Winston n'avait pas dormi de la nuit, il s'était amusé à nettoyer chacune de ses armes en vue de son prochain déplacement. Pas question de laisser une poussière venir brouiller la brillance du métal de son revolver. Son ultime revolver qu'il portait partout où il allait, même lorsqu'il se déplaçait dans les rues de New York. Monsieur Wallace devait rencontrer un de ses clients dans l'état du Nevada. Certes il aurait du temps à tuer dans le train qu'il prendrait et s'en réjouissait d'avance. Les voyages avant les réunions professionnels sont divins : il se délecte de pensées noires en réfléchissant déjà par quel moyen il mettra fin aux jours de sa prochaine victime. Winston sadique? Pas le moins du monde. Et l'homme n'avait pas décidé de voyager dans de mauvaises conditions, ferveur des trains luxueux il avait déboursé une certaine somme pour être accueilli dans un sosie de l'Orient Express. Table chaleureuse, petite orchidée dans un vase et revêtement en bois laqué : tout ce qu'il adorait. Vérifiant son titre de transport il se dirigea vers son compartiment. Une carte était accrochée à la porte donnant les horaires du dîner principal, qui se faisait dans un wagon aménagé. Les personnes peuplant ce train étaient toutes dotée d'un statut social assez élevé, ce qui réduisait les chances de tomber sur des insolents qu'il faudrait remettre en place.
S'installant déjà dans sa petite chambre, équipée d'un lit et même d'un deuxième matelas, il commença à déballer l'essentiel de ses affaires. En priorité cette petite boite en ébène, cachant son arme précieuse. Il la déposa dans un rangement proposé, prenant garde de ne pas le laisser en éventuelle vue d'un inconnu. Il se débarrassa également de sa veste noire et s'apprêta à sortir son ordinateur quand la porte s'ouvrit. Dès la première impression pas de doute, il ne s'agissait pas d'un membre du personnel. Non, c'était une voyageuse de la même trempe que lui. Armée de ses bagages et de son billet dans l'autre main, à croire qu'elle était reçue dans le même compartiment qu'il l'était.

« Vous cherchez quelqu'un? »

Un contrat à deux cent mille dollars, ça ne se refuse pas, même lorsque l’on appartient à l’empire White par le sang. Voilà pourquoi Cersei n’avait pas hésité une seconde à prendre un billet first class pour le Nevada, où elle avait rendez-vous le lendemain avec l’un des conservateurs de musées les plus réputés au monde. Au départ, elle avait craint de ne pas avoir de place pour le prochain train en partance, mais selon les indications du site internet, une place s’était tout juste libérée. Quelle chance ! Cersei s’était donc mise sur son trente-et-un, arborant un magnifique tailleur lui donnant à la fois l’allure d’une grande dame mais, surtout, d’une professionnelle incontestable. Ses longs cheveux blonds étaient impeccablement coiffés en un chignon relevé qui, heureusement, ne lui donnait pas un air trop strict, et Cersei avait même opté pour un maquillage un peu plus marqué que d’ordinaire. Il fallait qu’elle fasse très forte impression, et puisque son physique était aussi important que son esprit si aiguisé, aucune raison de se priver de cette petite touche ayant un charme diaboliquement efficace. A ceci près que l’héritière n’avait aucune idée du pépin lui pendant pourtant au nez : à peine avait-elle poussé la porte de la cabine inscrite sur son billet qu’elle tomba nez à nez avec un homme, fort charmant bien évidemment, la questionnant aussitôt en constatant son air passablement étonné. « En vérité non, je devrais simplement me trouver en face d’une cabine vide et non occupée par un autre voyageur… êtes-vous certain d’être dans la bonne cabine ? » Cersei était une fervente défenderesse du bon vieil adage ‘honneur aux dames’, et aussi vrai qu’elle exécrait la gent masculine depuis son divorce, elle venait de faire preuve d’une froideur aussi calculée que logique en vue de la situation. Sauf que sur le billet de ce parfait inconnu, en évidence sur la table en bois de la cabine comportant heureusement deux couchettes, il était inscrit le même chiffre que sur le sien… diable. « N’ayez crainte, ils vont m’entendre. Veuillez m’excuser. » En l’espace d’une demi seconde, Cersei était sortie et avait déjà fait appel à un contrôleur passant spécifiquement dans le couloir, laissant la porte ouverte ainsi que sa valise plutôt légère et compacte à l’intérieur du compartiment. « Écoutez. Nous allons oubliez vous et moi l’éternel refrain du « nous sommes désolés mais nous ne pouvons rien y faire » et passer directement à celui qui donne une solution aux deux voyageurs que nous sommes, ce monsieur et moi. L’erreur ne peut venir que de votre compagnie aussi suis-je dans l’attente d’un nouveau compartiment tellement luxueux que je pourrais enfin oublier que cette journée a bien faillit être gâchée. »

Sauf qu’après un interminable monologue, il ressortit qu’aucun autre compartiment n’était libre, et qu’ils allaient devoir cohabiter l’un avec l’autre pendant tout le temps du trajet. Sans oublier qu’avec la chambrette était réservée une même table au restaurant de luxe du train… en somme, même pour manger, ils ne pourraient guère se séparer. Autant prendre la chose d’un meilleur angle : Cersei pénétra donc à l’intérieur du compartiment à nouveau, calant sa valise sous le lit en deux temps trois mouvements avant de se relever, de tirer légèrement sur sa jupe afin de mieux tendre sa main à l’attention de ce parfait inconnu. « J’ai fais ce que j’ai pu, mais il semble que nous soyons obligés de cohabiter… Cersei White. N’ayez crainte, je m’occuperai plus tard de la réputation de cette compagnie, et en attendant, ne vous sentez pas obligé de dîner en même temps que moi. Et je ne ronfle pas, pour ce que ça vaut. » A vrai dire, elle n’était guère à l’aise, voilà la vérité. Cela faisait un siècle qu’elle ne s’était pas retrouvée seule dans un espace aussi petit en présence d’un homme… et surtout d’un inconnu !

Winston fut tout aussi piqué par l'erreur de réservation. Ce problème n'avait pas à être dans ce genre de compagnie qui était fervente de l'organisation et l'ordre. A croire que c'était un viirus qui se propageait chez toutes les lignes de train. Le personnel ne semblait pas du tout dérangé à l'idée de laisser deux inconnus se partager une chambre et une table, pas le moins du monde, ce qui deconsterna encore plus le quarantenaire. C'était vrai qu'en plus de ne pas être bavard, il n'était pas non plus d'une sociabilité inouïe. Du moins il pouvait l'être pour son travail uniquement.
« Je me vois bien désolé de ce dirais-je... Léger problème. Eh bien, faites comme chez vous, disons seulement qu'une moitié de la chambre m'appartient.»
Il n'était pas en prise avec la chaleur non plus, et sa voix restait aussi froide ce les sentiments qu'il émanait. Par politesse il tendit la main à la jeune femme en retour : « Winston Wallace, enchanté. » Mais pour tout dire il n'avait que faire des discussions conventionnelles et se remit aussitôt à taper sur son clavier à une vitesse éclaire. Au programme : un dossier très important se situant à New York. Dossier qu'il traiterait dès que son entretien dans le Nevada se serait conclut. Les affaires marchaient plutôt bien pour le gentleman, mais il n'en oubliait pas son but principal et comptait bien profiter de ses marchés pour s'informer au sujet des victimes les plus importantes de son existence.
Winston ne faisait pas non plus attention à la blonde qui rangeait ses affaires en vue de ce long voyage, et jetait quelque fois des coup d'oeil au dessus de son énorme écran. Le seul problème fut quand elle s'apprêta à ouvrir le rangement où il avait soigneusement posé son arme.

« Hum, excusez moi, mais ce tiroir est déjà plein. » Il décida tout de même de faire honneur à son éducation en se hâtant de débarrasser la chose de sa boite noire. Furtivement il la cacha dans sa valise à main. Pas question de laisser entrevoir un tel objet, bien que la boite semble totalement neutre, quelqu'un avec un minimum de réflexion pourrait deviner ce qui se cachait à l'intérieur, et ce n'était certainement pas une situation dans laquelle l'homme souhaitait se retrouver. Il gratifia la jeune femme habillé d'un sourire, montrant qu'il avait fait ce qu'il pouvait pour éviter un seul contact s'avérant pouvoir être gênant.
« Si cela vous rassure, je ne ronfle pas non plus. »

Autant dire que Cersei eut tôt fait de s’écarter face à l’information de ce parfait inconnu nommé Winston Wallace. Peut-être avait-il quelque chose de honteux à cacher, ou sans doute était-il simplement pudique, mais la jolie trentenaire ne se permit certes pas de poser la moindre question. Elle ne faisait que constater de la froideur évidente dont il faisait preuve, très nettement supérieure à la sienne. A vrai dire, Cersei n’était guère une femme froide, simplement rigoureuse et, avant d’être maman d’un petit garçon, elle restait l’une des archéologues les plus en vogue de son temps. Une chance que ce Winston n’ait pas eu vent de l’empire White, sans quoi aurait-il posé l’une des sempiternelles questions curieuses auxquelles la jeune femme était constamment confrontée. Cela dit, le silence n’était guère son fort et la mettait plutôt mal à l’aise. Elle ôta donc ses talons en faisant plus de bruit que d’ordinaire, s’empara de son organizer sous forme de tablette tactile et, bien qu’elle n’ait strictement rien à préparer de plus pour son entretien du lendemain, faisait semblant. Elle alla même jusqu’à sortir un dossier de sa mallette en cuir noir, ainsi que ses lunettes lui donnant un air à la fois plus enfantin et strict, afin de ne surtout pas se concentrer sur la bizarrerie de la situation. Cersei fut presque soulagée lorsqu’il ouvrit enfin la bouche, mais les réponses qui en sortirent lui arrachèrent une étrange expression. Était-elle mal à l’aise ou simplement… intriguée par cet homme étrange ? Nul ne le savait, pas même la jolie archéologue en personne. « Et être froid comme un glaçon, ça ne vous pose pas de cas de conscience ? » Cela avait été plus fort qu’elle. Cersei n’avait pas sa langue dans sa poche, pour le plus grand dam de ses parents. Elle se racla légèrement la gorge, se rendant compte qu’elle avait, une fois encore, oublié de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. « Veuillez m’excuser. C’était un peu… impoli de ma part. » Un peu plus fort qu’elle, aussi, bien qu’elle fasse mine d’être concentrée sur un dossier bouclé depuis des lustres et qu’elle connaissait par cœur au mot près.

« Je n’ai vraiment pas l’habitude de partager une chambre avec un parfait inconnu, sans vous offenser. Enfin… quelqu’un d’aussi peu éloquent que vous. » Il ne s’agissait pas d’une attaque mais plutôt d’une simple constatation. Cersei était relativement bavarde et toujours éloquente, emportée par la passion de sa profession, il allait donc sans dire que de se heurter à son exact contraire n’était pas vraiment idéal pour elle. « Et vous bossez dans ? » Il allait avoir envie de l’étouffer avec son oreiller au beau milieu de la nuit voire même avant, c’était une certitude.

Winston fut comme interloqué par les réactions abusives de sa nouvelle partenaire de chambre. Il ne fallait pas prendre la mouche pour si peu, pas en prenant état de cause le comportement glacial de l'homme. « J'essayais de faire de l'humour. La réaction escomptée n'y était pas, dommage. » Alors que la jeune femme continuait d'essayer de briser la glace, il commença à détourner son regard de l'écran éclairant son visage. Finalement, il baissa l'ordinateur pour l'éteindre complètement et redevenir quelqu'un de poli. « Je suis dans la finance, comptable pour être exact. Je me permet de vous retournez la question. » A vrai dire il n'en avait que faire de la vie de cette jeune femme, il allait partager une nuit avec elle. Avec un peu de chance et un petit jeu de charme finir dans le même lit et profiter d'une nuit de chaleur avant de reprendre son véritable travail. Comptable était sa couverture principale, sur les papiers officiels et dans les discussions mondaines. Il était même allé jusqu'à se faire une carte d'employé d'une entreprise quelconque. Son nom était dans le registre des employés en cas de vérification des autorités. Impossible de savoir sa véritable nature à moins d'être dans le secret. Bien sûr, il n'y avait eu qu'une seule personne proche de lui, et bien sûr cette personne avait été la seule au courant de tout le processus. Il envisagea même la possibilité que cette femme soit envoyée pour le descendre dans la nuit, elle aurait très bien pu payer la compagnie et se faufiler dans sa chambre prétextant une erreur. Il fallait tout envisager, et ceci lui donnerait une bonne raison de dormir avec la petite boite noir sous l'oreiller, prêt à dégainer autre chose que ce qu'il avait sous la ceinture au bon moment.

« Je me rends dans le Nevada pour un entretien d'embauche. Vous allez sûrement me dire qu'envisager de déménager depuis New York pour cet état perdu peut sembler être une perturbante décision. Ce à quoi je répondrais que vous ne savez même pas si je demeure à NYC, et j'ajouterais même que la ville rend les gens malades. Ensuite, je vous demanderais la raison de votre déplacement, et la critiquerait. » Du Winston tout craché, sa technique pour briser la glace était tout autre. Quitte à engendrer une réaction perplexe de la jeune femme. Pas d'importance, ce n'était que le début d'un long voyage qui serait guidé par la méfiance et le doute. Ne jamais avoir confiance en personne, jamais.

Ce fameux Winston Wallace parvint au miracle de rendre muette l’intrépide Cersei White, chose qui n’était pas donnée à tout le monde. Mais elle se redressa bientôt, petit sourire amusé éclairant son beau visage, alors qu’elle ne le trouvait plus froid, mais puant de prétention. Parfait ! Enfin quelqu’un à sa hauteur n’ayant pas le réflexe d’aller pleurer chez sa mère à la moindre contrariété. Certes, la jolie américaine avait bien du mal à être fausse, à mentir ou même à manipuler autrui, c’était bien ce qui l’avait perdue avec son ex-mari d’ailleurs, mais ce n’était pas une raison pour se laisser démonter par un parfait inconnu qu’elle ne reverrait plus jamais à partir du lendemain même heure. « Le fait d’être comptable vous sied à ravir je dois dire : non plus froid mais arrogant, à peser chacun de ses mots comme si j’allais faire un pas de trop vers vous… ce n’est pas trop dur de se réveiller chaque matin et de vous heurter à votre reflet dans le miroir ? » Cersei arqua un sourcil avant de mettre en place son dossier capital, et ce bien qu’il ne s’agisse que d’un tas de papiers dont elle connaissait chaque détail par cœur et dont elle n’avait pas réellement besoin. Une sécurité plus qu’autre chose, somme toute. « Je suis archéologue » lança-t-elle sans même un regard, ayant subitement cessé le contact visuel tandis qu’elle réfléchissait mûrement à sa prochaine réplique : il faut dire qu’elle avait une sainte horreur de la compétition, et qu’elle ne supporterait pas de lui laisser avoir le dernier mot… à moins d’être absolument assurée d’obtenir le point final. « Avant de critiquer la raison de MON déplacement, n’est-il pas de coutume que je critique d’abord la vôtre ? » Chose qu’elle n’avait faite. Certes, elle s’était permise de critiquer sa façon d’être, mais s’était aussitôt excusée pour son comportement, sa petite vendetta ridicule et glaciale n’était donc pas d’actualité. Mais soit… « Après tout, si cela vous chante de perdre votre temps : je suis en route pour signer un très important contrat avec le conservateur du Louvre à Paris, en visite dans le Nevada. Cela implique d’imposantes fouilles et un travail titanesque. France, Italie, Suisse… je vais être beaucoup de voyage et ce n’est point un seul déplacement qu’il faudrait critiquer, mais une bonne vingtaine, navrée de vous imposer si monstrueux challenge cher Monsieur Wallace ! »

Cersei laissa un sourire énigmatique et amusé contre ses traits avant de refermer son dossier et de le ranger soigneusement pour mieux s’asseoir tout au bout de son lit, non sans garder une imposante distance entre elle et cet homme ne lui inspirant décidément aucune espèce de confiance, quelle qu’elle soit. « Mais vous vous méprenez cela dit : personne n’a dit que je portais New York et ses artifices insupportables dans mon cœur. Vous auriez bien tort de croire tout savoir sur les femmes, Monsieur Wallace. Vous êtes peut-être flexible, ce qui est rare pour un comptable. Et alors ? Ce ne sont point mes affaires ce que vous faites des vôtres. »

La réaction en chaîne de la jeune femme fit sourire le quarantenaire. Quelle mouche l'avait piquée? Il était bien marrant de voir le sens de la répartie qu'elle se traînait. Pas moyen d'en placer une qui puisse lui faire fermer son clapet, et bizarrement Winston n'avait même pas essayé d'être coupant ou sec. Il s'en prenait une grosse dans la tronche en retour. « Excusez-moi d'avoir heurté vos sentiments, je ne pensais pas avoir à faire à une émotionnelle. Problème menstruel? » En jouant dans cette équipe il risquait de s'attirer la foudre. Mais il était bien plaisant de mettre un peu d'ambiance dans un voyage qui s’annonçait être long. Et tout en testant la jeune blonde il pourrait sûrement déceler le maillot de son équipe : simple archéologue comme elle prétendait l'être, ou tueuse professionnelle prêt à dégainer un revolver caché sous son tailleur?
« Je ne vous avait demandez de me faire un résumé de votre glorieuse existence, mais puisque vous l'avez fait je me sentirais dans l’obligeance d'en rajouter une couche, vous prouvant contre toute attente que ma vie est mieux que la vôtre. » Il souriait rien qu'à l'idée de devoir affronter cette présence féminine durant plusieurs heures. Il avait déjà eu quelques femmes émotives dans les pattes, ça n'était pas de tout repos, et ça pouvait être même très énervant. Mais en cherchant un peu loin, il se cachait parfois un vrai trésor beaucoup plus intéressant. « A vrai dire j'espère même pouvoir creuser un peu plus profond en vous, afin de voir que vous n'êtes pas seulement une trentenaire fatiguée de la vie mais aussi une personne bien plus passionnante. » Ironie du sort, il n'était sûrement pas le premier fatigué de l'avis et se considérait dans la pleine puissance de l'âge. Presque arrivé à la moitié de sa vie, il avait vu un bon nombre de chose et fais assez d'expérience pour en écrire un livre. « Vous savez ce que je pense? Je pense que vous avez assez vécu lorsque vous possédez assez de matière pour en écrire un livre. » Il marqua un temps de pause. « Sauf si vous avez été violée à l'âge de treize ans. » Sa blague n'était pas adressée à tout les publics. Et le lançé de tomate serait certainement la seule réponse qu'il obtiendrait, mais néanmoins il restait assez fier de lui. Laissant cette relation aux commencements électrique prendre tout son sens.

« Puisque vous en avez si facilement déduit qu’il s’agissait d’un problème menstruel chez moi, je vais plutôt en déduire de mon côté que vous êtes frustré et délaissé par une gent féminine qui ne saurait vous supporter. » Cersei n’était pas la dernière dès qu’il s’agissait d’une bonne joute verbale. Il ne s’agissait pas uniquement d’une fierté extraordinaire dont elle faisait preuve, mais plutôt d’un désir incroyable de boucler le clapet de cet impotent personnage. Tout en Winston était désagréable : sa voix, le choix de ses formules, même sa posture… à croire qu’il fasse une religion du fait d’écarter soigneusement les gens de lui. Oh Cersei ne pourrait pas le blâmer pour cela, même si elle le voulait. « Et j’irai même jusqu’à en conclure que vous vous ennuyez tellement dans votre vie que vous clamez si parfaite que c’est vous qui êtes fatigué de la vie et non moi. » Cersei adorait sa vie. Son fils, son boulot, rien ne clochait. Rien ? Hormis le département amoureux évidemment. La belle blonde n’avait plus aucune confiance en l’âme masculine, et ce parfait inconnu était diablement en train de lui prouver à quel point elle avait raison d’être méfiante et sans arrêt sur la réserve. Après tout, elle n’avait confié que d’insignifiantes choses à propos de son boulot, sans aller au fond des choses, afin de ne surtout pas lui fournir une arme supplémentaire en vue de la matraquer avec. Surtout pas alors que sa dernière réplique lui arracha une large expression de surprise. Finalement, c’est un rire nerveux auquel il se heurta. Cersei avait cette formidable possibilité de rire aux enterrements… mais également aux choses les plus dramatiques, y compris l’image d’un viol. Preuve qu’elle n’avait jamais subit ce genre d’horreur, à vrai dire. « Vous êtes vraiment un Sherlock en mousse, si je puis me permettre ! » lui lança-t-elle non sans prendre en main la carte du menu, présente dans une petite housse à portée de son lit. Tout cela l’avait mise en appétit, à vrai dire.

« Cela dit, normal que votre vie soit tellement merveilleuse par rapport à la mienne, vous êtes trois fois plus vieux que moi. Le bouquin serait plutôt de votre ressort, suis-je tentée de dire. » C’était bête et méchant, mais après tout, il ne l’avait pas volé. Cersei aurait été bien incapable de lui donner un âge à vrai dire, et elle s’en fichait comme de l’an quarante. Tout ce qu’il fallait, c’était avoir le dernier mot. « Une petite faim entre deux vacheries ? Non parce que vous êtes peut-être doué pour vous planter lamentablement lorsqu’il s’agit d’étudier autrui, mais vous aurez peut-être du goût pour avoir une idée sur quelque chose de potable. » Quitte à se supporter, hein… Cersei n’était plus une femme ayant réellement peur de se brûler les ailes en vérité.

Son petit sourire en coin ne le quittait pas. Il gardait en lui son petit esprit taquin, et sa fierté sur dimensionnée qui s'attaquait à quiconque voulant l'affronter. Elle était vraiment douée en la matière, et l il devait un certain respect à son culot qui la poussait à aller toujours plus loin dans ses remarques. Elle en était si emportée qu'elle lui demandait de choisir un encas comme une meurtrière. Drôle de brin de femme, et drôle d'habitude. Pas le temps de s'adonner derrière à une réflexion sur son genre, sur son passé et sur ses habitudes. Il n'en trouvait pas l'envie et le courage. Tout était trop futile pour attirer son attention. Tout était trop futile pour s'attarder sur une seule personne qui n'en valait sûrement pas la peine. Winston avait perdu l'envie de s'intéresser aux gens, il avait perdu l'envie de se sociabiliser. Mieux vaut être seul que mal accompagné, et il l'avait comprit après avoir fait la plus grosse erreur de sa vie. Plus jamais ça, plus jamais il ne s'attacherait à quiconque. Il en valait même des simples rencontres de voyage. Donner trop d'informations était un risque, ce qu'il faisait du mieux qu'il pouvait. Peut-être aurait il même du donner un faux nom, ce qui aurait été préférable.
« Au-lieu d'exposer vos nerfs comme une prostituée exhibant ses parties intimes voudriez-vous vous calmez et m'aider à choisir? » Il posa ses yeux sur la couchette de la jeune femme, l'invitant à posez ses émotions en même tant que sa masse corporelle. « En tout cas, ma vie est assez merveilleuse pour m'offrir une bouteille de champagne, que je vous laisse commander.» Il y avait quelque chose qui le laissait jubiler à l'idée d'être détesté. Une relation basée sur la haine était bien plus intéressante qu'une simple rivière coulant d'eau source. Un caillou pouvait s'avérer être mieux qu'une fleur. Quelle métaphore poétique.
« Quant à la nourriture, je vous laisse le choix complet. A vrai dire, si vous avez tant de jugeote je ne doute pas une seule seconde que vos décisions seront sûrement meilleures que les miennes. Qui ici a l'ego plus grand que la pièce, pouvez- vous me le rappelez? »

Cersei n’était pas en reste en matière de joutes verbales, puisque l’on prenait toujours un malin plaisir à chercher à la rabaisser. Son métier était horriblement masculin et, aussi vrai qu’elle était l’une des rares archéologues féminines de cette belle planète bleue, elle mettait un point d’honneur à ne jamais se laisser dominer par un homme. Grave expérience malheureuse ou fierté mal placée, à vous de faire votre choix parmi le menu. Et en parlant de menu, celui-ci était horriblement attrayant. Mais Cersei se garda bien de s’asseoir sur la couchette de Winston afin de l’aider à choisir : il n’était pas question qu’ils aient un contact autre que verbal, sans quoi ses anciennes crises de panique risquaient de réapparaître. Hors de question de s’adonner à une telle faiblesse, si passagère soit-elle. Cersei continua donc sa lecture continue du menu sans même lui accorder un regard, n’ayant cure de la réflexion sur sa richesse sûrement très inférieure à l’empire qu’elle possédait derrière elle. Ne jamais oublier qu’un membre de cette famille possède une fierté démesurée envers son clan… même elle, bien qu’elle n’ait jamais souhaité travailler avec sa famille adorée. « Oh je ne doute point qu’un comptable de votre trempe puisse se payer un champagne disons… honorable. Mais inutile pour moi de me rapprocher de vous pour vous aider à choisir, vous êtes un grand garçon. Vieux, mais grand. » Puisqu’il continuait à l’attaquer bassement, autant faire de même. Il ne savait pas à quel point elle savait être chiante comme la pluie face aux gens trop arrogants… c’était presque devenu un sport à ses yeux, un entraînement de vive haleine auquel elle s’adonnait plus que volontiers. « Que voulez-vous, je suis une White, mon ego est forcément avantageux. » Ne jamais répliquer quoi que ce soit de négatif sur sa personne, sans aller jusqu’à l’arrogance comme il le faisait depuis le départ.

Et aussi vrai que Cersei était la digne héritière du clan White au même titre que sa sœur bien aimée Clara, il n’était pas question de manger là où elle allait dormir… sans quoi les odeurs de boustifaille étaient bien parties pour les incommoder toute la nuit durant. « Je suggère… un tourbillon de saumon en entrée, puisqu’il semble être particulièrement bien préparé ; un carré d’agneau accompagné d’une purée aux truffes pour le plat de résistance, avec un Cheval Blanc mille neuf cent quatre vingt neuf pour accompagner… quant au dessert, j’aviserai selon l’appétit restant. » Cersei referma le menu et se dirigea aussitôt vers la sortie, sans autre forme de procès. « Je ne sais si vous avez été élevé chez les sauvages, mais personnellement, je préfère manger en salle. » A bonne entendeur… de toute manière, une place avait été réservée en même temps que le billet, et il aurait été criminel de ne pas en profiter.

« J'aurais préféré dire le contraire, pas vieux, mais grand. » Il laissa ensuite la jeune femme continuer sa tirade, alors qu'elle présentait ce qu'elle prendrai sûrement au prochain repas. « Je peux comprendre que vous puissiez avoir hâte de remplir votre gosier, mais pensez vous vraiment que cela m'intéresse? Mais si ça peut vous faire plaisir, vous annoncez les menus comme une très bonne serveuse. Je vous donnerais volontiers à léger pourboire. » Vu la tournure qu'avait prit cette relation depuis le début pourquoi couper court? Il était bien plus entraînant de continuer sur la lancée, bien plus divertissant. « Néanmoins je me permettrais de donner mon avis comme vous le faites si bien : première je n'ai pas le goût du saumon donc oubliez cette entrée. L'agneau par contre, me semble un bon compromis. Pour la boisson, je me garderais d'émettre des remarques avant de finir jeté par la fenêtre.» Winston était malin, et il avait assez d'expérience pour savoir que la haine attisait l'excitation. Il n'aurait aucune peine à finir la nuit dans les bras de cette impétueuse blonde qui semblait pour l'instant le mépriser plus que tout monde. Finalement elle ferait comme un bon nombre des jeunes femmes de son âge et se livrerait à la toute puissance masculine, sachant que la vieillesse était un critère de charme. Les cartes étaient souvent jouées de la même manière, et d'années en années il n'avait jamais vu de scénario assez recherché pour le surprendre.

« Je vous en prie, allez vous installez à cette table à dix heures du matin. Vous me débarrasserez de votre charmante présence jusqu'à l'heure du souper et je n'en demande pas mieux. » Son ton solennel ne l'empêchait pas d'être ponctué de haut et de bas, laissant entrevoir sa sournoiserie dans son fin sourire. Il n'y avait bien qu'avec les femmes qu'il pouvait se comporter de la sorte. Bien difficile de laisser paraître ce qui ressemblait à un sourire en la présence d'homme.
« Après tout, vous pouvez même dormir sur cette table qui vous ai si chère. Je profiterais pleinement de la chambre seul, comme j'avais commencé à le faire avant que vous arriviez. Et qui me dit que vous n'êtes pas une fanatique m'ayant suivie et acheté le contrôleur pour respirer le même air que moi durant une nuit entière? » Dès lors, Winston s'attendait à une réaction en chaîne. Il était prêt à recevoir la foudre féminine de cette blonde caractérielle.

« Je ne vais pas m’amuser à répondre à votre petit laïus inintéressant au possible en me contentant de dire ceci : dans le genre parano, vous faites très fort ! » Et elle avait claqué la porte, sans autre forme de procès. A quoi bon gâcher une si précieuse salive à discuter avec quelqu’un d’en valant pas la peine ? Arrogant, misogyne par-dessus le marché… bref, il était la quintessence même de l’homme insupportable avec qui elle ne partagerait pas un café et encore moins plus d’une nuit dans ce maudit train. Et il avait plutôt intérêt à garder ses mains chez lui, sans quoi elle aurait été capable de le passer par la fenêtre sans aucun état d’âme avant de porter évidemment plainte contre la compagnie de train. A ceci près qu’elle n’imaginait pas une seconde qu’il puisse y avoir des voleurs dans ce maudit train, et qu’à peine arrivée au restaurant, un petit plaisantin allait lui voler son sac, contenant des objets de valeur, qu’elles soient sentimentales ou pas. Cersei s’était évidemment lancée à sa poursuite, peinant perchée sur ses hauts talons en le rattrapant non loin du compartiment où elle était obligée de supporter Monsieur Joyeux. « Je vous en prie, rendez-moi mon sac… je suis sûre que nous pouvons trouver un autre arrangement. » La jolie blonde s’approchait avec précaution, sans s’attendre à ce qu’il ne finisse par la menacer d’une arme. Manifestement, il était en manque d’argent et de substances illicites à se mettre dans les veines. Une telle violence lui rappelait hélas de bien mauvais souvenirs, et ce fut pire lorsqu’il osa la réduire au silence d’un coup de poing, la faisant virevolter dans l’air pour mieux s’affaler dans le sol. Là, Cersei n’avait pas honte de masser sa joue douloureuse, comme sa tête, s’apercevant que sa lèvre était très légèrement entaillée. Il aurait pu partir avec son sac et cesser là toute discussion… mais il la braquait encore. « Je vous en prie, j’ai un fils, il a besoin de moi ! » Cersei n’avait pas hurlé, mais de longues larmes s’écoulaient le long de ses joues pâles et maquillées. Elle n’avait jamais été douée pour la supplication, mais à sa décharge, son passé de femme battue ne jouait pas en sa faveur. Elle ferma les yeux, s’attendant à recevoir une balle d’une seconde à l’autre, sans possibilité de se descendre étant donné qu’elle n’était ni combattante ni taillée pour ce genre d’altercation…

Winston n'avait pas bougé de la cabine pendant quelques minutes, profitant du silence instauré par le départ de sa colocataire improvisée. Il se contenta de remettre sa veste de smoking et de marcher pour découvrir les différents compartiments du train. Pas de quoi s'extasier totalement, mais pas de quoi se plaindre. C'était un engin très luxueux, prônant la société des riches comme il le fallait. Les salles de restaurant de bois laqués respiraient le propre et à croire que tout les clients étaient restés dans leur chambre puisqu'il n'y avait pas de monde mis-à-part lui et sa présence feutrée. Le seul bruit qui cassa la routine des roues sur les rails fut un bourdonnement violent, provenant d'un wagon un peu plus avancé. Sans se douter vraiment de ce qu'il u trouverait il avança encore, découvrant avec stupeur l'impétueuse blonde au sol, pleurant et un homme qui aurait pu passer pour un parfait homme d'affaire. Il n'eu pas le temps de s'avancer vers lui que le gars dégaina une arme tout droit sortie de la poche intérieure de son veston. « Vous ne voudriez pas faire un pas de plus et vous prendre une balle tout droit dans le crâne tout de même? » Winston n'en avait pas envie, l'homme avait bien résumé. Aussi il leva doucement les mains comme un bon innocent. Il jeta simplement un coup d'oeil à Cersei, avachit sur le parquet, totalement paniquée. Ainsi, en une fraction de seconde il se servit de sa main droite pour s'emparer du poignet ennemi tenant l'arme, il le dirigea rapidement vers l'extérieur alors que l'homme incontrôlable appuya sur la gâchette. Une vitre de cassée, et un bruit sourd qui fendit l'ambiance tranquille. Le quarantenaire ne s'arrêta pas là et tordit le bras de son adversaire pour le forcer à se coucher. En un simple coup de pied il éloigna l'arme plus loin dans le wagon, et immobilisa le criminel.
« Vous ne voudriez pas faire des blessés inutiles tout de même? Avant de jouer au gangster, apprenez seulement à utiliser une arme de ce gabarit. »
En quelques secondes plusieurs membres du personnels avaient accourus, laissant Winston livrer l'homme qui avait sûrement le bras cassé. Tout en remettant ses boutons de manchettes il adressa quelques mots au contrôleur :
« Il serait temps de revoir votre clientèle, mon brave. » Et peaufinant son jeu de parfait héros, il tendit le sac volé à la blonde, d'un air graciant comme si ce n'était même pas la peine qu'elle le remercie.

Il était désormais évident que Cersei ne pouvait pas être un agent du gouvernement, et encore moins une tueuse à gages. La simple vue du sang était à deux doigts de la rendre malade pour des semaines, alors l’imaginer une arme à la main… quelle hérésie. La belle blonde se releva aussi souplement qu’elle put malgré ses tremblements, prenant sans brutalité aucune le sac que lui tendant Winston, n’ayant manifestement pas le moindre sentiment pour ce qui venait de se passer. Cersei peinait à le regarder dans les yeux tant elle avait honte, mais bien loin de vouloir lui expliquer le pourquoi du comment de sa réaction –qui somme toute ne devait pas l’intéresser une seconde–, elle tâcha de calmer sa respiration haletante et d’essuyer toute trace de ses larmes avant de pouvoir aligner trois mots corrects. « Comment est-ce arrivé ? Je veux dire… vous n’avez pas l’air d’un grand sentimental de nature, mais un simple comptable n’est pas capable de foutre la rouste de sa vie à un voleur armé sans avoir la moindre trace de peur sur le visage ! Vous êtes quoi, un surhomme ? » Cersei était pâle, presque prise de nausée, mais regardait désormais Winston sans détour. Sa lèvre était douloureuse et elle avait le genou écorché… fabuleux. A l’aube d’un entretien aussi capital, c’était bien le moment de se faire prendre pour un punching-ball ! Mais malgré toute la fierté et l’orgueil dont elle savait si bien faire preuve en tant normal, elle esquissa un petit sourire on ne peut plus humain, n’ayant strictement rien de calculateur, et plutôt doté d’un naturel absolument indéniable. Il existait sans doute de grands comédiens capables de cacher leur véritable nature à l’aide d’un jeu proprement génial, mais Cersei n’avait pas ce talent. « Merci. J’aurais risqué gros sans votre aide, et… merci. » Cersei n’avait pas l’intention de s’excuser à nouveau pour son précédent comportement : il avait mérité chaque mot qu’elle avait prononcé, après tout, et avait été plus odieux qu’elle ne le serait jamais.

« Vous n’êtes pas blessé au moins ? » se permit-elle de demander sans pour autant l’approcher et encore moins le toucher pour vérifier. Cersei n’était pas prête d’avoir confiance en qui que ce soit appartenant à la gent masculine de sitôt… « Bien que vous soyez manifestement un surhomme, un champion de je ne sais quel sport ou que sais-je encore, je suppose que vous vous nourrissez, non ? Nous avons toujours une table de réservée si vous voulez bien m’épargner vos remarques acerbes juste pour quelques minutes… je serais ravie de vous inviter. » Dieu sait qu’une invitation, si désintéressée soit-elle, de la part de Cersei valait son pesant de cacahuètes en plomb !

Winston était assez silencieux de base. C'est pourquoi il ne répondait pas forcément à toute les interrogations de la jeune femme, considérant qu'il n'y avait pas de détail à apporter à ce qu'il venait de se passer. « Je suis du même avis que vous concernant un repas, qui serait bien mérité. » C'est pourquoi il ouvra la marche, se rendant tout de suite à la table réservée dont il connaissait l'emplacement. Il s'asseyait tranquillement, s'occupant de ré-ajuster sa veste de costume : la classe ne pouvait pas le quitter, en toutes circonstances. Le regard interrogateur de la jeune femme le laissa de marbre, se munissant d'une carte posée proposant les mêmes menus que celle qui se trouvait dans leur chambre.
« Simplement pour mettre les choses au clair : être comptable n'empêche pas d'apprendre l'art du combat, et encore moins d'être inscrit à un club de tir.»Au moins il ne mentait pas la dessus. Il était effectivement bel et bien inscrit dans un de ces club à New York, où il prenait soin de se perfectionner en matière de tir plusieurs fois par semaine. C'était inévitable pour son véritable travail, et son employeur n'avait pas eu à lui forcer la main de ce côté là.
« Je pense commencer doucement, j'ai l'estomac un peu retourné. » Il fit venir un serveur, visiblement avertit par l'évènement qui s'était occuré plus tôt puisqu'il accouru avec une certaine forme de respect. En plus de faire un petit voyage, il se payait aussi la chance de passer pour le héros de ce trajet, ce qui ne le déplaisait sûrement pas.
« Je vais vous prendre cette fameuse pièce d'agneau, et saignante s'il vous plait. Pour ce qui est de l'accompagnement je vous demanderais de nous apporter votre meilleur bouteille de rouge, je ne suis pas très informé en ce qui concerne le vin. » La-dessus il jouait la carte du parfait innocent, puisqu'il savait très bien que chez lui attendait une cave remplie des meilleurs crus de ce monde. Mais pourquoi divulguer un détail aussi insignifiant? La flemmardise était bien masculine.

« Je vous en prie, ne me regardez pas avec de tels yeux. » Il était difficile pour Winston d'ignoré le regard de Cersei, posé sur lui comme si il avait tué le ravisseur plutôt de l'avoir maîtrisé. Il se demandait même ce que le personnel du train en avait fait, un arrêt dans la gare la plus proche serait à prévoir afin de le livrer à la police et de l'éloigner de n'importe quel passager. Un homme dangereux ne devait pas se trouver sur des lieux pareils, à moins qu'il soit de la même trempe que le quarantenaire. Qui savait se servir de ses talents seulement quand la situation l’exigeait.

Cersei cherchait en vain à comprendre cet étonnant personnage en face d’elle, mais sans jamais y parvenir. Il était aussi fermé qu’un coffre-fort, pour son plus grand désespoir. Elle ne le pensait pas suffisamment altruiste pour être venu la secourir elle, mais plutôt afin de passer pour le héros. Il l’était, il fallait lui reconnaître cela, mais la jolie blonde n’avait aucune envie de le caresser dans le sens du poil afin de l’entendre se gargariser de son geste extraordinaire. Hélas, le serveur fut littéralement à son service, prêt à se couper en quatre, négligeant ainsi la jolie archéologue qui dû se racler très légèrement la gorge pour se faire repérer dudit serveur afin de pouvoir passer sa commande. Le verdict tomba : elle allait boire du même vin que Winston pour ne surtout pas passer pour une trop grande amatrice de vin, bien qu’elle en soit une et que ses connaissances soient loin d’être dérisoires, mais elle commanda une salade composée par le chef. Ce petit interlude était loin de l’avoir mise en appétit et Cersei était littéralement en train de lutter contre sa propre nausée. Situation inconfortable, du reste. « J’ai beaucoup de mal à vous cerner, je dois l’avouer. Mais je suppose que vous êtes ravi d’être le roi du bluff en partant du principe qu’il est tellement plus agréable pour vous de passer pour le pire goujat qui soit. » Ce n’était que l’impression qu’il lui avait laissée en premier. Mais Cersei était loin de savoir s’il fallait qu’elle s’en tienne à cette image ou s’il pouvait être effectivement considéré comme un héros. « Quel regard devrais-je vous lancer, alors ? » Vaste question. Mais question dont la réponse allait devoir attendre car la jeune femme changea radicalement d’expression, son visage de décomposant subitement en une large expression de haine que peu de gens lui connaissaient.

« Prenez ma main ! » demanda-t-elle en lui tentant soigneusement la sienne. Les yeux de Cersei auraient presque été suppliants, pour peu que l’on y regarde vraiment de près. Cet homme au loin qui l’avait repérée n’était autre que son ex-mari, celui-là même qui l’avait battue et lui avait donné un fils, Aaron, cinq ans plus tôt. « Mon ex-mari va se radiner et je n’ai pas du tout envie qu’il s’incruste. D’ailleurs, croyez-moi, vous ne le voulez pas non plus. Je vous en prie, je vous en supplie, je me roule à vos petits petons mignons, prenez moi amoureusement la main ! » Et ne faites pas la fine bouche, en prime, avait-elle sous entendu…

Silence, mot d'ordre de Winston Wallace. Il n'avait même eu le temps d'attendre son vin qu'il aurait délecter comme un chef qu'il fut déjà obligé de se déplacer au rythme de la jeune femme. Comment arrivait-elle à avoir tant de problèmes simplement en effectuant à voyage en train? A croire qu'elle avait le don d'attirer la malchance. Il suivit ses dires, et lui prit la main comme s'il était son mari. Marchant dans le wagon voisin vers leur chambre respective. Pourtant l'homme qu'elle appelait comme son ex-mari continuait et passait le compartiment du restaurant, la cherchait-il? A sa place même, il n'aurait même pas mentionné qui cette personne était, et l'aurait simplement fuit. Bien que fuir n'était pas un mot encré dans son vocabulaire, alors il l'aurait plutôt tuée, et lancé par la fenêtre du train, laissant le corps devenir méconnaissable dans sa chute.
« C'est bon pour vous? » Il ouvrit la porte de leur chambre et invita Cersei à y pénétrer, le laissant seul en dehors de la pièce alors que l'homme arrivait dans son territoire. « Veuillez restez tranquille, il n'y a pas de quoi en sortir une arme.» C'était presque comme si il avait fait un clin d'oeil, fermant la porte derrière lui.
« Excusez moi monsieur, je cherche la femme blonde avec qui vous étiez il y a deux secondes. »
Au premier abord, Winston trouva l'homme bien moins charmant qu'il ne l'était. Il était plus jeune, plus excité et ses traits étaient grossier. Difficile de croire qu'une femme aux semblants raffinés avait pu passé une partie de sa vie dans les bras d'un tel individu.
« Je vous demande pardon mon brave? Que voulez-vous à ma femme? Il me semblerait que je ne vous connais moins. » Les yeux questionneurs, le ton froid, il ne laissait pas longtemps à ce grossier personnage de déguerpir si il ne voulait tâter du métal de son revolver.
« Vo-votre femme? Non monsieur, je vous assure c'est important, laissez moi deux secondes en sa présence. » Impatient il commença à taper du pied sur le sol, n'ayant que faire des propos de cet homme, la seule envie demeurant étant de se rasseoir à sa table et de profiter de son repas. Le quarantenaire se contenta de lui faire un crochet du bras, approchant sa fine et charnue bouche à l'oreille de son interlocuteur :
« Vous avez du vous trompé de personne, je vous assure qu'il n'y a en rien une raison de comparer ma femme à la vôtre. Si vous le voulez bien j'aimerais profiter de mon voyage comme je l'entend, et vous ne faites pas partie du paysage. Sachez aussi que j’appellerais le personnel pour harcèlement, afin qu'il vous renvoi si ce petit manège continue. » Winston lâcha ensuite son bras, le laissant gémir de douleur, plié en deux. La leçon devait être inculquées.

Rien que d’entendre à nouveau la voix de son ex-mari avait fait trembler Cersei comme une feuille morte. Décidément, tu parles d’un voyage sympa ! Elle ne manqua cependant pas une miette de la scène qui se joua entre Winston et son ex-mari, curieuse comme elle ne l’avait jamais été, bien qu’attendant soigneusement d’entendre un silence parfait peupler à nouveau l’atmosphère sonore du couloir pour rouvrir la porte de la cabine. C’est un regard plein de remerciements et de soulagement qu’elle lui lança à ce moment précis. Surtout que son ex-mari était non seulement quelqu’un d’impatient mais également de violent et de grossier. Il devait certainement chercher à la voir pour la menacer, il n’y avait pas d’autre explication. A ceci près que Cersei n’était pas taillée pour l’entendre lui dire qu’il réclamait la garde de leur fils. S’il avait dit une chose pareille, sans doute n’aurait-elle pas pu conserver son si précieux contrôle d’archéologue de renom. La patience de la jolie blonde avait des limites, tout de même. « Je vous remercie… à nouveau. » Décidément, sa dette s’allongeait et bien qu’elle ait douté au départ que Winston l’aiderait, elle se devait bien d’admettre qu’elle lui devait une fière chandelle. « Il faudrait que vous me montriez comment vous faites pour maîtriser les personnes les plus violentes du monde en deux coups de cuillère à pot, j’avoue que je suis preneuse ! » Cersei laissa échapper un petit rire nerveux avant de se passer une main contre sa nuque, quittant cette nervosité ne l’ayant pas lâchée d’une semelle jusqu’à ce qu’elle n’entende son ex-mari s’éloigner. « Il n’est pas seulement grossier, hélas. Je sais pourquoi il me cherche et ça me rend malade d’avance. J’aimerais avoir un radar à connards, ce serait extrêmement utile. Vous ne croyez pas ? »

Étonnant qu’elle ne parvienne à en plaisanter alors que ses sentiments formaient un véritable chaos dans la seconde. Incapable de bouger d’un millimètre de peur de quitter la cabine, elle considéra avoir simplement besoin de quelques minutes au calme avant de ne se risquer à retourner dans le compartiment de restauration. Inutile de donner plus de détails à Winston : elle n’avait pas envie de l’importuner davantage en plus de tout le reste. « Comment puis-je vous remercier, dites-moi ? J’ai cru que vous alliez me laisser me démerder, mais vous étiez criant de vérité. Si vous avez la plus petite doléance, y compris celle de me demander de ne plus dire un mot jusqu’à notre arrivée, faites m’en part. »

Winston avait une tendance à apprécier cette jeune femme. Il l'a trouvait énergique, maligne, sauf en pensant au fait qu'elle s'était mariée avec un tel abruti, et sûrement intelligente. Ça valait la chandelle de converser de de réellement ouvrir son clapet pour en savoir plus sur elle. Ainsi il découvrirait si la lumière faisait vraiment partie de la cervelle de la jeune femme, ou si ce n'était qu'une impression. « Cessez de vouloir me remerciez je vous prie. J'espère seulement qu'il n'y aura plus de mauvaise surprise durant ce voyage. » Il fallait admettre qu'il avait rarement vu un trajet aussi mouvementé. Pauvre Cersei, elle devait en baver chaque jour en vue de ce qu'elle se coltinait seulement en prenant le train. Néanmoins le serveur avait déjà apporté le vin, et Winston comme un bon gentleman s'adonna à remplir leur maigres verres. Le brave homme étant resté dans le coin de la pièce accouru une fois de plus pour s'assurer que tout se passait bien, et le quarantenaire le rassura d'un coup de tête.
« Eh bien, voilà ce qu'on attire quand on joue sur le super-héros dans le train! » Il laissa Cersei se délecter de sa remarque comme s'il n'allait plus parler du repas. Mais au bout d'une trentaine de secondes il brisa le silence qu'il avait instauré.
« Bon, je me suis décidé à devenir bavard, au possible. Vous pouvez me dispenser de vos remarques quant à mon caractère mais par contre, je serais très heureux d'en savoir plus sur votre vie.»

Il attrapa son verre et fit tournoyer le liquide à l'intérieur avant de le sentir, goûtant de son nez ce qui s'apprêtait à être une boisson divine. Les plats n'avaient pas tarder à arriver, comme si le serveur avait poser des certaines conditions quant à la vitesse de la préparation. Et les senteurs qui émanaient de son assiette tâchèrent d'allécher Winston, qui eu du mal à ne pas commencer une fois l'assiette posée.
« Mis-à-part le fait d'avoir un ex-mari complètement désabusé et en plus, pas très charmant, que pourriez vous me dire de plus? Votre âge? Vos ambitions dans la vie? Je vous autorise à discuter sur le sujet que vous souhaitez. » Il apporta un bout de la pièce d'agneau à sa bouche, la mastiqua, l'avala avant de reprendre : « Mais ayez l'amabilité d'écarter le thème de la misogynie, je m'y connais bien et ce serait trop ennuyant d'en parler encore une fois. »

Cersei le gratifia d’un léger rire tandis qu’il marquait un large point : il avait été un héros non pas à une mais plutôt à deux reprises aujourd’hui. En plus de l’avoir mal jugé, elle avait l’impression d’avoir été particulièrement odieuse avec lui. Sans doute que ce fameux Winston Wallace n’était pas aussi rude, arrogant et misogyne qu’il ne le laissait entendre au premier regard ou à la première parole. La jolie archéologue s’en rendait compte, tandis qu’elle ne lâchait pas son regard tout en faisant légèrement tourner son vin dans son verre pour en apprécier la délicate odeur légèrement boisée. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il s’intéresse à sa personne après avoir eu la preuve qu’elle n’avait décidément aucun flair en matière d’homme, mais soit, elle accueillit sa question d’un sourire énigmatique et nettement plus réservé : difficile de se mettre en valeur après la ridicule intervention de son ex-mari… une chance qu’elle soit une fervente amatrice de challenges dans son genre ! « Soit, je ne dirais rien sur votre côté arrogant, misogyne et glacial, vous avez ma parole d’américaine. » Cersei se permit de goûter le vin tout d’abord, somme toute une pure merveille, avant de chercher les quelques détails intéressants qu’elle pouvait bien lui dire sur elle et qui ne la mettraient évidemment pas dans une situation délicate vis-à-vis de ce parfait inconnu. Il avait beau lui avoir sauvé la mise à deux reprises… elle n’en n’était pas pour autant à l’aise en sa présence, bien qu’elle tâche actuellement de faire en sorte que les apparences ne la trahissent surtout pas sur ce point précis. « J’ai trente ans. A votre tour j’espère que vous m’éviterez la moindre remarque sur mon âge… je crois que j’ai toujours voulu être ce que je suis aujourd’hui. Je suis la fille de deux génies de la pharmacologie, qui ont créé un empire mondialement connu, et dont je me suis empressée de me détacher progressivement dès que j’ai été en âge d’aller à l’école. Je voulais suivre ma propre voie. J’y suis parvenue du reste, puisque je suis l’une des rares archéologues féminines au monde ! Je laisse tout ce qui est chiffre à ma sœur… n’y voyez pas d’offense. Je ne suis pas manchote avec les chiffres mais ils ne sont pas amis avec moi pour autant. »

Mêlant humour et sérieux, Cersei montrait agréablement son aisance orale, son génie du verbe ainsi que sa façon qu’elle avait d’intéresser autrui même à un sujet aussi peu intéressant que sa vie… « J’ai épousé un abruti, mais ça, vous le savez déjà, et j’ai un fils. Il s’appelle Aaron et a cinq ans. Mon ambition, je crois que c’est parvenir à être une mère potable malgré mes très nombreux déplacements. Voilà pour mon inintéressant résumé de ma vie ! Mais puisque je suis une femme galante, je vais me permettre de vous retourner vos questions. Un bon essai lorsque l’on tente d’être bavard, vous devriez essayer. » Et non sans un sourire entendu, elle reprit une gorgée de vin qu’elle savoura tout en s’apprêtant à boire ses paroles… si toutefois il lui faisait l’honneur de lui répondre.

Au contraire il était intéressant d'écouter la femme compter les bases sur lesquelles se construisait sa vie. Winston n'avait pas les moyens de se confier, ni dire la vérité comme elle l'était. Il était toujours à décoré et brodé autour de faits plus ou moins réels. Il ne disait pas qu'il n'appréciait pas le mensonge, et il était le premier à en utiliser à souhait. Vivre dans un mon superficiel ne le dérangeait pas. Bien que quelques fois il ne cache pas l'envie de raconter ses histoires en tant que telles, cherchant à découvrir les réactions que pourrait avoir une personne vis-à-vis de sa vie, des ses occupations et de ces buts. Déjà qu'il était quelqu'un de bien compliqué à apprécier, pas la peine de creuser la distance sociale qu'il traînait derrière lui. Il laissa un blanc, de quelques secondes, alors qu'il découpait un large bout de sa viande avant de le fourrer dans son gosier. Le pure, c'était que même en mangeant grossièrement, il possédait une classe sans marges. Born to be a gentleman, cette devise lui collait à la peau.
« Hm, ma vie n'est pas palpitante non plus. Je veux dire, un quarantenaire normal, avec des occupations banales. » Winston savait bien qu'en laissant un peu de temps entre ses deux propos il attiserait le feu de la curiosité. D'un autre côté, se prendre pour la personne la plus normale alors qu'il était déjà à bord d'un train luxueux rendait la chose flagrante. C'était en se munissant de son verre de vin qu'il sur-enchérissait : « Je viens d'Angleterre, un pays merveilleux by the way. J'ai fait des études économiques, avant de voir vers de plus grands horizons : l'Amérique. Mon métier m'a toujours permit de faire ce dont j'avais envie, et je ne m'en suis jamais privé. Voilà tout. » L'homme savazit qu'il oubliait un point important, que la jeune femme n'avait pas loupé d'omettre. A quoi bon l'éviter? Pas la peine de faire une ribambelle de phrases types, il attaquait de front. « Niveau social je n'ai jamais été marié. Ne me jugez pas là-dessus, je n'ai simplement jamais éprouvé l'envie de m'unir d'un point de vue civil. Et je n'ai pas d'enfants, aucun, et je ne m'en plains pas. » Si il était déjà passé pour un homme solitaire et silencieux il venait juste de le confirmer. Ce qu'il appréciait était la compagnie d'une ou deux femmes et d'une nuit aux creux des hanches de sa victime. Pas d'engagement, il avait fait la faute une fois, qui avait été une fois de trop.

« Pourriez vous m'assurer que l'on ne risque pas l'ennui durant ce trajet? » La vie n'était pas ennuyante pour Winston Wallace, et ce trajet ne devait pas l'être.

« Vous allez avoir l’impression que je vais vous juger tout au long de ce trajet ? » lui envoya-t-elle dans les gencives tandis qu’elle goûtait à une monstrueuse salade qu’elle n’allait jamais réussir à finir tant celle-ci était copieuse. Cersei ne le blâmait pas de ne pas avoir eu d’enfants, ou même de ne pas avoir été marié… à la base, ce n’était pas exactement le plan qu’elle avait choisi non plus, mais elle s’était simplement adaptée à la situation. « Je ne voulais pas me marier au départ. Mon ex-mari a beaucoup insisté, réitéré ses demandes jusqu’à ce que je n’applaudisse sa ténacité en acceptant. J’aurais sûrement mieux fait de me tirer une balle dans le pied ou de me jeter du haut du Grand Canyon ce jour là, m’enfin… alors non, je ne vous blâme pas. Pour mon fils, j’ai accepté le fait que ma vie ne soit pas contrôlée par mon côté maniaque et brisé les règles. J’étais jeune, peut-être stupide, mais je n’ai pas le moindre regret. Après tout, j’ai le plus beau fils du monde. » Rien de tel que le fait de s’envoyer quelques fleurs bien trouvées lorsque l’on ne vous en envoie pas en premier. Cersei posa ainsi sa fourchette et fit à nouveau tournoyer son vin dans le fond de son verre, sans cesser de regarder Winston d’une façon on ne peut plus énigmatique. Qu’il soit ou non quelqu’un de banal, elle n’en n’avait cure. Il lui avait sauvé la vie, cela valait donc forcément le coup de le connaître, ne serait-ce que pour une nuit. Cela ne voulait pas dire qu’elle allait se jeter dans ses bras il n’en n’était aucunement question, mais elle appréciait simplement sa compagnie. Il était bien le premier la mettant un tant soit peu en confiance depuis des lustres, du reste. « En tout cas, j’applaudis le fait d’être comblé par son travail. C’est une philosophie à laquelle j’adhère totalement… sinon je ne serais pas toujours par monts et par vaux. » Voilà qu’elle lui prouvait qu’elle ne le blâmait pas… que lui fallait-il donc de plus ?

« Tout dépend si vous vous ennuyez déjà, Monsieur Wallace. » Le visage de Cersei était teinté d’un délicat défi, tandis qu’elle reposait son verre de vin et osait se rapprocher très légèrement, l’air malicieux. La jeune femme n’avait plus fait de rencontre aussi stimulante et intéressante depuis des lustres. Elle ne pensait pas être quelqu’un d’ennuyeux, mais sans doute était-elle une piètre juge d’elle-même… « Mais j’aurais beaucoup de mal à vous égaler niveau surprises, je le crains. Il vous faudra me supporter, et ça, peut-être est-ce fâcheux pour vous Monsieur le comptable ! »

Le sourire en coin, Winston reposait son verre sur la table légèrement mobile, de par les mouvements du train. Pas de quoi risquer la chute d'objets, la route n'était pas sinueuse. Le soupçon de défi dans les yeux de son interlocutrice étaient bien trouvé pour le quarantenaire. C'était une lueur qu'il adorait, et dans ces moments là difficile de rester de marbre et d'être l'homme qu'il était bien trop souvent. Son assiette était terminée, mais la bouteille ne l'était pas encore, et impossible de laisser un tel cru sur la table sans en épuiser la dernière goutte. « Je vous propose de finir ce breuvage d'abord. » D'abord? D'abord de quoi? Il avait un malin plaisir à laisser ses phrases en suspend, comme si elles ne seraient jamais finies et qu'il fallait toujours aller de l'avant pour découvrir une possible suite. « Puisque nous avons fait les présentations conventionnelles nous passons sans doute à l'étape supérieure. » Pas de propos tendancieux, l'étape suivante était surtout une deuxième phase dans la connaissance de l'autre. Si les simples réponses aux questions qu'ils avaient énumérés plus tôt leur donnait un peu de matière, la seconde manche en apporterait encore plus. Le train n'était pas plus grand qu'un TGV de grandes lignes, mais il valait le coup d'oeil de le traverser de long en large, comme pour visiter une maison. « Venez. » En lâchant sa serviette sur la table en même temps qu'un billet, il ouvrit la marche vers le compartiment opposé à celui de leur chambre. La fenêtre cassée auparavant avait été recouverte de papier et de scotch résistant, laissant échapper un petit sourire satisfait au jeune homme qui avait eu le plaisir d'entendre un coup de feu durant sa journée.

C'est en atteignant une salle vide, parée pour accueillir les bagages superflues et autres marchandises qu'il décida de stopper leur active marche. Ils étaient déjà à l'arrière du train, profitant d'un silence pur et de leur seule présence. Winston prit soin d'écarter les objets trop encombrants, laissant se former assez de place au centre d'un débarras pour naviguer et bouger à bon escient. « Vous m'avez questionné sur mes talents au niveau des combats, et j'ai pensé que vous auriez bien besoin d'un petit entraînement vu que je ne serais bientôt plus à vos côtés pour vous couvrir d'un éventuel ex-mari violent. » Il laissa sa veste sur un rebord, et invita la jeune femme à s'avancer vers lui. « Commençons par apprendre ce qu'est un crochet. »

Cersei n’était audacieuse que jusqu’à un certain point, et bien qu’une très légère crainte se perde actuellement dans les méandres de son esprit, elle n’hésita guère à suivre Winston, lui emboitant le pas jusqu’à l’arrière exact du train. Elle ne comprit pas immédiatement où il voulait en venir alors qu’elle le voyait bouger les bagages histoire de leur donner plus de marge de manœuvre, mais ne pu s’empêcher de laisser échapper un petit air à la fois surpris et amusé lorsqu’il lui dévoila son plan : décidément, il était plein de ressources cet homme ! Pour l’heure, elle mit de côté le fait qu’il ait si aisément deviné la violence effective de son ex-mari et se prit au jeu en ôtant ses chaussures à talons ainsi que sa jupe, ne craignant aucunement d’être en chemise et simple culotte à dentelle devant un parfait inconnu. Après tout, elle ne l’avait jamais considéré comme un amant potentiel mais comme un abject personnage dans un premier temps, son sauveur dans un deuxième temps puis, dans un troisième temps, son professeur. « Quand faut y aller, faut y aller… » Contre toute attente, et bien qu’elle n’ait jamais eu de « cours de self-defense » qu’en compagnie de son beau-frère Will, la défense qu’elle mit en place en levant ses poings devant elle était excellente. Sans trop de percées possibles, ferme et bien présente, soit la base de tout court se respectant. Elle n’avait d’ailleurs pas compris qu’il allait lui montrer comment décocher un crochet effectivement efficace et fut la première à lui en mettre un, plaçant toute sa force dans ce coup qu’elle n’avait pas forcément prémédité au départ. Certes, elle ne le fit évidemment pas tomber à renverse, mais son visage avait tout de même reçut le coup de plein fouet sans préparation aucune… et elle n’était pas manchote pour cela non plus, loin s’en faut. Une femme à poigne comme il en existe peu, surtout dans le domaine de l’Archéologie !

« Oh je suis vraiment désolée, je me suis peut-être un peu emballée ! » s’excusa-t-elle aussitôt, pourtant complètement hilare. « Je me marre toujours aux enterrements c’est une horreur, dès qu’une catastrophe arrive je… » Cersei mit bien quelques minutes avant de reprendre le contrôle d’elle-même : il fallait dire que la journée avait été rude en émotions fortes et qu’elle avait grand besoin d’un peu de défoulement. « J’apprécie ce que vous faites pour moi, merci. Je vais suivre vos conseils à la lettre et éviter de frapper à nouveau sans préparation. Mais si je puis me permettre… comment vous l’avez su ? » Sous entendu : que son mari avait eu l’audace de lever la main sur elle, bien évidemment.

Winston fut frappé gentiment sur le sol, ayant sentit le coup venir et l'ayant accepté comme étant contrôlé. Au moins, elle avait une vraie main, pas seulement manucurée et douce. A croire qu'elle avait déjà eu un peu d'expérience dans le métier, et que Cersei n'était pas si ignorante qu'elle semblait le montrer au niveau du combat. Sa question fut tout aussi évidente, et le quarantenaire ne pu se retenir de sourire, replaçant sa cravate comme s'il n'avait jamais touché le sol. « C'était tout bonnement visible dans ses yeux, dans ses traits. Il était tout crispé en me parlant, le poing serré prêt à me frapper au visage dès que mes mots dépasseraient ma pensée. Bien évidemment je l'ai pris par surprise juste avant, mais pour quelqu'un comme vous, il n'y a pas matière à se défendre d'un homme comme celui-ci. Ce qui est bien dommage, venir en utiliser les mains avec sa femme parce qu'il ne savait pas comment faire avec la parole. Pourtant, quand je vous vois, j'ai tendance à penser que l'homme qui vous conviendrait aurait un minimum d'intelligence, de culture, de jugeote. Bref, légèrement plus brillant que ne l'était ce garçon. » Ah cet anglais! Il avait parfois du mal à trouver les qualités se cachant chez certaines personnes, mais pour ce qui était des défauts, c'était le champion. Au premier regard il était bien simple pour lui de classer un individu dans la case fréquentable ou non-fréquentable. Bien qu'il soit dur de fréquenter qui que ce soit quand on s'appelait Winston Wallace.
« Je vois que vous avez déjà la poigne, ce qui facilitera le travail. Laissez-moi vous montrez une deuxième technique utile, et permettez-moi de rester debout, premièrement. » Il gratifia Cersei d'un sourire, et l'invita à se rapprocher de lui comme pour créer l'atmosphère d'un conflit physique. « Voilà, maintenez votre main droite comme ceci, hm. » Tout en guidant ses mouvements il donnait des indications de vive-voix, et après avoir décomposé chaque mouvement de cette attaque, il s'adonna à lui montrer clairement ses effets. Le but était de plaquer son adversaire au sol, et de le maintenant sur le dos en s'appuyant dessus et maintenant un étouffement par le biais de l'avant bras sur la gorge. Bien sûr, il éviterait de tuer sa partenaire, et serait délicat. En deux temps trois mouvements la jeune femme était sur le dos, immobilisée par la pression du corps de Winston. La force de la chose avec une forme de désir pulsionnel, cependant s'imaginant contre un adversaire masculin il n'y avait aucun cas de se laisser gagner par de telles pensées. A moins d'être attirer par les hommes, ce qui n'était pas le cas du quarantenaire. La chose gênante qui ne l'était pas pour lui était de garder sa tête si proche de celle de Cersei, laissant sentir son souffle, mais il fallait le voir objectivement, tout comme un professeur et son élève.
« Bien. »