« Win ? Dante ? » grommelant, je me frottais les yeux. J'avais du mal à les ouvrir, ils me piquaient énormément et je savais qu'en ouvrant les volets ou la lumière, cela n'allait pas s'arranger mais alors pas du tout. Soupirant légèrement, je tira la couette et la posa à la place vide à côté de moi. Je leva légèrement les yeux vers mon réveil et pesta contre mes deux colocataires. Il était huit heures, j'avais rendez vous à neuf heures et demi dans un lycée du coin pour un poste de remplaçant. J'allais peut être pouvoir être un gentil professeur de français pendant une dizaine de semaine. J'espérais décrocher le job mais je savais très bien que nous étions un sacré nombre à avoir déposé notre candidature auprès du principal. Était-ce mal ? Non, pas avec la conjoncture économique actuelle. En tout cas, j'étais en retard dans mon train-train matinal. Il fallait que je mange mes céréales, que je me lave et que j'arrive jusqu'au lycée en un temps record. Je ne devais plus faire confiance à mes colocataires quand il s'agissait de me réveiller pour un boulot. Pestant après la terre entière, je quitta mon lit tout chaud et marcha jusqu'à la salle de bain à tâtons. Hier j'étais rentré tard à cause de mon autre job. Dante et moi possédions un club de strip tease et, quand les employés étaient malades et prévenaient au dernier moment, nous étions obligés de prendre sa place pour ne pas devoir annoncer à des clientes que leur 'show privé' était annulé. Hier soir, ce scénario s'était présenté à moi et je n'avais pas pu faire autrement que d'assurer le show pour cette jeune femme qui vivait l'une de ses dernière soirée en tant que femme sans statut civil à proprement parlé. Eh oui, nous étions célibataire ou marié, un point c'est tout. Alors que l'eau coulait sur mon corps, un léger sourire se dessina sur mes lèvres. Nous avions bien profité, elles et moi. Je m'étais fais un bon paquet de fric et les jeunes femmes semblaient avoir quitté le club le sourire aux lèvres et satisfaites de leur dépense. C'était ça le plus important dans mon métier, que les clients soient satisfaits. Aussi bien pour mon métier caché que celui que j'exerçais la nuit. Écrire des comptes pour enfant était mon métier caché puisque personne – ou presque – n'était au courant. Je ne voulais pas que nom apparaisse sur les bouquins. J'écrivais donc sous un pseudonyme. Je pouvais être monsieur Parfait la journée et un gérant de boite de strip tease la nuit et ce, sans aucun problème. Je faisais cela pour me protéger, d'une certaine façon parce qu'autant le dire, personne n'allait acheter les contes pour enfant écrit par un strip teaseur qui n'hésitait pas à se déshabiller entièrement pour un peu plus de cash. J'avais beau me trouver toutes les excuses du monde, ce que je faisais n'étais pas très présentable sur papier. Je m'efforçais donc à pratiquer le moins possible, préférant rester derrière le bar et appeler un taxi quand les jeunes femmes ne tenaient plus debout. Nouant mon nœud de cravate, je me balada dans l'appartement à la recherche d'un doliprane. Ma tête ne traduisait rien, j'étais beau comme pas possible mais à l'intérieur, c'était Tchernobyl. L'alcool que j'avais ingurgité me brûlait l'estomac, mes yeux me picotaient toujours et j'avais un mal de crâne à se taper la tête contre la porte d'entrée. Soupirant légèrement, je rentra ma chemise dans mon pantalon et je me dirigea vers l'entrée. Plus que vingt minutes pour traverser un bon bout de la ville. Si je n'arrivais pas en retard, c'était un exploit. Grognant contre ces conducteurs escargots, j'usais du klaxon. Je n'allais pas arriver à l'heure, ni avoir de travail et, le comble du comble, je me serai levé pour rien ce matin. Soupirant, je terminais mon café acheté en bas de la rue. Arrivant devant le lycée, je trouva rapidement une place et y plaça ma voiture. Quelques dollars dans le parc mètre et je me dirigeais déjà vers les portes de l'établissement. Portique à détection d'armes passés, je monta vers le bureau du principal. Il n'était pas là et avait une bonne demi heure, trois quart d'heure de retard. Et ils ne pouvaient pas m'appeler pour me prévenir ?! Soufflant fortement, je pris place sur les marches de marbre et commença à jouer avec mon portable. C'était mal mais je ne savais vraiment pas comment m'occuper ! La cloche retentit – annonçant la récréation – et je me leva rapidement, époussetant les quelques grains de poussières sur mon postérieur. Il fallait que je sois présentable voyons ! Me tournant, je vis une jolie brune aux yeux de feux. Un large sourire charmeur se dessina sur mes lèvres, sourire qui disparut lorsque je reconnus la jolie jeune femme. Elle était présente hier et si elle était aussi extravagante dans la vie réelle qu'hier, j'allais être démasqué en deux minutes ! Aïe, aïe, aïe!!

De nos jours, avoir un travail semble être mission impossible. La moitié des jeunes de la ville cherche un boulot et rien, sauf un boulot à temps partiel au café du coin. Je n'avais rien contre ce mode de fonctionnement mais j'en avais presque marre d'entendre que je n'étais pas étudiant donc, pas de boulot. Franchement, je n'en avais pas besoin. Financièrement, je roulais sur l'or, mais j'avais besoin de m'occuper, de faire quelque chose de mes journées. Je ne supportais pas bosser dans mon propre bar, aussi étrange que cela puisse sembler. C'était idiot, je le savais bien, mais j'avais besoin de me détacher de mon bar en marbre, de mes serveuses. Dante gérait le bar la journée et moi la nuit. Du coup, j'avais le temps nécessaire pour écrire mes contes mais, depuis peu, mon inspiration était plus qu'essoufflée. La panne de l'écrivain. Il me fallait donc autre chose et je voulais mettre mon savoir au service d'autrui. Quand j'avais vu qu'un poste au sein d'un lycée de la ville était vacant, j'avais sauté sur l'occasion. C'était le moment où jamais de faire part de ma passion pour la littérature anglaise et américaine. Je n'aurais pas énormément de classe mais il y avait pas mal de boulot en aval et en amont. Eh non, le boulot de professeur ne s'arrêtait pas à blablater sur Dickens ou autre. Il y avait plus et je voulais réussir ce nouvel objectif. L'échec était ma plus grande peur et j'étais donc déjà pas mal stressé avec mon léger retard. Enfin, très léger puisque j'avais été plus raide que d'habitude. Moi qui aimait traîner, ce n'était pas ce qui c'était passé aujourd'hui ! Entendant la sonnerie annonçant la fin du cours, je me leva rapidement et me dirigea vers le bureau du principal. J'espérais qu'il n'allait pas me faire remarquer mon retard parce que là, c'était moi qui attendait sur lui ! On m'avait prévenu qu'une jeune professeur était déjà dans le bureau et qu'il fallait donc que j'attende. Impatient, je laissais tapoter mes doigts contre le mur à côté de la porte. Voyant la jeune femme sortir, mon sourire disparut. Non, pas elle. Je ne connaissais pas son nom mais elle était là hier. Déglutinant, je tenta de retrouver ma contenance première mais c'était difficile. Si elle me reconnaissait, j'étais prêt à parier que je n'aurai pas le job ! J'étais à deux doigts d'y arriver et voilà qu'il fallait que je tombe sur une jeune femme qui m'avait vu dans mon plus simple appareil. Putain de passion, putain de job. J'étais sûre qu'aucune élève de ce lycée m'avait déjà vu puisque nous n'acceptions pas les jeunes femmes à peine majeure. Étrangement, c'était toujours de l'arnaque quand elles avaient à peine l'âge réglementaire. Décision difficile à accepter mais normale, à mes yeux du moins. « Bonjour, vous allez voir le principal ? » La regardant, j'acquiesce rapidement. Si je suis là, ce n'est pas pour regarder toutes les minettes en mini short se pavaner dans les couloirs. J'étais presque choqué de leur accoutrement. Comment des parents pouvaient laisser leur progéniture sortir de cette façon ? Bonne question. J'étais le premier à les débaucher à peine à la faculté mais tout de même ! « Parce qu'il va partir en fait, il a un rendez-vous avec l'équipe donc si vous voulez je peux vous renseigner ? Vous êtes le prof remplaçant c'est ça ? » Je grimace légèrement. Comment allait-il m'engager définitivement s'il partait sans me rencontrer ? « Je suis là pour ce poste mais rien n'est encore officiel en fait... » Je lui fis une petite moue comme pour m'excuser. Elle ne me sera pas d'une grande aide si je n'ai pas le job. Et, pour tout dire, je préférais qu'un autre professeur me montre le fonctionnement de l'école et tout ce qui va avec. Si je pouvais restais loin de cette jeune femme, ce serait tout aussi bien. « Votre tête me dit quelque chose, vous avez remplacé quelque part avant ? » Instantanément, mes genoux se mirent légèrement à trembler. Reprends toi Vladimir ! « Non jamais, c'est mon premier job dans l'enseignement ! » Là dessus, je ne mentais pas. Mais lui dire que je ne l'avais jamais vu serait mentir. Lui faisant un léger sourire, j'hausse les épaules avant de dire « J'ai besoin de cinq minutes avec le principal. Si vous voulez, vous pourrez me montrer le lycée après » Je lui fais un clin d'oeil, la contourne gracieusement et m'enfonce dans le bureau du principal. Cinq minutes d'entretien et j'ai le poste ; large sourire sur le visage, j'apprends en quoi consistera ma mission de professeur remplaçant. Je commence demain, histoire d'avertir les élèves et ne pas les prendre au dépourvu. Sortant, je vois la jolie brune toujours dans le coin. Lui faisant un léger signe, je lui tends la main et dis « Maintenant que c'est officiel... Vladimir Szadowski, nouveau professeur de littérature anglaise et américaine. Et vous êtes.. ? » Heureusement qu'on usait de nom de scène lors des strip tease parce que mon nom restait toujours ancré quelque part. Je lui fis mon plus beau sourire pour la charmer mais surtout semer le trouble dans son esprit. Hop hop hop, oublie tout !

« Pas de soucis, je vous attends ! » Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que je quitte la jolie brune pour le bureau de proviseur. Les quelques minutes que je passe en sa compagnie sont plutôt fructueuses et je ressors du bureau un nouveau boulot en poche. Seulement, je sais que je vais devoir me faire bien plus sérieux et me faire oublier de la jeune femme qui m'attend dehors. Je ne sais pas pourquoi, ni comment, mais elle se souvient de mon visage alors que ce n'est pas forcément la chose que l'on voit le plus lors de strip tease. Je m'arrange toujours pour que l'éclairage soit sur le corps du danseur pour lui éviter ce genre de problème. J'étais tombé sur une observatrice et j'allais devoir éviter de lui rappeler la soirée d'hier, soirée qui a d'ailleurs failli me coûter mon travail ce matin. Je me demande comment elle peut être aussi pimpante avec tout l'alcool qu'elle a ingurgité mais aussi l'heure à laquelle elle a quitté le bar. C'est une survivor cette jeune femme ! Arrivé à sa hauteur, je me présente rapidement et cherche à en savoir plus sur elle. Après tout, elle allait devenir ma collègue et j'allais devoir lui demander d'oublier tout ce qui c'était passé la nuit dernière. Si elle parlait de mon deuxième boulot – ou peut être plutôt troisième ou quatrième – j'étais foutu ! Qui voudrait d'un strip teaseur comme professeur ? Personne. Voilà pourquoi j'avais toujours essayé de rester discret sur ce point même si je l'étais beaucoup moins que sur mon activité d'écrivain de contes pour enfants. Ça, c'était secret défense et il n'y avait que mes trois meilleurs amis – et mon avocate – qui étaient au courant. C'était déjà trop. À mes yeux, un secret est bien gardé si l'une des deux personnes est morte. « Aileas Borthwick, prof d'histoire-géo. Enchantée et bienvenue parmi nous ! » Je lui fis un large sourire avant de la suivre dans la visite des lieux. Aileas, c'était un joli prénom peu commun. J'étais donc plus ou moins sur de ne pas la confondre avec quelqu'un ou de l'appeler par un autre prénom. « Enchanté ! » Je lui fis un large sourire alors que nous tournions à droite pour découvrir une nouvelle aile du bâtiment. Il semblerait que ce soit par là que se situe la salle des professeurs mais aussi la bibliothèque et la reprographie. C'était le lieu le plus important d'un bâtiment scolaire, à mes yeux du moins. Je connaissais déjà mon emploi du temps et donc les salles. Je devrais peut être lui demander de me montrer mes futures salles de cours. J'appréhendais vraiment le début des cours ! « Alors Vladimir, avez-vous des passions dans la vie ? » Je la regarde et hausse les épaules. « On peut se tutoyer non ? Je pense qu'on a le même âge ou plus ou moins » Je lui fais un large sourire avant de pousser la porte pour la laisser passer devant moi. Avec un café en main, la visite sera un peu plus agréable ! J'insère quelques pièces dans la machine et la laisse prendre sa boisson. Alors que j'appuie pour recevoir un thé citron menthe, je soupire légèrement. « Des passions, oui... J'adore les livres et l'écriture. J'adorerais être un écrivain reconnu dans le monde mais pour ça, j'ai le temps ! Il semblerait que les sujets qui plaisent aux ados ne soient pas trop mon trip. Les vampires et les sorciers, ça ne me plaît guère » Je laisse un léger rire s'échapper de mes lèvres avant de boire une gorgée de ma boisson. « Et toi, une passion dans la vie ? À part l'histoire bien entendu ! » Je ne savais pas pourquoi mais je la voyais bien en professeur dévouée à ses élèves, quelqu'un qui vit son cours à trois cent pour cent et ne baisse jamais les bras. « Les élèves sont plutôt cool ici ou difficiles à gérer ? » Grande question... J'avais déjà peur de me faire marcher dessus, super le 'premier jour' !