Depuis le retour de Loan d’Afghanistan, Caleb était totalement soulagé. Même s’il savait qu’elle avait vécu des choses horribles là-bas, elle était bel et bien à New-York, saine et sauve, et c’était le plus important. Certes, la première fois où ils s’étaient revus s’était plutôt mal terminée puisque la jeune femme lui avait annoncé sa grossesse comme ça, de but en blanc, après la soirée prometteuse qu’ils avaient passée ensemble. Et sans pouvoir s’en empêcher, Caleb s’était une fois de plus emporté, la poussant malgré lui à quitter son appartement sans plus de cérémonie. Mais depuis, le militaire avait décidé de reprendre les choses en main. Que ce soit pour lui ou pour son fils, il se devait de recoller les morceaux avec Loan. Pas forcément « amoureusement » parlant, mais ils devaient au moins cesser de se crier dessus à chaque fois qu’ils se croisaient. Alors, bien décidé à mettre sa rancœur au placard, le jeune homme se sentait prêt à passer à autre chose. Il voulait tirer un trait définitif sur tout le mal qu’ils avaient pu se faire l’un et l’autre. Seulement voilà, il avait beau être sincère et plein de bonnes intentions, il y avait un dérapage que Loan aurait certainement bien du mal à lui pardonner. Et ce dérapage avait un rapport étroit avec Tayla, c’était le cas de le dire ! Alors qu’il s’était rendu au Scorpio totalement paniqué pour y pêcher des informations concernant la mission de Loan, Caleb s’était laissé allé à quelques excès, goutant avec plaisir les shots de la propriétaire jusqu’à perdre le sens des réalités. La suite de la soirée avait été torride, et le simple fait d’y repenser lui donnait des frissons. Cette nuit avait de loin été la meilleure nuit qu’il avait passée depuis longtemps, et il se demandait bien s’il serait capable de retourner au Scorpio un jour, sans repenser à leurs ébats.

S’il voulait être tout à fait honnête avec Loan, il se devait donc de lui annoncer la nouvelle. Mais avant toute chose, Caleb avait besoin de revoir Tayla. Il ne voulait pas qu’elle vende la mèche avant lui, car il préférait s’en occuper lui-même, quitte à se mettre son ex-petite amie à dos. Et puis de toute manière, ce n’était pas encore le bon moment pour le lui dire. Caleb se présenta donc devant la porte d’entrée de l’appartement de Tayla, et sonna en ressentant une pointe d’appréhension. Après quelques minutes d’attente, la jeune femme vint lui ouvrir et à peine croisa-t-il son regard que déjà, une vague de frisson parcourut son échine. En la revoyant, une multitude d’images de leur soirée lui revenaient comme des flashes, et il dut faire preuve d’une extrême concentration pour chasser ces souvenirs de son esprit. « Hey ! » répondit-il lorsqu’elle le salua, tout en s’introduisant dans l’appartement comme elle le lui demandait. Il l’aurait bien prise dans ses bras, il lui aurait bien fait une bise sur la joue, mais ne sachant pas trop ce qu’elle pensait de tout ça, Caleb préféra se tenir un peu en retrait. « Tu vas bien ? » demanda-t-il sur le ton de la conversation, histoire de retarder un peu l’échéance et de garder une atmosphère détendue le plus longtemps possible. « Je… je venais un peu aux nouvelles et puis… j’aimerai te parler d’un truc, aussi. »

Caleb n’était pas spécialement à l’aise, et ce n’était pas seulement du au fait de revoir Tayla après la nuit torride qu’ils avaient vécu. L’élément qui le gênait le plus, c’était bel et bien de penser à Loan et à la réaction qu’elle aurait en apprenant tout ça. Elle allait être totalement hors d’elle et c’était d’ailleurs bien légitime ! Il fallait dire que le militaire n’avait eu la meilleure idée du siècle en couchant avec sa meilleure amie, et il allait devoir payer cette attitude, tôt ou tard. Rien ne servait de remettre la faute sur l’alcool qui avait coulé à flot cette nuit-là. Caleb se savait être le principal responsable dans cette histoire, même si Tayla avait elle aussi une bonne part de responsabilités. Pourtant, la jeune femme ne semblait pas perturbée outre mesure. Adoptant une attitude presque nonchalante, elle lui tourna le dos en replaçant quelque chose sur sa table basse, laissant ainsi tout le soin à Caleb de pouvoir profiter une fois de plus de ses courbes sans être vu. Le regard du militaire glissa sur elle pendant un long moment, mais il se reprit rapidement lorsqu’elle se retourna vers lui en murmurant : « Je crois savoir de quoi tu veux me parler... » Caleb ne savait pas s’il devait être soulagé ou au contraire craintif. Elle savait de quoi il était venu lui parler et pourtant, elle avait l’air tout à fait sereine et rien sur son visage ne laissait transparaitre la moindre contrariété. Le militaire avait beau planter son regard dans celui de la jeune femme pour tenter de sonder l’état d’esprit dans lequel elle se trouvait, rien n’y faisait. Elle était tout bonnement impassible, comme si rien ne pouvait l’atteindre.

« Tu dois te dire que tu as tapé gros, en couchant avec la meilleure amie de la mère de ton fils... Yep. Vrai. Qu'est-ce que tu veux faire ? » Caleb était littéralement soufflé par le calme et la déconctraction dont elle faisait preuve en parlant de ce qui avait tout l’air d’une terrible erreur de leur part. Le jeune homme déglutit sans la lâcher des yeux, puis lâcha un bref soupir avant de répondre. « Ecoute. Je veux juste le lui dire moi-même, d’accord ? Ne dis rien, c’est à moi de le faire… quand ça sera le bon moment. » En réalité, il savait bien que e bon moment n’arriverait jamais mais tôt ou tard, il devrait bien se jeter à l’eau et tout lui avouer. Quoi qu’il en soit, Caleb ne voulait en aucun cas que Loan l’apprenne de la bouche de quelqu’un d’autre, alors il prendrait son courage à deux mains et quitte à la blesser une fois de plus, il se confierait. Alors qu’il ne semblait plus pouvoir détacher son regard de celui de Tayla, une lumière vint détourner l’attention du militaire. Là, juste derrière eux, derrière ce qu’il croyait être une simple bibliothèque, une porte était entrouverte. Aussitôt, Caleb se décala en fronçant les sourcils d’un air légèrement amusé. « Hé… T’as une pièce secrète, genre comme dans les films ?! Qu’est-ce que tu caches là-dedans?” ajouta-t-il avec un regard faussement provocateur, alors que la curiosité qui venait de le piquer le poussa à s’approcher de cet endroit qui lui semblait tout droit sorti d’un roman de science-fiction.

Même si Tayla est Loan étaient des amies si proches que Caleb se doutaient qu’elles partageaient tous leurs moindres secrets, la jeune femme ne sembla pas spécialement perturbée. A l’annonce du militaire, elle se contenta d’accepter sans ciller, ajoutant même un trait d’ironie quant à la réaction de Loan. Un peu surpris par cet humour noir dont elle faisait soudain preuve, le jeune homme afficha un maigre sourire, sans savoir si elle était sincère ou juste dépitée. A vrai dire, cette réaction à laquelle il ne s’était pas attendu le mettait un peu mal à l’aise, et Caleb fut bien content de trouver un autre sujet de conversation.

Cette porte dérobée derrière la bibliothèque avait absolument tout pour éveiller sa curiosité, et le militaire ne s’en cacha pas. Un peu comme un gamin, il était à la fois excité et amusé mais bizarrement, le regard que lui décocha Tayla calma rapidement ses ardeurs. Même si elle souriait, Caleb sentit que quelque chose n’allait pas, que ce sourire n’était pas sincère et qu’elle était tout sauf sereine. Immédiatement, le jeune homme fronça les sourcils en sentant la main de Tayla se poser sur son torse pour l’empêcher d’avancer. « Quoi ? » articula-t-il en secouant la tête, pas certain de comprendre tout l’enjeu qui se cachait derrière cette « découverte ». Etait-elle sérieuse ? Etait-elle en train de le mener en bateau ? Tayla lui paraissait tellement imprévisible qu’il avait un peu de mal à se placer par rapport à ce qu’elle lui disait. Mais dans le doute, ce fut bel et bien son âme d’enfant qui prit le dessus et le poussa à éclater de rire. Aussitôt, il contourna la jeune femme et se précipita vers la pièce en question pour ne pas qu’elle ait le temps de la rattraper. Mais à peine fut-il arrivé dans l’encadrement de la porte que Caleb s’immobilisa. Stupéfait par ce qu’il voyait, il perdit peu à peu son sourire au profit d’une bouche entrouverte qui traduisait précisément l’état dans lequel il se trouvait. Le militaire s’était attendu à tout sauf à ça, et il comprenait désormais pourquoi Tayla avait été si méfiante. Ce qu’il avait prit pour un jeu ne l’était visiblement pas du tout, et partout où son regard se posait, Caleb tombait sur des éléments dignes des plis grandes séries d’espionnage. « Qu’est-ce que… » Il avait beau essayer d’articuler une phrase correcte, le jeune homme avait le souffle tellement coupé que cela s’avérait être une véritable épreuve. Alors, lentement, il se retourna vers son hôte avec un regard rempli de questions et d’incompréhension. Il resta ainsi quelques instants, en face de Tayla en prenant grand soin de la regarder dans les yeux, avant de se risquer à poser la question qui lui brûlait les lèvres. « C’est quoi… ça ?! »

Caleb ne pouvait tout simplement pas croire ce qu’il voyait. En premier lieu, il avait prit l’existence de cette pièce secrète comme une plaisanterie, et c’était d’ailleurs cela qui l’avait poussé à s’en approcher contre la volonté de Tayla. Mais à l’instant où ses yeux s’étaient posé sur l’intérieur de la pièce, le militaire avait comprit qu’il venait de découvrir quelque chose de dérangeant. Quelque chose que la jeune femme cherchait à cacher, et il ne fut que moyennement surpris en constatant qu’elle s’était empressée de braquer une arme sur lui. Néanmoins, le visage de Caleb restait marqué par l’incompréhension alors que Tayla se mit à déblatérer un discours en adoptant un ton des plus calmes. Cette apparente sérénité était d’ailleurs particulièrement déstabilisante pour le militaire qui ne put s’empêcher froncer les sourcils, sans pour autant bouger d’un pouce. Il croyait connaître Tayla mais visiblement, c’était loin d’être le cas. Alors comment aurait-il pu savoir si elle était oui ou non capable de lui tirer dessus à ce moment précis ? Par mesure de précaution, le jeune homme aurait voulu s’éloigner de cette pièce maudite et pourtant, son hôte l’incita à faire exactement l’inverse. Sous la menace de son calibre toujours pointé sur lui, Caleb n’eut donc pas d’autre choix que de s’exécuter.

La première chose qui sauta aux yeux de Caleb lorsqu’il entra dans la pièce, ce fut le nombre impressionnant d’armes qui y trônait. L’idée de s’en servir pour se défendre lui traversa l’esprit mais très vite, et comme si elle venait de lire dans ses pensées, Tayla l’en dissuada. Alors, faute de pouvoir faire quoi que ce soit d’autre, le militaire se concentra sur tout ce qui l’entourait. Rapidement, son regard resta accroché à un tableau rempli de photos et d’articles de presse. Il passa tour à tour sur la photo d’un homme, puis celle d’une petite fille, mais aussi et surtout sur un article traitant du massacre de Ponderosa Drive. « Voila, bravo, qu'est-ce que tu veux qu'on fasse, maintenant ? T'imagines bien qu'il va être difficile de te garder envie, avec le risque que tu ailles répéter tout ce que tu vois ici à tes petits camarades en treillis... Suggestions ? » s’enquit alors la jeune femme, ramenant brusquement Caleb à la réalité. S’efforçant de masquer l’inquiétude et les doutes qui l’envahissaient peu à peu, le militaire braqua son regard dans celui de Tayla, comme s’il cherchait à savoir ce qu’elle pouvait bien sentir ou penser au fond d’elle. Eludant totalement la question qu’elle venait de lui poser, Caleb préféra la questionner : « Qu’est-ce que ça veut dire Tayla ? C’est quoi tout ça ?! » Indéniablement, son regard était attiré par ce tableau qu’il essayait de décrypter sans pour autant pouvoir en dégager la vérité.

Tellement de choses se bousculaient dans l’esprit du militaire qu’il semblait être incapable de réfléchir correctement. Il aurait voulu avoir la force de reprendre ses esprits, et de ne pas se laisser impressionner par tout ce qu’il voyait, mais cette prouesse était bien plus facile à imaginer qu’à mettre en œuvre. L’arme que Tayla pointait sur lui depuis qu’il avait découvert la pièce en question ne l’aidait pas vraiment à se détendre, mais il gardait néanmoins le regard constamment rivé sur tout ce qui l’entourait. A l’aide de toutes les photos et les articles qui recouvraient une partie de la pièce, Caleb tentait de faire le lien entre toutes ces découvertes pour le moins… inattendues. « Enfin, arrête de fixer ça comme ça, un peu plus et je vais me sentir envahie dans mon intimité ! » lâcha la jeune femme pour l’obliger à détourner les yeux, ce qu’il ne fit finalement qu’après quelques instants de flottement. Pour elle, il devenait visiblement un réel problème et peu à peu, il pouvait clairement comprendre pourquoi. Tayla minaudait devant lui et dans d’autres circonstances, Caleb aurait certainement perdu le contrôle de lui-même. Mais à ce moment précis, il ne ressentait plus aucun désir pour elle. Pire, il en venait même à se demander comment il avait pu être aussi stupide pour coucher avec elle, même s’il devait avouer qu’il avait rarement passé une nuit aussi torride.

« Qu'est-ce que je suis censée faire de toi, mh ? » demanda-t-elle finalement, en jouant une énième fois la provocation avec son arme toujours pointée vers lui. Mais le militaire éluda de nouveau sa question. Les sourcils froncés, il comprenait peu à peu tout ce que la jeune femme avait pu lui cacher depuis des années. Certes, ils n’avaient pas été spécialement proches, mais Caleb avait l’intime conviction que tout cela le concernait plus ou moins directement. Le visage fermé, il adopta un ton des plus secs pour la questionner : « Pourquoi tu as atterri à l’USAFA exactement ? Il y a eu ce massacre et puis… plus rien. Tu as disparu… » En réalité, Caleb assemblait les pièces de ce puzzle géant en même temps que ce qu’il parlait. Et pour son plus grand désespoir, tout semblait parfaitement coller. Il aurait voulu se tromper et ne pas avoir raison, mais tout dans l’attitude de Tayla était là pour le conforter dans son idée. Elle y était pour quelque chose, et même s’il ne savait pas encore dans quelle mesure elle avait été impliquée dans le massacre de Ponderosa Drive, la tournure que prenait la situation lui laissait présager le pire. « Qu’est-ce que tu as à voir là-dedans Tayla ?! »

Depuis qu’il avait découvert cette pièce cachée, Caleb avait l’impression de vivre un très, très mauvais rêve. Si seulement il avait pu être capable de faire taire sa curiosité une bonne fois pour toute ! Si seulement il avait écouté les conseils de Tayla, sans chercher à aller à l’encontre de ce qu’elle lui disait ! A vouloir trop jouer les têtes brûlées, il se retrouvait désormais dans de beaux draps ! Le calme et la décontraction qu’affichait son hôte ne lui inspirait pas du tout confiance, et les découvertes qu’il faisait seconde après seconde n’avaient absolument rien de rassurant. Bref, Caleb était en très mauvaise posture et pour une fois, il n’avait aucune idée de la manière il pouvait se sortir de là sans trop de dégâts. Mais quitte à être piégé, le militaire voulait au moins comprendre, éclaircir ce mystère qui régnait autour de la jeune femme et percer ses moindres secrets. « T'as déjà aimé quelqu'un ? VRAIMENT aimé ? Mhm, Loan, peut-être ? » lâcha-t-elle soudain en détournant les yeux vers le mur où trônait la photo de cet homme que Caleb ne connaissait pas. Mais à peine eut-il entendu le prénom de Loan que le visage de Caleb se ferma encore davantage. La mâchoire serré, le militaire était prêt à répliquer à la moindre phrase de travers concernant son ex-petite amie. Mais il n’eut pas le loisir de sortir les crocs, puisque la jeune femme enchaina directement sur sa propre histoire.

Soudain, Caleb sentit l’ambiance changer autour de lui. Pour la première fois, et même s’il n’y avait jamais vraiment songé auparavant, le jeune homme avait l’impression d’entrer dans l’intimité de Tayla. Et pour la première fois, elle se montrait plus faible qu’il ne l’aurait imaginé. Tayla avait donc été mariée à un homme… qui avait été tué quelques mois seulement après la cérémonie. Et tout à coup, cette révélation en venait presque à changer la donne dans l’esprit de Caleb. Bien sûr, il n’oubliait pas les conclusions qu’il venait de tirer à propos du massacre dont elle était coupable, mais il portait désormais sur elle un regard bien différent. L’espace d’un instant, il s’imagina une chose horrible. Il s’imagina lui, à la place de Tayla et Loan dans le rôle de sa femme que l’ont venait lui enlever. Et le simple fait d’y penser lui arracha un frisson. Maintenant, il comprenait ou plutôt : il commençait à comprendre ce qui avait u pousser Tayla à commettre l’irréparable. Mais la jeune femme ne lui laissa malheureusement pas le temps d’y réfléchir plus amplement, puisqu’elle décida de faire remonter la pression en lui confirmant qu’il n’aurait jamais du avoir connaissance de toute cette histoire. Caleb s’efforça de garder tout son sang froid, et releva les yeux pour les braquer dans ceux de son interlocutrice. « Pourquoi l’ont-ils tué ? » souffla-t-il presque froidement. « Ils avaient forcément des raisons de le faire alors… pourquoi ? » Une fois de plus, Caleb éludait totalement les questions de la jeune femme, mais il voulait à tout prix profiter de cet instant de « faiblesse » pour lui soutirer le maximum d’informations, même s’il savait qu’elle était loin d’être assez stupide pour se laisser avoir. Puis soudain, une autre question bien plus pressante lui traversa l’esprit, et le militaire fut d’ailleurs incapable de la garder pour lui plus longtemps. « Et Loan ?! Est-ce qu’elle sait tout ça ? »

Sorry, c'est lamentable !
Et dire que j'étais si bien lancée hier soir !!!!!!

Au moment même où Caleb chercha à savoir pourquoi l’homme dont ils parlaient avait été tué, il sentit qu’il avait une fois de plus vu juste. Même si elle se cachait du mieux qu’elle pouvait, Tayla était clairement déstabilisée, ou plutôt éprouvée par tout ce qu’elle racontait. En temps normal, le militaire aurait d’ailleurs respecté cela, et se serait tut pour éviter de la mettre encore plus mal à l’aise. Mais cette fois, l’enjeu lui semblait bien trop important, et la situation bien trop grave pour lui laisser passer quoi que ce soit. Quitte à la blesser et à lui faire passer un mauvais moment, Caleb devait et voulait tout savoir… même si c’était au péril de sa propre vie. Et au fond, s’il prenait tous ces risques, c’était parce qu’il savait que Loan était elle aussi plus ou moins concernée. Elle n’avait peut-être rien à avoir directement avec toute cette histoire, mais il la savait tellement proche de Tayla que ce qui la touchait elle finirait toujours par toucher Loan d’une manière ou d’une autre. Et puis il devait bien s’avouer que le fait d’avoir été trompé et roulé dans la farine sans jamais s’en rendre compte ne lui plaisait pas spécialement non plus. Bref, Caleb avait toutes les raisons d’aller au bout de son idée et de prendre des risques a priori inconsidérés. Alors que la jeune femme lui répondait avec une certaine ironie, Caleb continuait à scanner la pièce du regard, comme s’il cherchait à en mémoriser les moindres recoins, les moindres détails. Il avait l’impression que tout ici avait une importance, et lui permettrait un jour de comprendre les fondements même de cette pièce secrète.

Mais soudain, la tentation de se renseigner sur le sujet qui l’inquiétait le plus fut trop grande pour qu’il puisse se retenir plus longtemps. Et contre toute attente, Tayla ne rechigna pas à s’expliquer en ce qui concernait Loan. Selon elle, sa meilleure amie n’était au courant de rien, et ce silence était même responsable de la longue période d’éloignement qui avait suivi son départ de l’USAFA. Dans un sens, Caleb se trouva un peu sceptique, mais fut tout de même rassuré. Il éprouva également un petit pincement au cœur pour Loan qui se faisait visiblement mener en bateau depuis tant d’années sans jamais s’être doutée de rien. Mais dans un sens, c’était mieux comme ça. Caleb la connaissait tellement bien qu’il n’avait aucun mal à imaginer les ennuis qu’elle aurait pu s’attirer en sachant sa meilleure amie dans une telle situation. « Enfin, je ne m'attends pas à ce que tu comprennes toutes nos motivations. Maintenant, je voudrais qu'on décide vraiment ce qu'il va arriver après parce qu'on discute, on discute et en attendant, ne crois pas que je ne te remarque pas essayer de gagner du temps... » lâcha alors Tayla, coupant ainsi court à toutes les réflexions du militaire. Mais alors qu’il relevait la tête vers elle, son regard resta accroché sur une photo en particulier : celle d’une petite fille. Les yeux de Caleb firent alors plusieurs allers-retours entre cette photo et Tayla et instinctivement, ses sourcils se froncèrent. « Attends, est-ce que… est-ce que tu avais un enfant avec lui ?! » déduit-il en plissant les yeux à mesure que ses réflexions s’éclaircissaient.

Plus ses yeux parcouraient la pièce, plus Caleb parvenait à faire le lien entre ce que Tayla lui disait, et ce qu’il voyait sur les murs. Peu à peu, il reconstruisait son histoire dans sa tête, et prenait de plus en plus conscience qu’elle n’avait effectivement pas intérêt à le laisser sortir vivant de cette pièce secrète. Mais, la curiosité l’emportant, le militaire ne pouvait s’empêcher de demander toujours plus de détails. A chaque nouvelle question, il savait qu’il risquait un peu plus sa vie mais qu’importe. L’affaire était bien trop importante à ses yeux pour qu’il ne cherche pas à en savoir plus, et à connaitre la vérité. Mais c’est en remarquant la photo d’une petite fille dont les traits lui rappelaient clairement ceux de Tayla que tout bascula dans l‘esprit de Caleb. Lui-même étant père d’un petit garçon, il ne pouvait pas rester insensible au sourire qui illuminait cette petite bouille sur la photo. L’américain s’empressa donc de demander à Tayla si elle était la mère de cet enfant, même s’il pensait clairement connaître la réponse. La jeune femme se dirigea vers le mur pour en arracher la photo de celle qui était bel et bien sa fille, même si l’histoire avait l’air une fois de plus bien plus compliquée que ça.

Brusquement, l’attitude de la jeune femme sembla changer. Caleb crut voir son regard s’adoucir, et elle commença même à lui raconter l’histoire de sa fille, Tinga. Bien qu’elle tente de le cacher, le timbre de sa voix avait également changé et c’est avec la plus grande attention que le militaire écouta la suite. « Quand j'ai appris que j'étais enceinte, j'étais en train d'organiser les funérailles de Jon. Un peu plus de neuf mois plus tard, je rentrais à l'USAFA. Mon plan était déjà prêt, depuis l'instant où ils avaient tué Jon, et Tinga... J'avais rien à lui offrir. J'ai jamais eu de parents, jamais expérimenté quelque chose qui en soit un tant soit peu proche. Mon univers... ou moi, d'ailleurs, on correspond pas à un enfant. » Alors que ses sourcils étaient froncés tant il était concentré sur le récit de Tayla, le cœur de Caleb se serra lorsqu’il imagina tout ce qu’elle avait du traverser. Une fois de plus, le regard qu’il portait sur elle était en train de changer, et la rancœur qu’il éprouvait à son égard se transformait peu à peu en peine, voire même en pitié. Mais alors qu’il s’attendait à tout sauf à un nouvel aveu de poids, Tayla jugea opportun de le mettre au courant d’une toute autre histoire. Elle était victime de harcèlement depuis quelques temps, et tout la poussait à penser que cet ennemi inconnu lui voulait du mal. Tinga n’était autre qu’un moyen de pression pour lui, et en imaginant que quelqu’un puisse lui faire du mal, le regard de Caleb dévia de nouveau vers la photo de la petite fille. Il déglutit en silence tout en serrant les dents pour éviter de montrer ce qu’il pensait réellement de cette situation. « Alors si tu parles à quelqu'un de ce que t'as appris aujourd'hui... Il n'y aura personne pour la protéger. Your call. » lâcha-t-elle pour conclure, laissant sa phrase résonner dans la tête de Caleb pendant quelques instants. Puis, il baissa les yeux en poussant un interminable soupir. Pour la première fois depuis son arrivée dans la pièce, Tayla baissa son arme, et le militaire en profita pour répondre : « Je… je ne dirai rien. C’est d’accord. » murmura-t-il en s’avouant vaincu, victime de son instinct parfois un peu trop prononcé de père.