Ce jour-là ce n’était ni le soleil, ni le bruit des vagues qui m’avait réveillée. Et pour cause, j’étais de retour à New-York depuis la veille, alors j’eus plutôt droit aux bruits de voitures et aux voix venant de la cuisine. J’étais de retour chez moi, enfin dans mon nouveau chez moi, un appartement où je n’avais dormi qu’une fois, deux à présent. Je me levais difficilement et frissonnais, c’est vrai qu’il faisait froid à New-York, ça aussi je l’avais oublié. J’étais d’humeur plutôt morose quand j’arrivais dans la cuisine, je me servis un café et laissais échapper un soupir. Depuis le début, je savais que mon retour serait dur et cela n’y manquait pas. Ce n’était pas faute d’avoir essayé d’y échapper, j’avais prolongée mes vacances dans la limite du raisonnable mais toutes les bonnes choses ont une fin. Pendant des années, je n’avais pas cessé de fuir encore et encore, j’avais fui l’engagement en m’installant à Paris, fui mes problèmes en m’installant à New-York et fui mes parents en partant en vacances. Sauf qu’à présent, je devais faire face, fuir n’était plus possible car je m’étais attachée à ce endroit et à certaines personnes, ce que j’avais à tout prix voulu éviter pendant des années était arrivé dans cet ville : l’amour, l’amitié… Et maintenant que j’avais tout ça, je ne pouvais plus m’en passer.

Sous la douche, je préparais le programme de ma journée, dans le désordre je devais faire les petites annonces, aller voir Juan et si le courage me venait affronter mon père. Aller voir Juan serait une chose aisée et puis il était urgent que j’ailles voir où il en était, je n’avais que trop tardé pour ça. Le reste attendrait, où viendrait à moi tout seul pensais-je en filtrant l’appel de mon téléphone. Juan habitait juste à côté alors j’allais y aller à pieds, je ris donc mon manteau pour sortir et fut immédiatement saisie par le froid. Il ne me fallut pas plus de cinq minutes pour arriver jusqu’à chez lui et sonner la porte. Il ouvrit de suite et me serra dans ses bars. J’étais vraiment heureuse de le revoir. Quand il me relâcha j’entrais suivant son invitation. Je regardais autour de moi d’un œil circonspect. Pas de bouteilles vides, ni de cigarettes, ni de détritus, soit Juan prenait les choses bien mieux que je ne le pensais soit il avait juste fait un petit coup de ménage. Ca n’avait pas d’importance, je n’étais pas là pour juger de ça, il pouvait boire autant qu’il le voulait si ça l’aidait à aller mieux et tant qu’il restait raisonnable, je ne connaissais trop bien les dégâts de l’alcoolisme. Quand j’eus fini le tour de la pièce, je posais mon regard sur lui, il n’avait pas très bonne mine en tout cas nettement moins bonne qu’à Fidji où il n’était déjà pas au top de sa forme. Une bouffée de culpabilité m’envahit, après tout, c’était moi qui l’avais poussé à parler à Ambre de ses sentiments. Je pensais que ça l’aiderait, qu’il arrêterait de se déchirer de l’intérieur comme ça mais je m’étais plantée. Je pinçais les lèvres et soupirais. Je n’avais pas en vouloir à Ambre, elle avait réagit comme tout autre, je devrais penser à ça la prochaine fois que je lui dirais à peine bonjour.

-Oh Juan, je suis vraiment contente de te revoir, si tu savais comme tu m’as manqué.

J’avais failli dire comme je me suis fait du soucis pour toi mais j’avais changé d’avis au dernier moment, je ne voulais pas que ce soit moi qui aborde le sujet, il m’en parlerait uniquement s’il en ressentait le besoin et pas autrement.

-Je t’ai ramené un souvenir du Maroc mais je l’ai oublié dans ma valise, enfin bon tu me connais, je te le donnerais la prochaine fois qu’on se verra. Là je vais… m’asseoir sur ton canapé parce qu je suis fatiguée.

Et je venais juste de me lever, c’était un comble. En plus pour cette nuit je n’avais aucune excuse, j’avais dormi seule pour la première fois depuis longtemps et je dois dire que cela m’avait fait bizarre. La deuxième raison pour laquelle se retour de vacances me déplaisait c’était ça, le fait que je ne puisse plus être avec lui aussi souvent. J’aurais pu aller le voir mais je ne devais pas le brusquer lui aussi, le laisser venir à moi. Je trouvais l’attente un peu pesante.

Le comédien suivit Lena dans l’appartement. Et il remarqua qu’elle observait aussi discrètement que possible la pièce. Elle cherchait certainement les traces du laisser-aller de Juan, et intérieurement, ce dernier se félicita d’avoir fait un peu de nettoyage. Certes, si elle se rendait dans la cuisine, elle verrait les bouteilles vides bien alignées sur la table, mais au moins, le plus gros avait disparu. En plus, il faisait plutôt bon dans le salon, vu que la fenêtre était encore ouverte. Tandis qu’elle avait le dos tourné, il observa un bref instant son visage dans la glace la plus proche, ouais, et bien il n’arriverait quand même pas à tout dissimuler. A moins qu’il soit capable de cacher de vilaines cernes en l’espace d’un dixième de seconde. Puis elle se retourna et Juan tâcha de sourire, peut-être qu’il paraitrait mieux ainsi. Mais après réflexion, et après vu le changement qui s’était déroulé dans les yeux de la jeune femme lorsqu’ils s’étaient posés sur lui, il en conclut que ce sourire niais ne servait à rien. Puis elle lâcha un bref soupir...comme si elle s'en voulait ou quelque chose comme ça. Il détourna alors le regard, un peu gêné, voir même beaucoup. Heureusement, Lena brisa le silence qui s'était installé un peu trop longtemps entre les jeunes gens. « Oh Juan, je suis vraiment contente de te revoir, si tu savais comme tu m’as manqué. » Elle lui avait manqué aussi. Beaucoup. C'est qu'il s'était vite attaché à elle, encore plus qu'à Ambre, il fronça les sourcils, comme pour chasser le prénom de la blonde de son esprit. Ce n'était pas le moment de penser à elle, absolument pas, il préféra donc ne pas penser à Londres, là où il avait rencontré Lena. Puis il reposa son regard sur son amie, et sourit un peu. « Tu m'as manqué aussi. » Il se passa la main dans les cheveux, un peu nerveux. Il n'était jamais doué pour les démonstrations d'affection telles que 'je t'aime' ou encore tout simplement 'tu m'as manqué'. « Je t’ai ramené un souvenir du Maroc mais je l’ai oublié dans ma valise, enfin bon tu me connais, je te le donnerais la prochaine fois qu’on se verra. Là je vais… m’asseoir sur ton canapé parce que je suis fatiguée.»

Juan haussa les sourcils. Elle était fatiguée, alors que la matinée ne s'était pas encore entièrement déroulée, et qu'elle s'était sûrement levée il y a une heure à peine. Peut-être avait-elle mal dormit. Après tout, c'était possible. « Fatiguée ? Mauvaise nuit ? » Juan s'assit dans le fauteuil qui faisait face au canapé sur lequel Lena s'était laissée tomber. C'était à son tour d'être inquiet. Après tout, il devait un peu arrêter de penser juste à ses problèmes, il devait penser à ses rares amis qui étaient toujours là pour lui. Il se devait de leur renvoyer l'ascenseur. Il se leva pour aller chercher quelque chose dans la cuisine, un pot de glace qu'il n'avait pas touché depuis que Lena l'avait apporté chez lui avant le départ au Fidji. Il prit une cuiller dans un des tiroirs et revint au salon. Il posa ce qu'il avait ramené sur la table basse. « Ça pourra toujours te donner des forces... » Il haussa les épaules, un air un peu désemparé était sur son visage. Il n'était jamais très doué pour consoler, mais bon, peut-être qu'un pot de glace remplacerait quelques mots maladroits. « Tu veux peut-être boire quelque chose ? Un verre d'eau ? Un jus de fruits ? » Non, pas de boissons alcoolisées proposées. Ce n'était pas parce qu'il avait pris de mauvaises habitudes, qu'il devait les transmettre à son amie.

Je m'assis tranquillement sur le canapé et laissait échapper un bâillement. Je vis très nettement Juan hausser les sourcils et lui sourit pour le rassurer. La fatigue, c'était loin d'être maladie et j'étais également très perturbée par tous les décalages horaires que j'avais subi durant les dernières semaines. Juan s'assit sur le fauteuil en face de moi et je le regardais de nouveau avec attention. Il avait vraiment mauvaise mine peut-être pas au point que ça saute aux yeux de gens qui ne le connaissait pas mais moi je le voyais. Et pourtant, je connaissais Juan depuis à peine un mois, tout comme Ambre, Fee et Pedro. Toutefois, tout comme les trois autres, il avait vite pris une place très importante dans ma vie. C'était étrange de penser au chemin que j'avais fait ces derniers mois. J'étais certaine que la Lena de l'année d'avant, aucun d'eux ne l'aurait appréciée, et pour cause, même moi je ne l'aimais pas.

-Hum, oui j'ai pas trop dormi, il y avait une place de vide dans mon lit...

J'étais persuadée que Juan comprendrait ce que je voulais dire, même si je ne l'avais jamais évoqué en détail avec lui, il se faisait que mes relations avec Akshan était assez compliquées. Pourtant, sur ce point-là, ces dernières semaines avaient été merveilleuses même s'il avait soigneusement veillé à laisser une certaine distance entre nous. En vérité, j'avais été surprise qu'il m'accompagne à Phoenix, depuis cette fameuse soirée dans Central Park, nous nous étions revue un peu mais sans plus et là, qu'il veuille partir avec moi pendant une durée indéterminée m'avait totalement désarçonnée. Au final, cela avait juste renforcée une de mes croyances, quoiqu'il arrive il serait là.

Juan se leva et revint avec pot de glace, je souris, oubliant peu à peu le cours qu'avait pris mes pensées. C'était fou à quel point je m'étalais dans des analyses profondes dès lors qu'il s'agissait d'Akshan. Juan me proposa à boire et j'attrapais la glace.

-C'est un des pots que j'ai ramené ça, tu auras du le manger, la glace à un pouvoir de réconfort assez impressionnant. Je veux bien un jus de fruit oui.

Je savourais la première cuillerée de glace, que ce soit au Maroc ou à Fidji, je n'en avais pas trouvée une seule capable de rivaliser avec celle que je tenais dans mes mains. La glace était pour moi ce que l'alcool et la cigarette était à d'autres, cette obsession pour cet aliment m'était venu lors d'un de mes premiers anniversaires où ma mère, ayant cramé le gâteau, avait servi une buche à la place. Juan revint avec un jus de fruit et je le remerciais.

-Tu sais, je suis vraiment très déçue de ne pas avoir pu ramener de chameau.

« Hum, oui j’ai pas trop dormi, il y avait une place vide dans mon lit. » Juan hocha la tête en silence. Lena n’avait apparemment pas très envie de s’étaler sur le sujet, et il ne comptait pas lui poser des questions. Il avait compris, il savait que la situation d’Akshan & Lena n’était pas des plus faciles, sans pour autant en avoir un jour parlé avec l’un d’eux. Cette histoire de regardait qu’eux deux, et il n’aimait pas très se mêler de la vie des autres, surtout de celle de ses amis. Encore, poser à une personne agaçante à une personne qu’il n’appréciait pas beaucoup, c’était faisable, mais avec ses rares amis, il préférait se taire dans ce genre de situation. Le comédien alla donc chercher ce pot de glace qui avait attendu patiemment plusieurs jours dans le congélateur avant d’être mangé, mais sa fin était proche, vue qu’à peine arrivé entre les mains de la blonde, il était entamé. « C’est un des pots que j’ai ramené ça, tu aurais du le manger, la glace a un pouvoir de réconfort assez impressionnant. Je veux bien un jus de fruit oui. » Juan rit un peu en entendant sa remarque, puis il haussa les épaules. Elle n’avait pas tort, enfin, c’était ce que pas mal de gens lui avaient dit, y compris sa meilleure amie d’enfance. Chaque fois qu’elle avait un gros problème, cette dernière était capable de manger un pot entier. Apparemment, c’était la même chose pour Lena. « Tu sais, je ne suis pas un grand amateur de glace… Puis j’ai trouvé d’autres trucs pour me…réconforter. » Il eut un léger sourire en coin en pensant aux bouteilles qui était dans la cuisine, et à celle qu’il avait caché dans un placard alors qu’il allait ouvrir à Lena. Enfin, il retourna pour la deuxième fois à la cuisine, et revint rapidement, un verre de jus de fruit dans la main droite. Il le posa juste devant la jeune femme qui s’était attaquée à la glace, puis s’assit dans un fauteuil. Il se frotta ensuite un peu les yeux, il était plutôt fatigué, mais il se devait de le cacher devant son amie.

Alors que le silence ne s’était installé que quelques secondes, le temps suffisant à Lena pour avaler une cuillerée de glace, la jeune femme parla à nouveau. « Tu sais, je suis vraiment très déçue de ne pas avoir pu ramener un chameau. » Une nouvelle fois, il rit. Décidément, il riait un peu trop depuis l’arrivée de Lena. Il faut dire, qu’il n’y avait qu’elle, pour dire avec un air très sérieux qu’elle regrettait de ne pas avoir pu amener un chameau à New-York. Comme il n'y avait qu'elle pour poser son portable dans une plante verte lors du réveillon, ou encore juste elle au Fidji pour vivre la nuit et dormir le jour, ou encore, juste elle pour faire des mélanges de glaces très étranges. Elle était sans doute la seule à réussir à le faire rire dans n’importe quelle situation. De plus, il imaginait la tête de Pedro, si elle était arrivée dans l’appartement suivi d’un chameau. Le pauvre, déjà qu’il devait souvent s’occuper de ses colocataires, d’Elvis et de Presley, il allait faire une dépression nerveuse s’il voyait débarquer un chameau chez lui. « C’est dommage c’est vrai. Je suis sûr que ça aurait été sympa de se promener à dos de chameau dans New-York… On aurait évité tous les embouteillages. » Dans ces moments, il aimait bien rentrer dans son jeu. Après tout, il fallait bien perdre son sérieux, sinon, la vie serait bien trop ennuyante. « Sans rien, ça aurait été pas mal si t'avais débarqué avec un chameau à New-York. Tes colocataires auraient été ravis je pense. Surtout Ambre qui...adore les animaux. » Parler d'Ambre lui était venu ton naturellement, mais à peine eut-il prononcé son prénom, que son sourire partit de son visage. Il tourna vite la tête, pour ne pas avoir à croiser le regard de Lena, et puis pour avoir le temps de prendre sur lui. « Je t'achèterai une peluche chameau si tu veux. » Déclara-t-il après s'être éclaircit la gorge.

« Tu sais, je ne suis pas un grand amateur de glace… Puis j’ai trouvé d’autres trucs pour me…réconforter. » Je fronçais les sourcils et regardais Juan. Bien sûr je m’étais douté qu’il trouvait le réconfort dans l’alcool mais le voir confirmer de cette manière, c’était différent. Il me laissa le temps d’aller me chercher à boire et je jetais un regard furtif autour de moi. Evidemment, il n’y avait rien mais j’étai sûre que si je fouillais un peu je n’aurais aucun mal à mettre la main sur une cargaison de bouteilles. Je soupirais et me retournais vers Juan posait mon jus de fruits sur la table. Je tendis la main pour l’attraper tandis que celui-ci s’asseyait sur son fauteuil en se frottant les yeux.

Je ne suis pas la seule à être fatiguée à ce que je vois…

Je me tus et but une gorgée de jus de fruits. Je n’étais pas venue ici pour lui prendre la tête certes mais je ne pouvais pas non plus faire comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. Ce n’était pas comme ça que faisait les amies. Toutefois je ne dis rien sur le coup. Je préférais l’écouter parler de chameaux, j’avais vraiment des idées de conversations qui laissait à désirer parfois. Pourtant, il entrait dans mon jeu et j’en fus heureuse. J’avais réussit à le faire rire, c’était une bonne chose. Eviter les embouteillages, je n’avais pas pensé à me servir du chameau comme ça mais ça aurait sûrement pu être très bien. Son sourire faisait plaisir à voire et je souris moi aussi. Je m’étais sûrement alarmée pour rien, Juan devait prendre la chose mieux que je ne le pensais et moi j’étais simplement parano. J’aurais aimé que ce soit exact mais la réaction qu’il eut lorsqu’il prononça le prénom d’Ambre me montra que ce n’était pas le cas, il allait mal et il voulait me le cacher c’était tout.

J’en ai déjà ramené pleins mais c’est gentil de ta part de me proposer ça. Par contre, je veux bien que tu me fasses un cadeau, j’adore les cadeaux.

J’essayais de me montrer la plus enjouée possible mais j’étais trop inquiète pour ça. En même temps, je n’osais pas trop lui parler, je n’avais jamais fait ça, c’était nouveau pour moi et je n’étais pas certaine que c’était ce qu’il voulait ni ce dont il avait besoin. Décidément je n’étais vraiment pas très douée.

En tout cas, je peux te dire que je ne suis pas prête de reprendre l’avion moi, je suis traumatisée à vie.

L’avion… Mon enfer personnel, je n’avais jamais autant détesté un moyen de transport jusqu’à maintenant mais je sentais que cette haine allait durer longtemps. En même temps, on ne pouvait pas dire que mon intervention soit réellement digne d’intérêt mais j’avais décidé de ne pas évoquer les sujets qui fâchent si Juan voulait me parler d’Ambre il le ferait mais ce n’était pas à moi de l’y forcer. Après tout, lui-même n’avait pas cherché à en savoir plus à propos d’Akshan et moi un peu plus tôt ; chose dont je lui étais reconnaissante. Il voulait faire semblant d’aller bien, qu’à cela ne tienne, je ferais semblant de croire qu’il allait bien.