Une fois de plus, Trevor se retrouvait tapi derrière une voiture, presque en face de la maison dans laquelle vivait Ashton et son fils. Cette maison, il n’avait eu aucun mal à la trouver. En effet, ses nombreuses années passées dans la mafia lui avaient laissé quelques traces, et en suivant la jeune femme à plusieurs reprises sans jamais se faire remarquer, il ne lui avait pas été bien difficile de découvrir où elle vivait. S’il avait fait tout ça, c’était pour une simple et bonne raison : Trevor voulait s’assurer une bonne fois pour toute que Shaun et Ashton étaient en sécurité. Car si ce n’était pas le cas, il ne pourrait s’en prendre qu’à lui. En effet, il y a quelques semaines à peine, Trevor s’était vu contraint de quitter la jeune femme contre son gré. Réalisant que le simple fait de la voir régulièrement constituait pour elle et sa famille un réel danger, il avait préféré couper les ponts. Cette décision avait été difficile à prendre, et douloureuse, mais il s’était efforcé de ne pas écouter son cœur. Ne faisant confiance qu’à sa raison, Trevor s’était persuadé qu’il avait fait ce qu’il fallait. D’ailleurs, l’idée de la côtoyer sans éveiller le moindre soupçon lui paraissait désormais complètement folle, et il en arrivait parfois à se demander comment il avait pu être aussi stupide.

Suite à ces adieux un peu précipités, l’italien aurait aimé tirer un trait définitif sur Ashton et pourtant, force était de constater qu’il en était incapable. La culpabilité et l’inquiétude qui l’habitaient constamment le poussaient à penser à elle toute la journée. Avait-il eu raison de s’éloigner d’elle. Est-ce que cela allait suffire à détourner l’attention des hommes qui l’avaient potentiellement repérée ? Trevor avait beau chercher, il ne trouva qu’un seul moyen d s’assurer que la jeune femme était bel et bien en sécurité : il devait veiller sur elle, de loin, sans se faire remarquer. Depuis plusieurs semaines, l’italien venait alors régulièrement se poster aux abords de la maison d’Ashton et restait là, immobile, parfois pendant plusieurs heures. Et sans que ça ne le surprenne vraiment, ces périodes d’espionnage avaient porté leurs fruits. A plusieurs reprises, Trevor avait remarqué une grosse voiture aux vitres teintées roder dans le quartier, ralentir devant la maison qu’il surveillait puis repartir. Des hommes, eux aussi plutôt louches, trainaient souvent dans la rue, et même s’il ne les connaissait pas personnellement, l’italien était prêt à parier qu’ils avaient quelque chose à voir avec ceux qu’il fuyait. Par sa faute, Ashton et Shaun étaient désormais dans le collimateur des hommes qui le recherchaient, et pour lui, il était hors de question de rester là sans agir, quitte à se mettre une nouvelle fois en danger. Alors, Trevor avait prit son courage à deux mains, et avait rapidement franchit la distance qui le séparait de la porte d’entrée d’Ashton. Plusieurs fois, il tambourina contre le bois massif en espérant qu’elle daigne lui ouvrir, qu’elle soit là, et qu’aucun visiteur mal intentionné ne surgisse derrière lui.

« Qu'est-ce que tu fais là ? » lâcha-t-elle en dissimulant quelque chose derrière son dos. Sans même lui demander son avis, Trevor pénétra dans la maison et referma la porte derrière lui. « Je sais qu’on ne devait plus se voir, je sais que je suis parti comme un voleur la dernière fois mais… écoute… je vous ais… pour ainsi dire surveillés ces derniers temps et… » Trevor baissa les yeux en soupirant, conscient qu’il était grandement coupable de tout cela, avant de terminer : « Je crois qu’ils savent où vous vivez… »

Trevor était totalement partagé entre un sentiment d’extrême culpabilité, et l’envie de faire de son mieux pour mettre Ashton et son fils en sécurité. Depuis des semaines entières, son esprit était torturé, incapable de trouver la bonne solution qui mettrait tout le monde d’accord et surtout, qui ne mettrait personne en danger. Mais ce soir, il lui avait été impossible de résister plus longtemps. En voyant cette voiture rôder autour de la maison, il avait compris l’ampleur du problème, et avait à tout prix voulu en informer Ashton, quitte à se la mettre définitivement à dos. Bien sûr, i craignait sa réaction. Mais quoi qu’elle dise, l’italien ne reculerait pas. Il était ici pour une raison précise, et ne quitterait pas la maison sans s’être assuré que la jeune femme avait pleinement conscience du danger qui planait sur elle et son fils. Elle pensait pouvoir s’en sortir avec son expérience militaire, mais Trevor n’était pas dupe. Ayant « œuvré » lui-même au sein de la mafia, il savait pertinemment que ceux qui la cherchaient n’avaient absolument rien à faire de ce genre d’institution. Tout ce qui les obsédaient était de régler leurs comptes à droite à gauche, et Trevor ne connaissait rien qui puisse les arrêter ni même les dissuader.

Une fois à l’intérieur de la maison, Trevor tenta de se détendre un peu mais c’était bel et bien peine perdue. Ce qu’il venait annoncer à la propriétaire des lieux était bien trop lourd, et il se savait être le seul responsable de tout ça. Alors, il ne prit aucune pincette ni aucune précaution, et lui déballa presque immédiatement les craintes qu’il nourrissait pour elle. Comme il aurait aisément pu l’imaginer, Ashton parut totalement abasourdie, et elle lui ordonna de la suivre jusque dans la cuisine, ce qu’il fit d’ailleurs sans rechigner. « Qu... mais, comment ? » souffla-t-elle devant un Leo désemparé qui ne put que secouer la tête en avouant : « J’en sais rien… J’en ai pas la moindre idée, mais ils trainent ici, dans ton quartier. » Ce qui tracassait le plus l’italien dans l’histoire, c’est qu’il ne savait absolument pas comment aider Ashton. Il pouvait la mettre en garde, la prévenir que des hommes étaient probablement à ses trousses, mais était tout bonnement incapable de la protéger. Même en restant ici avec elle et en attendant la venue de ses ex-collègues, Trevor ne ferait que lui attirer plus d’ennuis, et accélérer encore un peu leur démarche. « C'est impossible, Leo... » lâcha-t-elle une nouvelle fois après avoir réfléchi. Elle proposa ensuite au jeune de boire quelque chose, mais ce dernier secoua la tête, se sachant incapable d’avaler quoi que ce soit dans de telles circonstances. « Non… Non, merci. »

Trevor jeta un rapide coup d’œil autour de lui, tout en réfléchissant à d’éventuels moyens de les sortir de là sans trop de dégâts. Mais il avait beau chercher, aucune solution miracle ne lui apparaissait, malheureusement. « Ashton, vous ne pouvez pas rester là, c’est tout ce que je peux te dire. Il faut brouiller les pistes, il faut qu’ils abandonnent leurs recherches. S’ils continuent, ils finiront par débarquer ici et… » En imaginant ce qu’il pourrait alors se passer, l’italien ferma les yeux quelques instants et soupira : « Et je ne veux pas leur laisser l’occasion de te faire du mal. Ni à toi, ni à Shaun. »

Trevor avait été tellement heureux de retrouver Ashton après toutes ces années, il avait tellement cru que cette amitié qu’ils avaient tissé pouvait marquer pour eux un nouveau départ, que ce soir, la déception était à la hauteur de ses espoirs. Tout s’était écroulé en un rien de temps, et ce de la pire manière qui soit. Les plus grandes craintes de l’italien s’étaient matérialisées sous ses yeux, lorsqu’il avait comprit que ses propres ennemis étaient désormais aux trousses de la petite famille d’Ashton. L’enjeu pour lui était donc de faire en sorte qu’elle le prenne au sérieux, et qu’elle comprenne l’ampleur du problème qui planait sur eux. « Mais, enfin... on a arrêté de se voir, qu'est-ce qu'on peut faire de plus ?! A t'entendre, c'est eux ou nous... » déclara-t-elle d’un air visiblement désespéré. A vrai dire, Trevor se posait précisément les mêmes questions qu’elle et il ne put que secouer la tête pour démontrer une nouvelle fois qu’il était totalement désemparé. « Je pense qu’ils nous ont vu bien avant qu’on décide d’arrêter… Je… j’ai réalisé tout ça bien trop tard. Tout est de ma faute. » avoua-t-il alors d’un air résigné. Depuis des jours et des semaines, l’italien n’avait de cesse de se répéter qu’Ashton n’avait rien à voir dans tout ça. Et pourtant, elle semblait aujourd’hui être la cible numéro un dans une course poursuite à laquelle elle n’avait jamais voulu participer. Alors même si elle avait plusieurs reprises tenté de le rassurer, Trevor ne pouvait que se sentir coupable.

Une fois de plus, Trevor visa juste en évoquant le danger que courait Shaun. En effet, il ne lui avait pas fallu bien longtemps pour comprendre à quel point ce petit bonhomme pouvait compter pour Ashton, et c’était d’ailleurs bien légitime. Brusquement, elle quitta la pièce et l’italien la suivit sans vraiment comprendre. D’un pas pressé, ils rallièrent alors la chambre du petit garçon. A peine eut-elle ouvert la porte que le regard de Trevor se posa sur un Shaun paisiblement endormi, et dont la seule vision fut suffisante pour serrer encore davantage le cœur de l’italien. Ce petit bonhomme n’était certainement pas conscient de ce qui était en train de se tramer autour de lui et pourtant, Trevor craignait qu’il soit la cible privilégié des hommes qui lui en voulaient. « Je veux pas leur laisser l'occasion de lui faire du mal non plus, tu sais, mais je sais pas ce que... » Ahston se tut avant même d’avoir terminé sa phrase, éveillant du même coup la curiosité du jeune homme qui se demanda si elle était en train de craquer ou si au contraire, une idée était en train de germer dans son esprit. Et il eu d’ailleurs sa réponse assez rapidement, se demandant même comment il avait pu penser qu’elle baissait les bras.

Elle connaissait un endroit. Un endroit où elle pourrait visiblement être en sécurité avec son fils. Mais avant que l’italien n’ait pu prononcer le moindre mot, Ashton lui annonça qu’elle ne comptait pas y aller sans lui. Trevor n’était pas certain qu’il s’agisse d’une bonne idée, mais il voulait tout de même en savoir plus. Alors, en murmurant tant à cause de la proximité de Shaun que de l’importance de l’information, il la questionna : « Qu’est-ce que… qu’est-ce que tu veux dire ? A quoi tu penses ? »

Depuis des semaines entières, Trevor avait cherché un moyen de se sortir de ce mauvais pas. On pouvait même dire qu’il se préparait à réagir à ce genre de situations depuis son arrivée à New-York car au fond, il avait toujours su que son passé finirait par le rattraper. La seule chose qu’il n’avait pas prévue, c’était d’entrainer d’autres personnes dans sa chute. Et, comble de malchance, ces personnes-là n’étaient pas n’importe qui puisqu’il s’agissait d’Ashton et de son fils, Shaun. Autant dire que cela compliquait énormément la tâche de l’italien. S’il avait été seul dans cette histoire, il aurait déjà eu du mal à trouver un moyen d’échapper durablement aux hommes de son père, mais en ayant deux personnes de plus à protéger, l’équation devenait tout bonnement impossible à résoudre. Et pourtant, le regard d’Ashton s’était soudain éclairé, comme si elle venait de trouver la solution miracle qui pourrait la sauver. Et sans qu’il ne sache encore de quoi il s’agissait, elle annonça même à Trevor que ça le concernait, lui aussi. La jeune femme ne voulait a priori pas le laisser se débrouiller tout seul et même si c’était pour le moins incompréhensible, il appréciait cette attention.

« A la mort de Garreth, j'ai reçu un héritage. J'y suis jamais allée, mais apparemment, son patrimoine familial consistait en un manoir, dans le nord de l'Angleterre. Je sais juste que c'est dans la campagne, et j'en ai parlé à presque personne. Je pensais même pas y aller avant mes vieux jours. » expliqua-t-elle alors en chuchotant tout comme Trevor l’avait fait un peu plus tôt. Il fallut d’ailleurs au jeune homme un petit moment pour remettre les choses dans l’ordre dans son esprit. Garreth avait partagé la vie d’Ashton pendant un bon bout de temps, et il était même le père de son fils. Il était donc tout à fait normal qu’elle ait hérité de son patrimoine après l’accident qui lui avait couté la vie. Peu à peu, Trevor réalisait que son idée n’était pas si mauvaise que ça, et qu’elle pouvait même être celle qui leur sauverait la mise. Seulement voilà, Ashton avait beau essayer de le convaincre en lui assurant qua personne ne les suivrait jusqu’en Angleterre, la mine de l’italien restait toujours aussi sceptique.

« Je… Ashton c’est parfait. Il faut que vous partiez au plus vite ! Mais… Tu sais, en restant ici, j’ai plus de chances d’attirer de nouveau leur attention vers moi. Et s’ils se remettent à me chercher moi, ça vous laisse une chance… Ils pourront peut-être abandonner l’idée de vous retrouver mais… ils ne renonceront jamais à me faire payer ce que je leur ai fait. » Trevor baissa les yeux en soupirant. Bien sûr, il aurait aimé partir avec eux, histoire de se mettre à l’abri et de s’accorder une bouffée d’air bien méritée. Mais s’il voulait être certain qu’Ashton et Shaun seraient définitivement sortis d’affaire, il se devait de rester à New-York pour ne pas leur attirer de nouveaux ennuis, et surtout pour garder un œil sur ces hommes qu’il avait repéré aux abords de la maison.

En réalité, Trevor n’avait pas passé énormément de temps avec Ashton. Lors de leur toute première rencontre, ils n’étaient restés ensemble durant quelques heures seulement. Et depuis son arrivée à New-York et leurs retrouvailles, ils n’avaient partagé que quelques cafés tous les deux. Pourtant, l’italien avait l’impression de s’être attaché à elle plus qu’il ne l’avait jamais été avec personne. Elle avait ce petit quelque chose qui le faisait craquer, même s’il ne pouvait pas mettre un nom dessus. Quoi qu’il en soit, cet attachement, aussi étrange et inattendu soit-il, le poussait à vouloir la protéger, elle et son fils. Pour eux, il se sentait capable de se sacrifier et de sacrifier son rêve de liberté qui était, il devait bien se l’avouer, déjà relativement compromis. Alors foutu pour foutu, autant qu’il reste seul dans cette affaire. Mais malgré toutes ses bonnes intentions, Trevor n’avait pas pu éviter d’entraîner Ashton avec lui, et aussi incompréhensible que cela puisse paraître, elle ne voulait pas s’en sortir seule. Avec tous les risques que cela comportait pour elle et pour Shaun, la jeune femme insistait pour qu’il l’accompagne dans sa fuite.

Elle parlait de suicide, de ses capacités à se défendre et surtout du pouvoir que les hommes de la mafia exerçaient sur lui et au fond, l’italien savait bien qu’elle avait raison. S’il avait été totalement égoïste, il aurait accepté son offre sans ciller et se serait embarqué avec eux au risque de tout faire foirer. Mais même s’il se savait lâche, le jeune homme ne l’était pas au point d’imposer les dangers qui l’entouraient à Ashton. « TU trouveras un moyen de résoudre tout ça là-bas. Je m'impliquerais plus, mais juste cette fois, s'il te plaît... fais moi confiance et viens avec nous. Ca sert à rien de te jeter au milieu des tirs ennemis, Leo, et ça te sauvera certainement pas la vie... » souffla-t-elle en donnant l’impression à Trevor qu’elle s’emportait. La jeune femme lança d’ailleurs un bref regard en direction de son fils, histoire de vérifier qu’elle ne l’avait pas réveillé en haussant le ton. Le regard de Leo, lui, était rivé vers le sol. Son cœur battait à tout rompre et son esprit bouillonnait pour tenter de trouver une issue, qu’il savait déjà inexistante, à leur problème. Mais force était de constater qu’Ashton avait dans ses mains LA solution, al seule qui leur permettrait de sauver leur peau, au moins pour un temps. Alors, l’italien releva lentement les yeux vers la jeune femme et murmura : « D’accord, je… je viens. » Même si sa présence était synonyme de danger, elle signifiait aussi qu’il pourrait garder un œil sur Shaun et Ashton et ça, c’était précisément l’idée qui avait fini de le convaincre. Mais soudain, une nouvelle vague d’inquiétude vint le saisir, et il ne tarda pas à en faire part à sa voisine : « Il faut faire vite… Est-ce que tu penses qu’on peut partir avant demain matin ? Je ne sais pas exactement où ils sen sont alors… le plus tôt sera le mieux. » Il laissa ensuite échapper un soupir, et afficha une mine des plus désolées en ajoutant : « Merci Ashton. C’est… c’est très important ce que tu fais pour moi… »

C'est toi Tu devais avoir faim en me répondant

Comprenant visiblement toute l’urgence de la situation, Ashton ne tarda pas à regagner son salon pour se poster devant son ordinateur et chercher au plus vit un vol qui pourrait permettre leur « évasion ». Elle fut d’ailleurs si efficace que quelques heures plus tard, Trevor se retrouvait installé dans un avion aux côté d’Ashton et Shaun, qui était apparemment contrarié d’avoir été réveillé si brusquement. Mais l’italien était tellement stressé par tout ça que même les pleurs du petit garçon ne suffisaient pas à le faire redescendre sur Terre. Il se sentait à la fois coupable et soulagé, mais ne pouvait s’empêcher de faire carburer son esprit à plein régime en repensant aux dangers qui pourraient éventuellement les poursuivre. Trevor était tellement préoccupé qu’il resta quasiment silencieux durant la totalité du voyage. Seuls quelques regards échangés avec Ashton vinrent entretenir le contact jusqu’à ce que l’avion finisse par se poser à l’aéroport de Leeds. S’ensuivirent quelques heures de route à bord d’une voiture qu’Ashton avait prit soin de réserver. Puis, après plusieurs kilomètres passés sans croiser âme qui vive, ils se retrouvèrent en face d’un véritable paysage digne des plus grands films d’horreur. Comme suspendu au-dessus du vide, un immense manoir se dressait devant eux, faisant même entrouvrir la bouche d’un Trevor saisit d’admiration. Car même si l’endroit avait quelque chose d’effrayant comme le souligna la jeune femme, il n’en restait pas moins magnifique.

« Tu restes avec Shaun ? Je vais jeter un coup d'oeil. » lança alors Ashton sans vraiment lui laisser le choix. Trevor aurait préféré l’accompagner, mais il ne pouvait pas laisser le petit garçon seul dans la voiture. Alors il le prit dans ses bras, le berçant du mieux qu’il pouvait en gardant l’oreille tendue vers l’intérieur du manoir. « L'endroit est SUPER ! Je crois que je vais pas retourner à New York, c'est... wow ! » s’exclama Ashton en ressortant du manoir quelques minutes plus tard. Elle s’attela alors à ouvrir le coffre pour en sortir leurs quelques bagages. Trevor aurait voulu venir lui prêter main forte, mais il tenait toujours Shaun dans ses bras. Il se contenta donc de la regarder, sans pouvoir s’empêcher de sourire devant l’enthousiasme qu’elle affichait. Mais, sans qu’il ne voit rien venir, Ashton vint lui reprendre le petit garçon des bras, l’invitant ainsi à rentrer leurs bagages dans ce qui allait être leur demeure durant quelques temps. L’italien lança un regard faussement accusateur en direction de la jeune femme, mais finit par laisser échapper un éclat de rire en se saisissant d’un maximum d’affaires. Il lui fallut néanmoins deux ou trois voyages avant de renter la totalité de leurs sacs, après quoi il put enfin jeter un œil plus e détails sur les lieux. Le nez en l’air, Trevor n’en revenait pas. Pour son tout premier séjour en Angleterre, il n’était pas déçu ! Il venait d’atterrir dans un manoir des plus typiques, même s’il aurait préféré que cela se fasse dans d’autres conditions. « Wow, c’est… magnifique ! Il devait être sacrément… » riche ton mari. Voilà ce qu’il était censé ajouté, mais qu’il se garda bien de dire en réalisant son erreur. Au lieu de ça il grimaça, puis baissa les yeux en murmurant : « Désolé. »

La taille impressionnante et le faste qui régnait dans ce manoir laissait littéralement Trevor sans voix. D’aussi loin qu’il se souvienne, il n’avait jamais rien vu de tel, et l’enthousiasme qu’il éprouva en pénétrant dans le bâtiment lui fit même perdre un peu le sens des réalités. Il évoqua l’ex-petit ami d’Ashton avec si peu de tact qu’il s’empressa de s’excuser, avant de constater avec un certain soulagement qu’elle ne semblait pas lui en tenir rigueur. Au contraire, elle afficha même un petit sourire tout en admirant elle aussi la beauté de l’endroit. Pour la première fois depuis des lustres, l’italien se sentait un tant soit peu en sécurité, et il avait l’impression que quelqu’un était venu lui enlever ce poids énorme qu’il portait depuis trop longtemps. Se sentir loin de toute menace, et surtout savoir qu’Ashton et Shaun étaient près de lui, c’était un peu comme pouvoir respirer de nouveau. Trevor se sentait tout à coup revivre alors qu’il en avait perdu tout espoir en s’apercevant que les mafieux qu’il fuyait n’avaient pas tardé à remettre la main sur lui. Mais à cet instant précis, il n’avait plus à se soucier d’eux, il pouvait simplement profiter de ce moment de répit aux côtés des deux personnes qui comptaient le plus pour lui depuis son arrivée à New-York. L’italien était songeur, mais il fut vite sorti de ses pensées par la jeune femme qui reprenait la parole d’un ton qui suscita une grande admiration de la part de Trevor. « Et oui, il devait l'être ! J'étais au courant de rien. Seize ans à se connaître, huit à être ensemble, et il ne m'a jamais parlé de cet endroit... ou de son argent. » Les deux jeunes gens n’avaient pas réellement parlé en détail du défunt petit ami d’Ashton auparavant, et en apprenant que leur histoire avait été si longue, Trevor ne su dire s’il était admiratif, jaloux ou attendri. Si la mafia ne s’en était pas mêlé, peut-être que son histoire avec Elena durerait encore ? Mais son destin en avait décidé autrement, tout comme celui d‘Ashton avait frappé en lui enlevant Garreth. Soudain mal à l’aise, Lo ne savait plus s’il devait tenter de réconforter sa voisine ou au contraire se taire et la laisser gérer ça toute seule. Mais heureusement, elle lui apporta rapidement une réponse en retrouvant son enthousiasme habituel.

« Il a un peu de fièvre... tu m'aides à monter le berceau ? » déclara-t-elle alors en déposant un baiser sur le front de Shaun. Instinctivement, Leo porta lui aussi sa main en direction du front de l’enfant, et afficha une petite grimace malgré l’enthousiasme apparent de Shaun qui gigotait dans tous les sens. L’italien acquiesça puis fit signe à Ashton de passer devant, avant de se saisir du berceau en question ainsi que du trépied qui lui permettrait de le poser. Alors qu’il la suivait, Leo pouvait voir Shaun battre des mains vers lui et il ne put s’empêcher de lui sourire timidement. Même s’il n’était clairement pas à l’aise ni même doué avec les enfants, ce petit bonhomme l’attendrissait bien plus qu’il ne voulait le montrer, et c’était bien la première fois qu’il ne ressentait pas uniquement de la crainte et du dégout en face d’un bébé. Une fois arrivés dans une des chambres de l’étage, le jeune homme déplia le trépied et disposa le berceau dessus, en prenant bien soin de vérifier à plusieurs reprises que l’ensemble était bien stable. Puis il se dirigea vers le radiateur et y bricola quelques instants avant de se retourner d’un air quasi-victorieux. « Voilà… ça devrait commencer à chauffer dans pas longtemps, mais… rajoute-lui quand même des couvertures… »

Leo ne s’était jamais réellement occupé d’un bébé mais avec Shaun, c’était comme une évidence. L’idée d’aller bricoler le chauffage, de demander à Ashton de lui rajouter des couvertures… Toutes ces petites choses auxquelles il n’aurait sans doute jamais pensé en présence de quelqu’un d’autre et qui pourtant lui avaient sauté aux yeux aujourd’hui. Même s’il ne le voyait pas très souvent, ce petit bonhomme avait su attirer son attention et éveiller sa tendresse. En se rapprochant du berceau qu’il venait d’installer, Trevor posa d’ailleurs un regard totalement attendri sur le petit garçon qui croulait visiblement sous le sommeil. Le fait de voir la manière dont Ashton agissait avec son fils avait également quelque chose d’attendrissant pour l’italien qui ne s’était pourtant jamais arrêté à ce genre de détails. Mais depuis qu’il avait prit conscience qu’il avait potentiellement mis en danger ces deux vies qui n’avaient pourtant rien à voir avec son passé de mafieux, tout lui paraissait bien différent. Il voyait les choses sous un autre angle, et en profitait peut-être un peu plus qu’avant. « Si on reste dans le coin, il va falloir qu'on nettoie les endroits stratégiques... Mais pour le moment, je sais pas pour toi mais moi je mangerais bien quelque chose. » déclara alors Ashton après avoir inspecté la pièce d’un peu plus près. Leo hocha la tête quasi-frénétiquement en affichant un petit sourire, constatant également que son ventre gargouillait depuis un certain temps. Il lança alors un dernier regard vers Shaun qui s’était déjà endormi, puis suivit Ashton en descendant jusqu’à la cuisine.

Comme s’il était en train de visiter un véritable château, Trevor ne pouvait s’empêcher de poser son regard partout autour de lui. Et où qu’il passe, l’italien tombait sur des petites merveilles… Visiblement, c’était également le cas d’Ashton puisqu’une fois dans la cuisine, elle ne tarda pas à leur dégoter une véritable cave à vin, de laquelle elle sortit une bouteille qui devait certainement valoir une fortune. « Courtoisie de la maison ! » s’exclama-t-elle en la disposant sur la table en compagnie de toutes les autres victuailles qu’ils avaient pu ramener de l’aéroport. Comme s’il laissait tout à coup retomber toute la pression qu’il portait depuis des mois, Leo se laissa tomber sur la première chaise qu’il trouva et attrapa le verre de vin que la jeune femme venait de lui servir. Il en aspira une gorgée qu’il garda quelques instants en bouche, avant de se mettre à sourire en confirmant : « Je n’en ai jamais bu d’aussi bon… » Ashton ajouta qu’ils l’avaient bien mérité, et l’italien était tout à fait de son avis. Alors, il lui répondit avec un large sourire avant de gouter de nouveau à ce breuvage. Il se servit ensuite quelques petites choses à grignoter, puis retrouva son sérieux en repensant à tout ce qu’ils venaient de vivre. Son visage se referma quelque peu alors qu’il relevait les yeux pour les braquer sur Ashton. « Je… je sais pas comment te remercier de m’avoir emmené avec vous… Ca faisait tellement longtemps que je ne m’étais pas senti en sécurité comme ici, c’est… Merci Ashton. Merci beaucoup. J’oublierai jamais ce que t’as fait là… »

Ce moment de calme après la tempête était tout simplement délicieux. Et pourtant, Trevor devait mettre en œuvre des efforts considérables pour en profiter. Depuis des mois entiers i avait prit l’habitude d’être constamment sur le qui-vive. A chaque instant, il s’attendait à ce qu’une catastrophe lui tombe dessus et le fait d’être totalement serein était devenu tellement impensable pour lui qu’il ne se sentait pas tout à fait à l’aise. Cependant, la présence d’Ashton à ses côtés, et le verre de vin blanc qu’elle lui servit l’aidèrent à rasséréner un peu, et à se persuader qu’il ne risquait absolument rien dans ce coin de campagne totalement isolé du reste du monde. Alors, après s’être autorisé à manger quelque chose pour calmer la fin qui le tiraillait depuis plusieurs heures, l’italien tint à remercier Ashton pour tout ce qu’elle avait fait pour lui. Sans elle, il aurait peut-être été aux mains de ses ennemis à l’heure qu’il était ! Et le simple fait de s’imaginer dans une telle situation suffisait à le faire frissonner. La jeune femme, de son côté, se contenta de sourire en lui rappelant à quel point il avait été difficile de le convaincre. Pour seule réponse, Leo esquissa une petite grimace avant d’engloutir un nouveau morceau de pain.

« C'est normal, Leo... j'allais pas te laisser te faire tuer, enfin... Me remercie pas, c'est toi qui est venu m'avertir, sans ça aucun de nous serait peut-être encore en vie... Et pour toi, c'était normal, hein ? T'allais pas me laisser comme ça, en danger. Bah voilà, moi c'est pareil. Alors... Je suis juste contente qu'on soit toujours en vie. » Tout ce qu’elle disait était criant de vérité, si bien que le jeune homme baissa les yeux en déglutissant avec quelques difficultés. Mais malgré la gravité de la situation, Ashton ne tarda pas à retrouver le sourire. Traçant même des plans pour les jours à venir, elle proposa à Leo de s’occuper de l’intérieur tant que le temps les empêcherait de sortir, pour ensuite se concentrer sur la visite des terrains extérieurs. Tout en récupérant son verre, l’italien se releva et hocha la tête en se dirigeant vers la fenêtre la plus proche. « Oui, il y a pas mal de truc à faire à l’intérieur… Et j’imagine qu’on n’a pas encore tout vu en plus ! Mais il faut qu’on mette de l’ordre ici, dans les chambres, et dans la salle de bain… ça sera déjà pas mal. » Une fois arrivé devant la fenêtre, Trevor s’immobilisa et plongea son regard au loin. Le paysage était à couper le souffle et bizarrement, son cœur se serra. Sans savoir ni comprendre pourquoi, il se mit à repenser à Elena. Aux soirées qu’ils passaient tous les deux aux alentours de Milan pour en admirer les lumières, seuls au monde, loin de toute l’agitation de la ville. Peut-être y pensait-il parce qu’il avait passé ses derniers moments de sérénité avec elle ? L’histoire qu’il avait vécue avec elle était encore aujourd’hui la plus belle chose qu’il lui soit arrivé, mais aussi la pire. Oubliant presque la présence d’Ashton et le cours de leur conversation, Leo se perdit dans ses pensées et laissa échapper un long soupir rempli de nostalgie et de remords.