milo & ruby
   one or two nights, that's all..  

   
Ruby aurait préféré se faire couper la langue plutôt que de l’avouer, mais elle était une grande romantique, au fond. Bien sûr, elle se donnait à fond dans son travail qu’elle adorait et elle ne l’aurait lâché pour rien au monde, cependant parfois, elle se disait bien qu’elle n’aurait rien contre de vivre d’amour et d’eau fraîche. L’amour, elle l’avait connu, avant que Parker ne se fasse tuer lors d’un accident de moto, la laissant veuve à 25 ans à peine. L’eau fraîche… eh bien, son enfance dans une famille modeste pouvait peut-être y ressembler. Tout ça pour dire qu’elle n’avait rien contre un peu de romantisme, parfois. Et qu’elle ne dédaignait pas regarder ce que d’autres désignaient en reniflant avec mépris « des films de filles ».

Ce soir-là, donc, alors qu’elle avait passé une journée somme toute satisfaisante – deux de ses clients avaient eu gain de cause devant le juge – elle rentra chez elle d’un pas guilleret. Le temps de passer à la petite épicerie de sa rue acheter une bouteille de vin et elle était dans son appartement, fouillant parmi ses DVD. Ayant enfin mis la main sur celui qu’elle cherchait, elle le glissa dans le lecteur et se servit un verre de vin. Tandis que se lançait Notting Hill, elle se cala plus confortablement dans son canapé. Elle avait vu le film plusieurs fois (elle préférait ne pas compter), connaissait toutes les répliques par cœur, savait qu’une telle histoire n’arriverait jamais dans la ‘vraie vie’, mais à chaque fois, elle se laissait emporter – et se rêvait à rencontrer un charmant libraire anglais, elle aussi. Au bout d’une demi-heure, alors qu’elle riait devant sa télé, la sonnette de la porte d’entrée se fit entendre. Elle soupira et mit le lecteur sur pause. Un instant, elle pensa faire comme si elle n’était pas là, mais finalement, l’habitude reprit ses droits et elle se leva en grognant un peu. Elle se dirigea vers la porte et regarda par l’œilleton qui venait la déranger à 21 h 30 un vendredi soir. Elle soupira derechef. C’était Milo.

Elle avait rencontré Milo quelques mois plus tôt, un peu après la mort de Parker, son mari. Elle était sortie un soir dans un bar, pour tenter de noyer son chagrin. Milo se trouvait à côté d’elle, au comptoir, et, elle lui en serait toujours reconnaissante, n’avait pas essayé de la draguer. Il l’avait juste écoutée raconter ses peines. Ensuite, elle lui avait demandé de raconter sa vie à lui et elle avait été touchée par son histoire de père divorcé, arrivé récemment à New York, qui ne voyait que trop rarement sa fille qui vivait à Londres avec sa mère. Elle lui avait même donné quelques conseils d’avocate spécialisée dans le droit de la famille. Plus tard, ils avaient échangé leurs téléphones et Ruby avait pensé que ça en resterait là. Mais Milo l’avait recontactée quelques jours plus tard. Artiste bohème sans le sou, il n’avait pas de domicile fixe et se demandait, si, par hasard, elle accepterait… Ruby avait d'abord pensé refuser, mais son bon cœur – qu’elle cachait derrière sa carapace – reprit le dessus et elle accepta de l’héberger deux ou trois nuits. Il repartit comme il était venu… avant de revenir quelques semaines plus tard. Désormais, quand Milo sonnait à sa porte, Ruby savait à quoi s’attendre et n’arrivait pas refuser. Comme ce soir-là. Elle ouvrit donc la porte et sourit au nouvel arrivant. « Milo ! Que me vaut le plaisir de ta visite ? »


   

BY .TITANIUMWAY