Même si je savais que j’allais voir Ruby, ma meilleure amie, je ne pouvais pas m’empêcher de râler alors que me déplacer était compliqué. Elle aurait quand même pu venir me voir chez moi au lieu de me donner rendez-vous dans un restaurant non ? Parce que se déplacer en fauteuil, ce n’était pas la chose la plus simple à faire et cela, même si New York semblait vouloir faire des efforts pour l’accessibilité aux personnes handicapées. Mais bon, les sorties de garage, en pente, n’étaient pas simple, et heureusement que j’avais de la force dans les bras, sinon il était certain que je serais tomber – et c’était le parcours du combattant pour me remettre ensuite dans mon fauteuil. Et les passages piétons n’étaient pas mal non plus, presque plats. Oui, cela facilitait grandement le déplacement. Mais me prendre des coups de sacs de personnes ne faisant apparemment pas attention à autre chose qu’à elles-mêmes, et les trous que je devais éviter sur le trajet compliquaient la chose. Et encore heureux que la tempête s’était calmée, parce que déjà qu’avec Marleyne-Rose me poussant, j’avais failli tomber à la renverse plusieurs fois à cause de la neige et du verglas, je ne voulais pas imaginer ce que cela donnerait si j’étais seul. Et ce n’était pas comme si je pouvais compter sur l’aider des New Yorkais, qui s’en moqueraient probablement éperdument.

Tiens, peut-être que je pourrais faire un dossier là-dessus. Cela faisait un moment que je n’avais pas écrit, et c’était tout de même plus intéressant de faire un dossier sur un sujet de société comme l’immersion dans la vie d’un handicapé, que de faire un dossier sur la rentrée des classes ou sur Halloween. Je verrais. Car pour faire cela, il fallait que j’adresse la parole à mon patron, et dire que c’était la dernière chose que j’avais envie de faire était un véritable euphémisme. Je soufflais doucement, arrivant enfin au restaurant et j’eus un sourire franc en voyant ma meilleure amie m’attendre à une table à l’écart. Sourire qui se perdit alors que je voyais le signe des toilettes guidant vers le sous-sol. Je grommelais dans ma barbe de trois jours. Heureusement que j’avais pris mes précautions avant, sinon j’aurais probablement dû vivre un très mauvais moment. Un autre point pour mon futur article : les toilettes non accessibles ! A croire que les restaurateurs pensaient que cela ne fonctionnait pas non plus de ce côté-là … Mais ce n’était pas le moment d’y penser. Voir Ruby me faisait toujours beaucoup de bien, et je n’avais pas envie de gâcher ce moment. « Salut ma belle. » la saluais-je en m’approchant d’elle. Je lui fis la bise avant de m’asseoir en face d’elle et de lui tendre un petit sourire.« Ça va ?  »