Après deux bonnes heures passées à étudier l’anatomie humaine – dans des bouquins hein, ceci n’est pas une manière déguisée de dire qu’elle s’est envoyée en l’air comme une bête pendant deux heures – Aspen décida qu’il était temps qu’elle fasse une petite pause et qu’elle manger quelque chose. Bon en fait c’est son estomac qui venait de le décider pour elle : « monsieur » exprimait son mécontentement et grognait pour lui montrer son appétit depuis plusieurs minutes, et comme cela l’empêchait de se concentrer, elle avait dû céder à son caprice. Habituellement quand elle travaillait, elle se plongeait tête la première dans ses livres et ne la relevait que bien, bien plus tard. Elle avait cette étonnante capacité à totalement se focaliser sur ce qu’elle faisait, et ainsi pouvait étudier sans problème pendant très longtemps. Cette aptitude lui avait permis de réussir tous ses examens et ses différentes évaluations scolaires haut la main. Qui plus est, en médecine, il fallait savoir rester concentré et fournir une quantité de travail gigantesque. Il n’y avait que de cette façon qu’elle pourrait réussir.

A peine eut elle posé le pied sur la première marche des escaliers que la porte d’entrée s’ouvrit. Surprise, elle eut un mouvement de recul et se retrouva devant la porte de sa chambre, la première de l’étage. Qui cela pouvait-il bien être ? A sa connaissance, Ruth était partie faire une promenade à cheval, avec les enfants d’un centre de loisir ; Phoenix dormait sagement dans sa chambre ; Paris était chez sa petite amie ; Denver ne se réveillait jamais avant quatorze heures, il devait être en train de comater sagement lui aussi, dans son appartement à l’autre bout de la ville. Il n’était que midi, Aspen était censée être seule à la maison – la seule consciente en tout cas. Du coup, son cœur s’accéléra légèrement. Peut-être était-ce un cambrioleur, un tueur en série, un fugitif, un homme qui lui voudrait du mal et qui pourrait lui faire tout qu’il voulait parce qu’elle ne pouvait compter que sur la force de ses petits coups de poings, ses maigres connaissances en combat rapproché qu’elle avait acquises en regardant NCIS, et une voix perçante qui pourrait à la limite percer les tympans de son potentiel agresseur. Sinon, elle était totalement à sa merci.

Reculant encore, elle entrain dans sa chambre sans se retourner – pour ne pas qu’il attaque alors qu’elle aurait le dos tourné sans doute ? – et attraper le premier objet qu’il lui tomba sous la main et qui ressemblait le plus à une arme défensive. La première chose qu’elle trouva fut son énorme dictionnaire médical. Elle fit la moue, déjà qu’elle n’arrivait pas à la porter trop longtemps, elle ne pourrait décemment pas s’en servir pour frapper quelqu’un, elle tomberait à la renverse si jamais elle le levait au-dessus de son épaule… Elle décida de prendre sa lampe de bureau à la place. Et c’est ainsi armée qu’elle s’aventura à nouveau dans les escaliers, le bras levé au-dessus d’elle, prête à attaquer. Personne dans l’entrée, ni dans le salon ou la salle à manger. Ne restait plus que la cuisine. La porte était ouverte, elle se cacha derrière le mur, passant légèrement la tête pour voir ce qui s’y trouvait. La jeune femme se sentit très vite stupide : c’était seulement Madi ! Sa grande sœur Madison, visiblement prête à manger elle aussi. Aspen soupira de soulagement et posa la lampe au sol pour ne pas que sa sœur la prenne pour une folle. Qu’est-ce qu’elle pouvait-être stupide parfois ! Se faire une telle frayeur pour rien au final. « Madison ! Tu m’as fait peur… » Elle s’avança un peu plus dans la pièce, maintenant que la menace était écartée. « J’ai entendu du bruit alors je suis descendue. Mais toi, qu’est-ce que tu fais ici ? Tu n’étais pas censée être chez ton « fiancé » ? » Elle n’avait pas mimé les guillemets, le ton de sa voix avait été suffisant.

Aspen, comme le reste de ses frères et sœurs, et pratiquement tous les habitants de leur ville de Silverthorne, connaissait parfaitement la double vie de sa sœur. Les seules personnes à ne pas être au courant étaient leurs parents. Imaginez le scandale sinon ! Quelle désillusion cela aurait été pour Ruth et Edward de voir que leur parfaite petite fille sans défauts n’était en fait qu’une manipulatrice avide de pouvoir… Et qui en plus ne s’offrait qu’à des hommes de l’âge de son père. Mythe qui s’effondre, cauchemar, grand malheur, les McDaniels ne s’en remettraient pas de sitôt s’ils l’apprenaient. Madison était une telle fierté. C’était bien la dernière qu’ils s’attendaient à voir les décevoir. Mais la jeune femme était douée, très douée. Son visage d’ange, sa pureté et sa candeur déguisée, ses bonnes manières étaient de sérieux atouts. Elle donnait le change et ceux qui ne la connaissaient pas – entendre par là ceux qui n’étaient pas ses frères et sœurs – se faisaient avoir. Aspen avait longtemps été jalouse d’elle. Elle avait beau être la petite dernière, Madison avait toujours été la petite préférée, celle qui était donnée en exemple, qui était donnée en modèle pour la petite fille qu’elle était. Au début, elle l’admirait, la suivait partout, et faisait tout pour lui ressembler. Seulement, vu le manque de considération de son ainé, cette admiration s’est vite atténuée. Elles ne se haïssaient pas non plus, loin de là, mais elles étaient aussi loin d’être très proches. « Je vois. » dit-elle avec un ton de reproche dans la voix. Elle avait pu rencontrer son soi-disant fiancé quelques fois, et il lui avait toujours paru très gentil et très bien. Aspen n’aimait pas le fait que sa sœur se moque de lui comme ça. Elle n’aimait pas qu’elle se moque de tout le monde en fait.

Elle leva les yeux au ciel suite à la remarque de sa sœur sur ses cours de médecine. Personne dans la famille ne comprenait son amour du travail, sa volonté de passer tout son temps le nez dans des bouquins, à écrire, à lire, écrire, encore lire. C’était sa vie. En fait pour la plupart des gens, une bonne majorité presque écrasante, il y avait mieux pour passer le temps. Les personnes comme Aspen étaient souvent incomprises, montrées du doigt même. Peu comprenaient. Cela n’était pas étonnant que Madison soit de ceux-là aussi. « Il faut bien que quelqu’un apporte un peu de culture et d’intelligence dans cette maison. » répliqua-t-elle d’un ton un peu trop sec. La jeune femme y était peut-être allée un peu fort, c’était vrai. Les membres de sa famille étaient loin d’être des attardés, mais elle était l’une des rares à s’intéresser aux études et à son travail. Comme si ça ne suffisait pas de se sentir différente des autres, elle se sentait parfois même à part dans sa propre famille. Et c’était parfois fatiguant. Omelette au fromage ? « Pourquoi pas. Ce n’est pas tous les jours que tu es aussi agréable, autant en profiter. » En général, c’était plutôt les autres qui devaient faire pour Madison et non Madison qui faisait pour les autres. Quand une telle occasion se présentait, il ne fallait pas la laisser passer. La jeune femme sortit deux assiettes d’un placard, attrapa deux fourchettes et deux couteaux, puis deux verres, et alla les poser sur la table. Après quoi, elle revint vers sa sœur, qui cuisinait. « Alors, tu as passé une bonne matinée ? » demanda-t-elle, pour meubler le silence qui s’était installé. Sa sœur avait décidé d’être aimable, elle pouvait bien faire de même. Peut-être même qu’elles discuteraient et passeraient un bon moment, pouvait savoir ?

Madison et Aspen se ressemblaient pas mal, quand on y pensait. Elles semblaient se sentir toutes les deux supérieures aux autres membres de leur famille – peut-être pas supérieures mais disons… différentes – et elles n’aimaient pas les gens. Aspen connaissait suffisamment Madison pour savoir ça même si elles n’avaient jamais partagé de réels moments entre sœurs et qu’elles n’avaient jamais vraiment parlé. La benjamine de la fratrie n’était réellement proche que de Denver, Phoenix et Jackson. Tous les autres étaient à la limite d’être des étrangers. Et quelque part, cette situation la rendait triste ; c’est pourquoi elle s’employait de plus en plus à recréer leurs liens à tous. Elle avait commencé avec Alaska en allant la voir à l’improviste et en passant une après-midi avec elle. Là, elle allait déjeuner avec Madison. Elle ne se faisait pas d’illusions quant au fait qu’elles ne deviendraient pas inséparables en un claquement de doigt et qu’il ne suffirait pas d’une omelette au fromage pour créer une complicité, mais c’était un début. D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Madison n’avait jamais proposé de faire à manger à quelqu’un. En fait, à part quand Mama McDaniels faisait le repas, chacun se débrouillait et il était rare de voir des personnes partager un repas. « N'en profite pas trop, je pourrais changer d'avis. » Aspen leva les mains comme pour dire « je n’ai rien dit » et ne répondit rien, laissant Madison cuisiner. Elle se pencha au-dessus de son épaule pour voir ce qu’elle faisait. Ça avait l’air très bon, elle en salivait déjà.


Attendant que son omelette soit prête, l’ainée se tourna vers sa cadette, pour répondre à sa question. Tout de suite elle fit une allusion volontairement pas subtile du tout quant à la folle nuit qu’elle venait vraisemblablement de passer. Ce n’était pas un terrain que la jeune femme connaissait. Enfin, bien sûr elle n’était pas totalement naïve, mais elle n’était pas particulièrement à l’aise quand le sujet arrivait dans une conversation, même si elle assumait parfaitement le fait d’être encore innocente sur le sujet. La rousse se contenta de lever les yeux au ciel, espérant que sa sœur ne vienne à parler d’autre chose. Malheureusement, le sourire de cette dernière se faisait de plus en plus insistant et de plus en plus malicieux. Ce n’était pas bon signe. Et toi alors ? Aucun homme pour te sortir la tête des révisions et t'aider à te relaxer ? En effet. Elle soupira, puis son cœur se mit à battre un peu plus vite. Est-ce qu’elle savait pour elle et Lynch ? Seule Ruth était au courant. Comment Madi l’avait-elle su ? « Qu… Quoi ? Comment ça ? Me relaxer ? » Elle essaya de fuir son regard. Elle ne voulait pas en parler avec elle, pas tout de suite, c’était beaucoup trop tôt. Puis elle ne voulait pas subir les questions et les moqueries de sa famille. Elle ferma les yeux, sa réaction était stupide et suspecte. « Je n’ai pas besoin de me relaxer, tout va très bien et je m’en sors parfaitement. » dit-elle d’un ton assuré. Madi continua son interrogatoire. « T'es encore vierge non ? » Là, Aspen se sentit rougir. « Oui, et ? » Tout à coup, elle n’était plus si enchantée que ça par ce déjeuner. Elle avait envie de retourner dans sa chambre et s’enfouir sous sa montagne de travail. Cependant, elle ne pouvait pas, pas pour le moment. Il ne lui restait plus qu’à espérer que Madison ne continue pas son interrogatoire.

La conversation avait pris une tournure plutôt désagréable pour Aspen. Elle aurait été bien mieux là-haut, dans sa chambre, le nez dans ses bouquins. C’était plus facile de travailler, elle n’avait à parler à personne et à répondre aux questions de personne. Elle maudissait son estomac, si faible, qui l’avait fait descendre. Si elle n’avait pas eu faim, elle n’aurait pas eu à croiser Madison et elle n’aurait pas eu à lui parler. Quelque chose en elle l’avait su, elle s’était méfiée au départ, et avait eu confiance un peu trop vite. D’un autre côté, elle avait été contente de tomber sur sa sœur, et contente de pouvoir partager un moment avec elle. Ça n’arrivait pour ainsi dire jamais et ça aurait pu être sympa de partager une omelette avec elle. Seulement, la conversation avait trop vite dérivé sur un sujet avec lequel la jeune femme n’était pas encore tout à fait à l’aise, pas du tout même. C’était tout nouveau pour elle, trop nouveau, et elle ne se voyait pas s’épancher là-dessus, surtout pas avec une personne avec qui elle ne partageait presque rien, et ce même si c’était sa sœur. Elle ne se voyait pas en parler avec Denver – mettant de côté le fait que ce soit un garçon, elle lui disait absolument tout- alors Madison…
« Es-tu sûre de ce que tu dis ? J'ai plutôt l'impression que tu en ressens le besoin au contraire... C'est normal après tout, tu n'as pas à en avoir honte. » Aspen se sentit rougir. En même temps, elle l’avait cherché. Elle avait eu une attitude plus que suspecte en paniquant comme elle l’avait fait et surtout en essayant de le cacher. « Non ! Enfin, oui, je suis sure de ce que je dis. » Elle baissa la tête. Elle était sure de ne pas en ressentir le besoin. Elle ne s’était pas encore tout à fait acclimatée avec le fait d’être dans une relation et tout ce qu’elle ressentait. Elle n’arrivait pas à tout interpréter alors c’était vraiment trop tôt pour ça même si elle devenait de plus en plus curieuse sur le sujet. « Tu veux peut-être que je t'aide à trouver quelqu'un pour le faire ? » Là, Aspen releva la tête et regarda sa sœur. « Je pense que ça devrait aller pour le moment, merci. » Elle ne savait pas trop comment elle se sentait avec cette perspective d’être aidée par son ainée. Bon de toute façon, elle n’avait pas besoin de son aide. Enfin, peut-être, plus tard, quand sa relation passerait à une étape supérieure, si sa relation passait à une étape supérieure, et qu’elle aurait des questions. Ce n’était pas encore le cas, puis elle n’était pas encore assez proche de Madison pour ce genre de choses. Tout bien réfléchi, Madison était encore la plus indiquée pour ça.
La discussion se poursuivit, et le sujet sur sa virginité en était maintenant au centre. Oui Aspen était toujours vierge à vingt-et-un ans, oui c’était rare de nos jours, et non cela ne la dérangeait pas le moins du monde. Elle avait juste eu d’autres priorités. « Et alors chéri il serait peut-être temps de découvrir les joies du corps ! Pour une étudiante en médecine, tu vas peut-être devoir toucher à tout ça, et ce serait embêtant de le faire en étant toujours vierge, tu ne crois pas ? ...Tu ne veux pas que la première que tu toucheras à un homme se soit avec des gants ? » Sa sœur n’avait pas tort. Cette réflexion était assez perturbante, d’ailleurs. Mais soit, Madison avait raison, et cette pensée la hanterait pour toujours. Bon elle n’allait pas non plus appeler Lynch sitôt leur conversation terminée pour coucher avec lui, mais ça allait commencer à la travailler. La jeune femme se mordit la lèvre, plus vraiment sure de rien. « Non, j’imagine que non… » Devait-elle continuer à jouer celle qui ne voulait rien savoir ou prendre son courage à deux mains et commencer à se confier à sa grande sœur ? Décisions, décisions… « J’ai rencontré quelqu’un. Un homme je veux dire. » sortit-elle à toute vitesse.

Madison était une redoutable prédatrice. Aspen était sa proie du jour. Elle n’aurait pas dû descendre et quitter ses livres, ses livres étaient gentils avec elle au moins, ils ne l’assaillaient pas de questions gênantes et indiscrètes, ils n’appuyaient pas sur les points sensibles, ils ne la mettaient pas mal à l’aise. Madison, si. La jeune femme la connaissait en plus, elle savait comment elle était, elle savait comme sa grande sœur fonctionnait. Elle était redoutable, très douée à ce petit jeu. Elle prenait même un malin plaisir à torturer ses victimes. La rousse le savait et pourtant elle avait naïvement, peut-être dans une tentative désespérée de se rapprocher de sa grande sœur, cru qu’elle agirait différemment avec elle. Non, visiblement. Elle se nourrissait vraiment du mal être des autres, peu importe de qui il s’agissait, tant pis si c’était sa petite sœur. La conversation était bien trop engagée pour reculer. Aspen devait prendre son mal en patience et prier pour qu’il n’y ait pas trop de dégâts. Elle perdait déjà ses moyens, ses réponses se faisaient hésitantes et Madison n’hésitait pas à en profiter pour aller encore plus loin dans son jeu. La benjamine de la fratrie se demandait pourquoi elle ne la laissait pas tranquille si elle voyait que c’était aussi difficile pour elle de parler de ce sujet-là. Elle n’avait jamais eu aussi hâte de sa vie qu’une omelette finisse de cuire.
Aspen était en train de totalement martyriser ses deux mains. Jamais encore elle ne s’était sentie aussi mal à l’aise. « Ça se voit oui... » Touché. Madison le sentait et la jeune femme ne savait plus quoi dire ou quoi faire pour l’empêcher d’aller plus loin. Il n’y avait rien d’autre à faire que de rentrer dans son jeu et faire ce qu’elle voulait. Sinon, elle ne la lâcherait pas. « Si jamais un jour tu changes d'avis, tu sais où me trouver. » Elle secoua négativement la tête. Selon elle, ce jour n’était pas prêt d’arriver. Qui savait quel genre d’hommes Madison fréquentait ? S’ils étaient tous comme elle, elle ne préférait pas les connaitre. Puis elle ne savait pas si sœur était capable de lui jouer un sale coup et de lui présenter quelqu’un qui n’était clairement pas fait pour elle. Elle n’était pas encore à l’aise avec le sujet pour trop s’y aventurer. Elle préférait faire ses choix toute seule.
Aspen avait fini par craquer. Ça devait arriver… Mais elle s’était dit que si elle lâchait cette « bombe » - parce que clairement s’en était une, qui aurait pu s’attendre à une telle chose de sa part ? – elle allait la laisser tranquille et passer à autre chose… Ou alors elle pourrait l’aider et répondre aux questions qu’elle se posait. Parce qu’après tout, ce domaine lui étant totalement inconnu, il fallait bien qu’elle reçoive un peu d’aide. Comme elle n’avait pas vraiment de meilleure amie à qui en parler, et qu’elle ne se voyait pas en parler à sa mère, Madison était toute indiquée. C’était peut-être naïf encore une fois de se confier à elle, mais elle n’avait pas grand-chose à perdre. Tu l'as rencontré... ça veut dire que tu lui as déjà parlé ou tu l'as juste croisé dans la rue ? » Ah ça pour lui avoir déjà parlé… Ils avaient fait plus que de simplement parler. Aspen la regarda sans faillir et la laissa continuer. « Ou bien c'est déjà sérieux et tu n'oses pas passer à la vitesse supérieure ? » Touché, encore une fois. Sa sœur était décidément très forte. « C’est déjà sérieux, enfin je pense que ça l’est. » Ça ne pouvait que l’être, selon elle. Lynch avait déjà rencontré Ruth et il avait passé le test, c’était un grand pas. Quant à savoir si elle voulait passer à la vitesse supérieure… « J’en sais rien, non peut-être pas pour le moment, ça ne fait pas si longtemps qu’on se voit mais… J’aimerais me préparer à cette éventualité. Du coup, comme tu n’arrêtes pas avec ça depuis tout à l’heure, je me suis dit que tu pourrais m’aider. Eventuellement. » Elle lui lança un regard presque suppliant. Pour la première fois de sa vie quasiment, Aspen avait besoin d’aide.

Aspen avait craqué sous la pression et les questions indiscrètes de sa sœur. Elle avait fini par lâcher le morceau et avouer qu’elle était engagée dans une relation plutôt sérieuse depuis un petit moment. Surprise, surprise, la petite et innocente Aspen devenait une grande fille. Elle était sûre que personne n’aurait pu le soupçonner. Elle ne disait jamais rien sur sa vie privée, déjà parce qu’il n’y avait rien à dire. Ensuite parce qu’elle ne savait pas à qui parler de ce genre de choses. Mais là… Là, ça lui avait semblait être le moment idéal pour lâcher cette bombe. Madison avait amené le sujet avec beaucoup de délicatesse et Aspen avait senti qu’une sorte de connexion s’était établie entre elles deux. Enfin, faute de connexion, c’était plutôt leur lien fraternel qui avait commencé de s’affirmer. Pour la première fois, Madison avait agi avec elle comme la grande sœur qu’elle n’avait jamais vraiment été. C’était peut-être simplement pour passer le temps et rendre ce déjeuner moins chiant, mais elle avait l’air de s’intéresser sincèrement à sa petite sœur et à s’inquiéter à l’avenir que connaitrait sa vie amoureuse. C’était un début et c’était bon à prendre. La benjamine avait s’était donc lancée après quelques hésitations. Elle savait que son ainée était expérimentée dans ce domaine et qu’elle n’irait pas en parler avec les autres membres de la famille. « Avec plaisir » répondit-elle après le SOS de sa petite sœur. Aspen eut un soupir de soulagement. Elle allait pouvoir tout déballer, ses doutes, ses questions. Ça lui ferait surement un bien fou et la rassurerait par la même occasion. Madi sembla satisfaite. Elle réussissait décidément tout. « Demande-moi ce que tu veux... » Aspen ouvrit la bouche pour commencer à parler lorsqu’elle vit sa sœur lever un doigt. « Juste une seconde. » Elle la regarda aller vérifier que son omelette était cuite. Son estomac manifesta son envie. Elle avait presque oublié qu’elle avait faim, tiens. Elle salivait. La brune les servit toutes les deux et elles prirent place l’une en face de l’autre. « Voilà, obligation de finir son assiette, que ce soit bon ou non. » Elle n’avait pas à se faire prier pour ça, elle avait tellement faim qu’elle mangerait même une omelette qu’aurait fait Denver.
Entre deux bouchées, Madison reprit la parole au sujet du mystérieux garçon avec qui sortait sa petite sœur. La connaissant, elle devait brûler de curiosité. Libre à Aspen de la torturer un peu à son tour en la faisant mijoter. « Je t'écoute donc, tu as peur qu'il n'ait pas grand-chose dans le pantalon c'est ça ?» Elle s’arrêta de mâcher légèrement choquée par ses propos. Enfin ça ne le choquait pas vraiment mais, elle ne s’y attendait pas. Elle secoua la tête en négation et regarda sa sœur, perdue. Celle-ci se mit à rire. La rousse s’autorisa à respirer et mâcher à nouveau. Mais ça ne la faisait pas rire. C’était un sujet sérieux et elle ne voulait pas que sa sœur le prenne à la légère. « C’est sérieux, Madison. Si tu veux te moquer de moi je préfère encore me débrouiller toute seule. » répondit-elle un peu sur la défensive. Sa réaction était peut-être exagérée mais elle n’était toujours pas à l’aise. La bouchée suivant fut aussi difficile à passer et elle but une gorgée d’eau. « Désolée… Je voulais juste… J’en sais rien… Des conseils pour le moment où… » Elle ne termina pas sa phrase. Sa sœur comprendrait où elle voudrait en venir et se moquerait surement d’elle pour être si prude et innocente. Elle replongea la tête dans son assiette. L’omelette était vraiment bonne. La voix de la jolie brune vint à nouveau briser le silence. « Au fait, il fait quoi dans la vie ce beau garçon ? » Ah, c’était du Madison tout craché ça. Elle aimait les hommes de pouvoir avec beaucoup d’argent. Lynch lui plairait, c’était certain. Enfin, il était peut-être un petit peu trop jeune pour elle. « PDG. Il dirige une boite de cosmétiques, un truc du genre. » A ce stade elle ne comprenait toujours pas ce qu’il faisait, mais c’était quand même assez impressionnant. « Il est trop jeune pour toi, par contre. » ajouta-t-elle avec un air narquois.

« Excuse-moi, continue, je ne voulais pas me moquer, vraiment. » Madison McDaniels en train de présenter des excuses… C’était une grande première et Aspen ne sut pas dire tout de suite si c’étaient des excuses sincères ou non. Après tout, elle l’avait plusieurs fois habitué au contraire. Madi ne se gênait jamais pour être horrible avec les gens, pour moquer, tout faire pour les mettre mal à l’aise. Du coup c’était assez difficile à interpréter. Une petite partie d’elle voulait la croire sincère. Comme elle le faisait avec Alaska, la rousse espérait se rapprocher de son autre sœur. Les membres de cette famille n’étaient pas assez proches. Comme s’ils n’étaient pas une vraie famille en réalité. Aspen regarda son ainée avec un air plein de doute. Le fait qu’elle prenne le temps de cuisiner pour elle et de parler avec elle pour la conseiller lui faisait penser qu’elle pouvait lui faire confiance sur ce coup. Elle n’en était pas sûre à cent pourcent mais elle décida de lui accorder le bénéfice du doute. « C’est bon… C’est juste que ce sujet me rend vraiment nerveuse. » D’autant plus maintenant que Lynch se montrait de plus en plus insistant. Enfin, il ne le disait pas explicitement mais elle le sentait. Il ne le faisait surement pas exprès d’ailleurs, c’étaient juste ses actions… Mais c’était un homme avec des besoins il était normal qu’il veuille les assouvir. Il lui avait promis qu’il attendrait le moment où elle serait prête. Seulement, elle ne voulait pas le faire attendre trop longtemps, elle n’avait pas envie de le perdre pour ça. C’était peut-être stupide de vouloir le faire juste pour ça, mais elle n’était pas de celles qui désiraient rester vierges jusqu’au mariage. Ce n’était pas une question d’idées ou d’éducation, ce n’était pas un symbole si important pour elle. Elle n’en avait simplement pas ressenti le besoin jusqu’ici. Seulement, maintenant qu’elle était engagée dans une relation elle sentait, savait qu’elle a devoir passer par cette étape. Elle voulait simplement le faire correctement et ne pas se ridiculiser. Madison était la personne la plus indiquée pour l’aider sur ce sujet. Aspen commença donc à lui parler de ce qui l’inquiétait… « Parler ». La jeune femme était hésitante et restait volontairement vague.

« Des conseils pour le moment où quoi ? » Elle commençait à se dire que Madison n’avait pas été sincère avec ses excuses et voulait la pousser dans ses retranchements en lui faisant parler de ce dont elle avait du mal à parler. C’était suffisamment difficile comme ça pour en plus mettre des mots dessus. « Il va falloir être un peu plus précise dans tes questions. J'ai beau deviner beaucoup de choses, je ne lis pas encore dans les pensées. » Ça lui paraissait pourtant évidemment à elle, ce à quoi elle faisait allusion. Elle pensait de plus en plus que Madison faisait exprès de ne pas comprendre. Seulement, elle souleva un point assez important qui lui fit cette fois penser qu’elle ne comprenait vraiment pas. Surtout que son ton était doux et qu’elle avait paru vraiment gentille. « N'ai pas peur de parler. Personne ne nous écoute. » C’était ça aussi, qui lui faisait peur. Si jamais quelqu’un d’autre débarquait, elle mourrait de honte. Surtout si c’étaient ses parents ou Denver. Elle se sentit rougir, puis se mordit la lèvre. « Pour le moment où on va passer à l’acte, coucher ensemble quoi. » sortit-elle à toute vitesse comme si ces mots lui brûlaient la langue. Silence. Aucune autre personne de la famille ne fit son apparition. Aspen qui avait retenu sa respiration jusqu’ici s’autorisa enfin à respirer. « Tu vas m’aider alors ? Je n’ai pas envie de tout gâcher et d’être complètement nulle. » Elle ne savait même pas ce qu’elle voulait savoir… Elle voulait simplement être rassurée dans le fond.

Madison se mit ensuite à lui poser des questions sur Lynch : ce qu’il faisait dans la vie dans un premier temps. Aspen lui expliqua qu’il était PDG d’une grande boite et elle réalisa encore un peu plus la « chance » qu’elle avait et à quel point ils étaient différents. Elle en profita pour lancer une pique à sa sœur. Petite vengeance. « Il m'arrive de faire des exceptions tu sais... » Elle arqua un sourcil. Elle ne pouvait pas parler de son fiancé, si ? « Des exceptions ? Tu ne parles quand même pas de ton fiancé, hein ? Tout le monde sait que tu n’aimes pas Liam et que tu te sers simplement de lui. » Seuls leurs parents n’étaient pas au courant. Madi devait converser son image de gentille petite fille modèle. « Tant que c'est un homme bien, je suis contente pour toi. » Cette fois, elle n’eut aucun doute sur le fait que sa sœur pensait ce qu’elle disait. Elle avait donc un cœur ? Aspen était contente d’assister à ça, ce n’était pas donné à tout le monde. C’était encourageant pour la suite, peut-être qu’elles pourraient se rapprocher encore plus. « C’est un home bien oui. » Elle sourit. « Je suis… contente de te voir si concernée. Tu as peut-être bien un cœur, finalement. » dit-elle sur un ton léger. Elle espérait juste que cette dernière pique ne la vexerait pas et qu’elle ne reviendrait pas la vipère qu’elle avait été jusqu’ici.