Même une bonne semaine plus tard, Myrcella peinait encore à respirer rien qu’à se souvenir de ce qui avait manqué de se passer entre Daniel et elle. Avait-elle rêvé ou avait-il été à deux doigts de l’embrasser ? Oh bien sûr, elle ne voulait surtout pas extrapoler et risquer de graves désillusions, mais elle avait la fâcheuse impression d’avoir loupé quelque chose et cette sensation n’était guère agréable. Sans compter qu’il n’y avait aucune chance pour que leurs chemins ne se croisent à nouveaux, pas à moins d’un miracle. Et pourtant, ce matin là, la jolie demoiselle aux longs cheveux d’argent reçut un appel particulièrement inattendu d’un responsable d’un service dont elle était bien incapable de se souvenir, si ce n’est qu’il s’agissait d’un service de l’entreprise Carter. On avait aimé ses scenarii… impossible de savoir comment on avait pu les leur transmettre, mais toujours est-il que Myrcella avait rendez-vous avec le big boss pour discuter d’un cachet. Tout ce qu’elle espérait, c’était avoir à faire au père et non au fils Carter, sans quoi elle courait tout bonnement à la catastrophe. Mais qu’importe, la jolie seychelloise avait fait appel aux goûts fameux de Diego pour l’habiller d’un tailleur magnifique moulant parfaitement ses formes généreuses et qui la mettait pleinement en valeur. Elle avait attaché ses cheveux d’une grande queue-de-cheval, fait lisser ses cheveux par un coiffeur, s’excusant à de très nombreuses reprises auprès de son bienfaiteur pour tous les tracas qu’elle lui donnait et, surtout, les nombreux services qu’il n’avait de cesse de lui rendre… mais il fallait bien admettre qu’une fois devant la tour Carter en plein cœur de Manhattan, Myrcella était tout bonnement étourdissante. Personne ne lui arrivait à la cheville, et ce bien que son cœur se soit mis à battre la chamade alors qu’elle parcourait le plus noblement possible le hall de cet imposant building, se rendant à son rendez-vous accompagnée de son habituel calme olympien. Elle allait en avoir grandement besoin pendant cet entretien… car lorsqu’on la guida au bureau du patron, après qu’elle ait passé les très nombreuses sécurités nécessaires avant cela, elle manqua de faire une syncope en entendant la voix de Daniel et non de son père.

Myrcella était impressionnée certes, mais cela ne l’empêcha pas d’attendre d’être absolument sûre d’être seule dans le bureau en compagnie du fameux Carter fils avant de s’exprimer. Après tout, elle était ici pour affaire… « Merci d’avoir eu la bonté de me recevoir. Je n’avais pas eu vent d’un quelconque service pouvant nécessiter un scénariste, mais soit. » Et pourtant. Une large part appartenait à l’industrie du cinéma et, bien que ce soit loin d’être la plus importante partie de cette entreprise, ce n’était pas la plus moindre. « Je n’ai pas eu le temps de répondre à ce que vous disiez la dernière fois que nous nous sommes vus. Je ne sais même si je dois employer le vouvoiement ou le tutoiement, je vous laisse éclairer ma lanterne ; sûrement avez-vous déjà oublié ce passage de votre vie, à n’en point douter. » Toujours est-il qu’elle se permit de s’avancer pour lui donner de nouveaux scenarii à se mettre sous la dent, puisque c’est ce qui lui avait été demandé, avant de rester soigneusement debout, perchée sur de magnifiques hauts talons, attendant qu’il ne lui dise de s’asseoir… et ne la guide quant à l’attitude qu’elle pouvait adopter. Si le professionnalisme devait prôner, alors il prônerait, il n’avait aucune inquiétude à se faire.

Daniel inspira profondément, et proposa à la jeune femme devant lui de s'asseoir. Il était habillé d'un costume sur mesure, peigné, rasé, une vraie allure de chef d'entreprise, et non pas de fêtard prêt à se rouler dans une flaque boueuse. Il s'exprimait de façon professionnelle, pas une pointe de sympathie dans sa voix mais pas de méchanceté non plus. L'objectivité était au centre de ce rendez-vous.
« Ayez l'amabilité d'employer le vouvoiement, du moins tant que vous vous tiendrez dans ces locaux. » Lui-même s'étonna de parler de la sorte, une autre facette que la jeune aveugle n'avait pas encore vu. Mais bien sûr son comportement aux antipodes de celui qu'il avait adopté la dernière fois qu'ils s'était vus demandaient quelques explications.
« Ma section cinéma a fait appel à vos services, vous l'aurez donc compris. Je vous demande simplement de passer par mon bureau pour régler des modalités de bureaucratie. Pas la peine d'un long discours, le chef de la section en question vous expliquera le reste. Je suis seulement là pour les papiers officiels. » C'est ainsi qu'il fit glisser sur la table plusieurs certificats de travail et de contrat qu'il fallait faire signer par la main de la tête blanche. De la paperasse, des mots conventionnels, rien de très palpitant. Mais Daniel sentait un très malaise au fond de lui. Il avait du se préparer à cette rencontre depuis la veille, depuis qu'il avait su que son collègue souhaitait recruter cette jeune femme. Son coeur avait fait un bond dans sa poitrine : comment pourrait il l'affronter après ce qui s'était passé la dernière fois? Impossible de trancher, et gardant près de lui la notion la plus importante de sa vie : le travail, il avait décidé d'opter pour l'impartialité. Il gratifia dieu que cette femme n'ai pas la capacité de le voir, puisque sa posture était naïve, et il était facile de lire sur son visage qu'il n'était pas à l'aise.
Son élan d'affection de leur dernière rencontre n'était pas explicable. Lui-même n'avait pas réussi à mettre des mots dessus, ne sachant pas exactement pourquoi il avait eu cette pulsion. Daniel savait seulement qu'il aurait mal au coeur lorsqu'il laisserait Myrcella franchir la porte pour ne plus jamais la revoir.

« Le contrat ne dur que quelques mois, ils ont surtout besoin de vous pour un projet en question. Et contenu de vos travaux précédents, ils ont appuyés le fait que je vous contacte le plus vite possible. Ce qui est fait. Des remarques? » Ses doigts tapotaient son immense bureau, et il jetait même des regards par les grandes fenêtres vitrées qui donnaient sur les différents secteurs de l'entreprise. Un appel à l'aide était nécessaire, mais son assistant était déjà partit à sa pause café.
« Je pense bien que vous ne pourrez pas refuser, c'est une offre très alléchante et je peux vous communiquer le montant de votre salaire, si vous le souhaitez. »

Puisqu’il tenait au vouvoiement, ainsi soit-il. Myrcella n’était pas du genre à manquer de respect à autrui, bien loin s’en faut, mais ne pouvait malheureusement s’empêcher de se demander quel était justement cet élan d’affection qu’il avait eu envers elle. Si elle n’avait pas été dotée d’un tel contrôle, sans doute aurait-elle eut la respiration saccadée, les mains tremblantes et tout ce qui s’en suit en cas d’extrême nervosité. Mais au lieu de cela, elle offrait au businessman une attention toute particulière, tout en le gratifiant d’un visage aussi impassible qu’elle était capable de donner. Il restait toutefois une large part de douceur s’échappant de ses traits si fragiles, douceur que nul ne pouvait nier, pas même Myrcella elle-même. Mais en face, elle entendait chacun des gestes nerveux de Daniel sans n’en oublier aucun. Inutile de dire qu’elle n’avait pas la moindre idée du pourquoi du comment il agissait ainsi, mais il semblait être plus prêt à se noyer qu’elle ne l’était elle-même… alors qu’elle était celle des deux à avoir le plus de raisons d’être nerveuse. « Si je ne refuse pas, ce n’est point en raison du salaire que j’imagine en effet alléchant, mais davantage car cela va me permettre de faire connaître mon travail. Le reste n’est nullement d’importance à mes yeux. Je ne vais surtout pas abuser de votre précieux temps puisque, vous l’avez très bien dit, vous êtes là pour le côté bureaucratie uniquement. » Myrcella se maudissait déjà d’avoir ce côté professionnel si marqué. Si seulement l’audace avait été de mise, elle lui aurait probablement posé les quelques dizaines de questions lui brûlant pourtant les lèvres. Mais si elle avait déjà pris le stylo en main, marquant la fin proche de leur entretien résolument court, elle finit par s’arrêter en très bon chemin. Sans savoir pourquoi, comment, elle n’avait aucune intention de repartir sans un brin de réponse, quitte à ce que Daniel l’envoie sur les roses en lui dictant une bonne fois pour toute qu’ils n’auraient plus à se revoir à l’avenir. « Pardonnez-moi, mais… je ne me permettrais certes pas de poser cette question s’il y avait un tiers présent dans cette pièce, évidemment. Pourquoi êtes-vous si nerveux ? » Myrcella savait qu’elle s’aventurait sur des eaux extrêmement dangereuses et s’attendait à être brûlée vive d’une seconde à l’autre. Ce fut pourquoi elle poursuivit sans attendre : « Votre cœur a changé trois fois de rythme de battements. Vous gesticulez sur votre chaise comme si vous attendiez quelque chose… et, j’en suis certaine, avez dû tourner la tête au moins dix fois depuis que je me suis assise. Est-ce ma présence qui vous indispose ou un rendez-vous à venir que vous attendez avec la plus grande impatience ? »

Il n’aurait jamais dû oublier une chose : Myrcella n’était peut-être pas capable de voir, mais son ouïe était extrêmement fine, et lui permettait de « voir » les choses aussi clairement qu’en les touchant. « Je peux sortir immédiatement et signer plus tard, si cela vous est plus commode. »

Cette nana était redoutable. Pas question de feindre avec elle, à croire que même ne faisant une partie de poker elle pourrait deviner si vous bluffer ou non. Pour connaître son jeu ce serait autre chose mais, passons. Elle avait vu clair dans sa petite perturbation émotionnelle, et selon Daniel elle devait sûrement être entrain de jubiler de voir qu'elle avait le pouvoir de le mettre indisposé simplement en le gratifiant de sa présence. Deux désirs se dessinaient dans l'esprit du businessman : la laisser partir le plus vite possible, oublier cet entretien et tout ce qui s'en précédait. Mais aussi il souhaitait la garder plus longtemps sur ce siège, attendre de voir les autres questions qu'elle serait capable de lui poser et de quelle manière Myrcella se débrouillerait pour le cuisiner.
« Il va sans dire que vous n'avez pas tort. » Tout en finissant sa phrase il se leva, et s'avança vers les fenêtres vitrées de son bureaux pour les cacher des stores électriques. C'était comme si il se créait un cocon protecteur, ainsi aucunes informations ou paroles ne pourraient sortir de cet endroit, aucune. « Je suis en fait impatient de voir un nouveau client, client qui nous apportera une collaboration très fructueuse. Question de travail entendez-vous. » Un sourire se dessina sur son visage, il se rendait lui-même compte de son in crédibilité et de la façon ridicule dont il se comportait. Pas une seule seconde Myrcella allait se faire prendre par ses bobards évidents, et il pouvait en jouer.
« Pour des raisons particulières j'ai du coupé le contact avec l'ancien collaborateur du projet, je suis allé trop loin dans mon implication pour ce travail et il en valait de mon objectivité en tant que PDG, vous comprenez. Certes j'ai lâché le contrat subitement, et je n'aurais pas du. Mais voilà que ce collègue se rendra bientôt ici, forcément je n'ai que du mal à me contenir. Comment expliquerai-je la façon dont j'ai coupé les vives et mes parts concernant ce programme? » Daniel Carter était résolument quelqu'un de doué pour gérer des employés et des actions, mais pour ce qui était de ses sentiments et relations sociales il était aussi habile qu'un bûcheron.
« Je vais devoir me frotter à un tout autre problème : ce collaborateur est très fin, et très perspicace. Il y aura une impossibilité pour moi de me jouer de mensonges. »
L'américain pouvait être le subtil possible il n'arrivait pas à sortir d'une notion abstraite avec laquelle il s'était construit.

En effet, Myrcella était un redoutable adversaire en manière de bluff. Contrairement à tous ceux se laissant habilement berner par quelques artifices ou sourires mis en place à point nommé, la demoiselle s’attardait sur les sons, les sensations, la respiration même de ses interlocuteurs. En l’occurrence, elle se devait d’admettre que Daniel Carter était excellent menteur et bluffeur. Il était éloigné, ne lui laissant que peu d’opportunités pour espionner les battements effectifs de son cœur de grand patron, et cherchait certainement à se créer une petite bulle de protection personnelle, comme s’il avait peur d’être épié. Pourtant, la discrétion de la jolie demoiselle aux cheveux d’argent n’était plus à prouver depuis longtemps, et aussi vrai qu’elle lui avait empêché le scandale en le sortant de ce fameux pub quelques jours plus tôt, rien de tout ce qu’elle apprendrait ici ne passerait la barrière de ses lèvres divinement maquillées. Mais le simple fait qu’il ne cherche à la berner avec quelques belles paroles bien pesées l’amusa plus qu’elle n’aurait su le dire. Elle se surprit même à hocher la tête de temps à autre d’un air entendu, comme s’il allait sans dire que les mots de Daniel Carter ne pouvaient être remis en question par quiconque, et surtout pas par quelqu’un d’origine aussi modeste que Myrcella. « Je suppose donc que vous brûlez d’impatience de pouvoir rattraper votre haute bourde… beaucoup le seraient à moins et j’avoue bien mieux comprendre les battements soudainement effrénés de votre cœur de PDG. Une affaire de cette ampleur, d’après ce que je peux en imaginer, ne peut que créer chez vous une attente insoutenable. Je demeure ébahie devant votre self control apparent. » Sous entendu : il n’y avait bien que quelqu’un comme moi pour déceler d’aussi menu détails. Cependant, bien qu’il ne s’en soit certainement pas rendu compte, Myrcella était rentrée dans son jeu, à tester la véracité de ses propos et ses moindres réactions lors de ses futures réponses potentielles.

« Tout ceci ne répond point à ma question cependant : souhaitez-vous que je signe immédiatement ou préférez-vous vous concentrer sur cette affaire qui réclame manifestement toute votre attention ? » Et pour la beauté théâtrale de la chose, Myrcella eut le culot inné de se relever, stylo dans une main, contrat dans l’autre, ayant délaissé sa canne près de son siège afin de lui prouver qu’elle savait exactement où il se situait dans la pièce. Sa respiration était loin d’être haletante, il avait bien trop de contrôle pour cela, mais le moindre détail à ce sujet n’aurait pu échapper à la demoiselle… pas alors qu’elle avait affiné son ouïe à l’extrême pour qu’elle ne l’informe du plus petit danger environnant. Ce n’est donc qu’une fois à quelques millimètres de Daniel qu’elle se stoppa, avec toute la noblesse dont elle était dotée malgré sa toute petite condition, tâchant de le toiser aussi directement qu’elle le pouvait malgré sa cécité. « Vous savez, Monsieur Carter… je n’ai la prétention de rien et surtout pas d’être quelqu’un. Mais n’insultez pas mon intelligence ; ce serait une erreur de votre part, car, on ne sait jamais, peut-être saurait-elle vous être utile. Je ne doute pas que vous ayez de grandes affaires pour lesquelles vous seriez sûrement prêt à vendre votre âme au diable… mais je sais aussi qu’il n’est rien ni personne en ce monde capable d’ébranler votre rythme cardiaque à ce point, et certainement pas une affaire. » Myrcella ne le connaissait sûrement pas par cœur, et n’avait aucune prétention à ce sujet, toutefois elle avait une capacité d’analyse assez extraordinaire… « Veuillez pardonner ma franchise » conclut-elle, afin de lui faire comprendre qu’elle n’avait aucune intention à le laisser se couvrir d’un potentiel ridicule. Il n’avait pas besoin de feindre avec elle…

Daniel ne voulait pas jouer particulièrement, il n'était pas joueur, et n'était pas doué en tant que tel. Il avait essayé de parler de manière subtile, évitant les contacts francs qu'il détestait tout particulièrement. Si la franchise de la tête blanche était évidente, la sienne était encore enfouie en lui comme un bourgeon qui n'était pas prêt d'éclore! Aussi, répondre à la question de la jeune femme serait plus compliqué que prévu, et quoi qu'il fasse elle saurait déceler le vrai du faux. En gros il n'y avait pas de quitte ou double, mais seulement deux doubles qui semblaient harcelé l'américain pour qu'il fasse quelque chose d'intelligent. Bon courage Daniel, après avoir presque embrassé cette nana, tu sembles incapable de justifier la chose et de la voir alors qu'elle pendouille en face de toi! Bigleux. Sa raison lui faisait défaut, et sa journée de travail faisait défaut aussi. A l'eau les comptes rendus informatiques, il devait faire face à sa conscience.
« Ne me posez pas d'énigme et de menace, enfin. J'ai la qualité d'assumer ce que je fais, bien que cela ne paraisse pas avec tout le monde. Mais pour ce qui est de me justifier, surtout quant il s'agit de pulsions élémentaires, alors là, vous parlez à une case qui est vide depuis bien longtemps. »
Il commença une ronde des cent pas dans son bureau, plaçant au centre de son cercle la jeune femme armée de la feuille et du fameux stylo. La signature du contrat serait la signature finale de leur entretien, il en valait de soi.

« Je vais plutôt vous demandez de faire comme vous le sentez. Si vous souhaitez continuer à vous entretenir au sujet de votre emploi ou d'autre centre d’intérêt alors la porte de ce bureau vous est grande ouverte. Dans le cas contraire, elle est tout aussi ouverte. » Bien joué Daniel, tu peux flatter ta conscience en lui disant que tu as retourné la question comme un pro pour éviter d'y répondre. Néanmoins dans l'argumentation qu'il aurait pu fournier à la jeune femme, il aurait été capable de lui donner l'ennui. Comme quoi sa journée aurait bien blafarde sans une petite visite et conversation sympathique. Bien que celle-ci ne le soit pas vraiment, ou peut être pas encore. Dur d'oublier leur soirée d'il y a quelques temps, qui avait commencée dans des conditions atroces pour finir dans... Ouais, non, mauvais exemple.
« J'espère ne pas vous faire perdre votre temps avec mon agitation intempestive. Vous as-t-on déjà dit que vous auriez fait une bonne psychologue? Enfin, le reste de vos analyse reste à voir.»

Myrcella se permit d’écarquiller de grands yeux étonnés à plusieurs reprises tandis que Daniel peuplait à la fois l’atmosphère sonore et physique de la pièce en tournant autour d’elle. Il cherchait à lui embrouiller l’esprit d’une bien étrange façon, et si elle n’avait pas été d’une nature extrêmement méfiante, probablement se serait-elle laissée prendre au piège. « Menace ? Mon intention n’était point de vous menacer, et si vous l’avez ressenti ainsi, alors toutes mes plus plates excuses, mes propos ont été mal interprétés par votre personne. » Il s’agissait finalement d’une joute verbale en bonne et due forme, bien que celle-ci soit diamétralement différence de celle à laquelle ils avaient joué lors de cette maudite soirée de gala. Mais Myrcella avait beaucoup de mal à ne pas être perdue dans le jeu que jouait Daniel, il fallait le dire, à la perfection. Cherchait-il à se débarrasser d’elle en éludant soigneusement sa question ou, au contraire, à la faire rester ? Si seulement ses propos étaient clairs, elle n’aurait pas à nager dans des eaux aussi dangereuses dans la moindre luminosité pour compagne… « Je suis assez bonne analyste des choses lorsque je me trouve en humeur d’analyser, c’est assez probable. Sans doute serait-ce très utile pour vous, dans votre métier… vous devriez songer à engager également un analyste, qui serait votre conseiller et bras droit. Cela vous éviterait tout souci à l’avenir et, peut-être, cela vous permettrait-il de cacher plus aisément votre jeu sans ne plus jamais être lu comme un véritable livre ouvert. » Myrcella avait toujours en main son contrat ainsi que le stylo précédemment tendu par Daniel, sans forcément savoir ce qu’elle devait en faire. Par chance, des deux, la franchise était de son côté et puisqu’il ne l’avait pas incitée à ne plus en user, la jolie demoiselle aux cheveux d’argent ne comptait pas se priver… pour le moment du moins. « Je vous reconnais cependant ceci : je n’ai aucune idée de la case en question dont vous voulez parler, ni même à quelles pulsions vous faites allusions. Je suppose que c’est un langage dont vous êtes le seul détenteur… » Ah, la naïveté de cette charmante jeune femme… elle était bien incapable de reconnaître ce genre de choses, et pour cause, il s’agissait d’émotions qu’elle ne connaissait pas réellement. Elle se contentait de les ressentir, sans forcément mettre de mots précis dessus.

« Je remercie toutefois votre invitation fort aimable, mais ne peut m’empêcher d’insister sur un point : mon emploi du temps est bien moins chargé que le vôtre… et je pense que vous me connaissez suffisamment pour savoir que je ne forcerai pas votre porte avant d’y avoir été invitée ou d’être certaine de ne pas vous déranger. Bien que… il soit difficile de ne pas être toujours certain de vous déranger, mais soit. Dites-moi plutôt si vous n’aviez effectivement que quelques brèves minutes à m’accorder, auquel cas je me débrouillerai pour chercher mes réponses par mes propres moyens, ou si votre vie on ne peut plus chargée souffrirait de ma présence quelques instants encore. Ce choix ne peut appartenir qu’à vous. » Et sans doute le regrettait-elle… mais Myrcella lui offrait des choix. L’opportunité plutôt de faire entendre sa voix profonde, même pour des choses aussi insignifiantes que celle-ci. Elle ne laissait personne dicter sa conduite au businessman… puisqu’elle n’aurait pas aimé qu’on le lui fasse.

Daniel arrêtait sa petite marche inutile pour se rasseoir dans son énorme fauteuil confortable. Il pouvait proposer à la tête blanche de reprendre place de l'autre côté du bureau mais savait bien qu'elle le ferait de son propre gré. Ses propos féminins étaient bien trop énigmatiques, et le garçon arrivait facilement à perdre le fil de leur conversation. Son genre de discussion était plutôt des phrases directes employées dans un sens exact que des propos évasifs sans but particulier. Parce que oui, il fallait le demander, quel était le but de cette conversation? Ce petit entretien n'était pas seulement professionnel, pas besoin d'être un génie pour le voir. Mais derrière, à quoi tout ça mènerait?
« Je peux vous assurer que j'ai du temps à vous consacrer, ne serait-ce que pour que vous puissiez me faire part de vos questions. » Voilà, il avait apporter la réponse à cette question : devait elle rester, ou devait elle juste quitter les lieux?
« Un garçon de bureau peut même vous apportez un peu de café si vous le désirez. » Il appuya sur le bouton d'un interphone de bureau, demandant ainsi directement l'arrivée d'un de ses employés. Il n'y avait rien de très glorieux à être servi de la sorte, mais c'était une norme dans la haute société comme celle-ci.
« Lait, sucre ?»
L'homme qui était entré dans la pièce semblait gêné d'interrompre une conversation entre son patron et une jeune inconnue, il posa ce qu'il était venu amené et repartit aussitôt, laissant derrière lui un léger silence.
« Pour ce qui est de la case dont j'ai parlé je ne vous demande pas de comprendre, j'ai simplement utilisé une métaphore qui n'était pas explicite à ce que je vois. Vous pouvez juste remarquez que les relations sociales ne sont pas mon fort, en tout cas, pas celles qui ne touchent pas de loin ou de près à mon travail.» L'homme à l'intérieur de ces bureaux n'était apparemment pas le même que celui qui pouvait se rouler dans l'herbe une nuit de soirée mondaine. Pas question ne déplacer son image de businessman dont il avait tant parlé à la jeune femme, et il espérait qu'elle comprenait maintenant de quoi il s'agissait lorsqu'il l'avait mentionné lors de leur dernière entrevue.
« Mais comme je l'ai dit, je vous en prie, laissez vos interrogations prendre le dessus.»

Myrcella finit par se rasseoir docilement, posant d’un même temps le stylo ainsi que son contrat pour accueillir un café auquel elle ne disait pas non. Elle se heurtait actuellement à une toute autre facette de Daniel avec laquelle elle avait beaucoup de mal à composer : difficile de l’assaillir de questions sans craindre de ne finir par toucher un point sensible et se faire ainsi envoyer sur les roses pour cela. La demoiselle fit tournoyer le nuage de lait qu’elle avait demandé dans son café à l’aide d’une petite cuillère, réfléchissant mûrement par où commencer… « Vous n’êtes donc proche de personne ? Quelle tristesse tant de solitude. » Sans même s’en rendre compte, Myrcella était nettement plus directe, et ce bien que sa propre solitude soit une manière tout à fait efficace de se protéger d’autrui. A ceci près qu’il s’agissait d’un souhait nullement inconnu du monde, et qu’elle mettait joyeusement en lumière dès qu’on lui en donnait l’occasion. Le businessman ne donnait pas l’impression d’avoir fait ce choix. Il était seul car il ne savait pas comment s’y prendre avec autrui de façon plus personnelle, sans doute. « Je ne vous serais d’aucune utilité pour tout ce qui concerne votre entreprise, c’est l’évidence même. Mais je peux vous rendre moins aveuglé au reste, en revanche. » Il manquait sûrement de précieux conseils, et d’une sorte de psychologue pour lui dire non pas comment se comporter, mais plutôt les différentes façons possibles de réagir face à une situation donnée. Situation personnelle, fallait-il entendre. Puisque Daniel n’était jamais entouré que de femmes superficielles, à la beauté surpassant de beaucoup leur intelligence potentielle, inutile de dire qu’il avait besoin ayant la tête sur les épaules pour cela.

« Puisque vous avez du temps à me consacrer, nous allons faire un deal : si ma présence se met à vous gêner ou qu’une question vous déplaît, vous me le dites et je disparaitrais immédiatement. Mais en attendant, peut-être qu’avant même d’être scénariste, je pourrais vous conseiller à être plus… naturel afin de redorer ainsi votre blason. » Que ce soit en gala ou même dans la rue, il n’avait pas besoin d’être inaccessible de tous. Tout comme ils n’avaient pas de raison de se détester alors qu’ils pouvaient certainement s’apporter beaucoup. On blâmait Myrcella pour sa solitude d’une façon différente que celle à laquelle Daniel était sûrement confrontée, mais ils étaient blâmés tous deux quoi qu’il en soit. Pourquoi ne pas devenir partenaires, après tout ? « Vous seriez prêt à tenter l’expérience ? »

Daniel avait croisé les jambes, l'air perplexe. Il ne s'était jamais trouvé seul, en fait, c'était même plutôt le contraire. Il avait toujours eu l'impression d'être compressé par la foule, il avait toujours recherché un endroit ou seul sa pensée pourrait prendre place. Mais même dans cet immense bureau laissant l'air être le maître des lieux, il ne pouvait être tranquille. La tête blanche en face de lui donnait à réfléchir, et il s'auto-félicitait de l'avoir qualifiée de psychologue. C'est vrai qu'elle en avait l'air, une certaine notion d'analyse dans ses yeux. Malgré sa cécité elle avait un discernement qu'elle pouvait considérer comme précieux. Allant presque jusqu'à donné à l'américain de l'admiration, presque.
« J'ai du mal à comprendre l'enjeu de votre marché, mais je l'accepte, me lançant à l'aveuglette dans un processus dont je ne ressortirais peut-être pas gagnant. » Il avait déjà presque fini son café, buvant au fur et à mesure que son interlocutrice s'exprimait.
« J'ai aussi du mal à voir en quoi mon blason aurait besoin d'une nouvelle couche de peinture, mais si vous le dite, l'avis extérieur est toujours bon à prendre en compte. » C'était une règle dans son travail : bien qu'il faille surtout s'attacher à ses ambitions et ses idées il fallait tout aussi bien prendre en compte les remarques d'autrui. C'était comme ça que la perpétuelle évolution se faisait, en prenant les points positifs des uns et des autres pour en faire un mélange fructieux. C'était aussi pour ça que les entreprises Carter avaient toujours aussi bien marchées.

« Mais cette idée que je sois seul me turlupine. Je ne me trouve pas seul, et je ne vois aucune forme de solitude autour de moi. Devrait-on être continuellement accompagné pendant les heures de travail? J'ai assez à faire d'une dizaines d'assistants et de domestiques chez moi. N'ayez pas peur de demeurer franche, je ne suis pas sensible. En tout cas je ne prends pas la mouche pour la moindre remarque à mon égard, sinon je n'aurais pas ce post, il en va de soi.» C'est vrai qu'il fallait y aller fort pour heurter son ego surdimensionné. Le narcissisme dont il faisait preuve n'empêchait pas les remarques d'être entendues et interprétées. Et il avait raison en disant que ce trait de caractère correspondait au travail qu'il effectuait, et sûrement à la génétique aussi. Carter père n'était pas des moindres.
« Je pense même que nous pourrions remettre ces entretiens, disons, analytiques, plusieurs fois. Que ce soit ici ou dans un endroit plus propice à la méditation. »

Peut-être était-ce là une formidable façon pour Myrcella de s’exprimer de manière plus claire, et de prouver à Daniel Carter qu’il avait une voix n’ayant pas encore été entendue. Certes, il avait tout ce qu’un homme peut convoiter, qu’il s’agisse de richesse, de pouvoir, d’influence… mais il finissait par se perdre parmi tous ces privilèges, tant et si bien qu’il ne parvenait même pas à comprendre la finalité de sa proposition. En soi, la jolie demoiselle aux longs cheveux d’argent n’y avait absolument aucun intérêt, si ce n’est de peupler ces jours d’une luminosité nouvelle. La solitude ne la dérangeait aucunement, mais les ténèbres de son existence finissaient par la paniquer, d’une façon tout à fait logique. Inutile de dire à quel point un peu de piment n’était pas de refus à ses yeux… « Ce n’est pas ce que j’entendais par là, en vérité. Certes, vous êtes accompagné sans arrêt, vous avez conseillers, domestiques, assistants et j’en passe… mais personne ne vous connait. Personne ne peut se prétendre capable de clamer : je connais Daniel Carter, je me suis permis d’avoir une discussion à cœur ouvert avec lui et cela m’a fait un bien fou. Je me trompe ? Je ne pense pas que vos compagnes passagères soient réellement en mesure de vous combler disons… d’une autre façon que biblique, si vous me passez l’expression. Vous n’avez jamais eu envie de voir esprit flatté avant votre physique ? La beauté s’affadit, l’esprit s’aiguise comme une lame. » Myrcella se releva pour peupler à son tour le bureau du businessman de sa prestance, plutôt extraordinaire, il fallait bien avouer. Pourtant, la jeune femme était quelqu’un d’extrêmement introverti, refusant de livrer quoi que ce soit sur elle-même ou même d’être connue de quelque façon que ce soit. Il s’agissait plutôt d’un jeu à sans unique, vu qu’elle estimait ne pas avoir grand-chose à confier de son côté. « Je veux simplement vous ouvrir les yeux. Que vous soyez capable de savoir si une personne en vaut la peine ou non. Que vous puissiez côtoyer la véritable compagnie de quelqu’un de sincère plutôt qu’une étreinte inintéressante d’un mannequin, par exemple. De cette façon… vous allez vous découvrir, devenir quelqu’un d’encore plus illustre que vous ne l’êtes déjà et, pourquoi pas, réussir à réduire votre père au silence en vous trouvant une compagne en valant la peine. »

Pour la première fois depuis leur rencontre, Myrcella se plut à hausser les épaules. Il s’agissait d’une sorte de jeu, de défi. Un formidable challenge à relever pour Daniel, à vrai dire. Cela voudrait dire se voir régulièrement, bien sûr, mais la présence de Carter fils ne la dérangeait en aucune manière… « Cela implique que vous me supportiez, en revanche. Que vous me permettiez de vous connaître, de vous analyser. Bien évidemment, dès qu’une chose vous gêne, nous pouvons arrêter et nous quitter sans autre forme de procès. Peut-être serait-ce même un beau challenge que nous nous exercions un jour lors d’un gala. » Myrcella aurait l’unique place de conseillère et rien d’autre. « N’ayez crainte, je sais parfaitement tenir ma place, je pense que vous l’avez compris. » En disant cela, elle s’était arrêtée devant une immense baie vitrée, laissant un rayon de soleil faire briller ses cheveux d’une lueur presque aveuglante et magnifique. Elle n’aurait jamais imaginé que New York lui offrirait finalement un horizon un peu plus clément que ce à quoi elle s’attendait de prime abord…

Daniel avait un petit sourire en coin, laissant Myrcella présenter ses idées et son semblant de défi au millionnaire businessman. Partant d'un simple entretien d'embauche ils avaient été capable de dessiner une toute autre chose. A croire que sa venue ici avait été préméditée depuis le début.
« J'ai presque l'impression que vous êtes entrain d'essayer de vous vendre à moi. Vous louez vos mérites par rapport à ces autres filles, qui, je tiens à le préciser, ne sont pas si nombreuses que ça vous savez. Pourquoi se refuser un peu de compagnie de temps en temps? Je n'ai jamais dit que je cherchais la femme de ma vie, bien que l'on m'y oblige et qu'on m'en impose une, d'ailleurs. Je sais bien que toutes ces fréquentations sont futiles et ne m'apporteront rien, mais je ne leur en demande pas tant. Tout ce que je veux c'est un moment agréable, qui se termine aussi vite qu'il a commencé.» Au moins les choses étaient clairs et posées sur la table. Il venait d'expliquer exactement ce qu'il attendait de ses seules relations avec les femmes, ce qui était un début. D'un autre côté, il avait sûrement des amis, dont un d'enfance qui demeurait plus important que les autres puisqu'il était cette personne, avec qui, il laissait tomber le masque. Et Myrcella ne faisait pas faute de lui rappeler le moment qu'ils avaient passés ensemble, laissant pendant deux secondes leur petit jeu de côté.

« Ensuite, le moment dont vous parlez était exceptionnel. Je ne conçois pas qu'il puisse y en avoir de plus. C'était sous les coups de quelques boissons alcoolisés et d'une euphorie pulsionnelle. Voilà que nous en revenons aux pulsions... Toujours le même problème. » Par contre, il était sûr que le jeune homme n'expliquerait sûrement pas le pourquoi du comment de ce presque baiser. Puisqu'il ne pouvait toujours pas se l'expliquer à lui-même. La tête blanche n'avait pas tort, il était bien seul le garçon. A tel point qu'il était prêt à se confier à elle, après lui avoir fait comprendre qu'il ne s'ouvrirait pas une deuxième fois. Gérer tes sentiments Daniel, tu peux gérer tes sentiments et tes émotions comme un grand bonhomme!
« Mais si le deal doit vraiment être complet il doit comprendre le fait que tout ça se retournera sur vous. Pas question de servir de cobaye à vos analyses sans en faire de même avec votre personne. Voilà ma dernière condition.»

Myrcella tâchait d’imaginer la merveilleuse vue disponible depuis ce bureau immense, mais ne perdait pas une miette de ce que Daniel était en train de lui confier. Ainsi, il était amateur des plaisirs éphémères et sans but, aussi frêles et rapides qu’ils en avaient l’air, en toute impunité. En soi, elle ne le blâmait pas, chacun ses choix ainsi que ses goûts de vie. Myrcella était aux antipodes d’un tel comportement mais il n’était pas question de le laisser entendre : le mystère devait planer sur elle quoi qu’il advienne, afin qu’il ne soit jamais certain de la véritable personne se cachant sous cet épais masque de politesse. Il s’agissait là d’une belle injustice, puisqu’il se confiait tout de même à elle sur des choses plutôt personnelles alors qu’elle n’avait pas la moindre intention de faire de même, à ceci près que Myrcella n’utiliserait jamais ô grand jamais les informations collectées à l’encontre de Daniel. Elle préfèrerait être pendue en place publique… alors que l’inverse ne serait pas forcément vrai, elle le savait mieux que personne. D’autant que le businessman avait un pouvoir, une réputation et une richesse qu’elle était loin d’avoir et n’aurait très certainement jamais. La balance penchait donc fortement sur son excès de prudence, dont nul ne pouvait la blâmer fort heureusement. « Pourquoi vos ‘pulsions’ seraient un problème ? Il suffit que vous soyez en face de quelqu’un de confiance. Entendez que je ne parle de moi, bien évidemment. Il n’y a aucune honte à avoir, après tout, vous êtes un être humain avant tout… bien que beaucoup vous considèrent comme un robot sans cœur. » Au moins, il ne pouvait pas lui reprocher de ne pas jouer la carte de la franchise. Et sur ces mots, Myrcella retourna docilement à sa place de départ, non sans un pas noble et lent, parfaitement consciente qu’elle n’avait pas sa canne en main et qu’il aurait été mal venu de s’étendre de tout son long sur le sol…

« Soit, vous souhaitez uniquement des relations sociales éphémères et sans importances, c’est un choix de vie qui vous appartient et personne ne devrait vous blâmer pour cela. Mais il n’empêche que vous souhaiteriez peut-être rencontrer des gens avec davantage d’esprit ? Ou, à défaut, qui vous résistent peut-être davantage, afin que le challenge ne soit pas toujours aussi facile, comme si vous claquiez des doigts et qu’il pleuvait soudainement des femmes étroites d’esprit mais physiquement intelligentes. » Il n’y avait pas à dire : la jolie jeune femme avait le sens de la formule. Daniel ne pourrait pas s’ennuyer avec elle, c’était impossible… pas même alors qu’elle semblait aussi paisible et inébranlable d’un ruisseau lors d’une douce rosée printanière. « Très bien… vous pourrez me questionner si vous le souhaiter, et je tâcherai d’être aussi sincère qu’il m’est possible de l’être, même si je me dois d’admettre que ma vie est nettement plus vide, plus sombre, et bien moins palpitante que la vôtre doit l’être. Cela peut-être un excellent moyen de savoir si vous savez m’analyser moi afin de déceler le vrai du faux… »

Myrcella devait avoir la certitude d'être intéressante aux yeux de Daniel. Pourtant il ne connaissait pas cette sensation en retour, pensant qu'elle pouvait aussi se jouer de lui en agissant de la sorte. Après tout il ne la connaissait pas. Leur dernière entrevue n'y changeait rien, et celle-ci n'y changerait pas non plus l'opinion qu'elle se faisait de lui. Il n'était pas qu'un homme sans coeur, mais aussi un homme traumatisé depuis son enfance, avec un certain manque d'affection. Blabla. Il avait déjà des psychologues. Ceux avec un diplôme et un certificat de travail. Mais rien n'y avait fait, il avait eu tendance à trouvé ces personne stupides et sans intérêt. C'était aussi pourquoi il cherchait à avoir l'avis de la tête blanche, ce qui lui prouverait peut-être alors qu'elle était un cran au dessus des autres. « Je rencontre des gens avec d'avantage d'esprit que mes conquêtes sexuelles si vous voulez tout savoir. Surtout au travail, j'ai l'occasion de collaborer avec de nombreuses personnes bien plus intéressantes que le premier mannequin sortit de son podium. » Le travail était sa vie, en somme. Ses relations tenaient au travail, sa popularité tenait au travail, son argent, son réveil le matin. Alors voilà ce qui était sûrement triste, de vivre sans amour, mais avec l'amour du travail. « Puis-je vous demandez quelles sont les relations sociales que vous entretenez mis-à-part celle avec votre colocataire, qui doit, je le pense, aller au-delà de la simple amitié? » En posant une question naïve il s'assurait derrière qu'elle n'entretenait rien de plus qu'un simple contact sympathique avec ce "Diego". Pas de jalousie, non, Daniel n'avait pas assez de sentiments à l'égard de Myrcella pour en être jaloux. Il repensait une fois de plus à cette proposition de mariage, n'oubliant pas que son père avait toujours son doigt posé sur le contrat Myrcella Kervernaal.

« Je pense que vous êtes aussi seule que moi. Que les mots et l'écriture ne suffisent pas toujours, et qu'au lieu d'être constamment bercée par des personnes aussi douces que vous il faudrait, au contraire, côtoyer le piment de plus près. Je ne suis pas entrain de dire que je suis plus intéressants que vos actuelles fréquentations, mais une réflexion est valable à ce sujet.» Daniel avait toujours détesté les personnes molles, qui vivaient dans l'illusion d'une certaine utopie. Les mêmes personnes qui se soulevaient contre la société comme si elles avaient ne serait-ce qu'une chance de changer quoi que ce soit. « Il n'y a pas, certes, grand chose qui nous relie, vous et moi. Mais la solitude fait partie des rares choses semblables entre nous. Et il serait impossible de dire le contraire.»

A vrai dire, Myrcella n’en n’était pas au point de vouloir connaître absolument toute la vie, y compris sexuelle, de Daniel. Les détails qu’il voudrait lui donner lui suffirait amplement aussi se permit-elle de toussoter face à la légère gêne qu’elle ressentait déjà : mais dans quel pétrin s’était-elle encore fourrée ? La jolie demoiselle aux longs cheveux d’argent n’aimait pas le danger, elle exécrait l’inconnu et, par-dessus tout, devait être la personne la plus facilement gênée de cette bonne planète, et ce bien que ses joues ne rougissent que très, très rarement. Ce fut d’ailleurs pire lorsqu’il osa lui demander à son tour, de manière détournée, s’il y avait autre chose qu’une amitié ou entente cordiale avec ce bon Diego… diantre non, jamais de la vie ! « Ne vous méprenez surtout pas : il n’y a rien entre mon bienfaiteur et moi qu’une entente cordiale et une confiance à toute épreuve. Il m’a simplement empêchée de mourir de faim, de froid et de fatigue à mon arrivée à New York. Je lui suis redevable mais je sais également qu’il est bien le seul homme qui ne me demandera jamais de lui offrir les privilèges vous ayant probablement traversé l’esprit lorsque vous m’avez posé la question. » Myrcella maudissait sa franchise. Elle aurait aimé rester en retrait, ne surtout pas être placée sur le devant de la scène au risque d’être, elle aussi, connue de Daniel. Il fallait dire qu’il n’y avait strictement rien de reluisant ou de merveilleux dans son passé, et qu’elle n’avait pas la moindre envie qu’il ne la traître comme la petite chose fragile qu’elle se refusait à être. Et le pire, c’est qu’il ne s’agissait pas de fierté… mais bien de courage, de conviction que la fragilité n’était pas la chose la plus importante en elle. « Peut-être est-il temps pour moi de vous ouvrir les yeux sur une chose : ma façon de « voir » cette vie, si je peux m’exprimer ainsi. »

Puisqu’il y tenait tant, Myrcella prit une grande inspiration, se racla délicatement la gorge non sans mettre sa main devant ses délicates lèvres avant de reprendre, d’une voix douce et aussi assurée que possible : « Je n’ai aucune idée des détails de votre visage. Je ne sais pas si vous êtes beau ou si vous avez simplement un visage de caractère… si vous avez les yeux bleus, verts, marrons ou d’une couleur plus particulière. Le seul détail que je possède, c’est la couleur de vos cheveux. J’imagine cette vie. Mon imagination est certainement ma plus belle arme, mais il n’empêche que contrairement à vous, la solitude est vitale pour moi. Je ne peux pas avoir confiance. Si je me découvre à vous, je sais forcément qu’il viendra un moment où vous pourrez utiliser mes confidences contre moi, et que je n’aurais aucun moyen de répliquer. Je regarde la vérité en face, vous savez. Je ne pourrais guère vous gifler, même si je le voulais. Et je n’ai aucune réputation qui puisse jouer en ma faveur… en conséquence, je suis une bien minuscule chose. Mais au-delà de ça, pour savoir à quoi vous ressemblez, il faudrait que je vous touche. Et ça, il n’en n’est pas question. » En somme, le côté introverti de Myrcella dirigeait sa vie aussi sûrement que sa petite condition. A ceci près qu’elle acceptait cette vérité avec noblesse, sans prétention aucune. « Je n’ai cure d’être seule. Les mots me suffisent car, au risque de vous choquer, je n’ai jamais connu que cela, à de rares exceptions près. Maintenant, je ne serais pas étonnée si vous éprouviez du dégoût à mon égard, à vrai dire. »

Daniel ne trouvait pas Myrcella ridicule, loin de là. Ses premières impressions vis-à-vis d'elle avaient changées, bien qu'elles ne soient pas encore des plus parfaites il avait apprit à développer sa vision des choses, à ne pas s'arrêter à une première impression qu'elle soit négative ou positive. Il n'avait jamais été ferveur des longs discours, bien qu'il ai été obligé d'en faire de nombreux pour l'entreprise. Une conversation telle que celle là? Jamais il n'en avait eu, en vingt-neuf ans d'existence. « Je ne voulais pas vous mettre mal à l'aise enfin. Je pensais que votre ouverture et vos paroles sans gênes pouvaient se porter sur toutes sortes de sujet. » Là-dessus il n'avait pas été très malin, mais presque grossier. Difficile de savoir si il touchait à l'humour ou à la dérision, mais il se tenait à suivre cette conversation comme bon lui semblait. Aussi, la longue tirade de la tête blanche le fit froncer les sourcils de par son écoute attentive. Il était bien difficile que de se mettre à la place d'une aveugle, ce monde autour de lui il le voyait, ce monde autour de lui il en connaissait tout les détails. L'américain ne savait dire s'il était pauvre de par sa cécité, ou riche puisqu'elle s'intéressait plus à des choses dont tout le monde se contre fichait.

« Pourquoi éprouverai-je du dégoût envers vous? Je ne vais pas mentir, mais à la première impression c'est ce que j'avais. Bien heureusement pour moi, comme pour vous, je ne me suis pas arrêté à de simples constatations, et j'ai regardé plus loin. Maintenant, je dois bien dire que votre condition me laisse perplexe. Je ne sais pas si on peut vivre heureux quand le monde autour de nous est quelque d'abstrait, notamment le physique des personnes que l'on côtoie. Ceci étant, vous devez avoir la chance de vous intéresser à l'intérieur de quelqu'un et à son âme, plutôt qu'à sa forme physique, ce qui est, je pense, quelque chose de bien.» Sur ses mots il avança sa chaise roulante vers Myrcella, d'un coup sec. Elle avait bien dit qu'elle ne le voulait pas, mais Daniel accompagné de son ego le souhaitait vraiment. C'est pourquoi en s'arrêtant en face d'elle, il lui attrapa respectivement les deux mains et les glissa sur son visage. Invitant donc l'aveugle à découvrir ce à quoi ce fameux Carter ressemblait.

Bien qu’elle n’en laisse absolument rien transparaître, Myrcella était troublée par le discours de Daniel. Il faisait preuve d’une douceur et d’une compréhension avec elle dont il n’avait jamais usé auparavant avec elle. Pour sûr, elle risquait de se souvenir encore longtemps de leur fameuse joute verbale d’une cruauté sans pareille, au cours de laquelle ils s’étaient confrontés comme si leurs vies respectives en dépendaient. Mais ce à quoi elle ne s’attendait pas le moins du monde, c’est de le sentir s’approcher, une fois encore, afin de prendre ses mains pour les déposer contre son visage. Cherchait-il à ce qu’elle ne puisse mieux l’imaginer ? Dans quel but ? Les questions se bousculaient au portillon dans l’esprit soudainement chaotique de Myrcella, et, alors que les battements de son cœur avaient pris un rythme tout à fait nouveau et inattendu, ses traits de poupée de porcelaine se teintèrent d’une soudaine émotion sur laquelle elle ne voulut avoir aucun contrôle. A aucun moment elle ne ferma les yeux, comme si elle voulait qu’il croit qu’elle avait à nouveau la faculté de le regarder dans les yeux, de pouvoir le sonder comme le grand homme qu’il était et qu’il cachait pourtant à la face du monde entier. Ainsi, avec une infinie douceur, elle laissa ses mains caresser délicatement ses joues, sans insistance, découvrant chacun de ses traits comme s’il était une œuvre d’art dont elle se devait d’épouser chaque détail. Cette fois-ci, sa timidité fut laissée de côté : elle n’hésita pas une seconde à refaire le contour de ses lèvres, légèrement charnues, accompagnant son geste d’un sourire franc sans forcément qu’il ne soit amusée. Myrcella mettait dans chacun de ses gestes un infini sérieux, et une émotion proprement indescriptible à tous ceux n’ayant jamais été atteint de cécité. « On peut croire ce que l’on veut de vous, Monsieur Carter, mais aussi vrai que vous avez un très beau visage, vous avez également une âme magnifique. Vous devriez la montrer davantage. » Ne plus se cacher derrière un sourire crispé sans arrêt contraint d’être présent, derrière des phrases répétées et même apprises par cœur… Myrcella aimait le naturel dont il faisait preuve avec elle.

« Vous avez les yeux clairs, je me trompe ? Souvent, ceux qui ont les traits avec autant de caractère que les vôtres ont les yeux clairs. Hélas, vous pouvez très bien me mentir et je ne pourrais pas vérifier ! » Myrcella dévoila ses belles dents blanches en un sourire plus éclatant, sans lâcher son visage, dont elle caressait désormais les joues en les effleurant simplement de ses pouces. A aucun moment elle n’avait imposé la présence de ses doigts. Tout était fait dans une infinie finesse… « Pourquoi me donner l’occasion de vous découvrir de cette manière ? » osa-t-elle demander, ses propres traits regagnant cette fameuse expression sérieuse et concentrée qu’elle avait si souvent. Mais bientôt, elle passa ses doigts contre les paupières de Daniel afin de l’inciter à les clore, avant de se saisir de ses mains pour les placer délicatement contre son propre visage. « Seriez-vous capable de garder les yeux fermer et de faire de même avec mon visage ? »

Daniel avait l'envie de fermer les yeux, laissant Myrcella scruter chaque imperfections et chaque traits de son visage. Il y avait quelque chose de doux, qui s'éprenait de lui pendant que les fines mains de la tête blanche caressaient impétueusement sa peau. C'était comme un geste tendre, alors qu'il n'y avait qu'un désir de découverte mutuelle. Jamais personne ne l'avait touché de la sorte, mis-à-part peut être sa mère, lorsqu'il était jeune. C'était pourquoi il savourait avec une gentillesse nouvelle ce moment.
« Vous avez raison, j'ai les yeux bleus, plutôt clair je dirais même.» Le jeune businessman ne cachait pas qu'il avait toujours apprécié ses yeux comme la partie la plus pure de lui-même. Il disait même que les yeux étaient les fenêtres de l'âme, c'est pourquoi il le laissait faire quand Myrcella s'adonna à lui fermer les paupières à son tour. Pour lui il n'y avait plus de jeu, c'était un entretien entres deux personnes penchant à se découvrir, pas de rigolade ni de paroles inutiles, mais une atmosphère suspendue dans un souffle lent. « J'avais envie que vous puissiez me voir comme je me vois, plutôt que de vous imaginez une personne qui ne serait pas très belle à regarder, d'un point de vue extérieur comme intérieur. » Il ne le disait pas souvent, mais il était quelqu'un de très complexé. Il ne l'avait même jamais dit à personne, mais il ne s'aimait pas vraiment. Que ce soit en parlant de son caractère ou de son physique, ce narcissisme avait toujours été une manière de se protéger du vrai regard qu'il portait sur sa personne. Il ne devait en aucun cas laisser paraître ses faiblesses, ce en quoi ses ennemis du milieu féroce de l'économie pourrait le découper en rondelles.

Dans un élan encore plus doux, il laissa ses mains parcourir le visage lisse et parfait de Myrcella. Daniel passa ses pouces respectivement sur ses joues, avant de venir caresser son cou comme s'il s'en emparait. Son souffle s'était ralenti, accentuant la lenteur du temps comme s'il s'était arrêté. Son pouce droit dessina les contours de sa bouche avant de s'attarder un peu plus longuement sur la lèvre inférieure. Il passa même un doigt sur le bout de son nez, souriant légèrement sans ne trop savoir pourquoi. C'était les paupières fermées qu'il se rendait compte de la beauté des traits de la tête blanche. Les formes étaient belles et continues, quelqu'un d'aveugle aurait trouvé la jeune fille comme une des plus belles personnes de ce monde. Mais il ne l'était pas, et ses quelques minutes silencieuses ne changerait pas le fait qu'ils ne vivaient pas dans la même perspective de vie. « Vous êtes magnifique, une fois les yeux fermés.» Bien entendu il ne se rendait pas compte que sa phrase pouvait être vexante, mais de son point de vue elle ne l'était pas. Daniel venait de dire en quelques mots tout ce qu'il ressentait sur place, débitant ses pensées comme des chiffres sur une calculette. Pourtant, il n'avait toujours pas cherché à rallumer la lumière et ouvrir les paupières. Il y avait quelque chose de rassurant, une fois plongé dans le noir, ce pourquoi il préféra continuer sa découverte d'autrui en lui touchant délicatement les oreilles, avant de prendre ses cheveux et d'en chercher la longueur. « Vous n'auriez pas du vous faire cette couleur, je suis sûr qu'ils étaient encore plus doux auparavant. »

Myrcella se contenta de sourire face à sa remarque, pas vexée pour trois sous. Il faut dire qu’avant de l’atteindre, encore fallait-il se lever tôt. « Je n’ai jamais eu la prétention de dire que j’étais jolie ou intéressante une fois les yeux ouverts. » La jeune femme était amusée par la situation, bien que son trouble soit hautement palpable. Daniel se prêtait au jeu avec une facilité qui faisait faire des bonds vertigineux dans sa poitrine. Le simple fait de sentir ses grandes mains toucher ses longs cheveux avec cette délicatesse la faisait frissonner. Par chance, il avait gardé les yeux ouverts, et bien que Myrcella ne puisse le vérifier, elle en était persuadée sans en connaître la raison. Ce n’était peut-être pas plus mal, étant donné que ses joues s’étaient lentement colorées d’un joli rose, preuve qu’elle était troublée bien plus qu’elle n’aurait été capable de le dire, l’amusement s’effaçant au fur et à mesure que le businessman prenait de l’assurance vis-à-vis de ses gestes. A croire qu’il allait passer maître alors qu’elle n’avait jamais osé toucher que son visage. Quelque part, elle ne l’imaginait pas faire preuve d’une telle douceur avec quelqu’un d’autre… avait-on seulement déjà été doux envers lui ? « J’ai sûrement eu la naïveté de croire que je pourrais changer tout ce qui ne va pas chez moi de cette façon. Mais ce que j’aurais aimé modifier en premier, c’est la couleur de mes yeux. Hélas, je ne serais jamais capable d’user de lentille et il n’y a aucun moyen pour moi de défaire ce que la nature sait si bien faire. J’étais brune… mais mes cheveux n’étaient pas moins doux, du moins je ne pense pas. » Myrcella sentait sa gêne s’amoindrir au fil des minutes, comme si le fait de se dévoiler de cette manière n’était plus un problème en soi. Daniel faisait sûrement preuve avec elle d’une douceur dont il ne gratifiait personne, et bien qu’elle n’en dise mot, elle connaissait la valeur de ce qu’ils étaient en train de partager bien mieux qu’il ne devait en prendre conscience lui-même.

« Pourquoi ai-je l’impression que vous imaginez des choses fausses quant à la façon de vous voir ? Votre caractère va de paire avec votre position, voilà tout. Ce n’est pas à moi de le juger. En revanche, je peux vous décrire ce que moi je vois. » Il pouvait être assuré qu’elle n’avait cure de son argent, de sa position ou de son pouvoir. Par conséquent, elle ne disait pas toutes ces belles paroles histoire de lui graisser la patte ou en vue d’obtenir quoi que ce soit de sa part… sa franchise était étrangère à tout mensonge, et il pouvait se féliciter de rencontrer enfin une personne qui soit capable de se tenir droite en face de lui sans trembler ni même éprouver la moindre hésitation. Myrcella se surprit à remonter ses mains vers le visage de Daniel, sans trembler, afin de lui décrire tout ce qu’elle pouvait bien voir. « En dehors de vos épaules que j’imagine puissantes, votre stature n’est pas à décrire car je pense que vous en connaissez chaque détail… chacun de vos traits dévoile une force et une beauté lui étant propre. La forme de vos yeux fait sûrement chavirer plus d’un cœur emballé… et l’intégralité de votre visage est marqué par vos émotions, quelles qu’elles soient. Vous êtes quelqu’un d’expressif, preuve que vous êtes entier, complexe, secret sans doute. Preuve que votre âme possède une grande valeur, dépassant de beaucoup cette beauté extraordinaire que je vous imagine. » Myrcella ne maintint pas le contact cependant. Elle baissa subitement ses mains, afin de ne surtout pas s’imposer à Daniel.

Daniel s'était une fois de plus surprit à fermer les yeux, sentant les douces mains de Myrcella prendre part sur son visage une seconde fois. Son toucher l'apaisait, et ses paroles il les buvait largement. Elle faisait sa propre analyse et c'était bien la première fois que quelqu'un le faisait. Personne ne s'était jamais intéressé à lui comme cette tête blanche, alors qu'il l'avait traitée comme une moins que rien auparavant. La haine attisait les sentiments, c'était à croire que cette proposition était vraie. Il souria.
« Je crois que je suis peut-être même trop expressif. Je vais avoir des rides jeune, c'est bien dommage.» Là-dessus il avait marqué une légère impression de cynisme, ne quittant pas son personnage pour autant. Ses mains qui s'étaient reposées sur ses genoux remontèrent pour caresser de son pouce le front sans marques de la jeune femme. « J'ai l'impression que le front est le symbole de la raison, et le tien me donne envie de penser que tu es une personne des plus raisonnées que je connaisse. Ce matin tu es venue pour un entretien d'embauche, sachant très bien que tu risquerais de me voir. Je ne sais pas si tu es venue par simple politesse, ce qui me paraît la réponse la plus plausible, ou parce que tu avais envie de me revoir. Dans ma tête j'ai essayé de me persuader que la deuxième solution était la bonne, parce que c'était bien celle qui me faisait le plus plaisir. Ou tu as simplement oublié mon nom, et tu t'es rendue dans nos locaux ne sachant même pas de quelle entreprise il s'agissait, mais j'en doute. » Daniel se perdait dans ses explications, il était partit sur un sujet totalement différent, ne sachant pas où le chemin mènerait. Pourtant, il n'avait pas bougé son siège, et était resté proche de la jeune femme.

« Je n'ai pas dit que tu étais moins belle, une fois les yeux ouverts. Au contraire, tu devrais savoir que la lumière te donne un visage rayonnant. Tes cheveux brillent au soleil, tant ils sont clairs. Et tes lèvres, elles sont d'un rose qui fait écho à tes petites joues. Non vraiment, si tu pouvais te voir tu serais enchantée d'avoir une prestance aussi divine. » Il n'avait pas parlé sans émettre un petit sourire, regardant chaque partie de son visage qu'il décrivait. Décidément, Carter fils s'était volatilisé, bonjour Daniel! « Je me permettrais même de rajouter que tu ne devrais pas utiliser de lentilles, tes yeux sont magnifiques. Ils n'ont même pas une couleur que je pourrais décrire, ça te rend encore plus unique que tu ne l'es.»

Myrcella laissa ses joues devenir légèrement plus rosées alors que c’était bien la toute première fois qu’une pluie de compliments l’effleurait elle, qui était d’ordinaire si transparente pour tous. Y compris pour Daniel au départ, d’ailleurs, n’ayant même pas remarqué sa canne d’aveugle et l’ayant incendiée pour l’avoir bousculé. Il venait de lui prouver par a+b que son âme était aussi belle que son visage, lorsque celui-ci était libéré de toute crispation obligée par sa position et son travail au sein de son entreprise. Certes, son sourire avait disparut, mais la concentration dont elle faisait preuve était extrême. Elle était même presque prête à se pincer pour se convaincre qu’il ne s’agissait pas d’un formidable rêve et que le fameux Daniel Carter était en train de lui dire tant de jolies choses sans même y avoir été contraint par quiconque. Une sorte de tendresse s’échappait même de ses yeux d’ordinaires si vides, tandis qu’elle laissait ses mains revenir lentement à ses genoux sans oser le toucher à nouveau. Finalement, elle se risqua à prendre ses mains dans les siennes, touchant toujours son visage si doux et innocent, en caressant le dos à l’aide de ses pouces et de sa délicatesse indéniable. Certes, Myrcella était la bienveillance incarnée, mais cela ne la rendait pas non exotique… elle avait beaucoup de qualités à son compteur, et la franchise était celle dont elle pouvait le plus jouer en présence du businessman. Bien que celle-ci puisse également lui jouer certains tours… « Mes yeux sont hélas la marque du péché » lâcha-t-elle dans un souffle, non sans adopter un air admirablement sérieux de façon plutôt brusque. Hélas, la couleur de ceux-ci appartenait à son père, ce même homme ayant violé sa mère sans aucun scrupule avant de la laisser pour morte en pleine rue, aux Seychelles. Myrcella déglutit avec difficulté en se remémorant la confidence de sa mère à ce sujet, mais ne se laissa guère dominer par l’apparente tristesse qui s’échappait de tels souvenirs… un sourire pointa donc le bout de son nez afin de contrecarrer une telle confidence, à laquelle Daniel ne devait heureusement rien comprendre.

« Tu ne manques pas de raison toi-même, je dois dire » se permit-elle de dire, alors qu’elle repassait à son tour au tutoiement. Il n’y avait plus aucune raison de mettre entre eux la moindre distance, alors qu’une si apparente proximité physique se jouait actuellement avec un naturelle à couper le souffle. Myrcella elle-même n’en n’était pas dérangée le moins du monde… au contraire, elle avait l’impression d’être dans un cocon confortable dont elle ne voudrait jamais sortir. « Les rides sont les symboles même de l’expression… cela prouve que ton visage a beaucoup à dire. Le mien sera aussi lisse que mon existence, tu peux donc considérer cela comme un avantage ! » Myrcella s’amusait de la propre précarité de son existence. Elle n’était plus blessée par cette vérité depuis bien longtemps, et heureusement. « Bien que j’ai un goût prononcé pour la politesse, ce serait mentir que de dire que j’ai pas eu envie de te revoir. Je savais bien que ce que nous avons partagé ne se reproduirait jamais, et que je n’avais aucun droit de l’espérer, cependant… j’ai aimé cette image que tu m’as donnée. Je ne perds pas de vue que je ne suis pas réellement quelqu’un que tu apprécies et qu’il était dangereux pour moi de venir ici tout en sachant que c’était ton terrain, mais je n’avais rien à perdre à essayer. Et ce que j’ai vu m’a bien plus émerveillée que mon dernier souvenir d’un matin de Noël bercé par une épaisse neige. » Elle se plut à exercer une très légère pression contre ses mains de Daniel, pour les serrer sans le contraindre de quelque façon que ce soit à ce que les siennes ne quittent son visage. Elle ne voulait pas le voir s’éloigner. Et, plus que tout, elle redoutait le moment où il lui faudrait partir. « C’est tout ton être qui brille sans arrêt lorsque tu fais tomber une à une les murailles de Chine que tu construis pour te cacher d’autrui. Tu es plus rayonnant qu’un rayon de soleil sur une plaine enneigée, Daniel. » Bien la première fois qu’elle avait l’audace de l’appeler par son prénom, d’ailleurs. « Bien que de mon côté je sois loin de considérer que je mérites tant de compliments… »

Daniel ne voulait pas voir cette petite bulle suspendue partir, le moment présent était bien trop bon. Jamais il n'avait prit tant de plaisir à être entouré d'une présence féminine, tel qu'il s'adonnait à la raison comme si il s'adonnait à un désir charnel. Il ne voulait pas la voir s'éloigner, et il ne la laisserait pas le faire, du moins, pas maintenant. Pas alors qu'il était en plein rêve. Pas question d'ouvrir les yeux avant que le réveil sonne, avant que la réalité appelle et que les vouvoiements reprennent place sans ne rien demander à personne. « Le seul pêché qu'il y a dans tes yeux est que tu ne t'apprécies pas à ta juste valeur. » Elle ne devait pas se rendre compte des nombreuses qualités qu'elle avait, et il était bien plus dur de nommer ses adjectifs positifs plutôt que ses défauts, Daniel en était le premier conscient. Mais une fois dans le cocon qu'elle créait autour de lui, il était capable de voir qu'il transportait une certaine beauté. Et le seul désir de l'américain était de rendre cette sensation à la tête blanche, lui permettant de trouver la présence du businessman comme agréable. Elle pourrait le considérer comme un miroir, comme si malgré les nombreuses différences les séparant elle avait la possibilité de se retrouver psychologiquement en traversant son âme masculine. Difficile de croire que Carter fils était la même personne que Myrcella avait connu auparavant, à penser qu'elle l'avait transformé.
« Tes mots me touchent au plus profond de mon être, et c'est peu dire.» Jamais il ne s'était sentit aussi vivant, son coeur battait comme si il ne restait quelques minutes à vivre. Il aimait tout ce qui l'entourait, il aimait son existence. Daniel laissa même glisser sa tête, laissant son front venir se coller contre le beau front de Myrcella, laissant leur deux nez se rencontrer, leur souffle s'échanger. Il sentait sa bouche entre-ouverte cherchant l'air à quelques centimètres de la siennes. Il sentait son regard, sa respiration, sa chaleur et laissait les sentiments s'imprégner de son corps, de son âme, de son être tout entier. « Ne doute jamais que tu mérites tout les plus beaux compliments que l'on peut adresser à une personne. »

Ils étaient si proches que Myrcella se permit de suspendre sa respiration à plusieurs reprises afin qu’il ne sente pas les battements de son cœur croître au fil des minutes. Diable ce qu’il sentait bon… et dire qu’elle avait osé critiquer son parfum quelques jours plus tôt, elle se serait giflée ! Elle aurait voulu que le temps se suspende, que l’horloge cesse d’avancer et qu’ils ne soient plus jamais dérangés. Ici, il n’y avait aucun masque à avoir, plus la moindre crainte à ressentir et, pour finir, aucun rôle qu’il ne leur fallait jouer. Il pouvait se vanter d’avoir fait ressentir quelque chose de puissant à Myrcella, qui se targuait en silence d’être une parfaite pierre au beau milieu d’un étang, insubmersible et transparente. Chacun des mots qu’il prononçait était à la fois une brûlure insupportable sur son âme qu’elle estimait damnée et la caresse délicate d’une rose sur tout son être. Qui aurait cru qu’ils soient finalement capables de se comprendre et de s’apaiser ? Myrcella ne s’en rendait pas compte pour l’instant, mais il s’agissait de la rencontre la plus importante qu’elle ait jamais faite. Cela l’émouvait plus qu’elle n’avait jamais été émue. Pourtant, elle n’avait plus versé une seule larme depuis l’annonce de sa cécité progressive. Depuis l’âge de sept ans, en somme. « Je vais essayer de te croire » murmura-t-elle comme s’il ne fallait surtout pas que quelqu’un d’autre que Daniel ne puisse l’entendre. Plus les secondes filaient et plus l’étreinte qu’elle exerçait sur les mains du jeune homme se resserrait. Elle s’y accrochait pour ne pas s’effondrer, et afin de ne pas le voir s’éloigner froidement, laissant ainsi ce moment merveilleux qu’ils avaient vécu ensemble s’effacer comme s’il n’avait jamais existé. Cette crainte se frayait lentement un chemin dans son esprit, tant et si bien qu’elle abandonnait son fameux contrôle et laissait sa respiration avoir le rythme qu’elle souhaitait avoir… tantôt accélérée, tantôt aussi apaisée qu’un fleuve. « Je voudrais que ce moment ne finisse jamais. Que tu ne redeviennes pas le businessman qui va m’oublier aussi vite que je suis apparue et que je ne pourrais jamais être capable d’atteindre. Je ne veux pas m’éloigner. Est-ce trop présomptueux pour quelqu’un de ma petite condition ? » Mais Myrcella laissa un délicat sourire faire entendre à quel point elle se moquait elle-même de ladite condition. Bien que ses propos soient on ne peut plus sincère. Si seulement ils étaient inconnus tous les deux… si seulement ils pouvaient se laisser bercer par les murmures de leurs respirations, le rapprochement de leurs visages qui n’étaient plus qu’à un ou deux millimètres l’un de l’autre, la sensation n’en serait que plus divine.

« Je ne sais pas de quoi demain est fait, mais ne doute pas de ton côté que tu sois l’une des meilleurs personnes qu’il m’ait été donné de rencontrer. Non, n’en doute pas… » Lentement, elle caressait ses mains n’ayant pas lâché son visage, refusant de s’éloigner, s’amusant même à fermer les yeux comme si cela pouvait influer d’une quelconque manière ce moment divin. Elle n’avait cure du temps qui passe… elle profitait de l’instant présent.

Qui aurait cru la roue tournerait de la sorte? Leur présence étaient comme complémentaires, et ce n'est sûrement pas Daniel qui se serait imaginé apprécié chacune des secondes qu'il passait avec elle. Comment avaient-ils pu se mépriser de la sorte? Alors qu'au fond tout leur été lié, comme des âmes soeur. Et le garçon se poussait à croire qu'il avait été victime d'un destin merveilleux.
« Qu'est ce que j'aurais fait si tu n'étais pas venue ce matin? » Difficile aussi de penser que quelques minutes plus tôt ils étaient encore dans une passade presque conflictuelle, attendant seulement que l'un ou l'autre fasse le premier pas pour continuer ce qu'ils avaient commencés au bord de l'eau, dans l'herbe humide. Il ne pourrait plus jamais être le businessman qu'il avait été auparavant avec elle. Myrcella avait ôté son masque de fer, le laissant à vif, le coeur battant le rythme des secondes défilant le plus lentement possible. « Je ne veux plus être cette homme non plus, pas avec toi. Je ne veux plus jamais que tu me trouves détestable, ce serait la pire de mes craintes. » Sa voix chantonnait, murmurait et son souffle était calme, apaisé. Il laissa son affection le prendre pour entourer la jeune femme de ses bras et la serrer contre lui. Comme pour la rassurer, lui promettre qu'il ferait tout pour être quelqu'un d'appréciable. « J'aimerais pouvoir te rendre la vue, afin que tu puisses voir ce monde comme je le vois. Que tu puisses voir ta personne comme je la vois, elle illumine cette pièce, elle irradie son entourage comme nul ne le fait. A croire qu'elle est magicienne. »

Il laissa sa bouche se perdre dans son cou, sentant sa respiration se rapporter à lui. C'était dur d'imaginer que ce moment puisse se finir, non, il ne pouvait pas. Daniel ne le voulait pas et ferait en sorte que ça n'arrive pas. En fermant les yeux il pouvait imager une idylle ou les caresses et la tendresse devaient une utopie. Il n'aimait pas la société dans laquelle il vivait, il n'aimait pas les superficialités que le monde offrait et considérait qu'un moment tel qu'il le vivait maintenant, était bien plus précieux que n'importe quelle richesse.
Le jeune homme ne voulait pas lâcher son étreinte, et la pire des choses qui pourrait arrivée se produit alors : on toqua à la porte, et sans attendre une réponse de l'intérieur un assistant entra, le visage pressé.
« Monsieur Carter, on a besoin de vous tout de suite, désolé de vous dérangez. » Aussi surprit que l'était l'assistant en découvrant les deux personnes enlacés il se redressa, se maudissant d'avoir à quitter cette pièce une seule seconde.

Myrcella voulait attendre le moment lui semblant le plus propice pour que sa voix mélodieuse ne sonne à nouveau au creux de l’oreille de Daniel, profitant tout d’abord d’une étreinte qu’elle n’aurait jamais cru possible et qui emporta son cœur au bord d’un précipice d’émotion indescriptible. Elle maudit la personne qui osa briser ce moment si précieux, arrachant le jeune homme à ses bras, qu’elle n’était même pas sûre de pouvoir revoir un jour, ni d’être en mesure de reprofiter de ce qu’ils venaient de partager. Elle eut donc l’audace extraordinaire pour elle d’effleurer la joue du businessman de ses lèvres, d’une façon aussi frêle qu’un murmure, comme s’il s’agissait d’une promesse, celle de ne jamais oublier ce qu’ils venaient de vivre et de partager. Mais finalement, elle n’eut guère la possibilité de répliquer quoi que ce soit et le laissa s’éloigner à regret, son cœur désormais mis au supplice, un supplice qu’elle ne pouvait exprimer et qui ne pourrait pas être soulagé, elle le savait.

« Oh Monsieur le directeur, je suis tellement navrée de vous interrompre en pleine réunion, mais le responsable de la publicité semble avoir perdu l’esprit ! Une jeune demoiselle travaillait avec le responsable de la scénaristique, et il a fallut que celui-ci ne s’absente pour qu’il ne s’en prenne violemment à elle ! Oh Monsieur le directeur, j’ai essayé d’intervenir ! Il lui a même brisé sa canne en deux !! » La pauvre secrétaire avait les larmes aux yeux tandis qu’elle venait d’interrompre une réunion où Daniel était présent ainsi que leurs plus proches conseillers au sujet d’une affaire de la plus haute importance. Ce qu’elle racontait était brouillon, incompréhensible pour quiconque n’ayant pas vu la scène, mais cela fut bientôt baigné par une soudaine clarté lorsque Myrcella en personne osa pousser la porte vitrée de la salle, effectivement sans sa canne, la chemise légèrement défaite suite à l’altercation violente et sans explication de cet homme qu’elle ne connaissait même pas. L’une de ses manches était même déchirée, laissant apparaître une large marque rouge à son poignet, tandis que son autre main tenait fermement un épais tas de feuille : le scénario qu’elle avait écrit expressément en suivant les indications du responsable de la scénaristique pour l’entreprise Carter. Le père de Daniel se leva aussitôt lorsqu’il comprit, mais avant qu’il n’ait pu en placer une, Myrcella leva une main afin de l’en empêcher. « N’en faites rien. Je vous amène en main propre ce qui m’a été demandé, mais je pense que vous comprendrez que je ne puisse pas accepter votre contrat. Et avant même que vous ne me posiez la question, je ne veux pas la moindre somme d’argent, cela ne m’intéresse pas. Je souhaite toucher autrui par mes écrits et non le faire pour quelque pécule. Je trouverai la sortie, présentez mes amitiés à votre fils. » Oh bien sûr, Carter père lui demanda si ce qu’elle allait faire sans sa canne, mais elle esquissa un léger sourire qui se voulait amusé : « N’ayez crainte, je me débrouillerai. » Le contrôle dont elle faisait preuve était extraordinaire. Mais il s’amoindrit une fois qu’elle fut dans l’ascenseur, certaine que les deux portes s’étaient refermées derrière elle et qu’elle était la seule dans cette boîte en métal. Sa respiration s’accéléra à la hauteur de l’épreuve qu’elle venait de subir et évidemment, elle massa aussitôt son poignet extrêmement douloureux. Sans canne, elle ne savait pas du tout comment elle se débrouillerait.