Un placard à balais. Si Charles-Henri avait vent de la chose, pour sûr, il allait faire une syncope. En théorie, une princesse de Genovia ne se réfugie pas dans un placard à balais, ou même avoir à se réfugier tout court… seulement voilà, Cissy était bien l’une des rares princesses à mentir continuellement sur son rang. Elle ne voulait pas être traitée autrement sous le fallacieux prétexte qu’elle avait eu une naissance royale. Sans doute était-ce ridicule, ou risible, mais la demoiselle tenait à devenir un grand médecin par ses propres moyens et ne pas être peu fière de la progression qu’elle pourrait effectuer au cours de son internat. Cependant, à trop se cacher de tout le monde, de nombreux internes jaloux de son talent ne manquaient pas de la terroriser à toute heure du jour comme de la nuit. Cissy n’était pas une battante en soi, elle courbait l’échine plus souvent qu’à son tour et ne possédait pas l’ombre d’une méchanceté. Même avec des kilos de volonté, jamais elle ne parviendrait à faire le mal autour d’elle… pourquoi aurait-elle choisi la voie exigeante de la médecine dans le cas contraire ? « Heu… bonjour Tristan je ne voulais pas te déranger mais c’est un… placard » répondit-elle, le souffle court. Oh ce n’était pas tant parce qu’il était beau et qu’il le savait qu’elle peinait à respirer mais plutôt parce qu’on l’avait coursée dans une bonne partie de l’hôpital, voilà la vérité. Le rouge aux joues, Cissy referma précautionneusement la porte de l’endroit exigu, bien consciente que si on la surprenait ici, surtout en présence du bourreau de ses dames… c’en était fini de sa réputation de Sainte Nitouche à laquelle elle tenait, en dépit de ce que les apparences pouvaient laisser croire.

« Je ne devrais… pas rester plus de cinq minutes mais j’ai simplement besoin de reprendre mon souffle » coupa-t-elle tout en étant extrêmement mal à l’aise. Comme tous les fois où elle s’était trouvée en sa présence, d’ailleurs. Cissy ne le fuyait jamais mais ne lui accordait pas une importance capitale pour autant, pas alors qu’il n’avait de cesse de l’appeler princesse… voilà bien qui pouvait la mettre dans un extraordinaire embarras ! « Cinq minutes devraient être suffisantes, plutôt qu’une protection… »

Voilà bien toute la complexité de Cissy : elle avait certes besoin qu’on la protège mais elle ne le souhaitait pas pour autant. Si elle s’était contentée de n’être que protégée pendant toutes ces années, jamais ne serait-elle venue vivre à New York ou même n’aurait-elle entamé des études de médecine. Le fait est qu’elle était excellente dans ce qu’elle entreprenait, et le chef de son département ne tarissait pas d’éloges à son sujet, au même titre que ses patients l’adoraient tous. Mais cette habileté dont elle faisait si souvent preuve attirait malheureusement de très nombreuses jalousies. Cissy était la victime de plusieurs internes n’ayant de cesse de la harceler, et quelque chose lui disait que ce jeune homme ici présent ne serait rien d’autre qu’un profiteur de plus, à mettre sous le compte du tempérament malheureusement trop gentil et effacé de la jolie princesse… « Mon système cardiaque fonctionne très bien et mon taux de sucre doit être normal puisque je n’ai aucune faiblesse à signaler. Navrée de te décevoir mais pour le massage cardiaque et le bouche à bouche qui pourraient t’aider à t’entraîner pour tes examens… ce ne sera pas avec moi. » Cissy surveillait toujours la porte, sur le qui vive, bien qu’elle soit tout à fait en mesure de se concentrer également sur la conversation qu’ils avaient en ce moment même. Une chance qu’elle lui tourne actuellement le dos, sans quoi il aurait été tout à fait en mesure de voir à quel point elle rougissait actuellement en l’entendant parler. Ne jamais oublier une chose : Cissy restait une jolie petite vierge sans défense ! « Pardon ? Je tiens à garder les idées claires et mes neurones sont très bien là où ils sont, non merci. Je suis bientôt attendue sur une intervention capitale et je dois être à tout prix en pleine possession de mes moyens. J’attends simplement… que le couloir soit plus dégagé. »

« Tu n’es pas faible ni mourant, pourquoi t’embrasserais-je ? » Cissy était un être non seulement timide, mais se cachant derrière sa logique pour faire bonne mesure. Elle n’avait aucune intention de se laisser atteindre de quelque manière que ce soit par Tristan, qu’il soit considéré comme l’un des membres les plus sexys de cet hôpital ou pas. S’il y avait bien une personne qui ne prêtait aucun crédit à ce genre de chose, c’était bien la jolie blonde. Elle pourrait être amenée à l’apprécier à l’avenir mais le fait est qu’il se montrait toujours si arrogant et sûr de lui qu’elle avait davantage envie de le fuir que de se rapprocher de sa personne. Sans oublier que son petit discours lui montrant par a+b à quel point il la prenait certainement pour une cruche ne flattait aucunement son égo… « Que tu fasses des choses illégales dans ton coin est une chose mais cela ne veut pas dire que l’envie est également mienne. Cette plante que tu tiens dans ta main n’est légale que dans le cadre d’un traitement… or, je ne suis aucunement atteinte d’une pathologie quelconque nécessitant la prescription de cannabis, navrée de te contredire à nouveau. » Tabagisme passif ou pas, Cissy tiendrait bon et aurait honte plus tard. Par chance, le couloir se dégageait justement à cet instant, la poussant à hocher la tête pour le saluer comme si elle comptait soigneusement l’éviter à l’avenir : qu’avait-elle à gagner à le fréquenter, après tout ? Il ne courait pas après les filles comme elle, ou alors elle avait très clairement loupé un épisode. « Je te souhaite une bonne journée Tristan » conclut-elle avant d’ouvrir et de refermer la porte du placard aussi vite que possible. Dans le fond, elle ne tenait pas pour autant à lui attirer des ennuis…