Snow avait toujours aimé passer dans le quartier des théâtres, observer tout ces bâtiments intimidants aux enseignes lumineuses, promettant un avenir glorieux à ceux qui réussissaient à s'y faire une place. La demoiselle aimait passer et rêver, c'était quasiment le premier quartier qu'elle avait visité en arrivant à New York, hormis celui dans lequel elle habitait en colocation avec Helen. Elle se souvenait parfaitement qu'après s'être correctement installée elle s'était armée de son guide touristique renfermant un plan détaillé de la ville car pour l'instant elle connaissait très peu les environs, l'Amérique était pour elle une terre nouvelle où elle se conduisait en étrangère, discrète, effacée, quelqu'un qu'on ne reconnaîtrait pas au milieu de la foule compacte et mouvante. Pourtant, elle goûtait avec délice l'inconnu et s'aventurait à travers les rues de Broadway, ne craignant plus de se perdre. Un jour, elle avait réussi à partir de Central Park et se retrouver à Midwood plutôt que de rentrer chez elle. La rouquine avait toujours été une personne débrouillarde et ces situations quelques peu difficiles avaient été vite réglées grâce à la présence précieuse de son téléphone portable. Non pas parce qu'il avait une fonction GPS, non, d'ailleurs c'était un vieux téléphone sénégalais qu'elle avait eu pour son dix-huitième anniversaire. Elle avait un répertoire peu rempli pour l'instant mais les seuls contacts qu'elle avait lui était très utile, surtout sa colocataire qu'elle n'hésitait pas à appeler en cas de pépin. C'était une jeune femme très timide mais très sympathique et Snow et elle s'entendait très bien. Oui, la jolie rousse aimait sa vie actuelle, vivre au jour le jour, essayer de grimper les échelons péniblement, se perdre dans les rues bondées... C'était un quotidien imprévisible mais auquel elle s'était attaché.

Le vent soulevait sa chevelure de feu doucement, il ne pleuvait pas et la brise matinale était devenue habituelle. Le froid était sec mais pour l'instant la neige n'était pas tombée depuis quelques jours, d'après ce qu'elle avait entendu à la télévision le dernier mois avait été plutôt agité par une tempête de neige, elle en avait été témoin, d'ailleurs, son avion ayant été largement retardé à cause de ces perturbations météorologiques. Elle expira et une volute de fumée blanche s'échappa d'entre ses lèvres gercées et s'éleva au dessus de sa tête. Elle avançait tête baissée au milieu de cette foule incroyable, qui la changeait totalement de Thiès. Tout en veillant à ne pas écraser les pieds de quelqu'un elle songeait à tout ces théâtres. Y trouverait-elle un jour sa place aussi ? Un jour la reconnaîtrait-on dans la rue ? Pourrait-elle enfin vivre de sa passion ? Ces pensées nourrissaient son espoir grandissant, elle voulait y arriver et elle comptait tout faire pour cela. Elle releva la tête et continua d'admirer les grands bâtiments monumentaux qui l'entouraient, absorbée par cette contemplation elle s'arrêta un instant au milieu des gens qui la bousculèrent sans ménagements. Elle était jolie, les yeux rivés sur les salles de spectacles. Une dizaine de mètres plus loin elle reconnut soudainement un visage, une chevelure brune au milieu des autres. Snow observa plus intensément pour confirmer sa pensée : elle connaissait cette personne. Et elle s'avait d'où, pour une fois. « Inès ! » ce prénom lui avait échappé, elle s'était exclamé instinctivement.

Cette jolie brunette qui marchait non loin d'elle s'appelait Inès, elles s'étaient connues étant enfants, leurs parents étant tous médecins. Elles s'étaient souvent vu, deux ou trois fois par ans car elles n'habitaient pas dans le même coin de l'Afrique, mais leurs parents s'arrangeaient pour se voir. Alors non, elle n'avait pas l'intention de laisser la foule avaler cette petite bribe du passé qui marchait tranquillement, ignorant sa présence. « Inès ! » cria-t-elle plus fort en poussant durement les gens pour se rapprocher. Ils lui répondaient par des grognements agacés mais elle continuait à s'essouffler et à jouer des coudes pour rejoindre la demoiselle, répétant son prénom. Quand elle arriva à quelques pas d'elle, la jeune femme semblait avoir remarqué que quelqu'un l'appelait. Snow posa uen main sur l'épaule de son amie d'enfance pour la retenir « Inès, c'est moi ! » ce n'était sans doute pas très clair comme phrase, mais elle devait se souvenir de la demoiselle rousse, tout de même, des années ne s'oubliaient pas si facilement. Snow avait tellement de questions à lui poser, que faisait-elle là, qu'était-elle devenue depuis ces années où elles ne s'étaient plus vues. Pour s'assurer que la demoiselle allait la reconnaître, elle s'exclama. « C'est Snow, tu ne m'as pas oublié quand même ? » elle eut un léger rire avant de planter son regard dans celui d'Inès.

Alors qu’elle marchait en direction d’un petit restaurant sympathique qu’elle aimait fréquenter pendant sa pause de midi après avoir donné à manger à tous les animaux, c’est à dire que ce n’était jamais très proche de midi, la jeune femme repensait à l’Afrique. Elle aimait toujours autant son pays, et il lui manquait. Travailler au zoo la comblait. Elle adorait les animaux et ils ressemblaient beaucoup plus aux animaux africains que ceux qu’elle côtoyait auparavant lorsqu’elle travaillait à la clinique mais son pays, le continent, la culture et l’ambiance, enfin le tout, lui manquait. Certaines personnes de son passé qu’elle avait connu là-bas lui manquait aussi. En effet, ce n’était pas parce que la civilisation n’était pas au même stade qu’ici qu’elle ne s’était pas fait des amis. Elle en avait eu même et de très bon s’était notamment le cas d’une jeune femme qu’elle avait connu de par l’amitié qui liait leurs parents. Effectivement deux médecins et deux vétérinaires américains ne pouvaient que s’entendre puisqu’ils soignaient tous quelque chose, les humains et les animaux… Et surtout ils avaient eu le même projet que de s’exiler en Afrique. Après s’être liés d’amitié, et être partis en Afrique, les deux couples avaient gardé le contact, ils se voyaient même plusieurs fois par an alors que leur fille respective se liaient d’amitié à leur tour. Snow lui manquait. Oui sa copine d’Afrique qui était dans le même cas qu’elle, c’est-à-dire une blanche au milieu de toutes ses belles peaux noires, lui manquait. Mais elle n’avait plus du tout de nouvelles de la jeune femme et aucune chance de la retrouver par l’opération du saint esprit puisqu’elle ne savait même pas ce qu’elle était devenue ni où elle vivait. Bref, Inès n’avait aucune chance de la revoir et il ne lui restait plus qu’à effacer se souvenir de sa mémoire, ou de tenter d’en reparler à ses parents pour savoir s’ils pouvaient l’aider à la retrouver, et d’aller manger. Mais dans sa course à la faim, la jeune femme fut arrêtée. En effet, elle attendit qu’on l’appelle mais ne connaissant pas la voix elle ne se retourna pas pensant qu’il y avait une autre Inès dans la foule. Elle s’aperçut que c’était bien elle la cible de cet appel lorsqu’une main vint saisir son épaule et que Snow apparue. Un sourire se dessina sur le visage de la jolie brune alors qu’elle entendait son amie d’enfance lui demander si elle se souvenait d’elle. Comment pouvait elle l’avoir oublié ? Et puis la jolie rousse ne le savait pas mais elle était arrivée pile dans un moment de nostalgie où Inès pensait justement à elle alors elle ne pouvait que se souvenir. La jeune vétérinaire ne tarda pas à prendre la jeune femme dans ses bras pour lui montrer à quel point elle était contente de la revoir, sans même dire un seul mot. Lorsqu’elle desserra son étreinte, toujours le sourire aux lèvres, elle prononça enfin les premières paroles à l’égard de son amie. « hey ma Snow ! Comment aurais je pu t’oublier ? Je pensais justement à toi en plus, à tous ceux que j’ai connu en Afrique, un moment de nostalgie…Mais qu’est ce que tu fais là ma belle ? Je me demandais où est ce que tu pouvais te trouver mais je ne m’attendais pas à te trouver.»

Les coïncidences cela existait et Inès était heureuse de faire les frais de l’une d’entre elles tout simplement car elle ressentait depuis plusieurs mois le besoin de revoir l’Afrique, de ressentir les valeurs qu’elle avait pu côtoyer là-bas et de revoir du monde de son pays adoré. Snow s’était présentée à elle au milieu de toute cette foule qui était autant inconnu pour la jeune femme qui venait de l’abordée que pour elle et cela avait été comme une bouffée d’air. Sa petite Snow était devant elle et elle n’était pas prête à la laisser filer comme ça ! « Je suis totalement libre pour le déjeuner ! Enfin même si je ne l’étais pas je le serais alors allons-y ! » Inès avait un travail, des loisirs, des amis mais elle ne pouvait pas laisser partir Snow. Elle voulait la retrouver mais en plus de cela elle voulait tout savoir sur elle, tout savoir sur le pourquoi du comment elle pouvait se tenir en face d’elle maintenant. L’africaine ne comprenait pas du tout comment elle pouvait l’avoir en face à face mais elle s’en fichait, même si elle se croyait dans un rêve, elle prenait la direction d’un petit restaurant qu’elle appréciait qui se trouvait dans le quartier. Elle voulait se pincer mais non ce n’était pas la peine, elle le comprit lorsqu’elle put sentir les odeurs en entrant dans le restaurant. Elle s’installa face à son amie toujours très souriante et se fit impatiente… Inès n’avait jamais été patiente, ce n’était pas maintenant que cela allait changer. « Allez raconte-moi tout ma belle ! Je suis tellement heureuse de t’avoir en face de moi ! » La vétérinaire était heureuse de retrouver son amie mais elle n’était pas dupe non plus. Elle se souvenait à la perfection de son visage et même si elle avait grandi, vieilli, Inès sentait qu’il n’y avait pas que cela, que son visage était marqué par quelque chose. La jeune femme ne pouvait pas dire quoi mais elle voulait que son amie partage son expérience avec elle. « Et pourquoi une très longue histoire? Il s’est passé tant d’année que cela depuis nos derniers moments ensemble ? » En y réfléchissant bien oui. Oui leurs derniers moments ensemble commençaient à dater mais la brunette ne comprenait pas comment il avait pu se passer autant de choses dans sa vie pendant ce laps. D’autant plus que dans la sienne cela avait été un peu le calme plat à part pour son expulsion de la tribu mais même ça ce n’était pas quelque chose qui était vraiment important même si cela avait bouleversé sa vie de fond en comble et qu’elle avait du apprendre à vivre une nouvelle vie dans une grande ville qu’elle n’avait jamais fréquenté et qui était complètement à l’opposé de ce qu’elle avait connu jusqu’à maintenant ! Mais bon elle s’y était faite ! « J’aurais aussi quelques petites choses à te raconter mais c’est minime alors je préfère te laisser ouvrir le bal ! » Ce fut sur ses mots qu’une serveuse vint leur apporter la carte du restaurant leur demandant si elle pouvait leur servir à boire ce à quoi Inès répondit par la positive en commandant un jus d’abricot.