Une des passions d’Aislin, hormis la littérature anglaise qu’elle avait choisit d’étudier, était la cuisine, et plus particulièrement la pâtisserie. Petite, elle adorait regarder sa grand’mère peser méthodiquement chaque ingrédient, battre le tout dans un grand saladier, puis la jeune fille s’asseyait devant le four et regarder le gâteau cuire, gonfler, dorer tout en s’emplissant les narines d’une délicieuse odeur sucrée. Et ce qu’elle préférait, en grande gourmande, était de lécher le fouet, la cuillère en bain et le saladier avant qu’ils ne soient lavés. Son déclic pour la cuisine a eut lieu après la mort de cette grand-mère quelques années plus tard, il fallait trier ses affaires pour voir quoi jeter et quoi conserver, et Aislin était tombée sur le livre de recettes de son aïeule, et compris grâce la préface que ce livre était lui-même un héritage d’une parente éloignée. Ce fut la seule chose que la jeune fille conserva de cette maison, le seul souvenir qu’elle voulu garder.

Chez ses parents, elle n’avait pas vraiment l’accès à la cuisine, sa mère état la maitresse de maison et ne laissait pas facilement les autres toucher à ses ustensiles. Dans son premier studio, elle avait la chance d’avoir un four, mais elle manquait trop de place pour pouvoir se mitonner de bons petits plats. Mais depuis qu’elle habitait dans son appartement du Queens, elle pouvait s’en donner à cœur joie. D’ailleurs, elle avait eu un coup de cœur pour la cuisine toute équipée lors de la première visite. Et depuis, elle gâtait régulièrement ses colocataires de gâteaux et pâtisseries en tout genre. Sa spécialités, ou ses spécialités plutôt, étaient les cupcakes aux trois chocolat : muffins en chocolat noir encore légèrement fondants à l’intérieur, du glaçage au chocolat au lait et des copeaux de chocolat blanc par-dessus. Mais au lieu de faire toujours les mêmes choses, elle aimait innover et tenter de nouvelles recettes. Et c’est d’ailleurs ce qu’elle était en train de faire aujourd’hui, un feuilleté aux poires et à la cannelle, accompagné de son coulis de chocolat. Et quand elle était aux fourneaux, Aislin était plutôt brouillonne. Il y avait de la farine sur le plan de travail, à ses pieds, des taches de chocolat sur son tablier, sur certains de ses doigts, et un peu de sucre glace sur sa joue droite. Mais qu’importe … c’est comme ça qu’elle aimait cuisiner.

Juste après avoir enfourné ses aumônières, elle jeta un coup d’œil à l’heure. Mince, déjà trois heures moins le quart. Et dire qu’une amie devait arriver dans moins de vingt minutes ! Aislin avait invité Callioppée à prendre un goûter chez elle, et elle comptait en profiter pour visionner les photos que la jeune fille avait prise pour elle lors de son séjour à Londres pendant les fêtes. Elle n'avait pas réussi à la voir avant, ses partiels ayant occupé nombre de ses après-midi et soirées pendant les jours ayant suivi Nouvel An. Mais des photos d’un genre très particulier : pas de paysage, non, juste de beaux jeunes hommes. Eh oui, l’un de leur passe-temps préféré, celui qui leur avait permis de se rencontrer et de s’apprécier de plus en plus, était de commenter, en bien ou pas, les photos des jeunes hommes que Calli croisait dans la rue. Elle passa rapidement un coup d’éponge sur les plans de travail, un coup de balai sur le sol, et elle accrocha son tablier au mur. Un rapide passage sous la douche, juste de quoi se débarbouiller et enlever les taches de farine. Et une tenue simple, pour copiner, pour remplacer son vieux jean trouvé spécial « je traine à l’appart sans rien faire ». Un jean sans trous, un pull gris trop grand pour elle, et un débardeur blanc en dessous. Encore cinq minutes. Elle prépara les tasses et une assiette de petits gâteaux, faits maison bien sûr, sur la table basse, réarrangea le plaid du canapé, et cacha quelques magazines appartenant à se colocataires. A peine le temps de surveiller la cuisson de sa gourmandise à travers la porte du four que la sonnette de l’entrée de l’immeuble retentit …