Peut-être Cissy avait-elle perdu définitivement l’esprit. Du moins s’était-elle permis de le penser lorsque son esprit était encore capable de raisonner avec discernement. Mais désormais, habillée d’une magnifique robe extrêmement courte, un joli maquillage la mettant diablement en valeur et les cheveux légèrement en bataille, la princesse douce et raisonnable s’était donné un air sauvage, prêt à la conquête. La jolie blonde ne savait pas au juste comment on pouvait s’y prendre pour oublier que son copain est parti avec un simple texto extrêmement court sans aucune explication… voilà pourquoi elle enchaînait les shooters de vodka en prime, pour se donner du courage et éviter d’être bloquée par sa timidité maladive habituelle. Plusieurs membres de la gente masculine la reluquaient déjà avec une faim dévorante, mais dans sa plus grande naïveté, Cissy ne les avaient même pas remarqués. Elle regardait son verre encore plein, se demandant comment elle pourrait encore boire sans même s’écrouler, et ce fut pourquoi elle le laissa sur le comptoir sans le porter à ses lèvres, partant se déhancher sur la piste de danse du bar avec souplesse et grâce. Ce moment était très différent de tous les cours de danse de salon qu’elle avait dû prendre pour les éventuels bals à la cour de Genovia, et c’était grisant. Cissy se perdait totalement dans les méandres de sa tristesse, incapable de penser avec intelligence, surtout pas lorsqu’elle manqua de se heurter à un jeune homme ne lui étant malheureusement pas inconnu. Tristan. « Je vais vous avait complètement oublié vous ! » déclara-t-elle avant de laisser échapper un petit rire de souris. La jolie blonde ne buvait jamais, elle était donc passablement éméchée mais force est de constater qu’elle avait l’alcool joyeux, ce qui changeait de ses longues heures à se cacher dans l’hôpital pour pleurer. Pourquoi l’avait-elle vouvoyé, là, mystère et balle de golf… « Vous êtes sur mon chemin vous m’empêcher de danser ! » râla-t-elle d’une voix à moitié amusée. Décidément, elle en tenait une !

Cissy n’aurait jamais été aussi démonstratrice d’ordinaire. Elle ne mettait pas de mini jupe, ne buvait jamais d’alcool et s’arrangeait toujours pour garder son précieux contrôle quoi qu’il advienne. D’habitude, elle n’aurait jamais tenté de fréquenter le moindre bar ni même ne se serait trémoussée comme une vulgaire demoiselle aux mœurs on ne peut plus légères… pourtant, si à l’hôpital elle n’arrêtait pas de faire prendre de métaphoriques douches froides à ce cher Tristan, ce soir l’envie ne lui traversa pas l’esprit. Au contraire, alors qu’il plaçait ses mains contre ses hanches, Cissy eut le réflexe de placer les siennes autour de son cou, les emmenant dans une danse particulièrement sensuelle qui la surprit bien au-delà des mots. Tout son corps semblait en ébullition et totalement hors de contrôle… mais c’était bon. Les sensations qu’elle sentait naître étaient totalement inconnues et elle se blâmait de ne pas y avoir goûté plus tôt, à force de toujours repousser Byron jusqu’à ce qu’elle soit prête… résultat, il n’était plus là aujourd’hui, il l’avait lâchement abandonnée, la poussant à agir comme jamais une princesse digne de ce nom ne devrait agir. « Non je ne m’habille jamais comme ça » lâcha-t-elle, consciente de la honte qui serait la sienne le lendemain, une fois que tout ceci serait fini et que Tristan se serait dépêché de l’oublier. Ainsi va le monde, n’est-ce pas ? Les types comme lui ne restent jamais avec les blondinettes fragiles et timides comme Cissy. Ils séduisent, prennent ce qu’ils estiment à eux et disparaissent comme dans des tours de passe-passe. C’est diablement triste et cruel mais c’est ainsi… inutile de se leurrer. « Mon copain m’a laissée avec un simple sms… je crois que j’ai besoin de m’anesthésier jusqu’à ne plus rien sentir… même si je suis bien partie là ! » Sur la fin de ses propos, Cissy éclata de rire, se rapprochant de fait de Tristan sans même mettre le moindre véto. Mais que diable lui arrivait-il ? Elle fuyait les damoiseaux comme lui d’habitude ! « Ca n’a pas d’importance que je te plaise ou pas, je me trompe ? Tu aurais n’importe qui rien qu’en usant d’un clin d’œil dans cette salle ! »

Tristan restait quelqu’un de déroutant. Cissy ne parvenait pas à savoir s’il était provocateur et insolent uniquement en vue d’obtenir ce qu’il convoitait ou s’il l’était naturellement. Peut-être était-ce son tempérament profond après tout, chacun ses qualités et défauts et la jolie blonde ne jugeait absolument pas le jeune homme ! Mais il la déroutait. Leur danse devenait pourtant de plus en plus osée, de plus en plus proche, mais loin d’elle l’envie de s’éloigner chastement comme elle l’aurait fait sans trace d’alcool dans le sang. Cissy était passée experte ès fuites, mais ce soir, l’alcool aidant, elle se lâchait bien davantage qu’en des années d’existence. La preuve, alors qu’elle sentait les mains de Tristan descendre progressivement contre ses fesses musclées, la jolie blonde se surprit à faire de même, avec légèrement plus d’hésitation, comme s’il était logique que la boucle soit bouclée. « Si j’ai raison alors… » Cissy s’arrêta net, relevant brusquement la tête face à cette soudaine confidence qui lui arracha une expression de surprise. Il ne voulait qu’elle, vraiment ? Oh bien sûr, sa pensée hautement embrumée avait oublié un passage important dans l’histoire : le « ce soir ». La princesse voulait croire que bien qu’elle ait été lâchement jetée par Byron, quelqu’un d’autre sur cette bonne planète pouvait lui vouloir du bien. Pourtant, si elle avait été pleinement maîtresse de ses faits et gestes, sûrement aurait-elle vu le piège et ne se serait-elle pas laissée embobiner aussi facilement… mais Cissy n’était pas elle-même ce soir. « Si tu me veux moi alors je crois que je suis en position pour t’accorder ça… » siffla-t-elle malicieusement avant que son visage ne penche progressivement jusqu’à s’emparer délicatement de ses lèvres, avant que le baiser ne s’approfondisse au rythme de la musique endiablée captée par ses précieux tympans. Cissy avait complètement perdu la raison… oui complètement. Pourtant, elle ne s’était jamais sentie aussi bien dans ses baskets que pendant cette seconde délicieusement suspendue à ce baiser divin…