Abraham & Maïa ❝ bella notte ❞

Livia se tenait devant ce fameux bureau depuis trois longues minutes maintenant. Les mains moites, incapables de faire un pas en avant pour en finir avec ce poids lui pesant sur la conscience depuis vingt-quatre longues années, ou même en arrière afin de fuir et oublier l’idée saugrenue lui ayant sauté à l’esprit ce matin, elle tâchait de se calquer sur les battements de son cœur histoire de ne pas flancher. Qu’est-ce qui lui était passé par la tête pour qu’elle ne vienne à l’université pour se rendre à la rencontre d’un professeur de Littérature en particulier ? On pouvait s’interroger tant que l’on voulait sur la santé mentale de Livia Denali dans cette seconde précise, mais il n’empêche qu’elle finit par frapper à la porte du professeur Abraham Salvador. Elle attendit avec patience et appréhension qu’il ne l’invite à pénétrer dans son bureau, dont la présence de bouquins était plutôt imposante. « Bonjour, Abraham » eut-elle la force d’articuler non sans une extrême difficulté, tandis qu’elle constatait qu’il n’avait guère changé malgré les années. Elle laissa un sourire ému prendre place sur ses traits délicats, que les années n’avaient malheureusement pas épargnés, se souvenant non sans un long frisson lui parcourant l’échine à quel point ce jeune homme, à l’époque, l’avait davantage aimé en l’espace de trois nuits que son propre mari depuis leur mariage jusqu’à leur divorce. Abraham avait été son âme sœur, bien qu’elle se soit toujours refusé à l’admettre à voix haute. Sans doute était-ce la raison pour laquelle Maïa était de loin sa préférée… « Je suis désolée de venir sans prévenir après tant d’années, vingt-quatre ans pour être exacte… mais il fallait que je te vois. Quand j’ai su, totalement par hasard pourtant, que tu t’étais installé à New York, j’ai cru à un mauvais coup du destin. Mais non… te voilà. C’est à peine si tu as changé. »

La danseuse se tenait de façon extrêmement droite, comme si elle s’apprêtait à donner la représentation de sa vie. En somme, c’était un peu le cas. Sauf que cette fois, il n’y aurait plus sa meilleure amie pour la consoler du manque cruel que l’absence de cet homme avait laissé dans le fond de son âme. Certes, il lui avait donné une fille merveilleuse, intelligente et unique… mais il ne savait rien de ce bonheur qu’il lui avait offert. C’était bien cela le plus difficile. « Je sais que j’arrive tard et que tu ne me dois rien… mais je ne viens pas pour moi. Je ne savais pas comment te trouver, je ne savais pas comment je pouvais te le dire, mais… nous avons eu une fille, Abraham. Elle s’appelle Maïa. Je sais que tu adorais les abeilles et le miel, alors… j’ai trouvé cela amusant. » Il n’y avait pas de bonne façon de dire ce genre de choses. Nul n’en n’était davantage au courant que Livia en cet instant précis.

Donner cours à des étudiants passionnés, c’était parfait pour Abraham. Malheureusement pour lui, ce matin ça n’avait pas été le cas. Encore moins quand il avait sortit des feuilles, expliquant qu’il voulait voir les connaissances de ses étudiants, après plusieurs mois à travailler. Pendant l’heure suivante, il les avait laissés répondre aux différentes consignes et questions. Une fois le cours terminé, il avait vu les différentes expressions de ses étudiants. Certains peu ravis, d’autres plus confiants. Ramassant toutes les copies, il fila dans son bureau. Il déposa ses affaires et passa en coup de vent dans la salle des professeurs. Il avait besoin d’un café, qu’il se servit et remarqua qu’il avait du courrier. Allant le ramasser, il repartit dans son bureau, tout en le lisant. Deux demandes de rendez-vous avec des parents et un élève qui avait besoin de se mettre à niveau. Il y répondrait plus tard. Pour le moment, il se concentra sur les copies de ses étudiants. Un stylo à la main, il lisait les copies une à une, les notant, avant d’entendre quelqu’un frapper à la porte de son bureau. Il était en train de mettre une appréciation sur une copie quand il entendit son prénom. Levant la tête, il resta plus que surprit.

Livia ?

Pour une surprise, ça en était une. Clairement. Que faisait-elle ici ? Essayant de se reprendre, il reboucha son stylo et se redressa dans son fauteuil. Il ne l’avait pas revu depuis tant d’années. Pourtant, il l’avait aimé, véritablement. Elle avait fait un passage éclair dans sa vie, trois jours et trois nuits, mais il l’avait aimé. Ne sachant que dire, il fut soulagé quand elle prit la parole. Il se demandait ce qu’elle faisait là, face à lui, après tout ce temps. Un sourire vint s’installer sur son visage. Il avait vieillit, mais c’était agréable d’entendre un tel compliment.

Tu n’as pas changé non plus. Quoi que si, tu es encore mieux qu’avant.

Il sourit à la jeune femme. Même si comme lui les années s’étaient installées, elle était toujours aussi belle, même plus encore.

Tu n’as pas à t’excuser. Ca me fait très plaisir de te revoir.

Oh que oui ! Lui qui n’avait jamais sû comment la contacter, la voir aujourd’hui lui faisait très plaisir. Seulement, il se demandait toujours ce qu’elle faisait là et il finit par en avoir la réponse, ce qui effaça son sourire. Une fille ? Ils avaient un enfant ensemble ?

Une fille ?

Il avait une fille ? Il n’arrivait pas à y croire. Il n’en voulait pas à la jeune femme, même s’il aurait aimé le savoir avant. Se levant doucement, il contourna son bureau et il prit la jeune femme par la main, pour la faire s’asseoir dans un fauteuil et il prit celui d’à côté.

J’ai cherché à te revoir, mais je n’ai jamais réussit à non plus. Ca n’a pas été facile de partir loin de toi, mais je n’avais pas le choix à l’époque.

Elle le savait aussi, mais il aurait tellement voulu rester avec elle.

Comment est-elle ? Comment est notre fille ?

Sa curiosité ressortait. Il voulait tout savoir de Maïa. Qui était-elle, que faisait-elle dans la vie, tout.

Elle sait que tu es ici avec moi ? Elle sait qui je suis ?

Abraham & Maïa ❝ bella notte ❞

Livia s’était attendu à ne pas être reçue de façon agréable, mais elle avait hélas oublié à quel point Abraham n’avait rien en commun avec son ex-mari. Comment diable avait-elle pu le perdre de vue ? Si elle l’avait aimé à ce point, c’est justement parce qu’il était son exact opposé. En ces trois nuits, elle avait eu la délicieuse sensation d’avoir été davantage aimée que durant l’intégralité de son mariage. Oh, sa fille aînée, Bianca, serait probablement horrifiée si elle l’entendait dire des choses pareilles. Jamais Livia ne s’était confiée sur son adultère à ses enfants, ils n’en savaient rien. Silvio l’avait longtemps soupçonné, et devait en être persuadé à présent puisque son ex-femme avait été à l’origine de la procédure de divorce. Mais il n’avait jamais eu la moindre preuve et loin de Livia l’idée de lui mettre les points sur les virgules. Elle préférait mille fois vivre enfin sa vie, regrettant à chaque instant d’avoir gâché tant de temps loin de cet homme merveilleux lui faisant actuellement face, mais également que sa meilleure amie soit partie trop jeune et ne puisse donc plus partager ce genre de secret avec elle… quoi qu’il en soit, toute son émotion lui montait au cœur alors que le professeur la recevait comme s’ils s’étaient quittés hier. Livia prit soudainement conscience de la chance qu’elle avait de le retrouver, de pouvoir lui parler, tandis qu’elle espérait de tout son cœur qu’il pourrait veiller à son tour sur Maïa… la jolie scientifique avait beau être distante, froide et d’une logique implacable, elle cachait néanmoins un cœur sensible, un cœur maltraité par un père trop exigeant, trop égoïste mais également trop cruel. Abraham était le baume dont la fille de Livia avait grand besoin, et la curiosité dont il faisait preuve à son propos lui arracha un sourire ému. Pourquoi ne l’avait-elle pas revu plus tôt ! « Cela va sonner affreusement vieux jeu, évidemment… mais de l’eau a coulé sous les ponts. Si c’est trop tard pour nous, je viens pour elle. Pour notre fille. J’ai commencé à l’aimer dès lors où j’ai su qu’elle existait au fond de moi, car je sais qu’elle a été l’enfant de l’amour… tu dois me penser monstrueuse, mais si j’aime mes enfants, aucun n’a l’unicité de Maïa, crois-moi. »

Tout en prenant une grande inspiration, Livia tâchait de reprendre ses esprits et de rassembler tous les détails importants qu’elle pouvait lui donner avant qu’il ne décide d’aller s’en assurer par lui-même. C’était le but ultime… « Elle est magnifique… elle a tes yeux, d’ailleurs. Et ton sourire, lorsqu’elle ose la chose. Il est extrêmement difficile de décrire notre fille, tu sais. C’est un petit génie… elle a obtenu son bac à l’âge de douze ans et a enchaîné aussitôt auprès la faculté. A l’heure actuelle, elle détient deux doctorats et un master. Elle est vétérinaire dans un cabinet très respectable, avec un patron pour qui elle voue un respect certain, et… elle a vécu plusieurs années en Afrique, malgré tout ce que j’ai pu dire contre, suite à une violente dispute contre mon ex-mari. Elle y a étudié les animaux dangereux et leur dressage. Disons que c’est un esprit excessivement logique… elle est solitaire du fait que beaucoup de gens la trouvent étrange, mais je suis sa mère, je la connais donc mieux que personne. Elle a ta bonté, Abraham. Malheureusement, elle est d’autant plus renfrognée que mon Silvio l’a très souvent rabaissée. Que voudrais-tu savoir comme détails, demande-moi… »

Revoir la femme qu’il avait aimé et il fallait le dire, qu’il aimait encore était étrange. Une visite des plus inattendues et encore plus en sachant qu’il était père d’une jeune femme. Ils n’avaient pas réussit à se retrouver et aujourd’hui, il apprenait qu’il était père. Du haut de ses quarante ans, il devait avouer qu’il aurait aimé avoir un enfant, au moins un. Aujourd’hui, il avait la chance de savoir que c’était le cas. Il avait une fille. Il en était fier, même s’il ne savait encore rien d’elle. Alors, il demanda à Livia de lui parler de leur fille. Qui était-elle, que faisait-elle dans la vie. Il voulait savoir le plus de chose possible à son sujet. Avec tout de même l’envie de la rencontrer, sauf si Livia lui dirait que ça ne pourrait jamais se faire. En écoutant les propos de la jeune femme, il fut surprit. Quelque part, il s’était dit qu’elle était un peu là pour eux également. Mais si ça n’était pas le cas, il ferait avec. En l’écoutant parler de leur fille, il sourit quand elle parla d’un enfant de l’amour et il hocha la tête positivement.

Tu as combien d’enfants ?

C’est alors qu’il se rendit compte que peut-être qu’elle était mariée désormais, mais il n’osa pas poser la question. Il fut donc très attentif à tout ce que la jeune femme lui disait. Il y avait une ressemblance entre eux ? Ca, il en était très content. Apparemment, elle avait une intelligence hors norme. Leur fille semblait être quelqu’un d’exceptionnel et même sans l’avoir vu, il en était très fier. Quand elle parla de son ex mari, il ne pû s’empêcher de froncer les sourcils. Elle avait donc été mariée. Mais, il se reprit.

Ton ex-mari ne l’a jamais aidé ? C’est parce qu’elle n’était pas sa fille biologique ?

Si c’était à cause de cela Abraham devait avouer qu’il en voudrait à ce Silvio. Il avait également le sentiment que c’était de sa faute, vu que c’est lui qui avait fait l’amour avec Livia. Mais leur fille était apparemment un vrai petit génie et il devait avouer qu’il avait envie de la voir. Il voulait pouvoir lui parler, savoir qui elle était, ce qu’elle vivait. Pouvoir faire partit de sa vie, tout simplement.

Elle est en couple ? Elle travail à New-York ?

Peut-être que leur fille avait déjà une famille. Quoi qu’il ne se sentait pas d’être appelé grand-père pour le moment. Seulement, il devait avouer qu’il voulait vraiment tout savoir d’elle.

Pourquoi venir aujourd’hui pour m’en parler ? Vous avez besoin de quelque chose de ma part ? Elle veut me rencontrer ?

Abraham & Maïa ❝ bella notte ❞

« J’ai trois enfants. J’ai eu Bianca, ma fille aînée qui a trente-trois ans, et Augusto, qui en a vingt-huit, avec mon ex-mari. Maïa a donc vingt-quatre ans, c’est ma benjamine. » Livia parlait souvent de ses enfants avec fierté et émotion, mais de la jolie vétérinaire tout particulièrement. Elle avait tenté de la protéger du mieux qu’elle avait pu, hélas, lors de ses nombreux déplacements à l’étranger en tant que danseuse, sa petite brunette avait été livrée à elle-même, et la cible de nombreuses moqueries de son aînée. Silvio n’avait jamais aidé la demoiselle à se sentir davantage acceptée, ou même aimée… c’était la raison pour laquelle Livia avait fini par demander le divorce. C’était à se demander pourquoi elle l’avait un jour épousé, d’ailleurs, si ce n’est qu’elle était enceinte lorsqu’ils se sont mariés et qu’à l’époque, avoir un enfant en dehors du mariage n’était pas du tout bien vu, surtout en Italie. « Mon ex-mari a toujours été extrêmement dur avec Maïa, et donnait toujours ce qui semblait être pour lui les meilleures raisons du monde. Au début, c’est parce qu’elle était une enfant extrêmement silencieuse, puis parce qu’elle était dissipée en classe du fait de son intelligence… je lui ai fait sauter de nombreuses classes parce qu’elle s’ennuyait, à vrai dire. Plus tard, il n’aimait pas sa façon de s’exprimer, puis lorsqu’elle a été plus diplômée que Bianca, il s’est mis à les comparer… et enfin, il la carrément giflée le jour où elle a refusé de travailler pour lui, à son entreprise. Bianca lui est extrêmement dévouée, mais Maïa vit uniquement pour sa précieuse Physique, tu sais. C’est un féru de sciences. En somme, notre fille a toujours vécu un profond rejet, une profonde cruauté de la part de celui qui l’avait reconnue comme sa fille légalement. Je sais qu’il a toujours eu des doutes sur mon infidélité. Mais il n’y a jamais eu d’amour entre nous… et plus Maïa grandissait, plus il se rendait compte qu’elle n’avait strictement rien de semblable avec lui. Je regrette profondément qu’elle ait payé pour ce que j’ai fais… même si je ne regrette pas une seconde de ce que nous avons vécu. »

Livia avait également la tête sur les épaules. On ne refait pas du neuf sur du vieux et elle refusait de perturber davantage sa fille… tout ce qu’elle voulait, c’est qu’elle trouve en Abraham le père qu’elle méritait et qu’il serait sûrement être : quelqu’un d’aimant, à l’écoute, incapable de la juger si ce n’est en bien… « Elle travaille dans le Bronx, à New York donc. Tu verras en la voyant, mais notre fille a beaucoup de mal avec les rapports humains. Elle n’est donc pas en couple mais amoureuse du fils de ma défunte meilleure amie, JD, un beau cubain. C’est… complexe entre eux. Maïa fait des efforts, mais de son côté, c’est un phobique de l’engagement semble-t-il et j’ai peur qu’elle souffre. » La belle danseuse prit une pose avant de s’emparer des mains d’Abraham et de prendre un air particulièrement sérieux. « Écoute… je ne veux pas que tu te sentes obligé de quoi que ce soit, et je ne suis pas venue parce qu’il y a un impératif ou une raison précise. Je sais que Maïa est isolée, je sais qu’elle souffre de tous les rejets qu’elle a put subir… je voudrais juste que tu fasses sa connaissance. Je sais qu’elle se doute de quelque chose, mais par ma grande lâcheté je n’ai jamais osé creuser la question. Elle mérite d’avoir un père digne de ce nom, tout comme tu mérites d’avoir le bonheur de connaître ta fille. »

Trois enfants, ça en faisant du monde. Mais, il comprit alors qu’elle était mariée quand il l’avait rencontré. Il était donc l’amant, chose qu’il n’avait jamais apprit. Mais quelque part, il s’en fichait. Il avait aimé Livia et l’aimait encore, mais il se fichait pas mal de l’ex mari. Il pouvait comprendre qu’il ne sot pas content de s’être fait tromper, mais de là à faire souffrir une petite fille pour ça, ça n’était pas acceptable pour le philippin. Du coup, il se demandait si c’était pour cela que sa fille n’était pas forcément bien aujourd’hui. Cet homme avait été odieux avec Maïa et il ne valait mieux pas qu’il croise sa route un jour. Le pire fut quand elle parla de la gifle. Il serra les dents et fronça les sourcils.

Je comprend et je suis désolé qu’elle ait dû subir tout cela.

Il soupira doucement. Aucun enfant ne devrait subir ce genre de choses dans sa vie. Du coup, il eut un peu d’espoir quand elle parla du fait que leur fille était amoureuse. C’était une bonne chose, mais visiblement, c’était son partenaire qui ne semblait pas savoir ce qu’il voulait. Finalement, ça n’était pas aussi bien que ça. Ecoutant parler de son métier, il hocha la tête. Si au moins à ce niveau là ça allait, s’était une bonne chose. Seulement Abraham eut un mouvement de surprise quand Livia lui attrapa les mains. Ouvrant de grands yeux, il se demandait ce qu’elle allait lui dire.

Ca sera avec grand plaisir.

Il se mit à sourire. Il ne pû se retenir et il embrassa les mains de la jeune femme, avant de soupirer doucement.

J’aimerai vraiment la rencontrer. Savoir qui est notre fille et apprendre à la connaître. Mais je ne veux pas que ça la mette mal à l’aise. Si jamais elle préfère ne pas me connaître, je comprendrai parfaitement, je ne lui en voudrais pas.

En tout cas, ça le tentait vraiment de voir sa fille et pouvoir tout savoir d’elle et de l’aider si elle en avait besoin. D’être un vrai père quoi.

Abraham & Maïa ❝ bella notte ❞

Livia esquissa un petit sourire attendrit en voyant les différentes réactions d’Abraham, n’en manquant aucune puisqu’elle l’observait avec une attention toute particulière. Elle n’avait pas douté un instant qu’il serait un père exemplaire pour leur fille, même si la perfection ne pouvait pas exister. Il ferait toujours mille fois mieux que son ex-mari, ça, c’était une certitude. Elle se releva et prit par conséquent de quoi écrire sur le bureau du professeur, sans vouloir fouiner ou même intervenir dans une existence ne la regardant pas. Vraiment, si elle était venue aujourd’hui, c’était avant tout pour le bien de leur fille et non le sien… Livia n’avait jamais été égoïste dans sa vie et ce n’était pas aujourd’hui que cela allait commencer. « Tu n’as absolument aucune crainte à avoir. Je ne peux pas prédire exactement quelle sera sa réaction mais comme je te l’ai dis, il me semble bien avoir cru comprendre qu’elle s’en doute. Difficile de la déchiffrer véritablement mais elle n’agit pas comme le commun des mortels… elle n’a jamais été capable de mentir à quelqu’un, par exemple. Au pire des cas, tu peux peut-être tenter ta chance ? Je ne voudrais pas que tu rebrousses chemin si près du but surtout si tu veux la connaître. Crois-moi, Maïa en a besoin et quelque chose me dit que toi aussi. Vous avez plus à y gagner tous les deux qu’à y perdre. Je vais te donner l’adresse du cabinet vétérinaire où elle travaille, ainsi que son adresse. Elle vit sur un grand terrain naturel à l’extérieur de la ville, dans une caravane. Ne me demande pas pourquoi, elle préfère toujours la compagnie de la nature que celle des êtres humains. Mais tu es son père… ce sera forcément différent. »

Livia espérait qu’il ne ferait pas la bêtise d’être rebuté par le tempérament spécial de Maïa. Elle espérait plutôt de tout cœur qu’il allait l’aimer telle qu’elle l’était, l’accepter et l’épauler dans toutes les étapes de sa vie, comme n’importe quel père digne de ce nom. « A cette heure-ci, elle doit être seule à la clinique vétérinaire. Peut-être est-ce ton occasion ? Je dois aller donner un cours de danse, j’y ai ajouté mes coordonnées afin que tu puisses me joindre si tu as besoin ou juste l’envie. » Livia s’approcha suffisamment pour glisser la feuille de papier pliée en quatre entre les mains d’Abraham mais également pour embrasser sa joue. Il était trop tard pour eux, mais ça ne l’était pas du tout pour lui et leur fille… « Choisis de la rencontrer, Abraham. Je sais que cela te rendra plus heureux et complet que tu ne l’es déjà. » Puis, avec un dernier sourire, elle quitta la pièce telle qu’elle était venue : telle une ombre.

Le fait que Maïa est eu une enfance difficile faisait du mal au jeune homme. Il aurait aimé pouvoir l’aider et être présent pour elle. Malheureusement ça n’avait pas été le cas. Voyant Livia se lever pour prendre de quoi écrire, il fronça les sourcils. Il se demandait ce qu’elle était en train de noter et il écouta donc ce qu’elle disait. Il ne pû s’empêcher de sourire. Visiblement, elle aimait la nature. Il devait y être pour quelque chose. Après sa période militaire, il avait fait des études pour devenir professeur et il avait toujours aimé pouvoir réviser dehors. C’était quelque chose qu’il faisait encore, en corrigeant des copies ou simplement pour lire, ou encore profiter de la nature qui l’entoure. Elle indiqua donc ce qu’elle avait écrit sur le papier et il hocha la tête. Aller voir Maïa maintenant ? Il eut peur d’un seul coup. Allait-elle accepter le fait qu’il débarque comme ça, de nulle part ? Il n’en savait rien, mais il ne comptait pas baisser les bras, pas maintenant qu’il savait qu’il était père. Il fut content qu’elle ait indiqué ses coordonnés également. Regardant la jeune femme se rapprocher de lui, il sentit le bout de papier entre ses mains, mais il ne lâcha pas Livia des yeux. Il ferma les yeux quand elle l’embrassa sur la joue, mais il ne pû s’empêcher de soupirer quand elle partit. Lui laisserait-elle une chance ? Il n’en savait rien, mais pour le moment, il fallait qu’il se reprenne. Pouvait-il aller voir sa fille sans animal ? Devait l’attaquer de front ? Il n’en était pas certain. Du coup, il chercha qui aurait besoin de ses services avec un animal. Il se souvenait de sa voisine. Rangeant ses affaires, il mit les copies dans son sac et sortit de son bureau, filant vers sa voiture. Une fois à l’intérieur, il prit la direction de chez lui. Sur place, il laissa son sac et alla dans sa bibliothèque. Il avait un tas de livres là-dedans et il chercha un en particulier. Mettant la main dessus, il sourit et le prit avec lui. Puis, il alla frapper chez sa voisine. Une femme âgée, qui une semaine plus tôt lui avait dit que son chat devait aller chez le vétérinaire pour ses vaccins. Il avait dit qu’il essaierait de venir vite pour cela. Mais avec le travail, il n’en avait pas encore eut le temps. Du coup, il le lui expliqua et elle lui indiqua où se trouvait la cage de transport pour le chat. Il dû s’y prendre à trois fois avant de pouvoir le faire rentrer là-dedans.

Quand ce fut fait, il salua sa voisine et partit dans sa voiture. Mettant le chat sur le siège passager, il mit le livre en dessous, pour que la caisse soit un peu relevée et que le chat puisse voir par la fenêtre. Ce dernier était tapit au fond et il regardait un peu partout. Démarrant la voiture, il regarda l’adresse que Livia avait écrite sur le papier. Seulement, une fois devant la clinique vétérinaire, il soupira. Il ne savait pas comment il devait commencer la conversation, mais il devait y aller. Sortant de la voiture, il alla prendre le chat, puis le livre. Entrant dans la clinique, il vit une secrétaire qui lui demanda pourquoi il était là. Il expliqua donc la situation avec le chat et elle lui demanda de patienté dans la salle d’attente. Apparemment, il était le seul client pour le moment. Installé sur une chaise, il tapota le livre du bout des doigts. Quand il entendit une porte s’ouvrir, il ouvrit précipitamment le livre, faisant celui qui lisait. « Le jardin pour les nuls », voilà le titre du livre. Il l’avait acheté pour lui, ça faisait un moment déjà. A vrai dire, le jour où il avait voulu planter lui-même des plantes dans son petit jardin de New-York. Il ne savait pas si Maïa verrait le titre, mais il fit celui qui lisait, très concentré, avant de voir la jeune femme venir vers lui. Il leva les yeux et sourit.

C’est mon tour ?

Abraham & Maïa ❝ bella notte ❞

Journée étrange pour la jolie vétérinaire. Sans doute le manque cruel de clients l’avait-il plongé dans un ennui auquel elle n’était guère habituée. Maïa savait gérer le stress, l’action extrême mais ne supportait pas de rester des heures sans rien faire. Elle pensait en toute sincérité que cette journée ne finirait jamais lorsqu’une foule inattendue se pointa dans la salle d’attente du cabinet… juste au moment où son boss fut appelé par un zoo pour une urgence. La jeune brune prit donc son courage à deux mains, releva ses manches et traita chaque personne dans l’ordre sans l’ombre d’une suée plaquée sur son front. Elle n’imaginait pas une seconde de la rencontre qu’elle s’apprêtait à faire. Lorsque le tour d’Abraham vint et qu’elle lui fit un simple signe de tête pour qu’il ne la suive, c’est à peine si elle avait relevé la tête pour l’observer de façon nette et précise. D’ordinaire, il ne fallait pas plus de quelques secondes à la jolie scientifique pour qu’elle ne parvienne à s’imprégner de détails extrêmement précis, mais elle fut tout d’abord concentrée sur le chat qu’on lui apportait. « Quels sont les symptômes ? » demanda-t-elle sans l’ombre d’un sentiment, après une salutation simple mais efficace. Elle prit une feuille de papier afin de noter tout ce qui pourrait être utile pour constituer le dossier de l’animal, et ce fut après cela qu’elle leva effectivement les yeux vers cet homme. Impossible de ne pas raccrocher les wagons ensemble puisque Maïa elle-même avait fait quelques recherches rapides sur son véritable père. Il ne fallait pas prendre le génie qu’elle était pour un sombre idiot…

« Je vous pensais moins blond » trancha-t-elle sans même demander la véritable identité d’Abraham puisque dans le fond, elle la connaissait déjà. Pire, elle connaissait l’intégralité de son pédigrée et devait admettre que leur ressemblance physique était plus que frappante. « Vous n’avez pas de chat, vos costumes ne comportent aucun défaut ni griffure des habitués des canidés » continua-t-elle sans le quitter des yeux une seconde. « Et j’irais même jusqu’à imaginer que vous n’êtes pas novice en jardinage. » Esprit logique qui balaye le superflu, bonjour ! Pour sûr, elle avait un tempérament différent de celui de Livia… mais sa bonté d’âme, bien que cachée, n’en n’était pas moins existante.

Avoir le tract, c’était le moins que l’on puisse dire. Abraham ne savait pas comment aborder sa fille. Il aurait dû y aller franchement, mais vu tout ce que Livia lui avait dit, il ne savait pas comment Maïa allait réagir. Donc, il préférait amener un animal et comme celui qu’il avait, avait besoin de ses vaccins autant y aller. Quand ce fut son tour, il vit qu’elle ne le regardait pas. Ca commençait bien. Fermant son livre, il prit la casse du chat et l’amena avec lui jusque dans la pièce où Maïa était entré. Déposant la caisse sur la table qui était là, il regarda la jeune femme.

Oh euh, il n’est pas malade. Enfin, pas que je sache.

Fronçant les sourcils, il est vrai que sa voisine n’avait pas parlé du fait que le chat était malade. Regardant la jeune femme, il croisa le regard de cette dernière. Restant impassible, il fut plus que surprit par ses paroles. Elle le connaissait déjà ? Livia n’avait pourtant rien dit sur le fait qu’elle avait fait une description de lui. Fronçant les sourcils, il l’écouta avec attention et il ne pû s’empêcher de sourire.

Je vous donne un A+ et encore, ça n’est pas assez.

Amusé, il garda son sourire et il posa son livre près de la cage du chat.

C’est le chat de ma voisine. Elle est âgée et du coup, elle m’a demandé d’amener son chat chez le vétérinaire pour ses vaccins. Apparemment, elle aurait un certain …

Sortant de sa poche, les papiers du chat, il lu le nom du vétérinaire.

Un certain Monsieur Wheeler, qui serait le vétérinaire de ce chat.

Tendant les papiers à la jeune femme, il l’a regarda.

Votre mère est venue me voir, pour me parler de vous. Elle m’a dit que je suis votre père et je voulais voir par moi-même, cette fille exceptionnelle dont elle parle avec plaisir.

Il était sincère dans ses paroles. Livia semblait vraiment fière de sa fille et il voulait la voir de ses propres yeux.

Comment savez-vous qui je suis ? Ais-je un dossier spécial caché chez vous ?

Il eu un sourire amusé, mais si c’était vrai, il devrait avouer que ça serait étrange.

Votre mère ne m’a pas dit qu’elle vous avez donné de description de moi, alors vous devez avoir fait vos propres recherches je suppose. Pourquoi ? Vous voulez me connaître ?

Autant être direct. Si elle avait fait des recherches sur lui, il voulait savoir pourquoi. Juste par curiosité, ou parce qu’elle voulait entrer en contact avec lui.

Abraham & Maïa ❝ bella notte ❞

« Dossier spécial indique les autorités ; vous êtes dans un cabinet vétérinaire… » Certes, Maïa ne savait pas mentir, mais elle n’avait aucune connaissance en matière de sarcasme ou d’humour. Pour beaucoup, elle passait souvent pour une extraterrestre n’ayant pas été élevée parmi le commun des mortels. Elle se racla néanmoins la gorge histoire de prendre le carnet de santé de l’animal pour voir quels vaccins au juste il fallait qu’elle lui fasse. Certes, il semblait être venu pour la voir mais cela ne voulait pas dire qu’elle devait renier pour autant son métier d’un claquement de doigts. « Facile de savoir qui vous êtes ; vous avez les yeux non pas ronds mais en amande, et d’une couleur qui s’apparente davantage à un vert piqueté de brun, la même couleur que les miens. Vous avez deux fossettes qui constituent une marque d’expression au niveau de vos joues et vous avez une légère fossette au menton. Notre ressemblance physique et scientifiquement frappante. » Maïa avait eu l’air de réciter une leçon à un professeur mais son manque d’humanité était aussi dû au stress curieux qu’elle ressentait en cette seconde précise. Elle avait été tellement curieuse de le rencontrer et pourtant, maintenant qu’il se tenait devant elle, elle se trouvait dans l’incapacité totale de prononcer des mots qui ne relève pas de la logique ou de la science. Pathétique. « Ma mère ne sait pas que j’ai entamé des recherches sur vous, tout comme je ne savais pas une seconde plus tôt qu’elle était venue vous voir. »

La jeune femme reposa le carnet de santé du chat avant de le libérer de sa cage pour le rassurer à l’aide de caresses on ne peut plus douces et assurées. Maïa mettait toujours de côté ses problèmes personnels dès qu’il s’agissait de s’occuper d’un animal… c’était plutôt incroyable à vrai dire. « Puisque je n’ai strictement rien en commun avec Silvio Denali je voulais savoir avec qui je pouvais bien en avoir. Je voulais connaître mon père. » La voix de la jeune femme avait été légèrement teintée d’émotion pendant quelques instants avant qu’elle ne se reprenne, plus machinalement qu’autre chose. « Réaction logique pour n’importe quel être vivant je suppose. »

Non, ce que je voulais dire, c’est …

Il valait mieux qu’il laisse tomber. Livia l’avait pourtant prévenue que leur fille n’était pas comme les autres. Alors, il ne préféra pas reparler de cela. C’était de l’humour, mais visiblement, ça n’avait pas été comprit ainsi. Alors, il passa au chat. Ce dernier venait pour ses vaccins et il donna les papiers que sa voisine lui avait donnés, à la jeune femme. La laissant les regarder, il lui demanda comment elle le connaissait. Comment pouvait-elle savoir qu’il était son père. En écoutant sa réponse, il hocha la tête. D’accord, alors là, il était plus qu’épaté. Restant silencieux, Abraham comprenait mieux toutes les paroles de Livia avaient prononcés. Maïa était donc vraiment dans son monde. Elle disait les choses comme elles lui venaient et faisait en sorte de prouver ses propos par A + B. La regardant commencer son travail, il ne dit rien et se recula, la laissant faire. A l’écoute de ses paroles, il haussa les épaules.

Pas forcément. De mon côté, je n’ai jamais eu de problème avec mes parents. Mais parmi mes amis, je sais qu’il y en a un qui aurait préféré ne jamais connaître son père, vu tout ce qu’il lui a fait subir. Une jeune femme qui elle n’a jamais connu ses parents et quand elle a découvert toute la vérité aurait préféré que ça ne soit pas le cas. Ca sera peut-être votre cas également.

Croisant les bras, il fixa la jeune femme. Il n’avait pas peur de son jugement, au contraire, il préférait qu’elle soit claire et précise, le concernant.

Avoir revu votre mère m’a fait très plaisir. C’est une femme formidable.

Il ne cacha pas le fait qu’en effet Livia lui inspirait de telles émotions.

Quand elle m’a parlé de vous, j’ai été également enchanté. C’est pour cela que je suis venu vous voir. D’accord, sous un faux prétexte, mais j’aimerai pouvoir vous connaître.

Il aurait aimé la tutoyer, mais il se disait que ça serait peut-être trop rapide.

Accepteriez-vous qu’on puisse faire connaissance ?

Abraham & Maïa ❝ bella notte ❞

Toute cette histoire était extrêmement troublante pour Maïa. Bien sûr, la curiosité était présente, sans quoi jamais elle ne se serait permis de faire tant de recherches au sujet de son père biologique, mais le voir débarquer sans crier gare était une source de stress à laquelle la jeune brune n’était guère habituée. En bonne maniaque se respectant, elle planifiait souvent les choses des jours à l’avance, fuyait l’imprévu comme la peste et n’avait de cesse de pester contre tous ceux ne respectant pas ses plans à la lettre… cela dit, il s’agissait d’une opportunité unique de comprendre d’où elle venait, pourquoi elle était comme ça et s’ils avaient des points communs. Maïa s’était demandé chaque jour un peu plus fort si Abraham avait voulu avoir des enfants ou s’il fuyait cette idée soigneusement comme s’il s’agissait d’un membre gangréné. La jolie scientifique ne voulait pas être un membre gangréné. Elle souhaitait être voulue, aimée, acceptée. Sa mère lui offrait plus d’affection que n’importe qui, sentiment qu’elle n’était souvent pas forcément en mesure de rendre, mais qu’en serait-il de ce fringant blond venant juste de passer la porte du cabinet vétérinaire où elle travaillait d’arrachepied chaque jour ? « Je vais essayer de dire ça aussi humainement que possible » commença-t-elle alors que cela n’annonçait rien de bon au départ. Pourtant, Maïa se sentait prête à tous les efforts du monde pour avoir la chance d’obtenir ne serait-ce qu’un ami… ou un allié face à ce monde de brutes qu’elle ne comprenait guère la plupart du temps. « Ma mère m’a beaucoup parlé de vous. Je sais fondamentalement qui vous êtes et ce que je devrais savoir, je le sais déjà. Donc… si je n’avais pas voulu de vous, vous ne seriez déjà plus dans cette pièce. On a inventé la torture et la cruauté il y a des millions d’années, vous savez. »

La jeune brune se racla légèrement la gorge puis, tandis qu’elle administrait les deux vaccins manquant à l’animal particulièrement docile sous ses caresses, elle reprit son discours de façon aussi chaleureuse et humaine qu’elle le pouvait… en espérant que son « père » noterait l’extraordinaire effort. « Je suis curieuse de vous connaître. Mais je voudrais que l’on se tutoie, déjà. Cela vous gênerait ? »

Ne pas être à l’aise était peu dire, seulement le jeune homme ne comptait pas prendre les jambes à son cou. Il avait eut la chance de savoir qu’il avait une fille, intelligente et belle, alors il voulait en profiter. Le temps était passé et il était là aujourd’hui. Il ne pourrait jamais rattraper le temps passer, mais il pouvait désormais faire en sorte de faire partie de la vie de la jeune femme. Alors, il le lui demanda et à sa première phrase, il sentait le non venir. Il prit sur lui, ne voulant pas la couper avant qu’elle n’ait parlé plus. Il ne s’était pas attendu à de telles paroles, mais il les accepta. De toute façon, il n’avait pas d’autres choix. Il ne dit rien, ne faisant que hocher la tête. Restant dans le silence, il la regarda faire les vaccins au chat et il fut agréablement surprit par ses aroles.

Non, pas du tout.

Esquissant un sourire, il fut déjà plus content de la tournure des choses.

Votre … pardon, ta curiosité peut être assouvit.

Gardant son sourire, il tapota les doigts sur la table d’examen, avant de soupirer doucement.

Ta mère m’a dit beaucoup de choses, mais j’aimerai savoir, avec tes propres mots, tout ce que tu as vécu. Enfin en tout cas, ta vie actuelle.

Maïa savait parler et manier les mots, lui aussi, seulement en cet instant, il se demandait ce qu’elle pourrait lui dire et ce qu’elle pourrait lui apprendre.

Même si Livia t’as dit beaucoup de choses à mon sujet, je ne suis pas sûr qu’elle ait pû tout te dire. Il est vrai qu’on ne s’est connus que peu de temps, mais nous avons beaucoup partagés en trois jours et trois nuits.

Hochant la tête, il ne voulait pas parler de choses trop intimes, mais juste faire comprendre à la jeune femme qu’elle pouvait poser toutes les questions qu’elle voudrait à son sujet et il y répondrait.

Abraham & Maïa ❝ bella notte ❞

Parler de sa vie actuelle… Maïa sentit un frisson désagréable lui parcourir l’échine à cette pensée. Elle qui détestait par-dessus tout s’épancher sur sa personne, devoir le faire face à un presque inconnu ne risquait pas d’être une chose aisée. Sans compter qu’elle n’avait aucun intérêt à parler Sciences avec un Littéraire, tout comme l’inverse s’avérait vrai. Elle se racla donc la gorge, sentant ses mains se mettre à trembler doucement. Ce tremblement subit une accalmie face à une petite léchouille adorable de l’animal qu’elle tenait toujours entre ses mains, réflexe qui lui arracha un sourire. Mais cela ne calmait pas les battements insupportables de son palpitant, loin s’en faut. La jeune brune émit une légère moue avant de se lancer, comme si elle n’était rien de plus qu’une condamnée se rendant sur la place publique pour être pendue… « Tout dépend du temps que tu as » trancha-t-elle sans l’ombre d’une émotion dans le regard ou dans la voix, comme à son habitude. Maïa n’était pas réputée pour être douce, ou avenante, du moins jamais de façon directe. Pour beaucoup, elle n’était rien d’autre qu’un extraterrestre venu d’une autre planète et dont l’intelligence était particulièrement effrayante. « Il est facile de le constater je suis vétérinaire dans ce cabinet… j’ai également un poste en tant que dresseur dans le zoo le plus important de New York, avec pour spécialisation les animaux dangereux. Il m’arrive de donner un coup de main à certains cirques en tant que vétérinaire. J’ai deux doctorats, sinon… un en Physique Quantique, l’autre en Astrophysique. J’ai également un master en médecine animale. Ainsi qu’un peu d’expérience sur le terrain, en Afrique du sud. »

Maïa soupira, parfaitement consciente qu’il lui fallait aller au-delà de ce qui consistait sa vie professionnelle. Ce fut sans doute la raison pour laquelle elle reprit rapidement la parole, afin qu’il n’ait pas à lui poser cette gênante question : « J’éprouve des frémissements pour un homme et je suis malade, sinon, pour le côté personnel de la chose. » Sa mère n’était pas encore au courant. Maïa n’avait pas eu le cœur de l’inquiéter, il était donc impossible que sa visite à Abraham coïncide avec la maladie de la jeune brune… « A ton tour » lança-t-elle avec un regard se voulant encourageant, tout en l’étant extrêmement maladroitement.

La conversation ne semblait pas simple du tout. Il voyait que la jeune femme était très sérieuse et professionnelle. Il se demanda alors si elle ne voulait pas mélanger son travail avec ce qu’ils pourraient se dire. Seulement, elle reprit la parole et haussa les épaules.

J’ai tout mon temps.

Un petit mensonge. Il avait cours plus tard, mais ça pouvait attendre. Il n’avait qu’un appel à passer pour dire qu’il ne pourrait pas assurer ses cours. Il savait qu’il devrait fournir une raison valable, mais il l’a trouverait bien assez tôt. Du coup, il fut attentif à ce que lui disait la jeune femme. Elle parla uniquement de son parcours professionnel, mais il n’en dit rien. Livia lui avait donné des informations à ce sujet, mais il ne coupa pas leur fille. Si elle préférait commencer par cela, il écouterait. C’était ce qu’il faisait, seulement quand elle reprit la parole, il resta là, bêtement. Voilà deux informations qu’il n’avait pas pensé entendre. Enfin le premier sur ce garçon, il le savait, Livia lui avait dit. Mais sur le fait qu’elle soit malade, ça il n’en savait rien. Il n’eut pas le temps de poser de questions, qu’elle lui expliquait que c’était à son tour de parler.

Professionnellement j’ai été militaire jeune. Je m’occupais de lire les renseignements émit par les sonars dans les sous-marin. J’ai rencontré ta mère lors d’une permission.

Il eut un sourire. Il avait aimé Livia et il l’aimait encore, mais il avait bien vu qu’il n’avait plus aucune chance. Ca lui faisait mal, mais apparemment, il n’avait pas le choix.

Après un accident en sous-marins, j’ai décidé de revenir à la vie civile. J’ai fais des études pour devenir enseignant. J’ai toujours aimé les matières littéraires, donc j’ai pris cette voie là. J’ai fais mes études aux Philippines, là où je suis né. Je suis arrivé à New-York il y a quelques années où j’enseigne depuis. Côté personnel, rien de passionnant. Je suis célibataire.

Haussant les épaules, voilà ce qu’il y avait à savoir.

Cet homme dont tu as parlé, c’est quelqu’un de bien.

Croisant les bras sur son torse, il ne voulait pas que ce type fasse du mal à Maïa.

Pour ta maladie, c’est grave ? Ta mère ne m’en a pas parlé.

Une pointe d’inquiétude ? A l’écoute oui, mais à l’intérieur, il se posait un tas de question, espérant que ça ne serait pas trop grave.

Abraham & Maïa ❝ bella notte ❞

« La théorie des cordes est excessivement simple par rapport aux rapports humains » énonça-t-elle simplement, avec un sérieux à couper le souffle. Sa relation avec JD avait ses hauts et ses bas, bien que pour l’instant, elle doive admettre s’être bien plus investie qu’il ne l’avait fait. La patience n’était hélas pas forcément son fort dès que cela ne touchait pas à la Physique ou aux grandes équations ultra complexes… les réactions humaines l’ennuyaient prodigieusement les trois quart du temps et elle peinait généralement à maintenir son attention plus de cinq minutes d’à filée, Olive en ayant déjà fait les frais. Mais d’un autre côté… ses sentiments pour son beau danseur cubain étaient véridiques, elle en était aussi certaine que le soleil se lève le matin et ne pouvait décemment nier que parfois, son désintérêt ou son goût plus prononcé pour la danse la blessait. Mais elle prenait sur elle, voilà tout… « C’est quelqu’un de bien si tu entends par là qu’il est indépendant. Peut-être trop sans doute… » Maïa poussa un léger soupir tandis que désormais, elle caressait le chat entre ses mains. Celui-ci n’avait pas esquissé le moindre miaulement, même lorsqu’elle lui avait fait ses vaccins… comme quoi, elle était diablement habituée en la matière.

« Je suis atteinte d’une leucémie aiguë lymphoblastique pour faire simple. J’ai besoin d’une greffe et en théorie je devrais rester chez moi à me reposer mais je sais très bien que mon cerveau va vouloir sa part d’énigmes à résoudre et que je suis incapable de rester inactive plus d’une heure d’à filée. » Maïa émit une légère grimace face à cet état de fait tout en cherchant à ôter de ce pas l’attention qui se jouait sur elle. Sûrement Abraham avait-il des anecdotes plus passionnantes à lui raconter, du moins l’espérait-elle car aussi vrai qu’elle était particulièrement calée en matière de Physique, elle détestait par-dessus tout parler de sa personne… « Célibataire par choix ou par la force des choses ? Ma mère l’a choisi, je crois. »

La théorie des cordes ? Ca n’était pas du tout le domaine d’Abraham. Lui était plus littéraire, donc il ne pouvait qu’acquiescer de la tête. Il n’y connaissait rien, mais au vu de tout ce que Livia lui avait dit, Maïa était clairement sûre d’elle sur ce genre de sujet. Il n’irait pas la contredire, vu qu’il n’y connaissait absolument rien. Cependant, il croisa les bras à ce qu’elle ajouta.

Etrangement les hommes ont plus besoin de dépendance que les femmes. Les hommes ont plus de mal à s’engager. Crois-moi, je sais de quoi je parle. Il suffit juste de le rassurer, prendre le temps de discuter ensemble, de ce que vous ressentez et comment vous pouvez arranger ça.

En tout cas, lui l’avait fait parfois. Evidemment, ça n’était pas comme la jeune femme dans la situation actuelle, mais il pouvait comprendre ce jeune homme. Les hommes avaient beaucoup plus de mal à s’engager que les femmes et l’engagement faisait peur aux hommes. Que ça soit emménager ensemble, se marier ou même, tout simplement être en couple. Malgré tout, l’homme fut surprit par les paroles de la jeune femme. Elle était malade et il n’en avait rien sû. Livia ne lui avait rien dit sur le sujet. Du coup, il voulu en savoir plus, espérant qu’elle ne le tiendrait pas éloigné de la vérité. Il fut donc très attentif à ses paroles. Elle semblait déjà avoir réfléchit à la question. Elle avait besoin d’une greffe et il fronça les sourcils. Ca n’était pas simple comme procédure. Enfin, pour les médecins si, mais pour les proches du patient, ça ne l’était jamais. Alors qu’il y pensait, la jeune femme reprit la parole et il haussa les épaules.

Au début par choix. J’ai toujours eu des sentiments pour ta mère et je voulais l’a revoir. Malheureusement, je n’avais aucun moyen de la contacter. Alors, je me suis concentré sur mon travail, dans l’armée, puis comme étudiant, pour devenir enseignant. J’ai eu quelques petites amies, mais jamais rien de sérieux. Aujourd’hui, c'est par la force des choses. Disons que j’ai une vie qui fait qu’avoir une petite amie rendrait les choses difficiles.

Son métier d’escort-boy n’aidait pas du tout. Il savait parfaitement que si un jour il devait être en couple, ce métier là poserait problème, seulement ça lui rapportait l’argent dont il avait besoin. Ca faisait déjà plusieurs années qu’il faisait cela. Il avait de l’argent de côté. Mais, il n’avait pas à se poser la question pour le moment, donc il ne valait mieux pas en parler. Du coup, il préféra revenir sur la santé de sa fille.

Tous les gens autour de toi on été testés ?

Il était particulièrement sérieux sur le sujet. Il n’y connaissait rien en médecine, mais il avait des notions, donc il pouvait parler de ce qu’il savait.

Qui est ton médecin ? J’irai me faire tester et si nous sommes compatibles, je signerai tous les papiers pour l’opération.

Son ton était catégorique. S’il pouvait l’aider pour cette intervention, il le ferait.

Abraham & Maïa ❝ bella notte ❞

Ah, parler de ce qu’elle ressent ! Maïa avait toujours eu un mal fou à s’exprimer sur ses sentiments et à plus forte raison lorsqu’il s’agissait d’amour… c’était un peu trop lui demander que de vouloir qu’elle s’ouvre comme une chenille ouvrirait son cocon, et ce au premier venu. Pourtant, JD avait toujours été à part. Non seulement il ne l’avait guère remarquée avant qu’elle ne se déclare maladroitement à lui, mais elle sentait chez lui un besoin de régenter sa vie comme il l’entendait, loin de toute responsabilité et de l’éventuelle dépendance que quelqu’un pourrait ressentir à son égard. Pourtant, Maïa n’était pas en soi dépendante de lui. Elle avait simplement besoin de croiser son regard, de lui parler. Elle ne demandait rien d’autre et ne souhaitait aucunement s’imposer dans sa vie en devenant un boulet à la cheville d’un condamné… « Voilà bien le problème : je crois qu’il ne souhaite simplement pas être attaché à quelqu’un. Cela fait un moment que ma mère m’en parle et que je me sens… pareille à ce qu’il est. La danse comme discipline, le caractère profond… nous nous ressemblons et nous opposés tout en même temps. Je crois que de tous les êtres humains sur cette planète je suis la moins qualifiée pour m’ouvrir à d’éventuels sentiments. » Sentiments pourtant réels et ressentis, hélas…

« Tous. Ma mère y compris et personne n’est suffisamment compatible pour que cela vaille la peine de procéder à une opération. Mais pourquoi vouloir m’aider ? » Ils étaient père et fille, certes. Maïa en avait pleinement conscience mais elle n’avait pas l’impression de poser une question idiote, bien au contraire. Après tout, il venait juste d’apprendre son existence et il restait encore beaucoup de questions en suspend… la jeune femme n’aurait pas imaginé une seconde qu’il prenne autant d’initiative à son égard aussi vite. « C’est… inhabituel pour moi. »

Les sentiments Abraham en avait, mais il n’en avait jamais vraiment parlé avec quelqu’un d’autre que sa famille. Ca n’était pas un sujet qu’il abordait rapidement dans une conversation. Mais, il pouvait dire qu’il avait aimé la mère de Maïa. Il pouvait dire qu’il comptait aider sa fille autant qu’il le pourrait. Il ferait tout son possible pour faire partie de sa vie si elle l’acceptait. Parlant du petit ami de cette dernière, il fut attentif à ses paroles. Apparemment, elle aimait ce jeune homme dont elle parlait, mais les choses étaient plus compliquées qu’elle ne l’avait imaginé.

Il sait qu’il n’a pas besoin d’être attaché à toi pour être en couple ?

Esquissant un sourire, il se demandait ce que JD pensait de tout ça. Abraham ne comptait pas aller lui parler, il devait avouer que pour l’instant, il connaissait à peine Maïa. Même si l’idée d’aller voir JD se faisait une place dans son esprit. Cependant, il ne voulait pas se mettre en travers du chemin du jeune couple. Ils avaient déjà des choses à régler par eux même. Seulement, voir les gens heureux était toujours quelque chose d’agréable aux yeux du philippin.

Pour toi, parler de sentiments n’est pas obligé d’être direct. On peut utiliser des comparaisons, des métaphores. On peut utiliser toute façon de faire pour s’exprimer.

Elle pouvait utiliser même la science si elle s’en sortait mieux avec. Il ne savait pas si ça pourrait l’aider, mais il espérait qu’elle ne s’empêcherait pas de tout dire sur ses sentiments à ce garçon. Cependant, la conversation partit vers un sujet plus dur. Le fait que Maïa soit malade. Ca n’était pas quelque chose de plaisant, mais il comptait aider s’il était compatible. A la question de la jeune femme, il ne pû s’empêcher de hausser les sourcils. Il ne s’était pas attendu à une telle question.

Tu es ma fille et si je peux t’aider dans n’importe quelle situation, je le ferai avec plaisir.

Il savait que l’opération ne serait peut-être pas simple, mais s’il était compatible, il ne voyait pas pourquoi il ne pourrait pas donner de lui pour elle.

Je ne suis pas du genre à laisser les gens dans leurs problèmes. Si je peux aider, pourquoi ne pas le faire après tout.

Haussant les épaules, il baissa les yeux sur le chat. Il était là aujourd’hui pour le chat de sa voisine d’ailleurs, une personne âgée qui avait parfois besoin d’aide.

Si tu acceptes que j’apprenne à te connaître, tu risques de souvent m’entendre te proposer de l’aide. Après, si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésites pas.

Abraham & Maïa ❝ bella notte ❞

Il était vraiment étrange pour Maïa que de s’imaginer avoir un père qui ne lèverait pas la main sur elle, ne la menacerait pas et se conduirait au contraire comme quelqu’un de protecteur, d’avenant. Certes, elle ne connaissait encore guère Abraham et ses barrières étaient encore extrêmement hautes mais sa confiance se tissait au fil des minutes et sa curiosité était pour ainsi dire piquée au vif. Il aurait été indigne de sa part que de dire qu’elle n’avait pas envie d’en savoir davantage sur lui, de même aller le voir donner un cours bien que les Lettres soient très loin d’être sa tasse de thé, et de le côtoyer… au jour le jour, en laissant le temps tisser entre eux un lien particulier. « Les métaphores ne sont pas mes outils favoris et je ne sais pas les utiliser » déclara-t-elle d’un ton presque cérémonial tant cette vérité la gênait. Pourtant, c’était la vérité. Maïa était pour ainsi dire un petit rat de laboratoire, adorable certes, mais incapable de ne pas dire les choses autrement que scientifiquement. « Tu aurais une façon particulière de faire comprendre à quelqu’un que tes phéromones s’activent en sa présence ? » Il y avait clairement un long et pénible travail à faire. Mais puisque son père lui proposait son aide… alors il pouvait peut-être lui apprendre à s’exprimer autrement, lui qui appréciait tant les Lettres !

« Je n’ai pas l’habitude. Mais je suis un être de Sciences… je veux apprendre. » Apprendre à quoi ? A le connaître, à lui donner une place privilégiée dans sa vie, à ne pas le laisser pour compte. Maïa n’était pas quelqu’un de cruel, bien au contraire. Et elle voulait tellement apprendre qu’elle finit par cesser de caresser l’animal pour s’approcher du professeur et chercher à l’enlacer. Certes, ce fut maladroit et particulièrement hésitant, mais elle finit par parvenir à ses fins en lui offrant par la même occasion une étreinte à laquelle il ne devait pas réellement s’attendre… ni même à laquelle il devait être habitué. « C’est pour… une expérience. »

A la réponse de la jeune femme sur les métaphores, il pouvait le comprendre. Après tout, ça n’était pas donné à tout le monde. Abraham parfois se perdait lui-même dans ses métaphores, mais bon, si la jeune femme ne savait pas le faire, il faudrait trouver un autre moyen pour parler avec l’homme qu’elle aime. Le philippin resta surprit par la question de la jeune femme, mais il se mit à sourire.

Tu peux être franche et lui dire directement que tu l’aimes. Sinon, tu peux faire remonter à la surface tous les bons moments passés ensemble. Ca serait lui prouver ainsi que vous vous entendez toujours bien et que vous avez une connexion spéciale. Il y a plein de façons de faire. Après, tu peux utiliser la science à ton avantage. Il faudrait voir comment ça serait possible, mais il doit bien y avoir un moyen scientifique de faire ça.

Il n’y connaissait rien, mais il ne doutait pas des capacités de sa fille pour parvenir à faire ce genre de choses. Peut-être utiliser le tableau périodique des éléments chimiques et à la place des lettres et des chiffres, mettre les bons moments passés ensemble. Quelque chose du genre. Cependant, les paroles qu’elle tint le rendirent perplexe. Elle voulait apprendre. Apprendre quoi exactement ? Il n’en avait pas la moindre idée. Alors, il la regarda arrêter de caresser le chat, pour s’approcher de lui. La laissant faire, il ne savait pas ce qu’elle comptait faire. Mais, elle lui fit un câlin. Il en resta vraiment surprit, ne sachant pas du tout comment réagir. A ses paroles, il hocha la tête.

D’accord.

Va pour une expérience. Il ne savait pas en quoi ça consistait exactement, mais pour lui un câlin était naturel. Du coup, il passa ses bras autour de la jeune femme, pour l’amener contre lui. Souriant, il devait avouer que si on les trouvait ainsi, ça risquait d’être très étrange, mais sur le moment, il s’en fichait. Gardant la jeune femme contre lui, il ne savait pas vraiment ce qu’il devait faire de plus.

L’expérience se passe bien ?

Abraham & Maïa ❝ bella notte ❞

Finalement, la métaphore ne fit aucunement partie du discours d’Abraham. Mais il lui donna un meilleur plan d’action, bien qu’un peu hasardeux : la franchise. Maïa en était doté, mais il fallait qu’elle se trouve capable d’être franche vis-à-vis de ses sentiments tout en utilisant sa chère Science. Composer avait toujours fait partie de son tempérament, sans quoi elle n’aurait jamais pu être capable une seconde d’empocher, très jeune, deux doctorats suivis de peu d’un master. Vraiment, la jeune brune avait une capacité plutôt exceptionnelle à fomenter des plans pour tout, mais dès qu’il s’agissait de sentiment, l’engagement personnel n’était pas du tout, du tout le même. La preuve, même en présence de l’homme se trouvant être son père, la demoiselle avait un mal fou à composer avec calme et discernement. Jamais avant elle ne se serait permise de faire un câlin à quelqu’un qui, jusqu’à une heure plus tôt, se trouvait être un parfait inconnu ! « C’est une expérience, certaines variables sont encore à reconsidérer » commença-t-elle sans pour autant défaire son étreinte ou même la réduire. En parlant de variable, d’ailleurs, Maïa eut l’audace de commencer à frotter son dos de sa main, avec douceur, pour poursuivre l’expérience en testant des choses qu’elle n’avait jamais faite avec un homme avant. « J’ai eu des expériences masculines avant mais… uniquement physiques. Pas d’émotions allant au-delà de l’orgasme et je ne pensais pas du coup en être capable. Mais je m’aperçois que l’acte sexuel est naturel, simple, alors que de s’ouvrir personnellement à un homme l’est nettement moins. S’il fallait que j’utilise la Science pure pour me déclarer, il faudrait que je cherche à obtenir de lui une nuit en sa compagnie. Si j’opte pour autre chose que de la métaphore, bien sûr… après tout, le langage du corps est un langage, non ? » Le discours de Maïa allait très probablement choquer Abraham, mais elle ne s’encombrait pas de la gêne ou de tout ce qui pouvait s’y rattacher. Elle n’était pas timide, ou gênée, elle ne savait pas quoi faire. Voilà bien le cœur de la variable de son équation…

Savoir qu’on est père d’une femme accomplie est une chose. Se retrouver dans les bras de cette femme accomplie, s’en est une autre. Cependant, il ne bougea pas. Elle disait que c’était une expérience, alors, il l’entoura de ses bras à son tour, lui demandant par la suite si l’expérience se passait bien ou pas. En écoutant sa réponse, il ne répondit pas. D’accord. Il attendit donc patiemment. Sentant la main de la jeune femme dans son dos, il fronça les sourcils. Il devait avouer qu’il était assez perdu. Quand elle parla orgasme, Abraham ouvrit de grands yeux. D’accord, voilà un détail qu’il n’avait pas envie d’entendre à nouveau. Fermant les yeux, quelques secondes, en écoutant ce que la jeune femme lui disait, il voyait un peu mieux ou elle voulait en venir.

Oui, s’en est un.

C’est vrai que le langage du corps était un langage. Tenant toujours la jeune femme dans ses bras, il ne savait pas vraiment comment s’y prendre.

Est-ce que ça veut dire que cette expérience amène des nouveautés dans tes rapports habituels avec les hommes ? Est-ce que ça amène quelque chose de positif ou négatif ?

Il espérait qu’elle opterait pour le positif évidemment. Mais, comme il ne comprenait pas encore bien comment la jeune femme voyait les choses, il y allait doucement.

Dois-je changer des variables pour que l’expérience soit mieux réussit ?

Il tenait d’employer les bons mots, en reprenant ceux de la jeune femme. Il espérait ne pas se tromper, mais il ne voyait pas vraiment ce qu’il pouvait faire de plus que ce câlin. Alors, finalement, il caressa doucement le dos de la jeune femme de sa main, comme elle le faisait avec lui. Peut-être que ça changerait quelque chose.

Abraham & Maïa ❝ bella notte ❞

La nouveauté. Pour ainsi dire, Maïa était en train d’expérimenter la chose au-delà des mots, accompagnant le geste à ses paroles comme si elle se découvrait une famille nouvelle dont elle n’aurait jamais suspecté l’existence. Ses rapports avec Abraham ne seraient sûrement pas évidents au début, mais la colombienne avait l’intention de tenter de s’ouvrir, de ne pas le laisser sur le bord de la route à se laisser heurter par ses réactions froides et scientifiques. Maïa était suffisamment intelligente pour apprendre une nouvelle façon de réagir : il suffisait simplement de lui montrer comment… Abraham serait son guide vers des émotions nouvelles, quant à la jolie vétérinaire, sûrement se montrerait-elle capable de le guider au sujet d’autre chose. Restait à savoir quoi, bien sûr, mais Maïa avait confiance… pour une fois ! « Difficile de répondre à cela… le positif ou le négatif potentiel de la chose dépend en vérité de ces fameuses variables » répondit-elle avec le plus grand des sérieux tandis qu’elle replaçait soigneusement le chat dans sa caisse, la refermant avec conscience et habileté avant de ne replacer à nouveau son regard sur son père… qu’il lui était étrange de penser de cette façon ! Ils avaient expérimenté un premier câlin, c’était en soi un immense pas en avant à vrai dire et Maïa n’en n’était pas mécontente. « Peut-être suis-je censée te proposer une variable, comme le fait de manger quelque chose ensemble… j’ai entendu dire qu’il y avait un Mcdonald’s tout près d’ici, très propre et accueillant. » Contrairement au tout début de leur rencontre, Maïa et Abraham furent capables de se rendre à leur tout premier repas partagé. Étrange, certes. Mais peut-être le premier d’une longue série ?