-pair, au même titre que le ferait son propre frère jumeau. Naturellement, elle riait à ses stupidités et aux siennes puisqu'après tout, ils n'avaient plus honte de rien l'un face à l'autre, après tout ce qu'ils avaient ensemble vécu. Il semblait remplir son rôle fictif d'animateur d'émission culinaire très à coeur. Si bien, qu'il avoua même sa reconnaissance envers les talents culinaires d'Oscar, le petit chiot attendrissant mais en réalité pitoyable cuisinier, si ce n'est pour réduire à néant un plat de croquettes. « C’est un honneur d’être dans votre cuisine ! » Zoé se redressa fièrement, et afficha un grand sourire façon jemelapèteàfondlesballons. « Alors dites-moi Zoé, par quoi doit-on commencer pour faire de bonnes lasagnes MAGIQUES ? » Elle glissa quelques mèches de cheveux qui lui tombaient dans les yeux derrières ses oreilles. « D’abord, il vous faut un homme fort pour ouvrir cette boite ! » Elle n'eut même pas eu le temps de faire quoi que ce soit, que Nathan empoigna le pot de sauce tomate et l'ouvrit. « Quelle démonstration de force ! Nous sommes ici tous épatés ! Et vous chers téléspectateurs, êtes-vous subjugué devant tant de muscles ?! » Zoé s'empara du micro et fit la pub de son meilleur ami. « Pour que Nathan ouvre un nouveau pot de sauce, tapez 1 ! Pour qu'il se tartine de sauce.. tapez 2 ! » Sur ces mots, elle trempa le bout de son doigt dans la sauce et tartina la joue de son meilleur ami en riant aux éclats. Gamin, oui ils l'étaient vraiment ce soir, mais ça faisait vraiment du bien de tout lâcher. Elle reprit son sérieux, et se replaça devant le plan de travail. « Voilà donc un apprenti bien réactif, j'aime ça ! Alors mon petit... Est-ce que tes parents t'ont déjà appris à faire quelque chose en cuisine ? » Zoé prononça ces quelques mots de façon à imiter un animateur de l'émission L'école des fans : en l'occurrence, Monsieur Jacques Martin. Elle avait étonnement pris un air très niais, en se penchant vers le petit Nathan, qu'elle considérait comme n'ayant pas plus de dix ans. « Nous pouvons commencer par disposer en couches successives notre caviar d'aubergines et notre sauce tomate, qu'en dis-tu ? » Zoé continuait de sourire, laissant naturellement plisser ses yeux telle une petite Chinoise. Une petite asiatique qui à défaut de boire du saké, se rabattait avec plaisir sur un vin rouge d'exception.

Nathan se prêtait au jeu, plus que personne n'aurait pu l'imaginer. Personne, sauf Zoé bien entendu, qui avaient de nombreux dossiers sur le jeune homme. Avec elle, il était naturel et c'était sans doute la qualité qu'elle aimait le plus chez lui. « Me…tartiner de sauce ? Ne seriez-vous pas un peu coquine mademoiselle Hanwell ? » Zoé baissa les yeux en affichant un large sourire timide. Evidemment, elle avait un côté coquin, mais Nathan était son meilleur ami et n'avait de ce fait, jamais eu l'occasion de le découvrir. C'était d'ailleurs un point fort de leur amitié ; il n'y avait jamais eu d'ambiguïté. Leur relation était clarifiée depuis toujours, malgré quelques inepties jadis lancées par certains de leurs proches, qui les imaginaient bien finir ensemble. Foutaises ! Ils n'avaient jamais eu l'intention d'aller plus loin que belle et solide amitié. « C'est un domaine qui ne vous appartient pas Monsieur le Petit Prince ! » Elle ria face à cette pitoyable référence entre le célèbre livre d'Antoine de Saint-Exupéry et Petit Prince de Lu, c'est for en chocolat ! Zoé était dotée d'un humour parfois.. un peu lourd ! Mais c'est quelque chose qui semblait faire partie d'un certain charme qui plaisait notamment à son meilleur ami, le mieux placé pour subir ces blagues incessantes. Qui aime bien, châtie bien : imaginez donc comme Nathan en prenait pour son grade. Mais rassurez-vous, le bel homme se défendait très bien ! Pour commencer, il rentrait totalement dans son jeu, allant même jusqu'à imiter un enfant interviewé par un animateur télé. « La naïveté enfantine te va si bien mon petit ! » avoua ironiquement Zoé, en reservant deux verres de vin, dont un qu'elle tendit à son meilleur ami. Elle n'aurait jamais du, car c'est exactement de ce petit laps de temps d'inattention que Nathan profita pour tartiner la belle blonde de sauce tomate. Bonne joueuse et bon public, Zoé éclata de rire et tenta de se défense aussi bien que possible, mais il fallait l'avouer.. il était plus fort qu'elle, à ses dépens ! « Ceci est donc la recette des lasagnes façon Nathan ! Prenez une Zoé, et commencez par la tartiner de sauce tomate ! » Il savait sans doute pertinemment que les représailles fuseraient. Et ce fut le cas : Zoé attrapa à son tour quelque chose dans le frigo. Hasardeusement, cela tomba sur une bouteille de chantilly. « À l'attaaaaaaque ! » hurla Zoé, avec sa bombe de chantilly en guise d'épée de preux chevalier. Elle appuya sur la gâchette et ce qui devait arriver, arriva. Des giclées mousseuses virevoltaient dans les airs, arrivant pour la plupart sur le visage et dans les cheveux de Nathan, qui s'empara malheureusement de sa bombe presque vidée. Loin d'être à court d'idées, c'est cette fois sur un bocal de farine que s'arrêta sa main. Elle le prit contre elle, se figea en regardant Nathan. Elle arqua un sourcil et fit un sourire diabolique. « Nathan De Luxembourg, vous êtes foutu ! » dit-elle avant de lui sauter sur le dos en riant et en jetant des poignées de farine à tire-larigot. Il faut dire que sa cuisine ne ressemblait plus à grand chose, mais peu importe, Zoé n'était pas du genre à chipoter pour du ménage.

La grâce culinaire n'avait jusque là encore jamais touchée Zoé. Elle aimait faire quelques plats, comme des lasagnes -il fallait avouer que c'était là sa spécialité- mais elle ne prenait jamais trop de risque. Pas parce qu'elle risquait d'enfourner quelque chose d'immangeable, mais plutôt parce que cela partait rapidement en eau de boudin, comme on dit populairement. Ce soir n'échappait pas à la règle, puisqu'elle était désormais l'une des protagonistes d'une terrible bataille de chantilly pour la gloire et la postérité ! En fait, c'était plutôt pour se venger sur son meilleur ami. Nathan était d'ailleurs si bien engagé qu'il n'hésita pas à faire volte face et à rétorquer en la visant avec la bombe de chantilly qu'il tenait fermement dans sa main droite, tandis que l'autre immobilisait la belle blonde. « Descendez de là ou je tire ! » Zoé tentait au mieux de cacher son visage, histoire qu'il reste aussi intact que possible. Elle aurait cependant peut se dessiner une cible sur le visage que Nathan aurait encore tiré à côté. « Bouaaaah mais…mais… je suis trop débile ! » Zoé ne put s'empêcher de rire aux éclats devant tant de maladresse. Mauvaise idée ! Nathan profita de cette seconde d'inattention pour lui badigeonner le visage. « Ahhhhh, pourparlers, pourparlers ! » Elle n'aurait jamais du baisser la garde, et c'est la raison pour laquelle elle invoqua le droit de pourparlers qu'elle avait déjà entendu dans la saga Pirates des Caraïbes, et qui lui permettrait sans doute d'obtenir un instant de répit avant de faire état de sa terrible vengeance. Mais elle oublia que pour que sa requête soit acceptée, il fallait par définition que son bourreau l'accepte. Or, celui-ci ne semblait pas d'avis à lui octroyer une quelconque chance de se rebiffer. Mais c'était mal connaître la demoiselle qui, ni une, ni deux réussit -par miracle- à le tirer par terre et à rouler jusqu'au dessus de lui. « Ah ah ! C'est qui la meilleure ?! » dit-elle en le maintenant aussi frêlement que possible, et en secouant sa chevelure jadis dorée. Zoé avait beau être sportive, elle n'avait pas la force de Nathan et elle savait qu'elle devait fièrement profiter de ce retournement de situation avant qu'il ne lui desserve de nouveau. Nathan se débattait mais sa meilleure amie tenait bon, jusqu'au moment où il réussit à la faire flancher. Elle se retrouva coller contre lui, sans pouvoir bouger. L'espace d'un instant, elle se sentit vraiment, vraiment très bien là, ici, allongée contre son torse sur le sol de la cuisine éclairée aux bougies. L'ambiance tamisée et les verres d'alcool qu'ils avaient ingurgité en étaient sûrement pour quelque chose, mais oui, elle se sentait vraiment bien avec lui. Si bien, qu'elle finit par ne plus se débattre et resta dans cette étreinte, allant même jusqu'à inconsciemment lui caresser le torse, qu'elle effleurait de son pouce. Cette parenthèse inattendue fut de courte durée, car Zoé releva légèrement la tête et regarda son meilleur ami. Jamais elle n'avait pensé vivre un instant comme ça avec lui, jamais elle n'aurait pensé ressentir ce qu'elle éprouvait en ce moment même pour lui : du désir. Jamais, elle ne l'aurait imaginé, même dans ses rêves les plus fous. Ils étaient amis depuis tellement longtemps sans que rien n'ait jamais été ambigu, que ce moment, dans cette cuisine sombre était particulièrement affriolant et gênant à la fois. Zoé aurait aimé se relever immédiatement, se recoiffer et continuer à préparer des lasagnes en buvant un verre de vin entre amis. Mais elle était comme figée, comme si le temps s'était arrêté et qu'elle aurait tout donné pour qu'il ne reprenne jamais. Après tout, Nathan avait toujours était là pour elle, et peut-être qu'elle n'avait jamais remarqué à quel point cet homme qui se tenait juste devant elle depuis tant d'années aurait pu être autre chose qu'un ami ? Toujours est-il que le corps collé contre lui, son visage à quelques centimètres du sien.. Elle mourrait d'envie de poser ses lèvres contre les siennes, même si c'était mal vis-à-vis de leur relation basée sur la confiance et la clarté, d'Apollinaria et même d'Aeden qui ne tarderait sans doute pas à revenir en ville. C'était une merveilleuse mauvaise idée, qu'elle hésitait encore à mettre en application. Proche du visage et des lèvres de Nathan, elle plongea son regard dans le sien et s'approcha lentement.

C'était invraisemblable. La situation avait totalement changé de tournure, en si peu de temps que même les principaux intéressés n'avaient pas vu venir la chose. Allongés là, sur le sol de la cuisine, l'ivresse et l'envie de faire quelque chose d'interdit avait possédé Zoé. Son visage proche de celui de Nathan, à quelques centimètres de ses lèvres, elle avait l'impression que son coeur voulait sortir de ses entrailles et s'enfuir, tant il battait la chamade. Se retrouver face à Nathan en tant qu'homme lui donnait des frissons. Bien sûr, elle n'avait jamais douté de sa virilité, mais elle l'avait toujours considéré comme son meilleur ami, comme son frère, et n'avait de ce fait jamais outrepassé ses droits. Néanmoins, en cette folle soirée, la britannique avait l'impression de découvrir une autre partie de son meilleur ami ; une partie bien plus que séduisante.. Et cela ne fit qu'empirer lorsque, dans cet élan de folie, Nathan finit par faire voler en éclats la courte distance qui séparait leurs visages pour venir déposer ses lèvres sur celles de Zoé, dont le coeur rata un battement.
"Vivre ce n'est pas seulement respirer c'est aussi avoir le souffle coupé" était une citation tirée d'une comédie romantique que la demoiselle affectionnait particulièrement, et qui prenait désormais tout son sens. Elle avait le souffle coupé, et même si ce n'était pas sage, elle ne s'était pas sentie vivre comme cela depuis bien longtemps. A vrai dire, elle n'avait jamais ressenti cela, avec aucun autre homme. C'était comme si, depuis tant d'années, elle se rendait compte qu'ils s'étaient tournés autour sans jamais oser franchir la barrière. Pour autant, aucune ambiguité n'avait jamais été soulevée entre eux, et peut être que demain matin, ils se rendraient compte que cette folie n'était qu'une erreur. Pris dans cette fougue, elle fut surprise du léger retrait de Nathan et craint qu'il ne dise quelque chose de déplaisant, ou peut-être qu'il ait assez les pieds sur terre pour mettre fin à ce délicieux moment. « Qu’est-ce qu’on fait… ? » murmura-t-il dans un souffle. Qu'est-ce qu'on fait ?! Il lui demandait vraiment ce qu'elle voulait faire ? Sincèrement et honnêtement, Zoé n'aurait pas répondu et se serait jeter sur lui, tant la flamme qui brulait actuellement en elle était vive. Mais elle enfouit sa spontanéité et son envie grandissante pour se concentrer un peu et être plus ... censée. « Ce n'est pas.. une bonne idée.. » Certes, mais au fond d'elle, elle n'en pensait pas un mot. Elle se releva doucement et s'écarta de ce fait un peu plus de Nathan. Elle commença à enrouler une boucle dorée de ses cheveux entre ses doigts, lorsqu'elle prit conscience que c'était ce qu'elle faisait chaque fois qu'elle était mal à l'aise et que Nathan connaissait bien. Se retournant de nouveau vers lui, elle sentit des battements de coeur de plus en plus forts, intenses. « Au diable la bienséance .. » dit-elle dans un chuchotement que Nathan entendit cependant. Elle se retourna de nouveau contre lui et l'embrassa fougueusement, en déplaçant sa main de la nuque jusqu'au torse de ce beau prince qui se tenait contre elle. Le tourbillon dans lequel ils s'engouffraient à vitesse grand V ne serait sans doute pas sans conséquences, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. « Si tu penses qu'on devrait arrêter.. » lui susurra-t-elle à l'oreille, dans l'espoir qu'il ne brise pas cette effervescente frénésie.