« Cloë, faut qu'on aille à l'hôpital le plus proche, il va perdre la vie ! » Accroupie sur le blessé, mains plaquées contre sa poitrine, je me faisais trimbaler sur les routes mouillées de New York. Le brancard glissait sur la route et si mes collègues ne se dépêchaient pas de me mettre au sec, loin des routes qui longeaient la forêt, c'était moi qui allait perdre la vie, glissant dans le faussée ou étant fauchée par une voiture. « Le plus rapide ? Manhattan Downtown ! » Rapidement, je réalisa que si nous allions dans cet hôpital, on allait croiser Hayden qui était le chef des urgences. Je pouvais me raviser, donner le nom d'un autre hôpital mais il y avait une chance sur deux que, par pure soucis personnel, le jeune homme qui s'était fait tirer dessus par un chasseur perde la vie. Je n'arriverais plus jamais à me regarder dans une glace si cela arrivait. J'avais dix minutes pour reprendre confiance en moi, prier qu'Hayden ne soit pas là mais aussi – voire surtout – que je ne me retrouve pas nez à nez avec lui. Alors que j'exerçais toujours une pression sur le torse du jeune homme, je me suréleva légèrement pour ne pas ressentir de secousse alors que les pieds de la civière se pliait pour faire glisser cette dernière dans l'ambulance. Changer de métier après la naissance de Mathys avait été la chose la plus intelligente à faire, à mes yeux du moins. En tant qu'ambulancière-urgentiste, j'avais la chance de voir des cas bien sanginolants comme j'aimais. J'avais d'abord été infirmière à l'hôpital puis ne bloc opératoire et, à chaque fois, une nouvelle passion pour ce métier et le côté urgent me subjuguée. La naissance de mon deuxième fils m'avait forcé à réduire mes heures de travail et j'avais donc décidé de changer de branche, m'éloignant un maximum du présumé père de l'enfant. Seulement, j'avais découvert que mon petit dernier n'était pas d'Hayden, de ce chirurgien avec qui j'avais passé beaucoup, beaucoup d'heures dans la salle de repos du deuxième étage. Il fallait que je me sorte ces images de la tête et plus vite que ça. Le temps avait passé et je n'avais donné aucune nouvelle à Hayden depuis mon accouchement. J'avais l'impression que cet événement avait failli détruire sa famille, sa très chère petite famille et je détestais cela. Je haïssais Rafaël pour avoir détruit ma vie et voilà que j'avais failli détruire celle d'un autre à n'écouter que ma petite personne. Sentant l'ambulance s'arrêter, je regarda mon amie et dis « Arrivé ? » La voyant acquiescer, je pris une grande bouffée d'air et me suréleva une nouvelle fois pour éviter que mes fesses tapent contre le corps du jeune homme qui perdait – peu à peu – conscience. Les portes s'ouvrirent et le bruit des urgences me réveilla rapidement de cet état de semi-somnolence. « Homme blessé par balle dans la forêt de Manhattan. La balle ne semble pas avoir touché le cœur ni aucun artère mais il saigne beaucoup » Instantanément, je fixais le jeune homme pour ne pas avoir envie de vomir alors que je sentais le brancard filer à travers la salle des urgences. Une fois dans l'ascenseur, je descendis de la civière, compressant toujours la poitrine de l'adolescent avant de laisser ma place à quelqu'un d'autre. Me regardant, je souffla légèrement. J'étais pleine de sang, ce n'était pas beau à voir. « Fais chier » lançais-je doucement. Les médecins et infirmiers sortirent de l'ascenseur. Tous sauf un. « Vous devriez y aller non ? » dis-je simplement. Tournant la tête, je reconnus Hayden. Un pas en arrière, j'étais contre la paroi de la cabine. Moi qui voulait l'éviter...