Neige avait complètement perdu la tête. Sa réputation n’était plus à faire, pourtant ! Elle s’emparait d’objets de très grande valeur pour son plaisir et disparaissait, comme toujours ! Pourquoi diable revenir sur ses pas maintenant ? Une raison : Mylo. Ce jeune homme étrange avait réussi à la faire culpabiliser avec une telle force qu’elle avait pris le risque de s’introduire dans son bureau au beau milieu de la nuit la veille de son embauche pour mieux déposer les plans précédemment dérobés… elle avait même pris le soin d’y joindre une simple feuille de papier : « vous êtes quelqu’un de bien ne désespérez pas, il vous arrivera forcément des bonnes choses… » Sa conscience s’était faite plus légère certes, mais ce n’est pas sans appréhension qu’elle parvint au musée le lendemain, vêtue d’une robe à la fois professionnelle et jolie, coiffée d’une queue de cheval lui allant à ravir, comme si elle avait quelqu’un à impressionner. Mais la belle allemande ne se faisait aucune illusion : avec leur précédente altercation, hormis les éventuels contacts professionnels qu’ils pourraient avoir, il n’y avait aucune chance qu’il se retourne sur elle. Hélas, Neige avait besoin de renseignements de l’historien pour une part importante de son travail et ça, elle ne comptait pas s’y soustraire. Voilà comment elle parvint jusqu’à son bureau, la main relevée en vue de frapper à la porte tandis que des paroles lui glacèrent littéralement le sang. Sans réfléchir, elle attrapa son petit microphone pour enregistrer tout ce qu’elle pouvait entendre, tandis qu’une froide colère s’emparait de l’intégralité de son être. Ainsi son propre frère était responsable de sa souffrance ? Pas étonnant qu’il n’ait guère de confiance en lui… ce fut une véritable torture pour Neige que d’attendre le bon moment pour pénétrer dans la pièce, instant où elle serait sûre d’avoir suffisamment d’éléments pour s’adonner à une discipline pour laquelle elle était diablement douée : le chantage.

Neige frappa bien évidemment à la porte, n’oubliant pas les rares leçons de politesse que son père lui avait apprises avant que de sombrer dans une folie indescriptibles, sentant aussitôt le regard de cet homme détestable la déshabiller littéralement. Elle n’eut pas le temps de dire un mot que déjà, il s’emparait de sa main comme pour y déposer un baiser, geste qui la révulsa violemment et la fit agir sans plus attendre : « Gardez vos grandes phrases de séduction en mousse je n’en n’aurais nulle utilité. Vous êtes aussi agréable qu’un cafard que je rêve de noyer… mais contrairement à votre frère que vous martyriser sans aucun scrupule je n’ai pas peur de vous. Encore un mot de votre part et je vous fait embarquer la sécurité pour vous mettre au frais dans le congélo que vous méritez… encore un mot et ce petit enregistrement de vos précédentes paroles file directement aux agents de police que j’ai le plaisir de connaître. Encore un mot et je m’arrange moi pour vous faire taire pour un très long moment, je me fais bien entendre ? » Cela devait être la première fois que l’on s’opposait à lui de cette façon car face à la froideur sciante de Neige, il n’eut aucune réponse. Cela ne l’empêcha pas de serrer le poignet de la demoiselle jusqu’à lui faire diablement mal, mais il s’échappa rapidement du bureau de son frère sans même demander son reste. La jolie allemande mit de côté le fait que son poignet ait déjà viré au bleu pour mieux lui déposer le microphone contenant les preuves de ce qu’elle avait précédemment avancé. « Je vais vous noter les coordonnées d’un officier et d’un garde du corps en qui j’ai toute confiance, si vous vous sentez menacé ou que vous souhaitez voir votre mère en toute sécurité… prenez contact avec lui. Le premier s’appelle Jeremiah McNamara et le deuxième Javier Del Toro. Vous n’aurez qu’à dire que vous appelez de la part de Neige Hengel. » Neige le lui griffonna à la va-vite en maintenant son poignet blessé dissimulé avant de lui tendre le morceau de papier, espérant qu’il le prendrait simplement sans lui dire qu’il n’avait pas besoin d’aide. En l’occurrence… il en avait besoin, et puisqu’il ne voulait pas de la sienne, autant qu’il soit aidé autrement. « Je sais, je vais aller me faire foutre dans trente secondes si vous me promettez que vous aller au moins y réfléchir. »

Neige, qui d’ordinaire était connue pour conserver un masque de froideur particulièrement évident et impénétrable, laissa la surprise s’emparer de son regard d’un bleu saisissant. Mylo refusait son aide, ce qui en soit ne la surprenait pas le moins du monde, mais il partait du principe qu’elle n’avait fait qu’empirer les choses… alors ça, elle demandait à voir ! L’historien ne savait pas de quoi elle pouvait être capable, parfois. D’autant qu’elle ne manquait pas de connaître les bonnes personnes, ne serait-ce que Jarvis dont le talent de hacker n’était plus à prouver depuis des lustres. Elle se contenta donc de déposer le papier sur le bureau du jeune homme, demeurant désormais persuadée qu’il ne l’utiliserait sûrement pas et préfèrerait probablement continuer à vivre dans la peur plutôt que d’accepter cette simple main tendue. « Vous m’emmerdez Monsieur Anderson ! » maugréa Neige sans l’ombre d’une douceur, dans le but ultime de le faire réagir. « Oubliez que je suis une fille ou je ne sais quoi d’autre, ce n’est pas de la pitié mais du bon sens. Je sais, ce ne sont pas mes oignons et dans deux minutes vous allez certainement m’envoyer paître mais je prends le risque : arrêtez de survivre et accepter simplement d’être épaulé quelques temps. Ca ne signifie pas que vous avez échoué ou que vous êtes bon pour la casse ! Mais cet homme est dangereux… personnellement il ne m’effraye pas du tout j’ai déjà vu bien pire mais je dis ça pour vous. Tel que je vous voie, là, vous préférez vivre dans la peur plutôt que d’accepter la main que je vous tends. Je ne compte pas vous demander quoi que ce soit en retour et ce n’est pas de la pitié ! J’ai arrêté d’être capable d’en éprouver il y a très, très longtemps croyez-moi. » Neige se passa une main contre sa nuque alors que Mylo s’était approché d’elle pour examiner son poignet ayant considérablement enflé et s’étant teinté de bleu.

« Considérez que je suis stupide alors. Mais je ne suis pas sûre que ce soit inutile… votre frère a oublié ce que signifie le mot non. Je le lui ai simplement rappelé sans avoir recours à la violence ! Et s’il veut s’en prendre à moi et bien qu’il le fasse, qu’importe ! » Neige ne craignait plus rien ni personne depuis très, très longtemps. Qu’avait-elle à perdre désormais ? On lui avait tout pris, tout. Alors si elle pouvait faire une bonne action et oublier juste une fois ce qui l’avait poussée à devenir ainsi, elle risquait de s’y accrocher. « Ce n’est rien du tout juste un bleu !Écoutez… je sais que vous avez certainement autant envie de me voir que de boire du vinaigre, mais laissez-moi vous aider. Vous pourriez profiter de votre mère… faites-le tant que vous le pouvez ou vous aurez beaucoup de regrets, faites-moi confiance. » Son poignet lui faisait quand même un mal de chien mais Neige mettait ce détail de côté. Sans savoir pourquoi, elle ne considérait pas cela comme important…

« Vous me trouvez jolie ? » s’étonna-t-elle l’espace d’un instant avant de ne secouer la tête et de se reprendre « Eh bien dénoncez-moi à la police ! Vous savez Mylo, ça fait longtemps que je n’ai plus grand-chose à perdre. Mais vous oui : non seulement vous semblez aimer votre travail mais vous souhaitez protéger votre mère ! D’accord vous ne roulez pas sur l’or mais au pire des cas… je peux peut-être vous aider pour ça aussi. Et oubliez de m’assénez le mot « pitié », je suppose que je vous dois bien ça puisque vous avez mis votre réputation en berne. Ce n’est qu’un juste retour d’ascenseur vous savez. » Neige ne se comprenait pas elle-même. Cela ne datait pas d’hier bien sûr mais elle avait l’impression d’être totalement sans protection face à la détresse de cet homme. D’un côté, la jolie allemande se sentait l’âme d’un colosse prêt à tout pour le protéger, et de l’autre, elle n’avait qu’une envie : qu’il baisse la garde et la laisse simplement lui tendre la main pour quelques temps. La jeune femme ne pouvait pas simplement tourner les talons en faisant mine de ne rien avoir vu ou entendu… on pouvait brûler son corps, ruiner son âme il n’en demeure pas moins qu’elle avait la possibilité d’agir et qu’elle comptait bien le faire, bien que de son côté elle vienne de repousser le tube de Vicodin que lui avait tendu Mylo. « Non merci, un brin de souffrance m’aide davantage à garder les idées claires… je ne suis pas une blessée de guerre il ne faut rien exagérer ! Vous en aurez sûrement plus besoin que moi. Et quant à me cerner… je n’arrive pas à me comprendre moi-même alors comment le pourriez-vous ? »

Neige ne parvenait pas à sourire et à lui offrir ainsi un brin de réconfort de cette manière mais en échange, elle se montrait franche. L’un dans l’autre, il finissait par en savoir plus à son sujet que n’importe qui d’autre, Jarvis y compris, alors que le hacker la connaissait depuis bien plus longtemps. Elle arqua néanmoins un sourcil de surprise face à son deal… elle ne s’y attendait en aucune manière et si elle comptait bien faire en sorte de le sauver, la réciproque était loin d’être aussi évidente. « C’est bien ce qui vous trompe. Je suis proche de Jarvis c’est vrai mais il n’a pas besoin de moi en soi, il possède sa propre famille, sa fiancée et ses parents. Moi je n’ai personne. Oh entendons-nous bien, je ne compte pas m’en plaindre j’y suis habituée et pleurer dans les chaumières n’est pas mon genre… mais lorsque je vous dis que je n’ai plus rien à perdre, c’est la pure vérité. Vous… il vous reste vos livres de valeur par exemple. Seizième siècle pour le troisième en partant de la droite, je me trompe ? Les dorures sont caractéristiques… mais bref, acceptez simplement mon aide sans chercher midi à quinze heures trente. Il n’y a pas de faux semblant, pas de tour de passe-passe, rien. Je ne suis pas votre frère. Peut-être suis-je quelqu’un de peu recommandable mais ça ne veut pas dire que je ne peux pas vous tendre la main juste cette fois. »

Neige n’avait pas l’intention de confier sa propre histoire tragique, de son côté. Bien qu’elle soit profondément désolée de ce qu’avait bien pu vivre Mylo, il n’était pas question de laisser la sentimentalité la gagner au point de confier les multiples raisons l’ayant poussée à devenir cette femme qu’elle était aujourd’hui. Il n’y avait pas la moindre trace de pitié dans son regard, et ce bien qu’elle ne l’ait pas quitté des yeux une seconde depuis son entrée dans la pièce. Neige avait l’impression de se revoir à douze ans, juste après la mort de sa mère, à observer son père dépérir en demeurant muette, impuissante. Si elle ne s’était pas aussi bien contrôlée, sans doute aurait-elle laissé échapper quelques larmes… mais ce n’était pas le moment de s’apitoyer sur le sort de qui que ce soit. « Vous m’avez moi » lança-t-elle avec aplomb et sans éprouver la moindre honte à cet aveu. « D’accord, ce n’est pas la chance du siècle et je sais pertinemment ce que vous pensez de moi en vérité. Mais je n’ai pas l’intention de vous molester, de vous prendre votre dignité ou de me jouer de vous. Je le pourrais… mais je n’en vois pas l’intérêt. » La jolie allemande n’hésita pas à se rapprocher une fois qu’il eut effectué tout son rangement, ne s’étant pas permis d’intervenir avant pour qu’il n’ait pas l’impression qu’elle cherchait à le secourir à toute minute sans discontinuer. Mais rien ne sembla capable de l’empêcher de le serrer contre elle, avec prudence pour ne surtout pas le blesser, comme si elle cherchait à lui faire comprendre que dans le fond… sans doute le comprenait-elle mieux que quiconque. « Avoir des trésors, c’est déjà bien ! »

Neige s’écarta au bout de quelques instants avant de se diriger vers la porte d’entrée de son bureau. Au final, à moins qu’il n’ait besoin d’elle, il n’était peut-être pas utile qu’elle reste là à lui tenir la jambe sans raison apparente. « Mon coup de main tient toujours. Je suis allemande, je n’ai qu’une parole vous savez… alors considérez que lorsque vous en aurez besoin, la porte de mon bureau sera ouverte. Mais en attendant… je ne vais pas occuper l’espace inutilement, je suppose que vous avez du travail. Vous me trouverez au bout du couloir en cas de besoin. Oh et ce soir, vous et moi nous sortons. Rester uniquement avec des livres, au bout d’un moment, c’est immoral. » Neige esquissa un bref clin d’œil avant de disparaître, serrant les poings une fois à l’extérieur. Certes, il risquait d’être gêné d’être emmené dans un bar gay ce soir mais où pouvait-elle l’emmener sinon ? La jeune femme allait avoir du mal à se concentrer sur ses plans à vrai dire… et elle eut un mal fou à s’y mettre en vérité. Mais une fois concentrée, le monde aurait pu s’écrouler, ça n’aurait eu nulle importance.

Neige était à des lieues d’imaginer ce qui se racontait sur elle. Il faut dire qu’elle n’avait prétexté aimer les femmes que pour avoir la paix, certains gardiens du musée s’étant directement jetés sur sa personne à peine avait-elle fait un pas hors de son bureau. La jolie allemande n’était pas fanatique des racontars, et pensait, en toute naïveté sans doute, que Mylo serait suffisamment fin d’esprit pour ne pas se laisser abuser par ce genre de sorcellerie : il l’avait connue juste avant sa fausse couche, et elle lui avait confié s’être faite abandonner par son fiancé un peu avant le drame… bien que ce genre d’évènement traumatisant puisse pousser certains à virer leur cuti, Neige aimait bien trop la gent masculine pour changer de bord comme ça, un beau matin. Pourtant, de son côté, elle avait été frappée par la même idée ridicule concernant le jeune homme qu’elle allait accompagner lors d’une sortie un peu spéciale. Il était si peu réceptif à ses phrases et à ses gestes qu’elle avait fini par se poser de mauvaises questions… et à l’emmener dans un endroit où il ne risquait pas d’être plus à l’aise qu’elle. « Je suis sûre que l’endroit vous plaira » énonça-t-elle simplement, armée de son sempiternel sérieux alors qu’une fois encore, elle jouait les chauffeurs pour le jeune homme. Non pas qu’elle ait envie de le materner, mais elle n’avait confiance qu’en sa voiture et au cas où la soirée tournerait au vinaigre, elle voulait pouvoir éviter d’avoir des kilomètres à faire à pied, qui plus est en talons. Toujours se prévoir une porte de sortie… son tempérament de voleuse ne pouvait pas davantage s’exprimer dans ce genre de moment.

« J’ai pensé que ce bar vous plairait » reprit-elle une fois qu’ils furent entré dans ce club dont elle ne connaissait que le nom et qui s’avérait être un bar gay et lesbien. Neige fut automatiquement mise mal à l’aise par les nombreuses œillades féminines qu’on lui lança, sans compter qu’elle eut un verre dans les mains sans même avoir eu le temps de faire ouf : une invitation d’une belle brune qui lui fit aussitôt un clin d’œil, l’obligeant à lever son verre pour la remercier. « Oh dear mais dans quoi me suis-je lancée » se murmura-t-elle davantage pour elle-même qu’autre chose. « L’endroit vous plaît ? » Il ne fallait pas prendre cela pour du culot… Neige pensait vraiment bien faire, en toute honnêteté !

Neige déglutit avec grande difficulté en voyant non seulement Mylo se tendre progressivement mais alors que ses paroles heurtaient violemment son ouïe. Ainsi, elle s’était trompée à ce point ? Un moment interdite, elle se mordilla la lèvre inférieure avant de manquer de le perdre de vue alors qu’il se dirigeait manifestement vers la sortie. L’assistance féminine lui barra la route à plusieurs reprises mais une fois que la jolie allemande parvint à se frayer à chemin, elle n’hésita pas une seconde à courir après Mylo pour le rattraper, bien qu’elle se surprenne à le faire de façon si vive. « Attendez ! » hurla-t-elle avant de se saisir de son bras avec plus de force qu’elle ne l’aurait voulu. Elle ôta aussitôt sa main pour lui faire comprendre que l’adrénaline était la seule responsable de ce geste et non une hypothétique colère qu’elle était très loin de ressentir… du moins à l’égard de l’historien. C’était à elle qu’elle aurait volontiers mis des baffes ! « Écoutez, je suis sincèrement désolée je ne pensais pas à mal… ! Mon jugement a été très mauvais, je l’admets. » Neige n’avait pas pour habitude de se justifier et fatalement elle se trouvait ridicule, mais tandis qu’elle reprenait son souffle devenu court à force de lutter contre la foule, elle reprit, comme si elle craignait qu’il ne lui file à nouveau entre les doigts : « Cela dit vous avez perdu la tête je ne suis pas lesbienne ! Qu’est-ce que vous me chantez ? Je ne le suis pas et je ne compte pas virer de bord de sitôt ! Bon sang Mylo vous m’avez vue enceinte pourtant, vous savez que j’ai été fiancée, ça aurait dû vous frapper… ! Je suppose que c’est le gardien de jour qui vous a sorti cette connerie mais je lui ai juste fait croire pour qu’il arrête de me harceler en me proposant de sortir un jour avec lui. Il ne m’intéresse pas et je n’arrivais plus à lui faire comprendre gentiment alors plutôt que d’être cruelle j’ai menti, voilà ! Mais je ne suis pas lesbienne ! »

Neige prit une grande inspiration tandis qu’elle lui barrait toujours la route, cherchant à obtenir ne serait-ce qu’une brève réaction de sa part. Si elle réagissait la plupart du temps comme un glaçon incapable de sourire ou même d’avoir autre chose que des rictus désapprobateur, il restait un mystère à ses yeux. Mystère qu’elle rêverait de résoudre et qui lui échappait pourtant, malgré les efforts qu’elle avait fait. « C’était prétentieux de ma part mais j’ai pensé que puisque vous n’aviez strictement aucune réaction… vous n’aimiez pas forcément les femmes. Je crois que je vis plus encore sur une autre planète que vous ne le faites… je suis… » Neige inclina légèrement la tête avant de le dépasser, accélérant légèrement le pas sans pour autant courir. Quelle conne ! Elle ne s’était jamais autant sentie ridicule et le pire, c’est que Mylo et aucun autre avait réussi à lui faire rendre un objet de grande valeur qu’elle avait pris le risque de dérober… on ne l’y reprendrait plus, c’était une certitude.

Neige n’avait pas l’intention de lui mettre les points sur les virgules et ce bien qu’il l’ait déjà rattrapée. La jolie allemande ne peinait pas à le regarder dans les yeux et ce bien qu’il soit en train de comprendre ce qu’elle avait maladroitement essayé de mettre en lumière. Une fois encore, il se déprécia au passage, comme s’il s’agissait de l’ultime réponse à toute question posée… mais n’avait-il pas compris qu’elle s’en moquait ? Il pourrait aussi bien être en fauteuil, aveugle ou frappé de tout autre handicap que son regard sur lui n’aurait pas été différent. La jeune femme ne donnait pas dans la logique et cela ne datait hélas pas d’hier, mais Mylo ne la connaissait pas assez pour s’en rendre vraiment compte. « Je me plais à penser que je ne suis pas forcément n’importe quelle femme » annonça-t-elle avec un aplomb qu’elle était pourtant très loin de ressentir après une telle scène. Ceci étant, bientôt, son petit accès d’arrogance se transforma en un profond soupir, en disant malheureusement long sur ce qu’elle pensait de l’actuelle situation dans laquelle ils se retrouvaient l’un comme l’autre. « Écoutez… de toutes les personnes qui ont croisé un jour ma route vous êtes bien le seul en face de qui je m’avance à découvert et qui m’a poussée à rendre ce que j’avais dérobé sans même éprouver la plus petite hésitation. Je sais, ce n’est sûrement pas la preuve la plus romantique du siècle, c’est vrai qu’il ne neige pas mais… on peut tout de même se dire que l’on vit je ne sais pas moi, une sorte de moment unique. » La jeune femme ferma les yeux quelques secondes, tentant de reprendre son aplomb habituel tandis que sa volonté de toujours semblait se dérober progressivement.

« Je me fous éperdument de ce que les autres femmes ont pu vous dire ou vous faire croire… je ne suis pas elles. Alors c’est vrai, je ne suis pas un cadeau, je suis la voleuse la plus recherchée de ce siècle et être avec moi c’est accepter mes nombreuses pièces détachées… mais tout le monde a droit a sa rédemption, je suppose. Vous êtes infirme et moi je vis avec l’image de ma mère se faisant tirer dessus sous mes yeux pour une simple histoire de sac à main… » Il s’agissait bien de la toute première fois de sa vie qu’elle se risquait à ce genre de confidence, et pour le coup, Mylo pouvait s’estimer honoré. « Vous êtes un rat de bibliothèque mais vous êtes suffisamment hargneux pour protéger vos œuvres… vous ne savez simplement pas regarder où il faut quand il faut, Monsieur Anderson. » Mais mieux que la confidence qu’elle lui avait précédemment faite, Neige laissa esquisser un bref rire on ne peut plus cristallin et aussi lumineux qu’une pleine lune dans le ciel… l’avoir cru homosexuel était la pire erreur qu’elle ait pu commettre depuis longtemps à ses yeux. « Ce qui est folie c’est de vous avoir cru gay et d’en avoir été désespérée… » Étant donné qu’elle ne riait jamais… et que cela ne se reproduirait sûrement pas de sitôt, c’est un peu comme si elle ne pouvait pas s’en empêcher. « Ne m’écoutez pas… vous n’avez aucune raison au monde de me faire confiance. » Et malheureusement, son sourire s’effaçait déjà.

Le baiser de Mylo ne manqua pas de surprendre Neige au-delà des mots, toute persuadée qu’elle était qu’il n’irait sûrement pas jusque là… s’il lui plaisait ? Bien sûr que oui, n’avait-il rien écouté ! Mais la jolie allemande ne s’en offusqua pas car elle comprit bien vite qu’il préférait sûrement les faits aux grandes paroles… comme elle, d’une certaine façon. A ceci près qu’elle n’avait plus envie de faire les mêmes erreurs que par le passé. A force de trop agir et de ne jamais parler, on l’avait abandonnée à son triste sort et son bébé n’avait pas pu survivre. Mais les mots ont parfois leur limite, et la belle blonde fut comme muette face à la question de l’historien : ce qu’ils étaient censés faire maintenant ? Difficile pour elle d’énoncer une réponse claire et concise car elle n’était même pas sûre de ce qu’elle voulait vraiment… oh bien sûr, elle le désirait et il l’attirait, mais Neige possédait une vie complexe et le soumettre à celle-ci relevait de la pure folie. « Je suis forcément censée aspirer à quelque chose ? » s’étonna-t-elle sans le lâcher une seconde du regard. La jolie allemande secoua ensuite négativement la tête, son sourire disparaissait soudainement alors qu’il lui présentait ses condoléances : ce genre de phrase bateau avait une fâcheuse tendance à lui filer de l’urticaire et Neige ne voulait pas de ça entre eux… à son tour, elle ne s’était pas confiée afin d’attirer sa pitié, même si la caresse qu’il déposa sur sa joue se mit à l’emplir d’une chaleur à laquelle elle n’était aucunement habituée. « Vous ne savez pas juste profiter de l’instant présent sans vous poser de questions, pas vrai ? » En un mot comme en cent, elle lui faisait comprendre que pour l’instant, elle ne se permettait pas d’attendre quelque chose et qu’elle se contenterait de ce qu’il lui offrirait… tout simplement. S’il était meurtri, il ne fallait guère oublier qu’elle l’était tout autant…

Sans davantage de paroles, Neige le conduisit jusqu’à sa voiture sans lui ouvrir la porte cette fois, bien trop consciente désormais du fait qu’il ne soit pas du genre à aimer qu’on le materne… mais dès lors qu’elle eut démarré, tel un réflexe, ce fut sans aucune retenue qu’elle lança à la volée : « Je ne suis pas mauvaise avec mes mains vous savez. Si vous avez besoin d’un massage je peux peut-être vous donner un coup de main. » Certes, la jolie allemande avait beaucoup de mal à comprendre ce qui la poussait à agir ainsi mais elle semblait particulièrement déterminée à lui offrir son aide s’il le désirait, sans éprouver la moindre crainte ni la plus petite réticence. Mettre la main à la pâte faisait partie de son quotidien… et ce bien qu’elle dû admettre se prendre une véritable douche froide en voyant une espèce de bombe brune en blouse, manifestement masseuse de profession à moins que les yeux de la belle blonde soient abusés, et qui ne manqua pas d’aller jusqu’à ouvrir la portière de la voiture de Neige pour énoncer qu’elle attendait Monsieur Anderson pour sa séance et se tenait à sa disposition. La jeune femme eut la présence d’esprit de ne pas rétorquer quoi que ce soit de prime abord, laissant l’amazone s’éloigner avant de tourner son regard vers le pare-brise. Il valait mieux qu’elle se concentre sur quelque chose d’autre que la colère sourde qui s’emparait actuellement d’elle. « Il semble que vous êtes plus qu’attendu, Monsieur Anderson. » Pas commode la Neige quand elle s’y mettait… surtout avec un ton aussi glacial.

Neige écarquilla deux grands yeux surpris en entendant Mylo décommander tout simplement sa masseuse sans l’ombre d’une hésitation, ne manquant pas de faire preuve de son habituel sarcasme en pensant sûrement qu’elle allait fuir à toutes jambes en apercevant l’intimité du jeune homme… pour qui la prenait-il, au juste ? Une vulgaire midinette tremblant d’effroi à la moindre difficulté ? Bien sûr que non ! La jolie allemande n’était pas facilement effrayée et son altercation avec Stephen Anderson en était une preuve tout à fait évidente. Ce fut sans doute la raison pour laquelle elle accepta de monter jusqu’à l’appartement du jeune homme sans mettre émettre le plus petit grognement de désapprobation, se demandant bien dans quelle galère elle s’était aventurée alors que l’historien était aussi sensible et démonstratif qu’un vieux bouquin aux pages cornées et jaunies par le temps. Néanmoins Neige fut la première à relever ses manches et à partir le nécessaire dans la salle de bain sans rechigner un seul instant. Et contrairement à ce qu’il redoutait sans doute, la belle blonde n’émit même pas de grimace ou d’expression particulière à la vision de sa cicatrice, qui devait probablement être l’œuvre d’un véritable boucher et qui pourrait pourtant décourager plus d’une femme. Voilà bien la preuve qu’il ne connaissait pas du tout la jeune femme… Neige était capable de supporter le pire et plus rien ne l’impressionnait. Elle s’assit donc sur une chaise à proximité, se rapprochant afin de s’emparer de la jambe de Mylo avec ce rien de professionnalisme qui faisait penser qu’elle avait déjà massé plus d’une personne dans sa vie. Il lui arrivait parfois de masser son père en espérant obtenir une petite réaction… qui ne venait hélas jamais. « Je ne suis pas quelqu’un qui sait prêter et contrairement à ce que vous avez avancé tout à l’heure… mon discours précédent ne signifie pas non plus que je souhaite une relation libre. A vrai dire je sais très bien ce que je veux. Mais s’il faut vous mettre les points sur les virgules, je pense que j’hésite plutôt parce que vous freinez davantage des quatre fers. »

Neige n’émettait pas de jugement elle constatait des faits on ne peut plus véridiques. La preuve, elle le massait désormais avec application et sérieux, démontrant l’habileté de ses mains et l’absence totale de peur comme de dégoût dans le fond de son regard d’un bleu puissant. « Peut-être n’êtes-vous pas quelqu’un de jaloux mais il s’agit malheureusement de l’un de mes nombreux défauts. La froideur est une façon de me protéger, je suppose. Et je ne compte pas vous facilitez la tâche, non… ce serait trop simple et j’ai cru comprendre que vous n’aimez pas la simplicité non plus ! » Neige n’avait plus eu de sourire depuis le moment où son rire avait résonné dans l’atmosphère sonore de la rue… il fallait qu’elle fasse preuve d’un extraordinaire contrôle pour éviter de lui faire mal alors qu’elle comptait justement le soulager. L’était-il, d’ailleurs ? Elle n’osait même pas lui poser la question… « C’était un test, pas vrai ? Vous comptiez que je hurle de frayeur, que je sois dégoûtée et que je prenne mes jambes à mon cou ? Désolée… mais je crois que rien ne m’effraie désormais. Bien que je doive admettre qu’on ne vous a pas raté et que je comprends votre… distance. Je dois m’attendre à d’autres tests pour que vous voyez que je ne compte pas fuir, ou… ? »

Neige apprécia grandement que Mylo soit honnête. Il avait cherché à la tester, à voir jusqu’où elle serait capable d’aller sans hurler ni même se mettre à le considérer comme un simple infirme… voilà bien son erreur ultime, car elle n’avait ni l’intention de partir ni même de le prendre en pitié. La jolie allemande ne s’attachait pas facilement à autrui, mais une fois qu’elle avait mordu à l’hameçon, il était extrêmement difficile de la dérouter de son chemin. Ce fut la raison pour laquelle elle poursuivit son massage jusqu’à ce qu’elle sente les muscles de la jambe de l’historien se détendre suffisamment pour qu’elle n’imagine la douleur supportable. A partir de là, elle détendit ses propres mains en les massant longuement tandis qu’elle ne le quittait pas des yeux, toujours fidèle à son sérieux impénétrable sans pour autant que la réaction première de Mylo ne la surprenne. « Il y a aussi mettre les barres sur les t ou les points sur les virgules… en parlant de ça, oui c’est très probable que je fasse d’autres crises de jalousie, que je sois aussi glaciale que mon prénom le laisse présager et que je cherche à me protéger d’un même temps. Je ne suis peut-être pas aussi infaillible que j’en ai l’air, bien que je sois curieuse de savoir de quelles émotions vous parlez… » Neige avait entendu son compliment, il lui avait d’ailleurs fait extrêmement plaisir mais il serait dit qu’elle ne saurait jamais comment réagir face à ceux-ci… surtout quand ils provenaient du jeune homme. Il n’agissait pas avec chaleur, bien au contraire, et ne la rassurait pas réellement sur ce qui pouvait potentiellement les lier l’un comme l’autre. « Je suis la voleuse la plus recherchée au monde, je suis l’architecte que l’on s’arrache dans le tout New York et j’ai passé il y a quelques jours le concours de conservateur… je crois que vous êtes le plus timbré de nous deux, Monsieur Anderson. »

Neige arqua un sourcil de surprise lorsqu’il s’approcha d’elle pour mieux lui poser une question à laquelle elle ne s’attendait pas du tout. Un bref sourire s’empara de ses traits de porcelaine avant que celui-ci ne disparaisse et qu’elle ne penche légèrement la tête sur le côté. « Vous savez que vous êtes magnifique quand vous laissez votre cynisme de côté ? » Il l’avait été en énonçant cette simple vérité concernant le fait qu’il lui plaisait, tout simplement, après lui avoir offert un baiser aussi bref qu’intense. La jolie allemande se pencha donc à son tour pour lier ses lèvres aux siennes, doucement d’abord, puis avec davantage de force, de passion, d’intention de lui faire comprendre qu’elle ne partirait que s’il comptait la jeter à grands coups de pompes dans le derrière. Neige avait toujours été une femme de peu de mots… mais elle se découvrait une seconde religion en le côtoyant. Aussi, en se séparant de lui après avoir sentit ce besoin irrépressible de reprendre le l’oxygène, elle énonça d’une voix murmurante : « vous avez la réponse, je pense. Mais la question est plutôt : ai-je réussi le test ou allez-vous continuer à freiner des quatre fers à cause de vos doutes ? »

Décidément, Neige ne risquait pas d’être à la noce avec quelqu’un rechignant sans arrêt pour tout et rien. Elle arqua un sourcil de surprise face à sa réaction au sujet de sa potentielle nomination en tant que future conservatrice, s’étant attendue à beaucoup de réflexions différentes mais guère à celle-ci. En somme, si elle raccrochait bien tous les wagons ensemble, il valait mieux le laisser terré dans son grand bureau, entouré uniquement de ses livres et ne surtout pas avoir l’extraordinaire audace de l’en déloger… diantre, il n’était donc jamais enthousiasmé par rien ? « Je vous promets de faire la fête avec l’intégralité du musée sauf vous » nota-t-elle avec le même cynisme dont il savait si bien faire preuve, lui démontrant par la même occasion que la jolie allemande ne comptait pas rester avec la langue dans la poche. Neige s’exprimait, clamait, vivait chaque seconde comme s’il s’agissait de la dernière sans pour autant que ses actions ne révèlent la moindre violence. Il faut dire que la belle blonde l’avait en horreur et en était même pétrifiée depuis le tragique assassinat de sa mère. Combien de fois avait-elle secoué son père afin qu’il ait la plus petite réaction en sa présence, après le drame ? Lui qui avait été un ministre si illustre, donné favori pour devenir chancelier… il n’était désormais plus que l’ombre de lui-même terré dans une maison de repos que Neige payait une fortune et qui ne lui avait jamais fourni ni de réponse, ni de résultat probant. Son géniteur semblait attendre la mort, le moment propice pour rejoindre sa tendre épouse… et cela tuait leur fille d’un même temps. Il ne fallait guère s’étonner que son sourire ne soit souvent plus qu’un vague souvenir, et que son visage reste régulièrement figé, sans expression particulière…

« J’ai dis que j’avais passé le concours, je ne m’avance pas à dire que je l’ai eu » reprit-elle en haussant les épaules, poussant un énième soupir face au manque cruel… d’humanité de Mylo. A la fois il lui plaisait au-delà des mots et son attitude la décontenançait. Qui diable pouvait savoir comment réagir face à un esprit aussi hermétiquement fermé ? « Si vous me pourrissez avec votre cynisme, alors comptez sur moi pour que mes répliques se fassent de plus en plus assassine… j’aime contredire et agacer. » Mais elle ne s’attendait en aucune façon à ce qu’il lui dise ne pas être prêteur. Neige s’écarta légèrement de lui l’espace d’un instant, levant un sourcil d’étonnement avant de lancer, non sans une extraordinaire arrogance : « donc si je te suis bien, tu as le droit d’avoir une bombe atomique en guise de masseuse mais je dois être raisonnable et… me contenter de n’être qu’un esprit vif et qui sent bon ? » La jolie allemande était passée au tutoiement de façon naturelle, surtout après avoir admis qu’ils soient liés bien que la façon leur soit peut-être encore inconnue. « Je ne réclame rien, entendons-nous bien, mais je n’ai pas être prise juste pour une gourde. Et juste pour la beauté de la chose je vais quitter mes mots si bien calculés : j’ai peut-être un beau cul mais je ne suis pas que ça et si je m’investis avec toi ce n’est pas pour papillonner. Je ne saurais même pas faire, je crois que je suis un cas désespéré. »

Le visage de Neige ne manqua pas de passer par de très grands extrêmes durant les quelques minutes que durèrent le monologue de Mylo. Monologue qu’elle ne s’était pas permise de rompre et qui pourtant lui donna à de nombreuses reprises l’envie de hurler. On put en outre voir apparaître de l’incompréhension, du choc, de la colère mais aussi un semblant de tristesse à ce qu’il prenne une décision capitale sans même lui demander son avis et ses éventuels besoins… oh la jolie allemande n’était pas une femme d’énormes besoins mais cela ne l’empêchait pas d’être parfois poussée par des pulsions tendres. D’ordinaire, elle vivait avant tout pour sa carrière et les défis qu’elle se lançait constamment. Ce besoin d’adrénaline était toujours lattent, comme une maladie dont elle ne pourrait jamais se défaire. Finalement, elle reprit son habituel masque d’impassibilité, en vue de se protéger sans doute, préférant de loin éviter de prononcer des paroles qu’elle pourrait regretter par la suite. Ceci dit, sa dernière phrase la fit se relever brusquement et faire quelques pas dans la pièce, alors qu’elle croisait les bras contre son corps habillé d’une jolie robe la mettant diablement en valeur sans que cela n’en soit indécent. « Là tu ne fais pas preuve de cynisme, tu m’imposes quelque chose sans même t’intéresser à ce que je pourrais en penser. Je dois rajouter égoïste à la liste je suppose ? » Neige ne s’était pas encore tournée vers lui, ruminant sa froide colère comme elle avait toujours l’habitude de le faire pour ne surtout pas exploser. Il valait mieux ne pas tomber dans l’excès inverse non plus… cela ne leur rendrait service ni à l’un ni à l’autre. « Je ne suis pas quelqu’un qui suit très fanatique des relations charnelles parce que je ne suis pas du tout douée pour ça mais là j’ai l’impression d’être une vulgaire marionnette à ta disposition et ça, ça me plaît nettement moins ! »

Neige s’était soudainement tournée vers Mylo, lui rendant son regard avec encore plus d’intensité qu’il ne le faisait, ne sachant pas si elle devait le détester en cette seconde ou y voir quelque chose de plus… profond. Sans doute avait-il simplement un problème de confiance en autrui. Neige n’était pas idiote, heureusement, aussi calma-t-elle progressivement ses ardeurs bouffonnes pour reprendre peu à peu un discours moins incisif. « Toi qui aimes tant les livres, il y a forcément écrit dans l’un d’entre eux qu’une femme aime bien être courtisée et couverte de compliments légers. Il faut croire que je devrais me contenter du cynisme et de l’évocation d’une kiné qui houspille son mari parce qu’il n’est pas fichu de jeter un rouleau de papier toilette. Charmant, n’est-ce pas ? Je crois que le fait que tu « t’encombres » d’une femme est le pompon. A moins que ce ne soit ton extraordinaire magnanimité : je suppose que je dois me mettre à genoux et applaudir parce que de temps en temps tu accepteras peut-être de t’occuper de ce que je pense et ressent ? Puisque tu es massé et que tu as repris la pleine puissance de ton verbe haut, je vais retourner à ma maquette, au moins elle saura sûrement me détendre. Oh et pour information, merci pour cette première dispute de couple, c’était… rafraîchissant. » Vexée ? Ah, Neige était hautement susceptible quand elle s’y mettait. Mais ce qu’elle mettait en avant, maladroitement comme toujours, c’est qu’elle n’avait pas besoin d’être couverte de nombreux compliments, présents ou attentions… elle ne voulait pas être traitée comme une merde, voilà tout. D’où le fait qu’elle quitte les lieux sans même récupérer son manteau pour retrouver le musée, où sa maquette l’attendait toujours. Si elle devait devenir conservatrice, alors il fallait que les travaux de rénovation soient lancés avant. Chose qui ne l’empêcha pas de se rincer joyeusement le gosier avec de la bière brune, allemande bien évidemment, qui parvint à détendre incroyablement ses nerfs.