« Et moi je vous sommes de sortir de mon bureau car je n’ai rien à vous dire » lâcha froidement Neige face à nul autre que l’ancien producteur de Mylo, venu la menacer bassement en espérant ainsi récupérer son ancienne poule aux œufs d’or sans doute. La discussion vive avait tellement alerté sa secrétaire qu’elle en était partie chercher l’historien, craignant que cet homme manifestement mauvais ne veuille du mal à sa patronne préférée. Il ne fallait pas croire, si la jolie allemande savait être aussi froide que l’hiver quand elle s’y mettait, elle n’en n’était pas moins appréciée par l’intégralité de ses employés. On ne lui manquait jamais de respect et au contraire, on la défendait bec et ongles. « Monsieur Anderson !! Pardon de vous déranger en pleine discussion mais c’est Mademoiselle Hengel… » fit-elle, l’entraînant à l’écart afin de s’exprimer plus clairement et de façon plus discrète. « Je ne sais pas si vous connaissez un homme du nom de Eckart… mais il menace notre patron depuis plus d’une demi-heure et cela m’inquiète, je n’ai jamais vu Mademoiselle Hengel aussi en colère ! Il l’a quand même menacée de mort si elle ne vous faisait pas établir à nouveau un contrat de production !! Moi je ne peux pas intervenir mais… peut-être que vous pourriez faire quelque chose ? » le supplia-t-elle de sa petite voix aiguë tandis que pendant ce ton, l’allemande ne se démontait pas d’un millimètre. Elle le toisait avec force, même s’il avait chopé son poignet l’avait à moitié tordu en cherchant à la faire plier sous la douleur, Neige en avait vu d’autres. « Vous pensez sincèrement que je vais pousser Mylo à gâcher sa vie pour retourner avec un salopard dans votre genre ? Vous lui avez menti, vous avez cherché à évincer tous ses proches et à le conduire à une vie misérable tout simplement parce qu’il voulait vivre d’autre chose que de la chanson, c’est vous le MISÉRABLE ! Je ne ferais rien qui puisse le blesser et vous pouvez bien me menacer tant que vous le voulez je ne cèderais pas, hors de question que de faire votre jeu et de lui gâcher encore de précieuses années à cause de votre égoïsme ! Vous êtes un monstre ! »

Autant dire que Neige fut la première à sursauter largement en voyant Mylo débarquer dans son bureau pour mieux hurler d’une voix si forte qu’elle eut grande peine à le reconnaître à vrai dire. Elle ne pouvait s’empêcher de regarder la scène sans bouger, ne s’étant aucunement attendue à ce qu’il ne lui décoche une droite particulièrement puissante, allant jusqu’à faire trébucher l’homme qui était à l’origine d’une discussion vive avec l’allemande certes, mais également d’un bleu virant presque au violet au niveau de son poignet. « Mylo je ne te savais pas capable de te transformer en Rambo ! » éclata-t-elle de rire une fois que son ancien producteur fut chassé du bureau par le service de sécurité et qu’elle put enfin relâcher l’intégralité de la pression pesant lourdement contre ses épaules. Ses yeux étaient humides d’émotion alors qu’elle s’empressa de prendre le visage du jeune homme dans ses mains pour mieux s’emparer de ses lèvres avec passion. C’était une façon comme une autre de le remercier à vrai dire, parce qu’il venait tout de même de la tirer d’un faux pas conséquent, autant être honnête. « Attends je vais m’en occuper, je ne pense pas que ce soit cassé à priori mais tu t’es bien tordu quelques doigts par contre ! Si tu veux par précaution nous irons faire une radio après mais en attendant, je vais te les immobiliser » fit-elle de façon parfaitement cartésienne en attrapant la mallette de premiers secours avant de ne l’inciter à venir s’asseoir contre son fauteuil, prenant une autre chaise afin de placer sa main blessée contre ses genoux. « Mylo… tu ne m’avais jamais parlé de cette histoire d’injonction… »

Neige éclata de rire car elle-même n’imaginait pas Mylo aussi virulent quand il s’agissait de son confort à elle, ou de sa protection. Il n’avait jamais agit ainsi auparavant, pas même lorsqu’il prenait son traitement et que son syndrome ne parlait pas aussi fortement. Qu’importe, ce qu’elle découvrait lui plaisait, car il fallait bien admettre que c’était foutrement sexy un homme qui se bat, surtout pour défendre son flocon en détresse… la phrase suivante lui arracha un léger froncement de sourcil car il n’était pas gravement blessé et qu’elle pouvait en prime lui donner un cachet de paracétamol pour atténuer simplement ladite douleur pendant quelques heures. « Ne panique pas, je suis sûre que ce n’est pas grand-chose ! Tu veux un cachet pour atténuer la douleur ? Tu as très mal ? » s’inquiéta-t-elle alors qu’elle serrait trois doigts entre eux à l’aide d’un bandage avec une habitude somme toute étonnante, comme si elle l’avait fait toute sa vie. Mais le fait est : elle se blessait souvent par le passé et il lui fallait donc pouvoir pallier à ce genre de situations. « En tout cas c’est un beau salopard et sa triste condition ne va pas m’empêcher de porter plainte, surtout que j’ai des caméras à l’appui, hors de question que je me dégonfle surtout que c’est lui qui a été à l’origine de tous mes malheurs pendant quatre ans » fit-elle plus froidement, car dieu sait qu’il y en avait eu, des malheurs. Ceci dit, le passé reste le passé et aujourd’hui, elle lui montrait un poignet bien amoché mais non sans lui offrir un sourire rassurant derrière. « Je vais survivre, rien de grave. D’ici quelques jours, il n’y paraîtra plus. » Neige n’avait pas envie de parler du reste.

C’était bien ça le problème, la raison de la venue de cet enfoiré ! Neige aurait rêvé de pouvoir tout lui déballer sans craindre sa réaction mais là était toute la délicatesse de la chose : Mylo ne réagissait plus du tout comme il y a quatre ans et les réflexes qu’elle connaissait chez lui s’en étaient allés pour la plupart. Elle se retrouvait donc dans de beaux draps et même s’il n’y avait que peu de chances qu’il soit un jour au courant de ce qu’elle avait vécu… il valait peut-être mieux qu’elle fasse un pas vers lui avant qu’il ne l’apprenne d’une autre bouche et ne la condamne donc par la même occasion pour ne pas avoir su lui dire la vérité à temps. « Disons que tu risques de les assommer mais tu prends aussi le risque qu’ils t’aient assommés avant avec leurs poings ! Mais ne t’inquiètes pas Mylo, je n’ai pas besoin d’un boxeur, j’ai plus besoin de quelqu’un avec qui vieillir, ça c’est plus intéressant. » A la plus grande surprise de la jolie allemande, elle lui tendit son poignet, bien qu’elle n’y mit pas une joie débordante, Neige n’aimant pas particulièrement se soigner, que ce soit pour un mal de tête ou de poignet. « Sauf que je ne suis pas une momie, Mylo ! » s’exclama-t-elle alors qu’il lui avait carrément bandé le bras et qu’elle devait en défaire la majeure partie pour rattraper le coup… bonjour le gâchis ! Mais cela lui permettait de parler à cœur ouvert ou tout du moins d’essayer. « Dis-moi Mylo… nous n’en n’avons jamais parlé avant mais tu voulais des enfants toi quand on était ensemble ? »

« Peut-être que je pense à vieillir à tes côtés en effet » lâcha-t-elle dans un éclat de rire non sans se concentrant pour bander comme il fallait son poignet et son poignet uniquement car elle n’avait pas envie d’avoir le bras tout raide et inutilisable, surtout avec la somme incalculables de rendez-vous qu’elle avait rien que cette après-midi. Il fallait donc qu’elle se dépêche d’obtenir une réponse fiable de Mylo avant même que d’évoquer le moment le plus touchant de son existence. S’il ne voulait pas d’enfant, alors… il serait toujours temps d’y penser mais s’il en voulait, alors tout s’avérait être possible. « Mylo je ne te parle pas de code génétique, surtout pas quand j’ai l’impression que tu me traites d’idiote de façon détournée… alors que je le suis pas réellement mais là, je te parle vraiment sentiment, sensation. Je sais que ce n’est pas évident pour toi d’évoquer ce genre de choses mais j’aimerais sincèrement une réponse claire de ta part. Surtout qu’il ne s’agit pas de MOI ou ce que JE veux, mais je tourne le projecteur sur toi parce que je veux TON avis. » Neige ne s’était pas emportée, elle avait davantage parlé avec lassitude tant cela lui paraissait titanesque que d’obtenir un simple oui ou non. Mylo compliquait toujours les choses les plus simples dès que cela touchait au côté sentimental de leur relation… un vrai calvaire dans cette seconde précise, alors que la jolie allemande le supportait très bien d’ordinaire, et ce sans même ciller. « Il faut à tout prix que nous soyons mariés pour avoir des enfants, c’est ça que tu veux dire ? »

Et merde. Voilà ce que cela donne lorsque l’on s’aventure à demander une réponse sentimentale à Mylo sans l’avoir prévenu trois semaines minimum à l’avance : c’était une catastrophe ! Neige le regarda gesticuler, faire les cent pas, même s’emporter tandis qu’elle ne faisait que se mordre la lèvre avec violence, espérant que la douleur la pousserait à faire quelque chose de précis mais rien, elle était complètement bloquée sur sa crainte et encore secouée, très certainement, par sa discussion précédente avec l’ancien producteur de l’américain. « Okay, Mylo tu m’as dit ce que je voulais savoir… MYLO STOP J’AI COMPRIS ! » crut-elle bon de s’écrier tandis qu’elle s’était relevée dans l’espoir de faire s’arrêter illico presto son angoisse car ce n’était aucunement le but de la manœuvre, même si quelque chose lui disait qu’il aurait tôt fait de partir en courant une fois qu’il connaîtrait le fin mot de l’histoire. « Je ne disais pas ça pour te stresser et non ce n’était pas forcément un test. C’est juste que… techniquement parlant, tu es déjà papa. J’ai découvert que j’étais enceinte un mois après que tu m’aies fichue à la porte. Je ne pensais pas reparler de cet épisode un jour mais ton producteur est venu me menacer de déballer tout à la presse, d’où notre conversation musclée… tout ce que je veux, c’est protéger notre fille mais c’est compliqué. Et je sais que tu vas paniquer, que tu vas sûrement fuir à grandes enjambées et peut-être que tu auras raison mais je ne peux pas changer le passé, désolée. C’était le fruit de notre amour et avorter, ce n’était pas possible ! »

Il y a des fois où on ferait mieux de fermer sa gueule. Neige expérimentait la chose de la façon la plus foireuse qui soit puisque suite à son annonce, après avoir posé une seule question, Mylo s’effondra complètement, poussant l’allemande à se ruer sur lui pour éviter qu’il ne se cogne en plus la tête en tombant mais autant dire que ce fut un parcours du combattant que de le conduire jusqu’au canapé de son bureau pour l’allonger avant de ne lui donner de toutes petites tapes contre ses joues jusqu’à ce qu’il ne reprenne conscience. Autant dire que la question qu’il lui posa en se réveillant arracha à Neige une expression d’étonnement mais sans aucun équivoque, elle put répondre : « Oui, elle est parfaitement normale et en pleine santé » lui avoua-t-elle avec sincérité tout en s’asseyant contre un tabouret non loin du canapé, ne touchant pas Mylo parce qu’elle avait peur de craquer. Déjà qu’elle avait les yeux humides… « C’est la vie je suppose ? Je ne m’explique pas pourtant comment j’ai fais pour réussir à la mettre au monde et qu’elle soit normale vu que j’ai accumulé trois boulots pour pouvoir sortir la tête de l’eau et payer mes consultations gynécologiques mais je n’avais pas de quoi la garder après l’accouchement… ma situation était trop précaire. J’ai choisi une famille très bien, des gens qui ont pris soin d’elle et qui m’ont sans arrêt donné de ses nouvelles, même si ça me déchirait le cœur d’en avoir. Sauf que maintenant que j’ai une situation stable, j’ai entamé une procédure pour la reprendre. La famille est d’accord, ils sont un peu devenus ma famille aussi avec le recul, c’est juste que les papiers sont… longs à obtenir. Elle s’appelle Mina. » La petite savait que Neige était sa mère et appelait d’ailleurs l’allemande « maman » dès que celle-ci venait la voir. Mais c’était devenu trop dur de ne la voir que quelques minutes par semaine. Neige voulait plus… « Je comprendrais que mon plan ne te botte pas mais je l’ai entamé avant de te revoir Mylo » précisa-t-elle avant de ne se lever pour aller se servir un verre de vodka histoire de se remettre.

Autant le fait que Mylo aime le prénom lui arracha un faible sourire encourageant, autant la suite glaça littéralement le sang de Neige. Effectivement, l’insensibilité dont il faisait preuve manqua de lui provoquer un haut le cœur. Elle se contrôla en balayant simplement les quelques larmes qui s’étaient échappées de ses yeux pour mieux s’emparer de son sac à main et de sortir une photographie de son portefeuille. Il y avait une petite princesse blonde aux yeux clairs, possédant la blondeur de sa mère et les expressions de son père, surtout qu’elle avait les mêmes yeux que lui. La jolie allemande lui tendit donc le cliché, dominant non sans peine le fait qu’elle ait les mains tremblantes. « Au moins tu sais à quoi elle ressemble » coupa-t-elle avant même qu’il n’ait pu répondre autre chose. « Elle sait beaucoup de choses de toi, notamment ta carrière, elle a vu beaucoup d’articles sur toi-même si elle ne lit pas encore très bien… je ne lui ai pas menti et la famille dans laquelle elle est non plus. » Cela tuait littéralement Neige qui avait envie de le secouer pour qu’il fasse preuve d’au moins un peu de sensibilité par égard à ce qu’elle avait vécu mais non… il n’y avait rien, pas l’ombre d’un sentiment et elle en était particulièrement horrifiée. « C’est vrai, tu ne la connais pas et c’est pour ça que je t’ai précisé que j’ai entamé mon plan avant de te revoir. Je ne te demande rien Mylo et d’après ce que j’entends c’est peut-être mieux ainsi. J’ai sûrement eu tort de t’en parler c’est juste que… garder ça pour moi c’est ignoble, surtout avec la menace de l’autre courge ! Oublie ce que j’ai dis, je me débrouillerai, j’en suis capable je le sais. »

« Je ne pense pas qu’elle pense une chose pareille… je lui ai dit que tu pensais tout le temps à elle et que dès que tu serais disponible tu viendrais pour ne plus la quitter. » D’accord, Neige avait un tantinet menti mais c’était pour les rassurer toutes les deux. Mina était une enfant timide, gentille, tant et si bien que l’allemande n’avait pas pu se résoudre à lui avouer de but en blanc que son papa ne connaissait pas son existence et ne viendrait jamais la voir… avait-elle prédit l’avenir en faisant cela ? Peut-être. Du moins avait-elle eut la folie de le croire des mois durant jusqu’à ce qu’elle ne se heurte à l’insensibilité de Mylo en la matière… même si techniquement parlant, elle pouvait aussi comprendre celle-ci. « Bien sûr que tu peux garder la photo » fit-elle non sans hocher la tête et l’inviter ensuite à la suivre, donnant à sa secrétaire par la suite des instructions pour la suite de la journée, à savoir de déplacer ses rendez-vous car une urgence retiendrait très certainement son attention à l’extérieur du musée, bien qu’elle soit toujours joignable sur son portable en cas de pépin. Autant dire que la route qu’ils firent en voiture jusqu’à la demeure de la famille adoptive de Mina se fit dans le plus grand des silences, Neige tentant de se remettre de ses émotions mais aussi de se préparer à ce qui allait suivre. Par chance, il n’y avait que la femme, qui les fit attendre dans le salon pour mieux aller chercher la petite, qui fonça directement dans les bras de sa mère comme si elle ne l’avait pas vue depuis un siècle. « Tu es si grande ma puce, si grande… tu sais que tu as l’air d’une princesse ? Mais je voudrais te présenter quelqu’un aujourd’hui ma chérie, je sais que tu adores les surprises… » Neige se tourna vers Mylo, ne sachant pas s’il fallait qu’elle dise elle-même qui il était ou si elle le laissait faire. Mais en tout cas, Mina descendit précautionneusement des bras de sa mère pour se rapprocher du chanteur, ses deux grands yeux d’enfants rieurs rivés sur l’américain sans le lâcher d’une semelle. « T’es beaaauu ! »

Autant dire que voir Mina serrer Mylo entre ses bras d’enfant arracha à Neige un sourire attendri et une vague expression d’émotion. C’était sa façon à elle de dire qu’elle acceptait quelqu’un, maladroitement peut-être mais il n’empêche que la jolie allemande n’était pas moins fière de son petit bout. Ce qui la surprit davantage, ce fut de voir filer l’américain dans le jardin comme une flèche, sous le regard étonné de leur fille et de Neige par la même occasion. « Ton papa est très heureux mais il ne sait pas comment le montrer. Et si tu allais jouer avec la poupée que je t’ai offerte pendant que je le ramène, hum ? Je te promets que l’on ne mettra pas plus de quelques minutes ma chérie » énonça la belle blonde tout en déposant un baiser sur le front de sa fille pour mieux retrouver Mylo dans le jardin. « Je ne comprends pas » fit-elle dans un premier temps, ne sachant absolument pas comment elle était censée prendre cette fuite caractérisée – bien qu’il ne soit pas allé bien loin – en plus de son insensibilité flagrante lorsqu’ils étaient encore dans son bureau au musée. « Je pensais que tu voulais la voir, non ? Là tu la perturbes plus qu’autre chose alors s’il te plaît, même si je me doute que je vais te demander la chose la plus difficile de ta vie, essaye de te maîtriser et de ne pas la fuir sinon elle risque de croire que tu ne veux pas d’elle et je n’ai aucune envie de la voir attristée. » Sauf que Neige n’avait pas encore vu les larmes de Mylo à vrai dire. Celles-ci la percutèrent de plein fouet alors qu’elle tournait autour du jeune homme jusqu’à tomber nez à nez avec l’expression se trouvant actuellement sur son visage, accompagnée de ses larmes. « Ce sont des larmes de joie, ou… ? » Sans chercher plus loin, l’allemande eut tôt fait de le serrer dans ses bras, le berçant doucement en caressant ses cheveux quelque soit la réponse à sa question. A vrai dire, ça n’avait pas de réelle importance : le chanteur semblait en détresse, elle laissait à soulager son cœur de sa douleur, point barre. Il n’y avait pas à chercher plus loin.