« Pedro ? Je suis rentrée de Londres plutôt que prévu… ». Ambre s’arrêta net. Un décor presque apocalyptique se dressait devant elle. Sans aucune exagération sur le mot apocalyptique. Pedro avait tenu sa promesse : l’appart était en bordel et il était aisé de deviner que la grande soirée de débauche promise avait bien eu lieu. Génial. Ambre était fatiguée, très fatiguée. Et voir ça ne l’avait que démoralisé un peu plus.Il n’y avait cependant pas que du négatif. Retrouver son petit chez soi lui faisait du bien. New York lui avait manqué, même si elle avait aimé Paris et Londres. Posant ses affaires dans l’entrée, seul endroit où le sol était visible, elle entreprit de faire le tour de l’appartement, histoire de constater l’ampleur des dégâts. Peu de pièces avaient été épargnées, et sa chambre, heureusement pour son colocataire, était restée intacte. Ce dernier, auparavant allongé sur le canapé se tenait à présent devant elle. Il n’avait pas l’air d’avoir beaucoup dormi et faisait peine à voir. « Pedro ! Je me doute que tu soit fatigué, mais regarde moi ce bordel. Promets moi de nettoyer, ou au moins d’appeler une femme de ménage. J’aimerais bien que l’appartement soit propre quand je reviendrais. Et bonne année au fait. ». Elle le serra vivement dans ses bras avant d’enchainer. « Si tu me cherches je serais chez Juan. ». Sur ce, elle prit son sac, Elvis, et sortit.

« Juan, c’est Ambre. Je peux entrer ? ». L’appartement de son ami ne se trouvait qu’à deux pas de chez elle. Elle avait décidé de lui rendre visite, pour parler un peu. Ça ne pouvait pas leur faire de mal après tout. Elle avait beau avoir passé ces derniers jours avec lui, elle ne se lassait pas de sa compagnie. En quelques temps, il était devenu une des personnes qui comptaient le plus pour elle, une des personnes qui la comprennait le mieux aussi, même si entre eux ça avait plutôt mal commencé. Comme quoi. Elle espérait tout de même ne pas le déranger, ou pire le réveiller. Son avion devait avoir atterri il y a peu et il devait être fatigué. « Excuse moi si je te dérange, mais j’avais pas trop le cœur à rester chez moi, tu verrais l’appartement, il y a un bordel monstre. ». Elle attendit ensuite, silencieuse, priant pour qu’il ne tarde pas à ouvrir.

« Monsieur ? Pouvez-vous attacher votre ceinture s’il vous plait ? Nous allons bientôt atterrir. » Juan sursauta légèrement quand l’hôtesse de l’air lui adressa la parole. Il somnolait légèrement depuis quelques heures, et à vrai dire, il ne pensait pas être dérangé tout de suite. Néanmoins, il attacha sa ceinture – d’ailleurs, il trouvait ça stupide, attacher sa ceinture quand on atterrissait, c’était sûrement pour des raisons de sécurité, mais il n’aimait pas. Il se frotta les yeux, en espérant que l’atterrissage se passerait bien, et qu’à l’aéroport, il retrouverait rapidement sa valise. C’était toujours une véritable angoisse pour lui : perdre sa valise, ses affaires. Sa première demande fut exaucée car l’avion se posa en douceur sur le sol américain et Juan fut le premier passager à quitter l’appareil. Moins il était dans un avion, mieux il se portait. Sa deuxième également, car il récupéra sa valise en un seul morceau vingt minutes après son arrivée. Tandis qu’il marchait dans l’aéroport pour gagner la sortie, il alluma son portable. Un appel en absence de sa mère – il ne l’avait toujours pas appelé pour lui souhaiter une bonne année, catastrophe- , deux sms – un d’Andrea qui lui souhaitait une bonne année, et un de Jonah pour la même chose. Pas de propositions de dernières minutes pour des sorties, la soirée s'annonçait calme & reposante. Il eut rapidement un taxi, pas le temps de fumer un peu, tant mieux, sa résolution d'arrêter de fumer cette année était pour l'instant tenue. Durant le trajet, il observa la ville par la fenêtre du véhicule, il était heureux de rentrer ici, il s'y sentait chez lui. Certes il trouvait que Londres était une très jolie ville, mais la Grosse Pomme lui avait un peu manquée durant ce séjour. Rapidement, il fut en bas de l'immeuble situé sur Park Avenue où se trouvait son appartement.

Son appartement. Rien n'avait bougé depuis son départ, ce n'était pas le bordel, c'était parfait. « Home sweet home Juan. » Il déposa son sac dans sa chambre, alluma quelques lumières pour donner de la vie à son logis, regarda ce qu'il y avait dans le réfrigérateur - deux bouteilles de vin, une de champagne, et de quoi faire à manger - parfait. Ne soyez pas étonné si vous trouvez autant d'alcool chez lui, mais ne vous en faites, il n'est pas alcoolique pour autant. Il était en train de se demander ce qu'il allait faire. Se sentait-il capable d'appeler sa famille et d'écouter les remontrances habituelles de ses parents ? D'entendre la voix de sa mère qui parlait d'Olivia comme si rien ne c'était passé ? Certainement pas. Puis, soudain, il entendit frapper à la porte. « Juan, c’est Ambre. Je peux entrer ? » Il haussa les sourcils, plutôt étonné d'entendre sa voix, mais aussi plutôt content. Il se dirigea vite vers l'entrée, mais déjà, Ambre parlait une nouvelle fois. « Excuse moi si je te dérange, mais j’avais pas trop le cœur à rester chez moi, tu verrais l’appartement, il y a un bordel monstre. » Sur ces mots, il ouvrit la porte et aussitôt il sourit. C'était bien Ambre - logique - & Elvis évidemment ! C'était à chaque fois pareil, chaque fois qu'il la voyait, il se sentait...heureux ? Oui, peut-être bien. « Je vais finir par croire que tu ne peux plus te passer de moi. » Il se poussa pour qu'elle puisse entrer. « Tu ne me déranges jamais. Allez entre, fais comme chez toi. Et Elvis est accepté aussi, tant qu'il ne s'amuse pas à abimer les meubles. » Ambre entra dans l'appartement, et Juan referma la porte derrière elle. La soirée de Juan n'allait certainement pas être calme, mais au moins, il allait passer un bon moment.

« Je vais finir par croire que tu ne peux plus te passer de moi. ». La porte s’ouvrit sur un Juan tout sourire. Elle ne devait pas le déranger tant que ça, apparemment. Et heureusement. Elle se serait mal vue retourner chez elle si ça avait été le cas. Elle aurait très bien pu aller chez son père remarquez, elle ne l'avait pas appelé de Londres et ne lui avait toujours pas souhaité une bonne année. Ni à Roxane d'ailleurs. Ils étaient comme sortis de sa tête durant la semaine passée, et elle avait un peu honte d'ailleurs. Bah, elle les rappellerait le lendemain. Depuis quelques temps, elle était moins proche de son père qu'elle ne l'avait jamais été. Elle dépendait beaucoup moins de lui : elle ne vivait même plus sous son toit depuis quelques mois. Peut-être que l'indifférence de Fee à son égard avait déteint sur elle, allez savoir. Enfin bref, pour le moment elle était avec Juan, et elle préférait nettement sa compagnie à lui. « Je ne peux plus me passer de toi, en effet. J'espère que ce n'est pas grave (a). » Il se poussa pour la laisser entrer. « Tu ne me déranges jamais. Allez entre, fais comme chez toi. Et Elvis est accepté aussi, tant qu'il ne s'amuse pas à abimer les meubles. » Ambre s’empressa d’entrer, suivie d’Elvis. Le petit chien se dirigea sagement vers le salon et se coucha par terre, où il resterait sans doute toute la soirée. Après tout, lui aussi devait être épuisé. L’appartement de Juan était propre et en ordre. Absolument rien à voir avec celui de la française en ce moment même. Elle posa son sac et sa veste sur un fauteuil et alla s’assoir sur le canapé. « Jamais, vraiment jamais ? Genre je peux mon pointer ici pendant que tu dors je te dérangerais pas ? ». Pas qu’elle soit capable de le faire. Mais c’était bon à savoir.

« Je suis désolée, encore une fois. Je sais qu’il est tard et tu dois être fatigué, à cause du vol. Je n’avais pas envie de rester chez moi, ni d’aller chez mon père. Tu es le premier à qui j’ai pensé. J’ai apporté des films. Enfin on est pas obligés de regarder quelque chose. On peut juste parler. Ou comme tu veux. Et manger un truc, j’ai vraiment faim. Enfin si ça ne te gêne pas de faire à manger. » Elle sourit, puis se mit à rire. Mon dieu qu’elle parlait beaucoup. C’était un de ses plus gros défauts : il lui était difficile de se taire quand elle était partie et quand personne n’avait le cœur à l’interrompre. Enfin, cela contribuait à son charme. « Excuse moi, je parle trop ! Ton vol c’est bien passé ? »

« Mon vol s’est bien passé, je te remercie. Tu ne parles pas trop, j’adore t’écouter. Tu as bien fais d’apporter des films, mais c’est toi qui décideras si on parle ou si on regarde un film, je ne pourrais pas me décider moi. Décidément, ça devient de plus en plus inquiétant, je suis la première personne à qui tu as pensé ! Ça va avec ton père en ce moment ? Et tu as faim. ». Parler ou regarder un film. Bonne question. Si elle était venue là, ça n’était clairement pas pour regarder un film. Elle aurait pu aller n’importe où ailleurs. Elle était tentée de répondre ‘parler’. Mais débarquer à l’improviste chez quelqu’un juste pour parler de ses problèmes, alors que le quelqu’un en question devait être occupé ou fatigué paraissait un peu… égoïste. Mais elle avait vraiment besoin de parler. De son problème avec Theodore. De comment elle l’avait rembarré quand il lui avait avoué ses sentiments il y a plusieurs semaines de ça. Ce n’était pas entièrement sa faute… Jaden venait de partir, elle était perdue et Theodore était arrivé comme ça. C’était compliqué. Ensuite il y avait eu l’épisode quelques jours avant Noel. Le jeune homme était venu pour la voir, encore une fois. Et cette fois ci c’était son père qui avait renvoyé le jeune homme. Il avait cru bien faire, en père protecteur qu’il était. Bien évidemment Ambre s’était mise, un peu, en colère. Son père avait fait une grosse gaffe ce jour là, et il lui en voulait un peu. Et ce pour la première fois de sa vie. Après ça, Theodore, visiblement saoul lui avait laissé un message particulièrement désagréable sur sa boite vocale. Et là, elle lui en voulait vraiment. Ajoutez à ça l’épisode du nouvel an à Londres et vous avez maintenant droit à une Ambre plus que perdue. Et en colère. « Je pense que j’ai plus besoin de parler que de regarder un film. Mais on peut tout aussi bien en regarder un, en même temps. » Elle s’arrêta un instant puis reprit. « Avec mon père ? Disons qu’en ce moment ce n’est pas la joie. Je ne l’ai pas vu depuis la veille de Noël, je ne l’ai pas appelé pour lui souhaiter une bonne année. Il faut que j’aille le voir, parce que je me sens mal. C’est mon père et je ne suis jamais restée si longtemps sans lui parler. »

Se levant, elle suivit Juan dans la cuisine. Qu’est ce qu’elle avait faim ! Elle devait avoir mangé en tout et pour tout un sandwich le midi. Et pour une grosse mangeuse comme elle, c’était exceptionnel. Et difficile. « Il me semble que j’ai des pâtes, c’est pas grand chose, mais c’est déjà ça. Je dois avoir quelques légumes dans le frigo aussi. Je pense être capable de te préparer des pâtes, enfin, si ça te suffit. Je suis désolé, je n’ai pas non plus de quoi faire un gros repas ». Des pâtes. Ce sera parfait. Et puis elle n’allait pas non plus faire la difficile. C’était déjà bien qu’il est accepté de lui faire à manger, si tard. « Non non c’est parfait t’en fais pas. ». Elle sourit puis lui pris le paquet des mains. « Laisse moi faire et va choisir un film. Quant à la boisson, je pense que de l’eau suffira. Sinon... Comment ça va toi ? On va pas passer la soirée à parler de moi non plus.».

• Juan remarqua que la jeune femme semblait hésiter pour répondre à sa question sous entendue qui était la suivante : allaient-ils passer la soirée à discuter ou bien allaient-ils regarder un film ? Il fronça légèrement les sourcils. Avait-elle des problèmes dont elle n’osait pas vraiment lui parler ? Rapidement, les quelques discussions qu’ils avaient eut à Londres lui revinrent en mémoire, & puis l’épisode ‘Théodore’, d’après ce qu’avait compris le comédien, Felicity avait voulu faire une surprise à sa petite sœur en invitant le jeune homme, sauf que la surprise n’avait pas vraiment plu. « Je pense que j’ai plus besoin de parler que de regarder un film. Mais on peut tout aussi bien en regarder un, en même temps. » Il acquiesça en silence, ils pourraient faire. Même si Juan ne prêterait pas une grande attention au film, il comptait bien écouter Ambre, et trouver les bons conseils, les bons mots pour la rassurer autant que possible. Il sentait bien qu’elle était un peu troublée, et il tenait à mettre ça au clair. Néanmoins, il ne répondit pas tout de suite, préférant préparer une réponse correcte. « Avec mon père ? Disons qu’en ce moment ce n’est pas la joie. Je ne l’ai pas vu depuis la veille de Noël, je ne l’ai pas appelé pour lui souhaiter une bonne année. Il faut que j’aille le voir, parce que je me sens mal. C’est mon père et je ne suis jamais restée si longtemps sans lui parler. » La famille, avec eux, ce n’était jamais très facile. Juan savait de quoi il parlait. Après tout, entre lui et ses parents – qu’il n’avait pas vu depuis plus de cinq ans – ce n’était pas l’amour fou. La distance avait bizarrement affecté leurs relations, lui qui s’était bien entendu avec eux, même durant son adolescence, avait été surpris, et attristé. De plus, toutes les fois qu’il les avait au téléphone, il avait droit à un sermon. En résumé, la seule personne de sa famille avec qui il s'entendait à merveille, c'était Sonia, sa cousine. Bref, tout ça pour dire qu'il comprenait parfaitement la blonde quand elle disait que ce n'était pas la joie avec son père, ou encore avec sa mère. « Oui, tu devrais aller le voir. C'est ton père comme tu dis, et même si parfois tu ne dois pas le supporter pour une quelconque raison, il faut tout de même lui parler. Enfin, je te fais confiance pour ça, tu feras ce qu'il faut. » Ensuite, ils passèrent à la cuisine. Juan lui proposa le peu de choses qu'il avait en réserve, après tout, il était partit quelques jours, et vu qu'il mangeait rarement chez lui, il n'y avait jamais des tonnes de choses dans les placards. « Non non c’est parfait t’en fais pas. » Heureusement que ça lui allait, sinon, ils auraient du soit commander à manger, soit aller au restaurant et il n'avait pas vraiment envie de sortir le Juan. Il fut rassuré quand elle lui prit le paquet des mains, au moins, elle était sûre de manger correctement. « Laisse moi faire et va choisir un film. Quant à la boisson, je pense que de l’eau suffira. Sinon... Comment ça va toi ? On va pas passer la soirée à parler de moi non plus.»
  
  Même si elle lui demanda d’aller choisir un DVD, il ne bougea pas d’un centimètre, enfin si, il se décala pour pouvoir la laisser préparer les pâtes mais il ne quitta la pièce. Et s’appuya contre le plan de travail tout en l’observant. Comment allait-il ? Bien. Oui bien, il dirait qu’il allait bien. Il ne comptait pas s’étendre sur ses problèmes, enfin sur un problème en particulier, alors qu’elle avait elle-même besoin de parler. « Oh moi. Ça va tu sais. Je viens de passer quelques jours formidables, en compagnie de gens fantastiques à Londres. Donc ça ne peut qu'aller bien. » Il sourit légèrement ; il ne mentait pas quand il disait cela, il avait réellement aimé ce séjour londonien, et s'il pouvait y retourner, il y retournerait aussitôt. Mais il ne pouvait pas malheureusement, il allait avoir des représentations bientôt, et il fallait tout de même qu'il travaille. Sa carrière n'allait pas décoller toute seule. Puis il repensa à ce que lui avait dit Ambre lorsqu'ils étaient encore au salon. « Mais moi ce n'est pas important... Tu m'as dis que tu voulais parler... C'est à propos de quelque chose...de quelqu'un en particulier ? » Oui bon, c'est sûr, il y avait mieux pour aborder en douceur un sujet difficile.